ACOK 54 – Jon VII

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  • #161406
    Samyriana
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    ACOK 54 – Jon VII
    Au fil des pages – liste des sujets

    ACOK 53, Sansa IV ACOK 55, Tyrion XII

    (Comme annoncé, avec deux chapitres aussi rapprochés et pas mal de boulot, je n’ai guère eu le temps de faire plus qu’un simple résumé. Désolée, donc, de cette ouverture rapide.)

    Le chapitre s’ouvre sur une description du col Museux, ce défilé inhospitalier des Crocgivre dans lequel progressent les patrouilleurs. Il y fait sombre, froid, mais en arrivant vers une route plus large qui descend vers la vallée de la Laiteuse, le groupe s’arrête et décide de rester dans l’ombre jusqu’à la nuit. Après tout, qui sait s’il n’y a pas d’autres groupes d’éclaireurs dans le coin ?

    Partir en mission à cinq n’a rien de comparable avec la longue troupe des trois cents hommes de la Garde, partis de Châteaunoir. Pas de description d’un camp qui se monte ici, pas de corvées. Les hommes ne semblent pas vraiment se parler entre eux. On s’installe, chacun vaque à ses propres occupations. Qhorin Mimain n’a pas demandé à Jon comment il s’en est tiré avec Ygrid, mais a tout de même eu une partie du récit via Vipre. Il est clair que Qhorin attend que Jon vienne le trouver, et il est extrêmement probable selon moi qu’il se doute également que Jon n’a pas tué Ygrid. Qhorin veut savoir qui est Jon, il a sa réponse : Jon n’est pas prêt à tuer froidement quelqu’un.

    L’inévitable conversation entre Jon et Qhorin débute par quelques phrases sur Mance Rayder. Comme lors du précédent chapitre de Jon, on est en plein dans le foreshadowing avec la mention de Baël le Barde et de la rose de Winterfell. On apprend des choses sur Mance : il est né sauvageon, raffole de la musique et des femmes sauvageonnes, et ne s’est jamais plié à la discipline sans faille que requiert le service de la Garde de Nuit. On apprend aussi des choses sur Qhorin : il n’est pas homme à sous-estimer l’adversaire au prétexte que ce dernier serait moins civilisé selon les normes de Westeros. Qhorin, nous le savions, n’est pas un Thoren Petitbois. Il reconnaît les sauvageons comme les égaux des habitants des Sept Couronnes, à une différence près : leur manque de discipline. C’est là que Jon avoue à demi-mots ne pas avoir tué Ygrid. Qhorin nie le savoir avant l’aveu de Jon, mais je doute de cela. En tout cas, il s’agissait bien pour Qhorin de savoir à qui il avait à faire avec Jon, comme il le dit lui-même :

    « — Bref, peu à même de constituer une menace, accorda Mimain. S’il m’avait absolument fallu sa tête, c’est à Ebben que j’aurais confié la besogne. À moins de m’en charger moi-même.

    — Mais alors, pourquoi me l’avoir commandée ?

    — Je ne l’ai pas commandée. Je t’ai simplement dit de faire le nécessaire, te laissant seul juge de ce qu’il serait. » Il se leva pour glisser l’épée dans son fourreau. « Lorsque je veux l’escalade d’une falaise, c’est à Vipre que je fais appel. S’il me fallait ficher une flèche, par grand vent, dans l’œil de quelque adversaire au cours d’une bataille, je convoquerais Sieur Dalpont. Ebben saurait faire cracher ses secrets à n’importe qui. Pour mener des hommes, on doit les connaître, Jon Snow. Je te connais mieux à présent que je ne faisais ce matin.

    — Et si je l’avais tuée ? demanda Jon.

    — Elle serait morte, et je te connaîtrais aussi mieux qu’auparavant. Mais assez causé. Tu devrais déjà dormir. Nous avons maintes lieues à faire et maints dangers à affronter. Tu auras besoin de toute ton endurance. »

     

    J’admire les qualités de meneur d’hommes de Qhorin.

