Is there a purpose to I have to making these characters gays … Well, I noticed that there are gay people in the world … So I thought I should pursue in my world too.
* * *
Traduction : Y a-t-il une raison pour laquelle j’ai fait d'[eux] des personnages gays ? Eh bien, j’ai remarqué qu’il y avait des homosexuels dans le monde… Alors j’ai pensé que je devais en faire autant dans mon monde.
George R.R. Martin on Writing Gay Characters (vidéo youtube).
C’est connu, Martin a inséré des personnages homosexuels ou des personnages ayant des relations homosexuelles dans la saga ; une manière pour lui d’augmenter l’impression de réalisme de son univers. Mais dans la société médiévalisante et patriarcale de Westeros, ces relations sont mal perçues et demeurent généralement secrètes pour les autres personnages, et donc aussi parfois, pour le lecteur. Le système de narration de Martin reposant sur des « Personnages Point de Vue », le lecteur ne peut connaître les véritables passions des personnages qu’à travers les révélations qu’il peut faire dans ses propres chapitres … ou à travers un faisceau d’indices, disséminés au fil des pages.
La relation de Loras et Renly fait partie de cette seconde catégorie. Aucun des deux n’a de chapitre dédié, il faut donc être attentif et repérer les nombreuses petites allusions qui sont faites sur leur relation pour la deviner.
Illustration de couverture : TheBacker
↑Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige
Au début de la première intégrale, Renly et Loras n’apparaissent aux lecteurs que comme des gens proches : Loras a été l’écuyer de Renly, ils se fournissent auprès du même armurier, et visiblement, tous deux cultivent un goût prononcé pour les tenues, les parures et les armures onéreuses. Très appréciés par les petites gens, on ne leur connaît aucune conquête amoureuse ; tout au plus sait-on que Loras Tyrell, en incarnation du parfait chevalier, offre une rose (et parfois un compliment) à une jouvencelle, chaque fois qu’il remporte une joute. Le geste paraît galant, mais il est parfaitement creux, Loras ne gardant aucun souvenir des filles honorées.
Très vite, on découvre que les Tyrell font partie des alliés de Renly, puisque celui-ci les inclut dans ses intrigues de cour.
Ned ne savait au juste que penser du personnage, quelque amical, tout sourires et facile qu’il se montrât. Peu de jours auparavant, celui-ci l’avait pris à part pour lui montrer un ravissant médaillon d’or rose. À l’intérieur, une miniature dont la vivacité trahissait l’école de Myr figurait une adorable jouvencelle aux yeux de biche, à la chevelure d’un brun soyeux. Apparemment, Renly brûlait de l’entendre dire qu’elle lui rappelait quelqu’un, mais Ned le désappointa fort en haussant simplement les épaules. « C’est la sœur de Loras Tyrell, Margaery, insista Renly. Mais d’aucuns prétendent qu’elle ressemble à ta sœur Lyanna.
– Du tout », avait rétorqué Ned, ébahi. Se pouvait-il que, réplique frappante de Robert jeune, lord Renly se fut entiché de la jeune fille par désir de voir en elle une seconde Lyanna ? Toujours y avait-il là quelque chose de plus troublant qu’une toquade passagère…A Game of Thrones, Chapitre 28, Eddard.
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[Varys à Illyrio] Dans les lettres qu’il adresse à Hautjardin, le chevalier des Fleurs presse instamment Tyrell d’envoyer sa fille à la Cour. A quatorze ans, la donzelle est douce, belle, vierge, traitable, et lord Renly comme ser Loras entendent que Robert la baise, l’épouse et en fasse la nouvelle reine.
A l’aube de la guerre des Cinq Rois, il apparaît que les Tyrell sont des alliés de choix pour Renly. Et de fait, dès que Robert meurt, Renly s’enfuit vers Hautjardin, accompagné de Loras et de leurs fidèles. Là, il annonce ses revendications :
Renly Baratheon a épousé Margaery Tyrell à Hautjardin voilà deux semaines, et il revendique la couronne, maintenant. Ses beau-père et beaux-frères ont ployé le genou devant lui et juré de le servir l’épée à la main.
