AGOT 37 – Daenerys IV

Forums Le Trône de Fer – la saga littéraire Au fil des pages AGOT 37 – Daenerys IV

  • Ce sujet contient 17 réponses, 11 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Yunyuns, le il y a 4 années et 4 mois.
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    Sans-Visage
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    AGOT 37 – Daenerys IV
    Au fil des pages – liste des sujets

    AGOT 36, Eddard IX AGOT 38, Bran V

    On arrive à Vaes Dothrak, au pied de la Mère des Montagnes, ville marquée par la présence de deux gigantesques statues d’étalons en bronze dont les sabots forment une ogive. Quoi de plus normal pour le peuple du cheval ? Ce monument doit faire son effet à ceux qui le voient pour la première fois. Je ne peux m’empêcher de penser au Titan de Braavos, une autre statue qui marque l’entrée d’une autre ville.

    Viserys, le roi moqué

    Si Viserys monte en compagnie de Daenerys et de Jorah Mormont, ça n’a pas toujours été le cas. Rappelons-nous qu’il s’est vu relégué au rang de marcheur, position infamante aux yeux des Dothrakis, pour qui chevaucher est aussi naturel que de respirer. Pour preuve, le sobriquet dont il a été affublé : Khal Raeh Mhar, le roi claudicant. Heureusement, le prince déchu ne comprend pas le Dothraki. Pas plus qu’il ne saisit la honte de se retrouver ensuite dans une carriole, après tout, il est roi, ou devrait l’être, et les rois se font conduire par leurs sujets. Khal Rhaggat, le roi charrié, c’est ainsi qu’on l’appelle désormais. Il n’y a que les faibles qui se font charrier, mais Viserys n’en a pas conscience. Sa sœur, si, qui supplie Jorah de ne rien lui dire, le pauvre, ce serait une telle humiliation ! Elle va jusqu’à pratiquement se prostituer pour qu’il puisse monter de nouveau, prodiguant de savantes caresses à Drogo pour convaincre celui-ci. Les leçons de Doreah se révèlent utiles.

    On traverse d’abord une allée constituée d’une multitude de statues de divinités variées. Daenerys est impressionnée, pas Viserys, qui trouve encore le moyen de rabaisser les Dothrakis, ces sauvages à qui il demande seulement de savoir tuer et qui ne comprennent rien. La Khaleesi lui demande de ne pas parler ainsi de ceux qui sont son peuple désormais. Une branche qui ne plie pas sous le vent se brise. Daenerys, soumise à la volonté des autres, notamment de son frère, a décidé qu’elle ne se briserait pas. C’est ainsi, à mon sens, qu’elle prend sur elle d’accepter son destin. On l’a mariée à un Dothraki ? Alors les Dothraki seront son peuple. Pour moi cela dénote une belle volonté de survivre et de trouver sa place.

    Jorah parle de la nécessité de présenter Daenerys au dosh khaleen, un « rond de commères » selon Viserys, où l’on établira des prophéties sur l’enfant à naître. Évidemment, celui qui fut le roi charrié prend tout ça de haut et parle de « pitrerie ». Au cours de cette discussion, on remarque que son vêtement est crasseux et couvert de sueur. Daenerys aussi l’a remarqué…

    Les forces en présence

    Lorsque Viserys s’éloigne, Daenerys s’entretient avec Jorah Mormont. Celui-ci répète que le frère de la Khaleesi n’a guère sa place dans le khalasar. Drogo, en recevant son épouse, a reçu un cadeau. Il rendra la pareille, lorsqu’il le jugera bon, mais nul ne peut rien exiger d’un khal. En attendant un paiement, Viserys se fourvoie.

    Lorsque Jorah déclare avec dédain que « Eût-il dix mille balais de bruyère qu’il ne balaierait pas même une étable », Daenerys lui demande ce qui se passerait si « un autre que lui les menait ? Quelqu’un de – de plus énergique ? ». Tiens donc, la khaleesi aurait-elle des vues sur le commandement de l’armée dothrak ? Sinon, pense-t-elle à quelqu’un d’autre en particulier ? Khal Drogo ? Elle a bien conscience que son frère est tout sauf un chef de guerre et un monarque inspirant le respect de ses sujets…

    Mormont répond que les Dothrakis sont non seulement d’excellents cavaliers, qu’ils ne connaissent presque pas la peur et que leurs arcs sont meilleurs, mais qu’ils sont de plus très nombreux. Rien que le khalasar de Drogo compte quarante mille guerriers. Il raconte également qu’au Trident, Rhaegar devait avoir autant d’hommes, mais la plupart n’étaient que des francs-coureurs et des fantassins guère bien armés. Quand Rhaegar est tombé, nombreux sont ceux qui ont pris la fuite.

    « Je vous en fais juge : combien de temps pareille racaille résisterait-elle à l’assaut de quarante mille “gueulards” altérés de sang ? »

    Il est alors question de l’Usurpateur. Robert Baratheon n’est pas un lâche et ne sera pas du genre à se réfugier dans un château. De même que les Dothrakis n’ont guère le goût du siège. Or, s’ils se rencontrent en terrain découvert, les guerriers de Drogo pourraient avoir l’avantage. Seulement, ceux que Jorah appelle avec raison « les meneurs du bal », les membres du Conseil Restreint, voudraient empêcher leur roi de commettre cette folie.

    Daenerys remarque la haine de Jorah vis-à-vis de Stark. Mormont l’exècre en effet depuis qu’il lui a pris tout ce qu’il aimait. « Et pourquoi, je vous prie ? Pour une poignée de braconniers pouilleux ! Le prix de son précieux honneur… ! » Non Jorah n’a toujours pas digéré… C’est à cause d’Eddard qu’il se retrouve en exil, dépouillé de tout et surtout de son honneur. Son honneur contre celui, préservé, de Stark !