    Après cette discussion, Jon se couche, et fait un rêve de loup. C’est probablement l’un des moments les plus importants du chapitre, et je suis très curieuse de lire vos retours sur ce rêve. Une nouvelle fois, nous constatons l’extrême sensibilité des loups, puisque Fantôme peut percevoir l’absence de Lady, et la distance grandissante entre lui et le reste de la meute. Soudain, Bran, sous la forme d’un barral, entre en contact avec lui, et donc avec Jon. Bran-barral jaillit de la roche, ce qu’on peut interpréter comme la croissance soudaine de ses pouvoirs (qui sont, il faut le dire, assez impressionnants ici.). Jon reconnaît le visage de Bran gravé sur le tronc de l’arbre, et perçoit même son troisième œil, apparu avec la corneille. Fantôme sent plusieurs odeurs, dont celle de la mort. Est-ce lié au mensonge de Theon et à la mort d’un faux Bran, ou au statut de mort symbolique du garçon (il est mort au monde), ou bien, de manière plus sombre, est-ce ce qui attend Bran lorsque celui-ci plongera au cœur de la grotte de Freuxsanglant ? Est-ce l’odeur de la mort de celles et ceux qui ont été sacrifiés aux barrals ? Ou peut-être, tout simplement, est-ce lié au fait que Bran se trouve dans les cryptes de Winterfell, puisqu’il ajoute « je me plais dans le noir ».

    Bran parvient à montrer à Jon l’immense armée sauvageonne massée aux sources de la Laiteuse. Les observations de Qhorin sur la discipline du peuple libre semblent tout à fait juste, puisque Jon note que le camp a été dressé de manière chaotique, sans aucun plan. Et en même temps, ce n’est pas un camp militaire, puisque l’ensemble du peuple libre est rassemblé ici. Jon voit même, brièvement, un mammouth et un géant, pour la première fois. Une véritable incursion dans les contes de Vieille Nan.

    La vision de Jon est interrompue par l’attaque d’un oiseau, que nous savons être l’aigle d’Orell. Ainsi, le change-peau est capable d’en identifier très rapidement un autre.

    Jon se réveille en sursaut et en criant. Il raconte immédiatement ce qu’il a vu, et Ebben et Mimain emploient tout de suite les termes « mutants » et « zomans ». Je ne sais pas vraiment quelle est la différence entre les deux. La VO parle de « skinchangers and wargs », et les chapitres de Bran semblent parler de « warg » la plupart du temps. On voit ici à quel point être un patrouilleur aguerri signifie accepter l’existence de tout un tas de choses qui apparaissent comme des fables aux yeux des Westerosis, et même aux yeux des autres hommes de la Garde de Nuit (peu probable que Thorne, Petitbois, ou même Jeor Mormont auraient cru Jon aussi rapidement, et mis un mot sur ce qu’il raconte). Là, personne ne remet la parole de Jon en doute (à part Jon lui-même), et surtout personne ne se moque de lui.

    Les hommes décident d’aller vérifier par eux-mêmes. Jon est évidemment complètement perturbé par la possibilité que Fantôme soit blessé et par ce qu’il a vu dans son rêve. Le groupe est repéré par l’aigle d’Orell, à l’affût. Peu après, Jon retrouve Fantôme, qui est bel et bien blessé, mais qui peut se remettre debout. Qhorin a certainement deviné que l’aigle est aussi un change-peau, puisqu’il décide de rebrousser chemin, ayant compris qu’ils étaient repérés. Revenus près de l’endroit où ils avaient débusqué les sauvageons, Qhorin demande à Sieur Dalpont de se sacrifier pour permettre au groupe de survivre. La brièveté solennelle avec laquelle celui-ci accepte est édifiante :

    « Celui-ci s’inclina. « Laissez-moi seulement autant de flèches que vous pourrez, frères. » Il agita son arc. « Et, à l’arrivée, veillez qu’on donne une pomme à mon canasson. L’aura pas volée, pauv’ bétail. »

    Il reste mourir, comprit Jon, soudain.

    Qhorin referma sa main gantée sur l’avant-bras de l’ancien écuyer royal. « Si l’aigle s’amuse à descendre te reluquer…

    — … j’y fais pousser des nouvelles plumes. »

    Et Sieur Dalpont tourna les talons pour gravir l’étroit sentier qui menait vers les hauts. La dernière image que Jon emporta de lui. »

    Quelques heures plus tard, ça y est. Les sauvageons font résonner le cor de chasse. Le temps des quatre membres du groupe est compté.

    "Des chefs de guerre, y en a de toutes sortes. Mais une fois de temps en temps, il en sort un, exceptionnel. Un héros. Une légende. Des chefs comme ça, y en a presque jamais. Et tu sais ce que c'est, leur pouvoir secret? Ils ne se battent que pour la dignité des faibles."