Dans la première intégrale, on a donc très peu d’indices sur la véritable nature de leur relation. Ils semblent simplement alliés. Par la suite, Loras est nommé lord Commandant de la Garde Arc-en-Ciel et Renly donne admirablement le change en jouant l’amoureux avec Margaery :
Le frère Renly a quitté Hautjardin, en compagnie de sa jeune et ravissante reine, de la fleur de ses vassaux, de brillants chevaliers et d’une puissante infanterie. Et il suit votre route de la Rose en direction très précisément de la grande ville dont nous parlions.
– Il emmène sa femme ? »
Saan fit une moue évasive. « Il ne m’a pas confié ses raisons. Peut-être répugne-t-il à se séparer, ne fût-ce qu’une nuit, d’elle et du terrier douillet de son entrecuisse. À moins qu’il ne doute pas une seconde d’être victorieux.A Clash of Kings, Chapitre 11, Davos.
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– Permettez-moi, Sire, de m’inscrire en faux, protesta un jeune homme mince qui devait être Caswell. Ce qui est à moi est à vous.
– Mon frère prenait au mot quiconque lui disait cela, badina Renly. Vous avez des filles ?
– Oui, Sire. Deux.
– Eh bien, rendez grâces aux dieux que je ne sois pas Robert. Ma douce reine est la seule femme que je désire. »A Clash of Kings, Chapitre 23, Catelyn.
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[Le charme de Loras Tyrell] était bien tel que Catelyn l’avait pressenti. Loin d’être vitreux, son regard était vif et intelligent, et le fouillis sans apprêt de ses mèches brunes avait de quoi susciter la jalousie de bien des filles. […]
Quitte à offrir, de-ci de-là, du bout de son poignard une becquée friande à Margaery ou à se pencher pour lui planter un imperceptible bécot sur la joue, c’est avec ser Loras que Renly blaguait ou chuchotait la plupart du temps.
Renly sait donner le change quand il faut. Il traite Margaery avec galanterie et joue les amoureux. Pourtant, dès le banquet à Pont-l’Amer, on peut se rendre compte qu’il est plus proche et plus complice de Loras… Rien de bien étonnant là derrière. Loras a été écuyer de Renly, ils se connaissent depuis des années, ont été pendant longtemps à la cour, ont intrigué ensemble… On peut même y voir des arguments contre l’hypothèse d’une liaison avec Loras, car cette situation serait alors très étrange : Renly aurait épousé la sœur de son amant ? Et lors des banquets officiels, il mettrait l’une à sa gauche et l’autre à sa droite ? Et il cajolerait la sœur devant le frère ?
Et bien oui ! Renly, Loras et les Tyrell en général sont des intrigants, qui savent mettre de côté leur fierté et jouer de faux-semblants s’ils y trouvent un intérêt politique.
Ce n’est que par la suite qu’on verra plusieurs personnages faire des allusions assez claires à la sexualité de Renly ou à celle de Loras, rendant plus évidente la vraie nature de leur relation. La première allusion vient de Stannis.
– Nous le savons tous deux, tes noces n’étaient qu’une pantalonnade. Voilà un an, tu complotais de faire de cette enfant l’une des catins de Robert.
– Voilà un an, je complotais d’en faire sa reine, mais quelle importance ? Le sanglier a eu Robert et moi Margaery. Tu seras charmé d’apprendre qu’elle était vierge.
– Et elle a toute chance de mourir vierge, dans ton lit.
– Oh, je compte bien qu’elle me donne un fils dans l’année.
Les propos de Renly laissent entendre qu’il aurait défloré Margaery au cours de la cérémonie traditionnelle du coucher, et qu’il espère la voir prochainement enceinte… Pourtant, Stannis remet directement en cause le fait que Renly ait pu prendre sa virginité.