    Vaes Dothrak elle-même, très étendue, mais sans remparts ou limites, est constituée de bâtiments hétéroclites. Jorah apprend à Daenerys que tout cela vient des esclaves qui ont été ramenés de razzias. Les Dothrakis ne construisent pas. De plus, seules les reines douairières et leurs serviteurs vivent à Vaes Dothrak. Un jour, dit-on, tous les khalasars seront réunis en cet endroit. Tous doivent également déposer les armes : faire couler le sang (je note : d’un homme libre, les esclaves on s’en fiche. Dites-moi si je me trompe), en ce lieu est strictement interdit, voire tabou.

    Khal Drogo se rend sur la Mère des Montagnes pour procéder à un sacrifice. Seuls les hommes y sont admis et le khal ne reviendra qu’à l’aube. Daenerys se réjouit de pouvoir passer une nuit tranquille. Sa grossesse est fatigante pour elle et les étreintes de Drogo n’arrangent rien.

    Mieux que la Garde Royale ?

    Par le biais de la khaleesi, on apprend ce que sont les sang-coureurs : bien plus que de simples gardes affectés à la protection de leur khal, ils sont en réalité plus que des frères de sang pour celui-ci. Dévoués jusqu’à la mort, et même au-delà. Daenerys songe à celui qui a lâchement tué son père et qu’on surnomme à présent le Régicide, ainsi qu’à Barristan le Hardi qui a rejoint l’Usurpateur. Deux chevaliers qui avaient juré de défendre leur souverain ! C’est décidé, le fils de la khaleesi aura ses sang-coureurs.

    Daenerys n’est pourtant pas très rassurée par les sang-coureurs de Drogo. Hormis Cohollo qui la traite correctement, elle trouve Haggo menaçant et Qhoto féroce. Fort heureusement pour elle, Khal Drogo ne va pas jusqu’à partager son épouse avec eux comme le voudrait un usage archaïque ! Par contre, Qhoto n’hésite pas à violenter Irri : « sa brutalité faisait parfois, la nuit, sangloter Irri ». Et peut-être Doreah aussi ? En tout cas, il se montre violent : « pour peu qu’il la touchât, la douce peau blanche de Doreah se talait de bleus ».

    Le cadeau d’une sœur à son frère

    Puis, Daenerys profite d’un bain brûlant et demande à Doreah d’aller chercher Viserys. Elle a préparé un cadeau à son frère : une magnifique tenue dothrak pour remplacer la sienne, sale et couverte de sueur. Sûrement, lorsque Viserys apparaîtra avec ces habits, sera-t-il respecté davantage par les dothrakis !

    Hélas, Daenerys se fait de douces illusions. Viserys arrive, furieux qu’elle ait osé le faire chercher. « On ne convoque pas le Dragon ! » La khaleesi essaye de calmer le jeu, de faire comprendre à Viserys qu’elle n’avait que de bonnes intentions. Mais son frère considère ce présent avec mépris. C’est là que Daenerys commet une erreur : quand il lui demande s’il doit également se tresser les cheveux, elle lui rappelle que « la tresse se mérite par des victoires, tu le sais bien. » Que n’a-t-elle pas dit là ! Cependant, Viserys n’ose la frapper. Il lui serre pourtant le bras si méchamment que sa sœur prend peur et redevient une petite fille terrorisée. Instinctivement, elle s’empare de la ceinture destinée à son frère et lui cingle le visage…

    « C’est toi qui t’oublies, dit-elle. Ta mésaventure de la mer Dothrak ne t’aurait-elle rien appris ? Va-t’en, maintenant, vite, ou je te fais expulser par mon khas. Et les dieux te gardent que Khal Drogo n’apprenne ton comportement. Il t’éventrerait pour te faire avaler tes propres entrailles. »

    Non seulement Daenerys a osé lever la main sur son frère, sur le Dragon, sur l’héritier des sept Couronnes, mais en plus elle va jusqu’à lui donner l’ordre de s’en aller – lui qu’une simple invitation a rendu furieux – tout en le menaçant ! La timide petite Daenerys a bien grandi, elle se montre de plus en plus forte. Viserys, stupéfait, la menace à son tour, mais disparaît.

    La khaleesi n’a pas faim et saute le repas. Elle réclame un des œufs de dragon et Irri lui donne celui aux écailles vert sombre. Daenerys installe l’œuf tout contre elle, contre son ventre. Elle a l’impression que ce contact la rend plus forte. « Un peu comme si les dragons putréfiés à l’intérieur lui communiquaient leur propre énergie. »

    Petite parenthèse, je serais curieuse de savoir quel dragon de Feu & Sang a pondu ces œufs….

    Le fils de Daenerys est le vrai Dragon, elle le sait. Elle finit par s’endormir et rêve des sept couronnes.

    Conclusion

    J’avoue que j’ai un peu de mal à me représenter Vaes Dothrak.

    Le pauvre Viserys est décidément ridicule – et ridiculisé : il a tellement l’idée d’être le souverain légitime, il est tellement dans l’optique d’être amené à gouverner, alors qu’il se conduit en réalité non comme un seigneur inspirant le respect, mais comme un être risible, seulement digne de mépris. Est-il réellement persuadé de son importance, ou bien joue-t-il le rôle qu’il pense que l’on attend de lui ? Pense-t-il que c’est ainsi que doit se comporter le roi, le vrai roi ? Ou bien n’est-il qu’un enfant apeuré, criant plus fort pour se donner du courage, aboyant sa qualité de souverain à qui veut bien l’entendre, peut-être pour s’en persuader lui-même ? Quoi qu’il en soit, il est toujours aussi détestable, aussi méprisant que méprisable.

    Daenerys a encore un espoir, après tout, il est son frère. Seulement, il ne veut rien entendre et elle le frappe, pour la première fois. La soumise Daenerys ose porter la main sur le Dragon… Elle se révèle, de plus en plus. Elle se conduit en Khaleesi. Le Dragon en elle couve, comme des braises sous la cendre, attendant le moment de raviver les flammes. Sans doute l’influence des œufs.