    #161407
    R.Graymarch
    • Barral
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    Mimain, mon héros . Je me souvenais que ce personnage était ultra classe et c’est vraiment dans ce chapitre qu’il éclabousse tout le monde de sa superbe.

    Le chapitre commence par une ambiance assez phénoménale et cela sera repris ensuite. Je ne sais pas si Jon dit vrai mais après le meilleur escaladeur de la Garde, on a maintenant « the keenest eyes ». La crème de la crème (en anglais dans le texte)

    Par imprudence ou parce qu’il a un peu honte (?) Jon parle à Mimain de ce qui s’est passé  avec l’ancienne captive (le poisson qui vient mordre l’hameçon sans appât). Mimain commence gentiment, en parlant de Mance (et en disant qu’il n’est pas lord)

    “My lord,” he said, “you never asked me how it went. With the girl.”

    “I am no lord, Jon Snow.” Qhorin slid the stone smoothly along the steel with his two-fingered hand.

    “She told me Mance would take me, if I ran with her.”

    “She told you true.”

    “She even claimed we were kin. She told me a story . . .”

    “. . . of Bael the Bard and the rose of Winterfell. So Stonesnake told me. It happens I know the song. Mance would sing it of old, when he came back from a ranging. He had a passion for wildling music. Aye, and for their women as well.”

    “You knew him?”

    “We all knew him.” His voice was sad.

    They were friends as well as brothers, Jon realized, and now they are sworn foes. “Why did he desert?”

    “For a wench, some say. For a crown, others would have it.”

    Mimain est doué, et en plus il n’est pas un imbécile haineux, il a une forme de respect pour les sauvageons. Jolie phrase avec « wild » et « Wall »

    He (Mance) loved the wild better than the Wall.

    Par la suite, Jon se livre lui-même, tel un Raskolnikov nordien qui ne peut pas assumer sa faute

    Only fools like Thoren Smallwood despise the wildlings. They are as brave as we are, Jon. As strong, as quick, as clever. But they have no discipline. They name themselves the free folk, and each one thinks himself as good as a king and wiser than a maester. Mance was the same. He never learned how to obey.”

    “No more than me,” said Jon quietly.

    Qhorin’s shrewd grey eyes seemed to see right through him. “So you let her go?” He did not sound the least surprised.

    “You know?”

    “Now. Tell me why you spared her.”

    Jon tente mollement de raisonner, s’attendant sans doute à se faire réprimander. Mais Mimain est au delà de ça et lui donne une leçon.. de comportement. Là, on comprend l’aura qu’a ce patrouilleur

    “I know she was an enemy, but there was no evil in her.”

    “No more than in the other two.”

    “It was their lives or ours,” Jon said. “If they had seen us, if they had sounded that horn . . .”

    “The wildlings would hunt us down and slay us, true enough.”

    “Stonesnake has the horn now, though, and we took Ygritte’s knife and axe. She’s behind us, afoot, unarmed . . .”

    “And not like to be a threat,” Qhorin agreed. “If I had needed her dead, I would have left her with Ebben, or done the thing myself.”

    “Then why did you command it of me?”

    “I did not command it. I told you to do what needed to be done, and left you to decide what that would be.”

    Ils repartent ensuite mais de nuit et là Jon fait un rêve de loup, avec Bran pas loin (vous connaissez mon goût pour les rêves, je passe mon tour)

    Don’t be afraid, I like it in the dark. No one can see you, but you can see them.

    ça rejoint la phrase du début sur l’ombre “Shadows are friends to men in black”

    Jon est embarrassé de son rêve de loup, il se pense ridicule. Mais cela intrigue Mimain

    “Tell me all that you remember, from first to last,” said Qhorin Halfhand.

    Jon was confused. “It was only a dream.”

    “A wolf dream,” the Halfhand said. “Craster told the Lord Commander that the wildlings were gathering at the source of the Milkwater. That may be why you dreamed it. Or it may be that you saw what waits for us, a few hours farther on. Tell me.”

    //

    Skinchangers and wargs belonged in Old Nan’s stories, not in the world he had lived in all his life. Yet here, in this strange bleak wilderness of rock and ice, it was not hard to believe.

    Ils repartent mais hors de portée des aigles car Mimain se méfie de leur regard perçant

    Finalement ils sont quasiment à leur point de départ (du coup, ils ont fait tout ça pour rien ?)

    “We are not far from the place the wildlings died,” said Qhorin

    Et il y a plein de sauvageons. Tout un peuple. Un membre du groupe va se sacrifier (en effet, c’est expédié très rapidement et ça rend la scène encore plus forte, comme si ça allait de soi) pour que les autres puissent survivre et alerter la Garde. Sacrée expédition.