Peu après cet entretien, Renly prépare ses plans de bataille avec ses bannerets. À la fin de cette entrevue, Renly congédie tout son monde, à l’exception d’un seul :
« Loras, reste m’aider dans mes oraisons. Depuis le temps, j’ai presque oublié comment l’on s’y prend. »
Surprenant de demander ce genre de service à un jeune homme, qui ne semble pas beaucoup plus religieux que Renly. Les deux compères ont-ils vraiment consacré leur temps à la prière ? (Suspens… Loras en reparle un peu plus bas.)
Au cours de la nuit, Renly meurt, assassiné par l’ombre de Stannis. S’ensuit une confusion terrible dans le camp de Renly. Plus tard, Varys donne des nouvelles :
On dit que le chevalier des Fleurs a perdu l’esprit devant le corps de son maître et que, dans un accès de folie furieuse, il a tué trois des gardes arc-en-ciel, notamment Emmon Cuy et Robar Royce. »
Déjà, la réaction de Loras paraît un brin excessive. Certes, Emmon Cuy et Robar Royce ont failli à leur devoir de protéger leur roi et on sait que Loras peut être ombrageux. Mais d’ordinaire, il sait se tenir. D’autant que sa réaction peut être mise en relation avec celle de Jaime, concernant la mort de Joffrey, qui était non seulement son roi, mais aussi son fils :
Le chevalier des Fleurs avait éprouvé un chagrin si dément de la mort de Renly qu’il avait abattu deux de ses propres frères jurés, tandis que pas une seconde lui-même n’avait eu l’idée d’infliger le même sort aux cinq responsables par leur carence de la mort de Joffrey.
La réaction de Loras était donc bien démesurée, à moins qu’on admette que Loras vient de perdre, en plus de son roi, l’homme qu’il aimait. Sa fureur meurtrière s’explique dès lors davantage. On découvre plus tard que c’est lui qui a récupéré le corps de Renly et qui lui a offert une sépulture.
Et Renly, qu’en avez-vous fait ?
– Je l’ai enseveli de mes propres mains dans un endroit qu’il m’avait une fois montré, du temps où j’étais écuyer à Accalmie. Personne n’ira jamais l’y chercher pour déranger ses restes. » Il décocha à Jaime un regard de défi. « Je défendrai le roi Tommen de toutes mes forces, je le jure. Je donnerai ma vie contre la sienne si besoin est. Mais je ne trahirai jamais Renly, ni en paroles, ni en actes. Il était le roi qu’il aurait fallu. Il était le meilleur d’entre eux. »
[…]
Ser Loras avait perdu toute son arrogance dès l’instant où il s’était mis à parler de Renly.
C’est d’ailleurs au cours de cet entretien avec Jaime que nous en apprenons le plus sur cette fameuse nuit, qui a précédé la bataille :
Renly m’avait confié l’avant-garde. Sans cela, c’est moi qui l’aurais aidé à revêtir son armure. Il me confiait volontiers ce soin. Nous avions…, nous avions prié ensemble, cette nuit-là. Je l’ai laissé avec elle.
Loras a failli avouer, mais il se reprend suffisamment vite pour éviter un impair… L’hésitation laisse néanmoins supposer que Loras n’est pas tout à fait franc sur ce qui s’est passé cette nuit-là. Il admet également que d’ordinaire, c’est lui qui aidait Renly à revêtir son armure, ce qui semble indiquer que Renly se ménageait bien d’autres moments en tête à tête avec Loras, et que les « oraisons » n’étaient qu’une excuse. D’ailleurs, un autre échange avec Jaime fait planer un doute :
« Lord Renly disait toujours que les bouquins étaient faits pour les mestres.
– Celui-ci l’est pour notre usage à nous. L’histoire de chacun de ceux qui ont porté un blanc manteau s’y trouve retracée depuis les origines.