    Le cadeau de sa sœur n’a pas plu à Viserys. Qui recevra un autre présent… de la part de son beau-frère, Khal Drogo…

    • Ce sujet a été modifié le il y a 4 années et 5 mois par R.Graymarch.
    • Ce sujet a été modifié le il y a 4 années et 4 mois par Babar des Bois.
    #138310
    Liloo75
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    Merci Sans-Visage, pour cette belle présentation du chapitre consacré à Daenerys.

    J’y ai vu comme toi l’évolution de la jeune Khaleesi, qui d’enfant apeurée devient peu à peu une femme, qui apprivoise les coutumes de son nouveau peuple, prend confiance en elle et parvient à résister à Viserys, même si elle le craint encore.

    Concernant Viserys, je ne sais pas comment interpréter ses fanfaronnades. Se prend-il réellement pour le Roi des 7 Couronnes et estime-t-il que tout lui est dû? Dans ce cas, il commet une grave erreur de jugement. Ou bien son attitude arrogante ne sert-elle qu’à cacher sa peur?

    je note que lorsqu’il critique vertement les Dothrakis, les traitant de « sauvages », il le fait dans la langue de Westeros, afin de ne pas être compris. Menacer sa petite sœur est une chose, mais risquer l’ire des cavaliers en est une autre…

    J’ai relevé comme toi, la colère toujours intacte de Jorah à l’encontre de Ned Stark. Il lui reproche son exil et la perte de ses titres. Tout cela pour avoir vendu quelques pouilleux prétend-il. Il oublie qu’il a vendu des hommes. C’est pour cela qu’il a été banni. Si je me souviens bien, ser Jorah a participé au trafic d’esclaves pour éponger ses dettes. Il a mené grand train pour essayer de satisfaire sa nouvelle épouse. Il en paiera les conséquences. Cela, il oublie de le signaler. Pas facile sans doute.

    Lorsqu’il évoque Robert, Jorah le juge suffisamment courageux pour affronter les Dothrakis en terrain découvert. Il lui prête bravoure et puissance physique. C’était sans doute vrai dans le passé. Mais Robert a beaucoup changé. S’il le voyait aujourd’hui, avec ses 40 kilos supplémentaires, et sa façon d’esquiver les problèmes, peut-être changerait-il d’avis.

    Au sujet de la cité du cheval, je l’imagine comme une grande plaine herbeuse, avec très peu de constructions en dur (hormis celles édifiées par les esclaves), un grand marché à ciel ouvert, et des maisons en terre. Les Dothrakis ne sont pas des bâtisseurs.

    Au sujet des esclaves, j’ai compris comme toi que seuls les hommes libres ont de la valeur. Il est interdit de verser leur sang. A contrario, j’en déduis qu’un esclave peut être sacrifié.

    J’ai noté également que Daenerys ne croit pas aux chansons sur les preux chevaliers, elle n’est plus une innocente petite fille (l’a-t-elle jamais été?). Ce qui montre sa maturité.

    Elle sait que son père a été assassiné par un de ses propres gardes. Mais elle en ignore la cause réelle…

    Enfin, j’ai remarqué que Daenerys voit désormais son fils comme le vrai dragon (Viserys est tombé de son piédestal). Et envisage un nouveau chef pour conquérir les 7 Couronnes à la tête des armées Dothrakis…Elle-même?

     

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 5 mois par Liloo75.

    - De quels diables de dieux parlez-vous, lady Catelyn ? (…) S’il existe vraiment des dieux, pourquoi donc ce monde est-il saturé de douleur et d’iniquité ?
    - Grâce aux êtres de votre espèce.
    - Il n’y a pas d’êtres de mon espèce. Je suis unique.

    #138312
    Sans-Visage
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    Merci Liloo. Pour Jorah Mormont, tu as tout à fait raison : c’est plus facile de garder rancune vis-à-vis de celui qui vous a puni que de se remettre en question et de s’avouer que si on en est là, c’est un peu de notre faute.

    Pour Viserys, considéré depuis longtemps comme l’héritier, le dernier Dragon, peut-être a-t-il peur de ne pas être à la hauteur ? Inconsciemment bien sûr, il ne doit pas s’en rendre compte. Sans compter qu’on (Illyrio Mopatis par exemple) lui donne du « majesté » et lui répète que le peuple de Westeros attend son retour. Cela fait une belle pression ! En tout cas, dans son comportement, Viserys a tout faux…

    #138314
    Samyriana
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    Merci pour cette présentation @sans-visage!

    Le pauvre Viserys est décidément ridicule – et ridiculisé : il a tellement l’idée d’être le souverain légitime, il est tellement dans l’optique d’être amené à gouverner, alors qu’il se conduit en réalité non comme un seigneur inspirant le respect, mais comme un être risible, seulement digne de mépris. Est-il réellement persuadé de son importance, ou bien joue-t-il le rôle qu’il pense que l’on attend de lui ? Pense-t-il que c’est ainsi que doit se comporter le roi, le vrai roi ? Ou bien n’est-il qu’un enfant apeuré, criant plus fort pour se donner du courage, aboyant sa qualité de souverain à qui veut bien l’entendre, peut-être pour s’en persuader lui-même ? Quoi qu’il en soit, il est toujours aussi détestable, aussi méprisant que méprisable.

    Concernant Viserys, je ne sais pas comment interpréter ses fanfaronnades. Se prend-il réellement pour le Roi des 7 Couronnes et estime-t-il que tout lui est dû? Dans ce cas, il commet une grave erreur de jugement. Ou bien son attitude arrogante ne sert-elle qu’à cacher sa peur? je note que lorsqu’il critique vertement les Dothrakis, les traitant de « sauvages », il le fait dans la langue de Westeros, afin de ne pas être compris. Menacer sa petite sœur est une chose, mais risquer l’ire des cavaliers en est une autre…

    Je pense que c’est un mélange de tout ça. Il est né dans une société dans laquelle les hiérarchies sociales sont très importantes, et il reproduit ce schéma. Mais il doit également vivre avec une forme de dissociation entre son statut d’héritier targaryen, qui n’est remis en question par personne, même si on lui dénie le droit de régner, et la manière dont il a vécu. À cela s’ajoute son caractère: peu disposé à se remettre en question, arrogant, et autant le dire, clairement instable psychologiquement. Pour la manière dont il traite les Dothraki, cela s’explique là aussi par son environnement culturel. On retrouve cet exemple un peu partout dans l’histoire, avec des sociétés sédentaires qui se considèrent comme civilisées, et qui traitent de barbares les peuples nomades et cavaliers. C’est le cas de la Grèce et de la Rome antique, puis de l’Occident qui applique la grille de lecture de l’homme civilisé vs le sauvage (bon ou mauvais sauvage selon les peuples et leur degré de civilisation du point de vue des Européens). Bref, il n’est guère étonnant que Viserys soit aussi méprisant envers eux. Ce mépris est largement partagé à Westeros, et existe aussi contre les sauvageons.