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    MJ par intérim de Les Prétendants d'Harrenhal (2024-), rejoignez-nous
    DOH : #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #161410
    Eridan
    • Vervoyant
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    J’avais oublié ce rêve, cette connexion entre Bran et Jon. C’est assez fabuleux.

    Fantôme sent plusieurs odeurs, dont celle de la mort. Est-ce lié au mensonge de Theon et à la mort d’un faux Bran, ou au statut de mort symbolique du garçon (il est mort au monde), ou bien, de manière plus sombre, est-ce ce qui attend Bran lorsque celui-ci plongera au cœur de la grotte de Freuxsanglant ? Est-ce l’odeur de la mort de celles et ceux qui ont été sacrifiés aux barrals ? Ou peut-être, tout simplement, est-ce lié au fait que Bran se trouve dans les cryptes de Winterfell, puisqu’il ajoute « je me plais dans le noir ».

    Pour moi, c’est la dernière option. 😉 Martin nous donne subtilement des indices sur où est caché Bran (humus et pierre + mort + « je suis dans le noir » = crypte) … Mais c’est fait de telle sorte qu’on n’est pas plus rassuré pour lui ! ^^

    La fin de la vision est assez intéressante aussi : Jon quitte le rêve, lâche la peau de Fantôme, mais a toujours l’impression de ressentir la blessure des serres de l’aigle. L’emploi de la magie n’est pas sans danger. Mais effectivement, grâce à ce rêve partagé, on commence à voir à quel point la magie pourrait être puissante.

    Jon se réveille en sursaut et en criant. Il raconte immédiatement ce qu’il a vu, et Ebben et Mimain emploient tout de suite les termes « mutants » et « zomans ». Je ne sais pas vraiment quelle est la différence entre les deux. La VO parle de « skinchangers and wargs », et les chapitres de Bran semblent parler de « warg » la plupart du temps.

    Un change-peau (mutant dans ce chapitre) est capable de projeter son esprit dans le corps d’un autre animal. Un zoman est un change-peau, qui change de peau avec un loup (ou un loup-garou dans le cas des Stark). Les zomans sont censés être les plus nombreux parmi les change-peaux. Cette distinction ne devient claire qu’à partir d’ADWD.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #161502
    Liloo75
    • Fléau des Autres
    • Posts : 3727

    Merci Samyriana pour ce commentaire du chapitre de Jon, pris au pied levé.

    J’avais oublié que le rêve de loup de Jon était si précis. Il entend l’appel de son frère Bran. Mais au lieu de trouver la silhouette d’un enfant, il se retrouve face à un barral. Un jeune barral, mais en pleine croissance, un peu comme Bran qui est en train de développer ses capacités de zoman (et de futur vervoyant).

    J’avais oublié que Bran incite Jon à user de ses pouvoirs de zoman, lorsqu’il lui dit :

    « Tu peux voir le monde, toi. Tu dois seulement d’abord ouvrir les yeux. Regarde. Comme ça. »

    Il parle comme la Corneille.

    Le barral/Bran touche Jon et celui-ci se retrouve projeté, dans le corps de Fantôme, au sommet d’une montagne, observant les sauvageons rassemblés près de la Laiteuse.

    A son réveil, Jon se demande s’il a rêvé.

    Ebben et Mimain comprennent tout de suite que Jon est un zoman. Ils ne le jugent pas, et croient en sa vision. Comme tu le précises, ce sont des hommes habitués à patrouiller. Ils connaissent le Nord et ses particularités. Je pense comme toi que Petibois ou Thorne n’auraient rien compris.

    Au sujet de l’odeur de mort que perçoit Fantôme, je partage l’avis d’Eridan. Bran est caché dans les cryptes de Winterfell, entouré par les reliques des anciens seigneurs du Nord. C’est leur odeur. De plus, comme tu le dis, Bran est dans le noir. Et nous savons que c’est là qu’il s’est caché, peu de temps après la prise de pouvoir (provisoire) de Theon Greyjoy.

    Lorsqu’ils retrouvent Fantôme, blessé par l’aigle, Qhorin Mimain prend tout de suite les choses en main. Il sait ce qu’il faut faire pour soigner le loup.  Une perle cet homme.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 1 mois par Liloo75.