– J’y ai jeté un coup d’œil. Les écus sont jolis. Je préfère les ouvrages où il y a davantage d’enluminures. Lord Renly en possédait quelques-uns dont les images étaient d’une finesse à vous rendre aveugle un septon. »
Renly méprise les livres, mais il possédait au moins un livre, qu’il a partagé à Loras… pour ses enluminures qui, visiblement, auraient dû choquer les septons, soit les autorités religieuses de Westeros… Il semble donc s’agir d’un ouvrage licencieux, voire probablement, d’illustrations érotiques, puisqu’on sait depuis la publication de Feu et Sang qu’il existe de tels ouvrages à Westeros.
Quoi qu’il en soit, Renly est mort, et malgré tout, Loras lui demeure fidèle. Il va jusqu’à l’évoquer en termes poétiques lors d’un échange avec Tyrion :
Garder la vie du roi, c’est renoncer à vivre la vôtre. Vous répudiez vos terres et vos titres, abandonnez tout espoir d’union, d’enfants…
– La maison Tyrell se poursuit à travers mes frères, dit ser Loras. Il n’est indispensable à un troisième-né ni de se marier ni d’engendrer.
– Indispensable, non, mais d’aucuns le trouvent à leur gré. Et l’amour ?
– Lorsque le soleil est couché, nulle chandelle ne saurait le remplacer.
Loras admet avoir été amoureux, et n’ayant que dix-sept ans, il est encore inconsolable et mélancolique lorsqu’il évoque cet amour perdu. À quel soleil peut-il faire allusion ici, si ce n’est à Renly ? Voilà qui explique son attitude lorsque Sansa évoque la mort de Renly, en plaignant Margaery :
« Après l’assassinat de lord Renly, n’est-ce pas ? Quelle épreuve terrible ç’a dû être pour votre pauvre sœur…
– Pour Margaery ? » Sa voix s’était tendue. « Certes. Elle se trouvait à Pont-l’Amer, cependant. Elle n’a pas vu.
– Néanmoins, lorsqu’elle a appris… »
Du bout des doigts, ser Loras épousseta la garde de son épée. Du cuir blanc revêtait la poignée, le pommeau d’albâtre avait la forme d’une rose. « Renly est mort. Robar aussi. À quoi bon parler d’eux ? »
L’âpreté de sa voix la prit à contre-pied. « Je… messire, je… il n’était pas dans mon intention de vous offenser, ser.
– Ni en votre pouvoir, lady Sansa », répliqua-t-il. Toute chaleur avait déserté son timbre. Et il ne lui reprit pas le bras.
Sansa, toute innocente, pense qu’elle l’a vexé en parlant de Robar Royce et de la manière dont Loras l’a tué… mais c’est en fait sa réflexion sur la peine qu’a dû éprouver Margaery qui lui vaut la froideur de Loras. Margaery elle-même n’échange qu’une formule creuse, de pure courtoisie, lorsque Sansa lui parle de Renly, sans manifester la moindre émotion. Elle n’a pas été affectée par la perte de Renly. Au contraire, Loras dans sa candeur juvénile croit avoir perdu « le soleil » et se pense à jamais inconsolable.
↑Qui est au courant ?
On a déjà vu au travers des citations précédentes que les Stark (Eddard, Catelyn, Sansa) étaient ignorants de la relation Loras-Renly. Ils sont loin de Port-Réal, et n’ont pas d’yeux à la cour leur permettant de se tenir informés. Stannis en revanche est conscient des préférences de son frère pour le fils Tyrell plutôt que pour la fille. Il est plus proche de son frère et de la cour, il est donc logique qu’il soit au courant.
C’est aussi le cas de Jaime Lannister, qui l’évoque en termes crus face à Loras :
Alors, rengainez-moi cette putain d’épée tout de suite, ou bien je me fais fort de vous la prendre et de vous la fourrer dans un morceau laissé inexploré par Renly lui-même… ! »
Ça manque d’élégance, mais ça a le mérite d’être clair. Cersei aussi a l’air d’être au courant, au moins pour Renly :
Mace Tyrell avait beau clamer que [Margaery] était toujours vierge, Cersei ne se faisait pas faute d’en douter. Joffrey avait été assassiné avant de pouvoir coucher avec elle, mais elle avait d’abord été mariée à Renly… Il se peut qu’un homme préfère le goût de l’hypocras, mais si vous déposez devant lui une chope de bière, il vous la lampera quand même assez gloutonnement.