    "Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes. Mais une fois de temps en temps, il en sort un, exceptionnel. Un héros. Une légende. Des chefs comme ça, y en a presque jamais. Et tu sais ce que c'est, leur pouvoir secret? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles."

    #138316
    R.Graymarch
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    Viserys, c’est le complexe du crocodile : grande gueule et petites pattes. Il s’estime l’être le plus puissant du monde et donc arrose la terre entière de son arrogance (ça le rassure). Mais il prend bien soin de ne pas aller jusqu’au clash contre Drogo. Enfin pour le moment, car quand il y ira, ça lui coûtera la vie (comme quoi il avait raison d’être arrogant et de ne pas la ramener… enfin juste envers sa soeur).

    Pour votre vision de Daenerys, j’y vois autant une adaptation à son nouveau peuple qu’une stratégie de survie. Bilan en (grosses) demi-teintes pour moi. Si elle essayait de s’affranchir du moule qu’on lui impose, elle serait broyée

    Et en effet, les esclaves ne sont pas des êtres humains, pour les Dothrakis. C’est assez commun de les considérer comme des « meubles » (légalement) dans ce genre de société

    Lorsqu’il évoque Robert, Jorah le juge suffisamment courageux pour affronter les Dothrakis en terrain découvert. Il lui prête bravoure et puissance physique. C’était sans doute vrai dans le passé. Mais Robert a beaucoup changé.

    Alors pour le coup, je vois totalement Robert vouloir en découdre personnellement sur le champ de bataille contre des envahisseurs, et encore plus si c’est pour remettre les Targaryen sur le trône. Il était déjà bien motivé pour participer au Tournoi de la Main et c’est Ned (aidé par Barristan) qui trouve la phrase qui fait mouche (« tu gagnerais car personne n’oserait te toucher »). Je suis persuadé que Robert voudrait se battre. Maintenant, est que « on » le laisserait faire ? Pas sûr. Mais vu comment il est buté, je doute que ça marche. Est-ce qu’il serait aussi fringant que dans sa jeunesse ? Probablement pas.

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
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    #138318
    Sans-Visage
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    Viserys a peut-être peur aussi de ne pas être à la hauteur de sa Maison, de sa lignée. En plus, même si on lui répète qu’il est le roi légitime, il ne voit pas encore le bout du trône de fer… Il doit être frustré et du coup il ne cesse de mettre en avant son titre, pour le rappeler aux autres et à lui-même. Il est vrai aussi qu’il est instable psychologiquement, ce qui n’arrange rien. Sinon, très bien vu, Samyriana, pour le mépris dédié aux peuples nomades considérés comme sauvages… et les Sauvageons. Je me demande d’ailleurs, si Viserys avait régné, quelle aurait été sa politique vis-à-vis de ces derniers ?

    Pour votre vision de Daenerys, j’y vois autant une adaptation à son nouveau peuple qu’une stratégie de survie. Bilan en (grosses) demi-teintes pour moi. Si elle essayait de s’affranchir du moule qu’on lui impose, elle serait broyée

    C’est ce que je pense moi aussi.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 5 mois par Sans-Visage.
    #138322
    Aurore
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    Même si Viserys est convaincu d’être le roi légitime et même s’il agit de cette façon parce qu’il pense qu’un roi doit se comporter de façon hautaine, je me souviens que son attitude me choquait malgré tout. En dépit de tout le mépris que les Westerosis peuvent avoir vis-à-vis des « sauvages », il n’empêche que Viserys n’est pas un roi dothrak, ni un souverain d’Essos, ni lui ni ses aïeux ! Dès le début je trouvais son attitude déplacée, même en passant outre son « racisme » et sa violence.

    #138335
    Sans-Visage
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    Ah c’est sûr que le comportement de Viserys n’est pas du tout celui d’un souverain. Mais pour moi, ses aïeux les Targaryen étaient des souverains vu qu’ils ont gouverné Westeros durant des centaines d’années. Bons ou mauvais certes, mais rois quand même. Viserys est désigné comme le roi légitime mais ne l’est pas (roi). Je le vois un peu comme un gosse à qui on a promis un cadeau et qui fait un caprice parce que ce cadeau n’arrive pas assez vite. Un enfant mal élevé. Peut-être n’a-t-il pas eu de modèle digne de ce nom ? En plus de ça, il est instable psychologiquement et bourré de défauts comme l’arrogance et le mépris envers ceux qu’il considère comme inférieurs. Rien que le mépris montre qu’il se fourvoie complétement sur le rôle d’un souverain alors qu’un bon gouvernant sait écouter son peuple. S’il avait été roi, qu’aurait fait Viserys comme mesures pour son peuple ?

    Daenerys, au contraire, en s’adaptant aux Dothrakis, a tout compris.

    #138341
    Yfos
    • Terreur des Spectres
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    Le passage dans lequel Jorah, dit devant Daenerys que Viserys considère qu’il a vendu Daenerys mais que Drogo la voit comme un cadeau est choquant. Dans les deux cas, les deux hommes qui lui sont les plus proches la verraient (la voient) comme un objet.

    C’est d’autant plus choquant qu’il explique quelques minutes plus tard qu’il a vendu des braconniers comme esclaves et que c’était son droit, justifiant ainsi la marchandisation d’êtres humains.