A Feast for Crows, Chapitre 04, Cersei.
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Je ne crois pas qu’elle soit vierge. Renly avait bien une queue, non ? Il était le frère de Robert, il avait sûrement une queue.
Mais est-elle au courant pour Loras ?
« De qui donc avez-vous été l’écuyer, je vous prie, ser ? demanda-t-elle d’un ton doucereux. De Lord Renly, si je ne me trompe ?
– J’ai eu cet honneur.
– Oui, c’est bien ce que je pensais. » Elle n’était pas sans avoir constaté par elle-même de quelle étroitesse finissaient par devenir les liens noués entre les écuyers et les chevaliers qu’ils servaient. Il n’était pas question pour elle de laisser croître l’intimité de Tommen avec un Loras Tyrell. Le genre d’homme qu’était le Chevalier des Fleurs ne pouvait tenir lieu de modèle à aucun petit garçon.A Feast for Crows, Chapitre 25, Cersei.
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Et ne serait-ce pas navrant ? musa-t-elle. La noyade a quelque chose de si vulgaire ! Ser Loras désire la gloire avec autant d’ardeur que les hommes véritables désirent les femmes, le moins que les dieux puissent faire est de lui accorder une mort digne d’une chanson.
A Feast for Crows, Chapitre 33, Cersei.
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Trois mille badauds du commun s’étaient engouffrés dans la porte de la Gadoue pour assister au départ de ser Loras le jour de son appareillage, et trois sur quatre étaient des femmes. Ce spectacle n’avait servi qu’à l’emplir, elle, de mépris. Elle brûlait de leur crier qu’elles étaient de vulgaires brebis, de les avertir que tout ce qu’elles pourraient jamais espérer de Loras Tyrell était une risette et une fleur.
A Feast for Crows, Chapitre 37, Cersei.
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[Le Barde Bleu désigne Loras comme amant de Margaery.] Cersei fut fort mécontente de ce salmigondis. Elle n’osait vilipender le héros de Peyredragon. Au surplus, aucun des gens qui connaissaient ser Loras n’ajouterait jamais foi à pareille histoire.
Difficile d’être sûr.
D’autres membres de la Cour semblent parfaitement informés. Littlefinger, bien sûr, qui évoque devant Sansa la difficulté de marier Loras à une femme :
Et Mace Tyrell, en effet, se persuada que l’idée de faire expressément stipuler dans le contrat de mariage l’entrée de ser Loras dans la Garde était une idée à lui. Quel meilleur protecteur sa fille pouvait-elle rêver que son ébouriffant chevalier de frère ? Trop content d’ailleurs de se soustraire à la corvée de chercher à nantir ce troisième fils de terres et d’une moitié, problème toujours épineux mais, dans le cas de ser Loras, doublement scabreux.
On n’imagine pas, non plus, que Varys ait pu l’ignorer, d’autant qu’il a une connexion avec un des personnages de l’ancienne maisonnée de Renly que Tyrion croit (naïvement) muette, aveugle et sourde :
C’était sur les conseils de Varys qu’il avait engagé la bonne femme ; ses antécédents d’ancienne gouvernante de la garçonnière de lord Renly en ville n’avaient pas dû manquer de la rendre aussi muette, aveugle et sourde que possible.
Mais bien sûr, ceux qui sont les plus susceptibles d’être au courant, ce sont les Tyrell. Afin de consoler Sansa au soir de son mariage avec Tyrion, le galant Garlan lui offre quelques mots de réconforts… et une allusion imperceptible à la préférence de son jeune frère :
« Madame, j’ai vu de quel œil vous regardiez mon frère. Loras est aussi beau que vaillant, et nous l’aimons tous tendrement…, mais votre Lutin vous fera un meilleur mari. »
Dans les livres, aucun autre indice ne laisse supposer que les Tyrell sont au courant, mais George R.R. Martin a déclaré que le père et la grand-mère savent :
[Are Mace Tyrell and the Queen of Thorns aware of Loras’s sexuality?]