    Même si Daenerys est consciente de la situation et si les filles de la noblesse sont souvent mariées pour des raisons politiques, les choses sont rarement exprimées aussi crûment.  Tyrion le dira bien à Cersei à propos de Myrcella mais un peu par provocation.

    #138344
    Sans-Visage
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    Très juste, Yfos ! Comment j’ai pu omettre ce point là ? Je me fais honte. Maintenant que j’ai les yeux dessus, c’est effectivement choquant.

    Daenerys a d’autant plus de force de garder la tête haute, voire de se révéler peu à peu, alors qu’elle est rabaissée au rang d’objet. On la considère comme rien, comme quantité négligeable humainement parlant, et malgré tout elle avance.

    #138347
    darkdoudou
    • Pas Trouillard
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    Vyserys pour moi dans ce chapitre est un contre-exemple de ce qu’est un bon roi (tout comme ser Alliser est le contre-exemple du meneur d’hommes pour Jon Snow. Son utilité est de servir de repoussoir, et de montrer à Daenerys ce qu’il ne faut pas faire.

    Quant au lecteur, il voit le contraste entre les deux et il peut voir ce qui ne marche pas. Viserys vit dans le rêve de son ambition et n’arrive pas à accepter la réalité qui l’entoure, les conseils de ceux qui l’aident.

    Dans ce chapitre Daenerys poursuit son évolution, continue de se montrer curieuse et d’apprendre de ses suivantes, de son peuple, de Jorah surtout<. Elle se projette déjà dans un gouvernement futur, en essayant de tirer le meilleur de ce qui l’entoure (le système des sang-coureurs). Elle se comporte maintenant en grande soeur vis-à-vis de son frère en cherchant à le protéger, et quand il lève la main sur elle, elle se défend toute seule (même si l’entourage empêche Viserys de contre attaquer)

    #138349
    John Lon Bickel
    • Patrouilleur du Dimanche
    • Posts : 220

    Curieux. Je me souviens de ma première lecture, on m’avait brossé les grandes lignes de Daenerys jusqu’à Astapor, je savais que son frère n’allait pas survivre. Et c’était une jubilation de la voir enfin rabattre le caquet de cette outre gonflée de vent. Ce qu’il l’a méritée, cette baffe après avoir pour la énième fois fanfaronné sur le réveil du dragon en traitant sa sœur de « ventre gonflé » ! Daenerys est sa seule famille, il n’a pas d’amis, plus d’honneurs, rien. Et voilà qu’il n’est plus réduit à demander la charité pour trouver à se loger, qu’un neveu arrive, que sa sœur n’est pas devenue une teigne façon Cersei, qu’il doit bien se douter que Robert est furieux à s’en éclater les molaires, que sa Maison n’est plus menacée de s’éteindre et va récupérer un titre quasi royal sur un demi-continent ! Orgueil (très) mal placé mis à part, la situation de sa petite personne n’a jamais été meilleure depuis le Trident et monsieur n’est toujours pas content !

    Et pourtant, à la relecture, je suis un peu comme Daenerys qui a un gros coup au moral. Dans les premiers chapitres, les relecteurs ont noté qu’elle était bonne psychologue et pour moi, elle a compris que son frère ne tardera plus à faire la gaffe qui l’expédiera six pieds sous terre. Quel gâchis, elle essaie juste de t’aider, bon sang ! Lui qui avait la chance unique d’avoir pour sœur l’un des seuls personnages martinien à n’être atrophié ni du cœur ni du cerveau. Pauvre Viserys, pauvre Daenerys. Cela doit être d’une monstruosité rare de comprendre que votre dernier parent va se faire tuer, sans doute à cause de vous, et qu’il refuse obstinément votre aide. J’espère vraiment que ce tordu d’Illyrio connaîtra un jour le dixième du mal qu’il a fait à ces deux-là.

    #138354
    R.Graymarch
    • Barral
    • Posts : 10373

    Pas vraiment mon chapitre préféré à relire. Il se passe des choses mais rien que je ne redécouvre, et surtout c’est dans la continuité du précédent.

    Daenerys se détache de son frère, Jorah est insolent envers son « vrai roi » (huhu) et Viserys s’enfonce dans la pitoyabilité (inventons un mot). Reste la description de Vaes Dothrak et des moeurs dothrakies en général (sang coureurs, veuves etc). Je laisse la place à Emmalaure qui va probablement analyser en 17 paragraphes la signification du fait que Drogo doive se rendre seul à la montagne (ce qui repose Danny, doux euphémisme plein de malaise) ainsi que le parallèle entre « crones » et « crown », bien entendu 🙂

     

    Même si Daenerys est consciente de la situation et si les filles de la noblesse sont souvent mariées pour des raisons politiques, les choses sont rarement exprimées aussi crûment.

    Les enfants (garçons et filles) de la noblesse (et pas seulement) sont quasi tout le temps utilisés via leur mariage pour des alliances, c’est la norme

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    #138443
    Emmalaure
    • Exterminateur de Sauvageons
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    Je laisse la place à Emmalaure qui va probablement analyser en 17 paragraphes la signification du fait que Drogo doive se rendre seul à la montagne (ce qui repose Danny, doux euphémisme plein de malaise) ainsi que le parallèle entre « crones » et « crown », bien entendu 🙂

    Je me sens mise au défi !
    Comme tu m’y invites, voilà une impro commencée hier soir : j’ai tiré un fil et je l’ai laissé se dérouler !

    Mais avant d’en venir là, j’ai des petits trucs à souligner : d’abord, on arrive enfin à Vaes Dothrak, qui est citée au moins une fois dans tous les chapitres précédents de Daenerys, et cette arrivée se fait sur un contraste visuel saisissant avec la fin du chapitre précédent : là où Eddard arrive quasi inconscient et dominé par des murs rouge sang, Daenerys arrive sur un territoire très largement ouvert, sans murs et sans limites apparentes. La frontière y est seulement marquée par deux chevaux en forme de porte. On a donc une impression de liberté totale pour notre khaleesi, contrairement à l’enfermement que subit Eddard Stark : le loup prisonnier de la pierre est une image récurrente dans la saga, particulièrement prégnante à Winterfell via Bran, mais qui est déjà présente avec Ned au Donjon Rouge avant qu’elle ne soit explicitement formulée plus tard – « le loup ailé enchainé ». Par ailleurs, c’est plus tard, dans les chapitres de Tyrion d’ACOK, que la fonction de Main sera elle aussi explicitement liée à un enchaînement, à travers le collier en forme de mains liées les unes aux autres.
    L’apparente liberté de Daenerys me semble n’être qu’une surface : si Vaes Dothrak n’a pas de murs visibles, cette cité pèse tout de même son poids symbolique, ou disons plutôt qu’elle apparaît comme le centre névralgique dont on peut s’éloigner un temps mais avec lequel on ne coupe jamais le cordon : la Mère des Montagnes est toujours en vue, le port d’armes y est prohibé et les hommes n’ont pas le droit d’y verser le sang d’autres hommes (les esclaves, ça ne compte pas). Le texte nous le dit : tous les khals ici sont frères et le fratricide est interdit, mais ce qu’il suggère est aussi que le matricide est interdit, voire que la sortie du ventre maternel et l’émancipation est interdite : le premier geste du Khal est d’aller accomplir un rituel religieux à la Mère des Montagnes. A ma toute première lecture, je me souviens avoir pris le grand pilier de pierre « rongé de mousse » (« moss-eaten » en vo) pour un « nombril du monde » mais ce n’est pas du tout cela, c’est un symbole phallique assez clair, qui vient en plus s’intercaler entre deux réflexions de Viserys qui se plaint de sa longue attente de l’armée promise pour recouvrer son trône, et d’être baladé :

    « See, the savages lack the wit to understand the speech of civilized men. » A moss-eaten stone monolith loomed over the road, fifty feet tall. Viserys gazed at it with boredom in his eyes. « How long must we linger amidst these ruins before Drogo gives me my army? I grow tired of waiting. »

    De fait, la mousse qui ronge le monolithe de pierre peut symboliser le temps infiniment long qui s’écoulerait avant que le dragon Viserys puisse prendre son envol, ou simplement que l’homme qu’il est accède au statut d’adulte qu’il revendique, maître de son destin et enfin fertile. Comme ce monolithe est placé à Vaes Dothrak, la ville des dothrakis, il peut également symboliser leur propre absence de fertilité : en effet, les Dothrakis pillent, détruisent et tuent, puis ramènent à Vaes dothrak du butin, mais ils ne construisent rien eux-mêmes, malgré les rêves de grandeur : les dieux, rois, héros, monstres et personnages mythologiques étrangers qui bordent la longue allée que suit le khalasar n’ont plus de noms, leur mémoire et leur histoire a été effacée. Ainsi, la Mère des Montagnes – si elle paraît dans un premier temps comme une mère protectrice et aimante pour ses enfants – porte en elle quelque chose de mortifère : ses enfants ne dispensent que la mort et la violence et sont condamnés à la stérilité.
    Et en effet, c’est à Vaes Dothrak que Viserys va trouver la mort, et si on y prédira à Daenerys un destin fabuleux pour son fils, ce destin restera lettre morte (et en plus, Khal Drogo va mourir de la flèche d’un parfait inconnu, pas de chance !).
    Enfin, Vaes Dothrak est la prison dorée des épouses de khals défunts : elles viennent se dessécher là, dévouées aux autres « fils » de cette Mère étouffante, et condamnées elles aussi à ne plus jamais enfanter, servies par des esclaves eunuques.
    Au passage, on a un parallèle avec la situation de Lysa Arryn, qui garde son fils au sein et l’empêche de grandir (mais le protège aussi très vraisemblablement) et entretient une cour de prétendants pas spécialement reluisants, qu’elle traite comme s’ils étaient des enfants qu’elle regarde jouer et se battre entre eux.
    Que la Mère soit ici une montagne n’est sans doute pas innocent : la transformation de la figure maternelle en montagne pierreuse en fait une Coeur de pierre très concrète, ce qui permet de relier la métaphore aux métaphores développées du côté de Westeros ( = GRRM tisse des liens au moins littéraires entre les différentes aires géographiques et culturelles de son monde). Et cette figure est démultipliées avec les « crones » du Dosh Khaleen, les anciennes « brus » (en tant qu’épouses de khals) devenues à leur tour de nouvelles Mères au coeur de pierre et desséchées.
    « Crone » en anglais veut dire à la fois la vieille femme et la sorcière. Je n’avais pas du tout l’idée de faire le lien avec « crown », même s’il me semble pertinent, dans la mesure où j’y vois une figure de « crone » qui offre à ses enfants des couronnes (ou peut-être une seule couronne à son fils préféré, mais bon…)… en les arrachant à d’autres par la violence.
    Et voilà que nous trouvons en plein Essos, et a priori bien loin de Westeros et de sa civilisation, deux figures présentes dans le panthéon des 7 : la Mère et l’Aïeule (« Crone » en vo). Dans un de ses chapitres, Catelyn en dira un peu plus sur la mythologie de l’Aïeule : c’est celle qui « a vu à travers la porte de la mort » (« the Crone, who had let the first raven into the world when she peered through the door of death » en vo), l’a entrouverte, et a fait entrer le premier corbeau dans le monde des vivants (ASOS, Catelyn I). Le verbe « to peer » sera utilisé pour évoquer l’action de la vieille prophétesse du Dosh Khaleen « perçant Daenerys de son regard » avant de rendre son oracle après tout un tas de rituels.