GRRM : Yes and yes.Traduction de la Garde de Nuit :
Est-ce que Mace Tyrell et la Reine des Épines sont au courant de la sexualité de Loras ?
GRRM : Oui pour les deux.SSM : Loras Robert Arryn the Clegane Sister and a Sword – 14 avril 2008.
Toutefois, tant que cette confirmation n’a pas été apportée dans les livres, elle doit être prise avec prudence. On notera toute de même les sous-entendus d’Olenna concernant Renly :
Un preux, oui, et charmant, et d’une propreté parfaite. Il savait s’habiller, il savait sourire et savait prendre un bain. Et, du coup, il s’est figuré que cela le prédestinait à la royauté. Les Baratheon ont toujours eu de ces lubies curieuses, en fait. Cela doit leur venir du sang targaryen, j’imagine. » Elle renifla. « On a prétendu m’en faire épouser un, de ces Targaryens, dans le temps, mais j’ai vite mis le holà..
En anglais, Olenna dit « The Baratheons have always had some queer notions, to be sure. » Le terme queer signifie à l’origine « étrange », « peu commun », « bizarre » ou « tordu ». Il a longtemps été utilisé comme insulte homophobe, avant d’être repris par les militants LGBT dans les années 1990. On peut donc penser que George R.R. Martin nous fait passer là un autre indice sur l’homosexualité de Renly, d’autant qu’Olenna fait un lien logique entre les conceptions queer des Baratheon et le prince Daeron Targaryen auquel elle était promise dans sa jeunesse… un personnage qu’on connaît et qu’on peut raisonnablement croire homosexuel, lui aussi :
Bien que promis à lady Olenna Redwyne de la Treille lorsque tous deux avaient neuf ans, le prince Daeron rejeta ce projet en 246, alors qu’il en avait dix-huit… mais dans son cas, il ne semble pas y avoir eu d’autre femme, car Daeron demeura célibataire durant tout le restant de sa courte vie. Soldat-né qui prenait plaisir aux tournois et aux batailles, il préférait la compagnie de ser Jeremy Norridge, un hardi jeune chevalier qui accompagnait le prince depuis qu’ils avaient tous deux été écuyers à Hautjardin.
TWOIAF, Les rois Targaryen : Aegon V.
Enfin, on pourra penser aux Martell : le prince Oberyn Martell surnomme Loras « la rose pompon de Renly » (Renly’s little rose en vo.), ce qui ne prouve pas qu’il sache quoi que ce soit, mais ça renforce l’idée que leur complicité est connue jusqu’à Dorne. En revanche, la princesse Arianne Martell semble ne pas comprendre pourquoi Renly Baratheon n’a pas répondu à ses avances :
Une année, le frère du roi Robert était venu leur rendre visite, et elle avait fait de son mieux pour le séduire, mais elle était encore à peine adolescente, et lord Renly parut plus déconcerté qu’enflammé par ses avances.
↑De faux indices ?
Une fois connue, la relation Loras Renly devient évidente et la chasse aux indices amène à des surinterprétations notables. L’auteur a placé certains éléments pour être des indices, d’autres non. De nombreux fans ont pensé que la garde Arc-en-Ciel de Renly serait une allusion au drapeau arc-en-ciel, symbole de la communauté LGBT. Toutefois, l’auteur lui-même a démenti cette idée :
The Rainbow Guard isn’t meant to symbolize Renly’s sexuality. It was more of a culmination of several unrelated things, such as the fact that he’d already used white for the Kingsguard and black for the Night’s Watch. A rainbow is seven colors combined together in one object – he compared it to a shamrock being a Irish Catholic symbol of the Holy Trinity, three parts which make up one thing. Plus it has seven colors and is tied to the Seven, plus worshipers of the Seven use prism rainbows in their temples.
SSM : To Be Continued (Chicago, IL; May 6-8) – 6 mai 2005.
Traduction de la Garde de Nuit :
La Garde Arc-en-Ciel n’est pas censée symboliser la sexualité de Renly. Il s’agit plutôt de l’aboutissement de plusieurs éléments sans rapport entre eux, comme le fait que le blanc était déjà utilisé pour la Garde Royale et le noir pour la Garde de Nuit. Un arc-en-ciel, c’est sept couleurs combinées en un seul objet – il [GRRM] l’a comparé au trèfle, symbole catholique irlandais de la Sainte Trinité, trois parties qui forment une seule chose. En outre, l’arc-en-ciel a sept couleurs et est lié aux Sept, et les adorateurs des Sept utilisent des arcs-en-ciel à prisme dans leurs temples.
↑Et dans la série ?
En 2011, la série Game of Thrones fait un choix différent de celui de Martin dans son approche de la relation Loras – Renly. Au lieu de sous-entendus parsemant les épisodes, la série expose explicitement la relation homosexuelle de ses personnages, ce qui lui vaudra d’ailleurs certaines critiques, notamment de l’auteur.
George mentioned that there are gay characters in ASOIAF. He mentioned Loras and Renly, saying that he included « what I thought were subtle but clear hints. HBO was not subtle about it. »
Union Square Signing, 14 juil. 2011.
Traduction de la Garde de Nuit :
George précisa qu’il y avait des personnages gays dans Le Trône de fer, dont Loras et Renly, ajoutant qu’il avait inclus « ce que je pensais être des indices subtils, mais clairs. HBO n’a pas fait preuve de subtilité à ce sujet. »
Ce choix est évidemment discutable, et beaucoup de fans ont d’ailleurs reproché à la série le traitement caricatural de la relation Loras-Renly (et des relations LGBT en général). Il faut toutefois admettre que l’écriture de George R.R. Martin n’est elle-même pas exempt de lieux communs sur le sujet.
En explicitant, on perd évidemment en subtilité, mais on gagne aussi en clarté. Martin lui-même a par la suite admis que certains fans avaient pu passer à côté d’une relation qu’il croyait pourtant évidente, l’obligeant à confirmer de manière répétée que son intention avait bien été que Loras et Renly soient homosexuels.
I treated it fairly subtly … perhaps too subtly … some people seem to have missed it, entirely. (rires) And when HBO made it quickly, I got some very odd letters. People say « HBO has moved your story. They take straight characters to make them gays. Why don’t you stop them ? »
George R.R. Martin on Writing Gay Characters (vidéo youtube).
Traduction de la Garde de Nuit :
Je l’ai traité plutôt subtilement… peut-être trop… Certaines personnes semblent être passées complètement à côté [rires]. Et quand HBO y est allé carrément, j’ai reçu des lettres très bizarres. Des gens disaient « HBO a modifié votre histoire. Ils ont changé des personnages hétéros pour en faire des gays. Pourquoi ne les arrêtez-vous pas ? ».
↑Conclusion
La relation de Loras et de Renly est assez typique et représentative de l’écriture de George R.R. Martin, notamment quand il s’agit de l’homosexualité des personnages. Des mentions éparses dans l’œuvre, des allusions, des clins d’œil, quelques fausses pistes parfois… Au lecteur, ensuite, de combiner les différents éléments à sa disposition pour tirer les conclusions qui s’imposent. On retrouve ce même genre de construction pour des mystères comme celui de la parenté de Jon Snow, par exemple.
Avec la série, ces secrets sont dévoilés, et plus personne ne les ignore, mais il demeure intéressant de relever les différents procédés utilisés par Martin dans sa construction de personnages pour mieux comprendre l’œuvre et débusquer plus facilement les autres mystères, ceux que la série n’a pas adaptés et dévoilés.
Freuxpensant
Merci Eridan pour cet article qui met bien en lumière les procédés narratifs dont Martin use pour distiller des vérités cachées.
chey
Les fils Barathéon couvrent un large pan du champ sexuel et amoureux…