    Ces remarques étant faites, quelles conclusions peut-on en tirer ?
    Hypothèse 1 : tous ces éléments participent au « worldbuilding littéraire » de la saga; GRRM développerait et pousserait très loin le principe du « fusil de Tchekhov » (c’est un procédé dramaturgique) en utilisant et réutilisant en toutes occasions les mêmes schémas littéraires, de façon à les rendre familiers au lecteur par leur répétition : de la sorte, aucun événement ne sort de nulle part car on le trouve toujours « préparé » ailleurs concrètement et/ou symboliquement et le lecteur n’est pas perdu dans ses points de repères. Cette hypothèse se suffit à elle-même et la suivante n’est pas nécessaire, mais à titre personnel, j’aime bien les rattacher :

    Hypothèse 2 : en plus du worldbuilding littéraire, GRRM illustre très concrètement deux sentences qu’il a placées dans son oeuvre, l’une dans la bouche du Bouquineur citant un ancien mestre historien, et l’autre dans celle de Tyrion, je cite de mémoire :
    « L’histoire est une roue parce que la nature de l’homme ne change pas fondamentalement. Ce qui arriva autrefois arrivera forcément à nouveau (…) » (AFFC, La fille du Kraken)
    « Nous sommes tous des marionnettes qui dansons sur les fils de nos parents, et nos enfants reprendront ces fils après nous » (ASOS, Tyrion-je-ne-sais-plus-combien, mais il se fait la réflexion lorsque Oberyn Martell et lui discutent)
    La conséquence directe de cette hypothèse, c’est que la répétition des mêmes schémas avec plus ou moins de variations sont autant d’indices semés sur l’histoire passée de la saga, et que cette histoire passée continue d’influencer le présent. GRRM s’inscrit aussi dans une tradition littéraire qui veut qu’un cycle ait un début et une fin (le Seigneur des Anneaux raconte la fin du 3e Âge mais aussi la fin d’un long cycle qui s’est ouvert avec le vol des Silmarils et l’exil des elfes Noldor en Terre du Milieu : à la fin du SdA, tous les elfes finissent par quitter cette Terre du Milieu; le cycle arthurien commence avec la naissance d’Arthur, voire de Merlin, et s’achève à la mort d’Arthur qui ne revient jamais, bien qu’on attende toujours son retour ! Et dans le christianisme, on attend la « fin des Temps » ou « Révélation », qui doit mettre fin à l’ère terrestre. Exemples non exhaustifs, c’est devenu une sorte de lieu commun de la fantasy) et que ce soit le moment charnière – celui de la fin d’un cycle/âge et de l’éventuel début d’un autre – qui soit raconté, développé et mis en scène. Ainsi, ASOIAF raconterait la fin d’un cycle dont le début se situerait probablement dans les événements qui ont conduit à la naissance du Mur (et je parie aussi à la fondation de Winterfell et la naissance des dragons), pour moi il s’agit du Pacte et du don du « sang magique » fait par les Enfants aux humains. Si GRRM garde le flou à ce propos cela peut être parce qu’il souhaite aussi ménager des révélations à propos de ce passé lointain.
    Le pari que je fais et qui en découle est que les prophéties et visions ne prophétisent pas l’avenir en elles-mêmes, mais lèvent partiellement le voile sur des faits qui ont déjà eu lieu dans le passé lointain (et dont le souvenir subsiste dans une sorte d’inconscient collectif mais sans doute aussi dans les inconscients individuels, via la permanence de vieux esprits/vieux fantômes via le « sang magique », sang de loup, sang de dragon, etc…).
    Je ne sais pas si je suis claire.

    Pour en revenir à ce que je notais au tout début sur la transition en contraste entre le chapitre d’Eddard précédent et celui de Daenerys – le loup prisonnier de murs de pierres et sur la princesse libre et prisonnière à la fois – je pense que cette image du loup prisonnier (d’une couronne de fer, cette fois) se retrouve dans une des visions de Daenerys à l’Hôtel des Nonmourants : c’est celle de l’homme à tête de loup couronné de fer qui la suit du regard et semble lui lancer un appel muet, alors qu’il préside un festin sanglant où tous les convives sont massacrés en morceaux et se confondent avec la nourriture consommée. Accessoirement, on aura dans un rêve ultérieur de Bran l’image d’une corneille qui essaye de briser les chaînes d’un loup prisonnier et qui n’y arrive pas seule.

    Je crois que j’ai pondu un pavé, et pourtant, il y a encore plein de trucs à dire, mais c’est l’heure d’aller au boulot

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 4 années et 5 mois par Emmalaure.
    #138515
    Yfos
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    ses enfants ne dispensent que la mort et la violence et sont condamnés à la stérilité.

    En lisant ce chapitre, je remarque surtout une grande stérilité dans cette ville :

    Une ville où, en dehors des esclaves (qui ne comptent pas dans cette société) ne demeurent de façon permanente que des femmes vouées à la stérilité.

    Une ville dans laquelle les seuls bâtiments durables sont ceux construits par les esclaves, les seuls monuments sont ceux pillés dans des cités maintenant détruites.

    Une ville dans laquelle seuls des marchands étrangers amènent des biens utiles à l’existence.

     

    Dans un chapitre précédent, Daenerys de félicite de chevaucher en tête parce que derrière,

     l’immense horde laboure les prés, embourbe les eaux.

    Il y a un côté Attila: l’herbe ne repousse pas là où passe son cheval (avec une variante BD où il se fait suivre pas un serviteur poussant une tondeuse, pour être sûr).

    En dehors de sa folie, l’idée que Viserys puisse les emmener à Westeros est glaçante : qu’en restera-t-il après leur passage ? Des cités pillées et désertes?

     

    Daenerys voit durant son parcours une statue de dragon mise à bas. Cette cité ne serait-elle pas dangereuse pour les Targaryens ? Comme le dragon est noir, le risque est peut-être limité.

    #138523
    Obsidienne
    • Pisteur de Géants
    • Posts : 1111

    Merci, Emmalaure, pour l’explication de textes !
    Je vais, désormais me défier de cloisonner ma lecture : j’avais clos ma lecture du chapitre d’Eddard par un gros « point », avant d’ouvrir celui de Daenerys, sans penser à les comparer ( monde fermé contre monde ouvert…)

    J’ai eu du mal à admettre ton interprétation de la  » stérilité  » des dothrakis mais, effectivement, ce nomadisme qui ne vise qu’à…quoi, au fait ? Accroître le nombre des membres de chaque khalasar ?

    L’accumulation hétéroclite des prises de guerre me laisse perplexe : à quoi bon ? Juste des « souvenirs  » pour manifester la puissance  des khalasars ? On dirait un rituel qui perdure bien qu’on en ait oublié le but originel…Le portail formé par deux chevaux ne peut être une prise de guerre : il n’a pu qu’être fabriqué sur commande . Il y avait donc un projet de « construire quelque chose » même si ça n’était pas une classique ville de pierre,  mais quoi ?

     

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #138526
    Emmalaure
    • Exterminateur de Sauvageons
    • Posts : 996

    Daenerys voit durant son parcours une statue de dragon mise à bas. Cette cité ne serait-elle pas dangereuse pour les Targaryens ? Comme le dragon est noir, le risque est peut-être limité.

    En tous cas, Viserys sera mis à mort à Vaes Dothrak, donc on peut y voir un présage. Quoiqu’en pense Daenerys dans les moments où elle est en colère contre son frère et où elle voit sa faiblesse, ce dernier est bel et bien un dragon, c’est dans son sang.
    Sinon, Yfos, je souscris à tes remarques sur la ville elle-même, qui pèse comme un poids mort (et cela remonte à loin dans le passé), mais vu qu’elle est le centre sacré des Dothrakis, leur point d’ancrage, d’où ils partent et où ils reviennent, elle est façonnée à leur image, ou encore ce sont eux qui sont façonnés à son image : symboliquement, les khals sont les fils d’une Mère au coeur de pierre et ils sont envoyés au loin pour exercer leur violence.

    Je voulais revenir sur les surnoms donnés à Viserys. GRRM n’est pas un linguiste comme l’était Tolkien, mais les deux surnoms dont hérite Viserys – Khal Rhae Mhar puis khal Rhaggat – ont tout de même de sacrées consonnances avec Rhaegar. Le second fait en outre très certainement une jeu de sonorité avec « rag » (les guenilles en anglais, ce qui peut rappeler le roi mendiant). Je me suis donc posé la question du choix de ces mots par GRRM : la proximité du premier avec Rhaegar peut expliquer que Viserys ne s’en soit jamais formalisé; comme il ne parle pas dothraki, il peut avoir mal compris et pensé qu’on le plaçait dans l’héritage de son prestigieux grand frère. Dans un malentendu, on entend ce qu’on veut bien entendre.
    Poussant un peu plus loin, il pourrait en même temps s’agir d’une allusion à Rhaegar et son « histoire » : pour autant qu’on le sache, Rhaegar a disparu dans le Conflans pendant plusieurs mois, et s’il était introuvable c’est qu’il a réussi à garder son incognito, possiblement en se déguisant, au hasard en chevalier ou barde errant, bref pas en prince héritier en quête d’une couronne. On aurait avec cette image de « roi en charrette » une référence au « chevalier à la charrette » qu’a été Lancelot dans un des romans du cycle arthurien : le preux Lancelot, pour délivrer la reine Guenièvre (et gagner brièvement son amour), doit consentir à une série de sacrifices, dont l’un est la perte de son honneur en se laissant transporter sur la charrette des condamnés. La figure littéraire de Lancelot entretient des rapports assez étroits avec celle de Rhaegar, et si dans le roman du Chevalier à la Charrette il n’a pas de descendance, dans d’autres romans plus tardifs, on attribue à Lancelot la paternité de Galaad, le chevalier pur et parfait qui sera le seul à accéder au Graal (et qui est un prince promis et attendu !), conçu à l’insu du plein gré de Lancelot avec une certaine Elaine, fille du roi Pêcheur (le roi blessé à la jambe et qui garde le graal chez lui, dans sa terre « gaste »). Notons que dans la version moderne de l’histoire d’Arthur de T.White (un des cycles préférés et inspirants de GRRM), Lancelot et Elaine habitent ensemble un certain temps à l’Île de la Joie.
    Il est assez communément admis que Rhaegar cherchait dans le Conflans des réponses à une prophétie qui l’a hanté, mais il partait peut-être en quête d’autre chose et aurait été emmené beaucoup plus loin qu’il n’avait prévu. Un peu à l’image de Viserys qui part en quête d’une armée et d’une couronne et qui ne trouve que la mort et la déchéance, mais laisse la place à sa soeur comme dernier dragon.

    Après, il y a aussi ses consonnances en « ae » chez les dothrakis qui interrogent en soi : les « ae » sont un peu une signature du valyrien/haut valyrien, vu comment les noms targaryens en sont truffés, et cela peut interroger sur une parenté entre valyriens et dothrakis, dans un lointain passé.

    #139921
    Yunyuns
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1983

    Toujours extrêmement en retard mais je continue tout de même. Merci à tous pour vos analyses très intéressantes.

    Dans la catégorie « je n’ai aucun respect pour ma famille », après Renly je voudrais Viserys :

    there’s to be some mummer’s show of a prophecy for the whelp in her belly, you told me.

    « Whelp », qui est en principe utilisé pour désigner la progéniture d’un animal… Sympa ! (le mot est utilisé au début du livre pour parler des loups-garou, et est ensuite utilisé une autre fois par Walder Frey pour parler de Loras Tyrell au tournoi pré-AGOT en tant que « progéniture Tyrell »).

    Une réplique qui m’a beaucoup fait rire (Sans-Visage l’a bien relevée, mais je ne pense pas que la VF donne un aussi beau jeu de mot qu’en VO) :

    “Viserys says he could sweep the Seven Kingdoms with ten thousand Dothraki screamers.”
    Ser Jorah snorted. “Viserys could not sweep a stable with ten thousand brooms.”

     

    Et concernant la conclusion du chapitre, « And she smiled, and went to sleep dreaming of home ». De quoi Daenerys rêve-t-elle du coup ? De Westeros, de la maison à la porte rouge, ou… d’autre chose ?

    Fan n°1 de Victarion Greyjoy, futur Roi des Sept Couronnes.

    "Yunyuns le pourfendeur de Tolkien."

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