    - De quels diables de dieux parlez-vous, lady Catelyn ? (…) S’il existe vraiment des dieux, pourquoi donc ce monde est-il saturé de douleur et d’iniquité ?
    - Grâce aux êtres de votre espèce.
    - Il n’y a pas d’êtres de mon espèce. Je suis unique.

    #161506
    Ysilla
    • Terreur des Spectres
    • Posts : 1872

    Merci Samyriana pour ta présentation.

    J’aime beaucoup les chapitres de Jon que, pour cette raison, je relis souvent. Et pourtant, la relecture minutieuse réserve toujours des découvertes.

    Comme beaucoup, j’avais mal interprété la frayeur éprouvée par Jon pendant son rêve de loup.

    la rude senteur grise de la pierre et quelque chose d’autre, de quelque chose d’effroyable. La mort, comprit-il. Il respirait l’arôme de la mort.

    J’ai longtemps pensé, à tort, que cette évocation de la mort introduisait l’idée que la Corneille était peut-être malveillante. Comme quoi, il faut inlassablement relire la saga.

    Contrairement à Gray, j’adore lire les rêves de loup. Le lecteur ne sait jamais vraiment si les sensations évoquées sont celles du loup ou de son hôte humain.

    Au sujet de l’odeur de mort que perçoit Fantôme, je partage l’avis d’Eridan. Bran est caché dans les cryptes de Winterfell, entouré par les reliques des anciens seigneurs du Nord. C’est leur odeur.

    Ainsi, l’effroi provoqué par l’odeur des morts renvoie à celui éprouvé par Jon lorsqu’il rêve des cryptes de Winterfell à Châteaunoir dans AGOT :

     Il […] parvenait aux cryptes et, pour la première fois, s’y aventurait. Alerté dans les ténèbres par le raclement de la pierre contre la pierre, il se retournait et voyait s’ouvrir, un à un, noirs, glacés, les caveaux. Et les rois morts en émergeaient, titubants, quand il s’éveilla, nuit de poix, le cœur déchaîné.
    Et Fantôme eut beau, d’un bond, venir le rejoindre et lui fourrer sa truffe par tout le visage, la terreur persistait, tenace, irrépressible. AGOT 53, Jon VII

    Dans le même temps, cette peur renvoie à l’aversion des loups pour les ténèbres comme on peut le constater dans le dernier chapitre de Bran :

    Vint là-dessus le tirailler l’impérieuse attraction du lieu de ténèbres, séjour des murmures et des cécités humaines. Tels des doigts froids qui l’empoignaient, Une odeur de pierre aussi vibrante qu’un murmure et qui lui affolait le flair. Il résista de toutes ses forces. Il détestait ce genre de ténèbres. Il était un loup. Un chasseur, un coureur et un prédateur. ACOK 70, Bran VII

    Cependant l’ambiguité homme/loup est maintenue dans ce même chapitre :

    ll se dressa sur son séant, leva la tête et se mit à hurler. Je n’irai pas ! cria-t-il, je suis un loup, je n’irai pas ! Mais plus il s’arc-boutait, plus s’épaississaient néanmoins les ténèbres, plus les ténèbres l’investissaient, qui finirent si bien par lui siller les yeux, boucher les oreilles et sceller le nez qu’il se retrouva aussi incapable de rien voir que de rien entendre, rien sentir et dans l’impuissance de fuir, tandis qu’étaient abolies les falaises grises, aboli le cheval mort, aboli son frère, et que l’univers se faisait noirceur et silence et noirceur et glace et noirceur et mort et noirceur… ACOK 70, Bran VII

    Et pourtant, le Bran que perçoit Jon, dans ce chapitre, est à l’aise dans les ténébres des cryptes :

    N’aie pas peur, je me plais dans le noir. Personne ne peut t’y voir, mais tu peux voir tout le monde, toi. Tu dois seulement d’abord ouvrir les yeux.

    C’est ce que j’apprécie dans les rêves de loup : GRRM les écrit de telle manière qu’on y perçoit les deux points de vue de l’animal et de l’humain inextricablement mêlés dans le lexique tantôt relevant du loup, tantôt de Jon, tantôt des deux à la fois :

    Il se cala sur son séant, leva le museau vers le ciel qui se rembrunissait, et son hurlement se répercuta par toute la forêt.

    Le barral avait le visage de son frère. Son frère avait-il toujours eu trois yeux ?

    Il tourna la tête, cherchant son frère, cherchant sous les arbres le frisson furtif d’une mince silhouette grise. / D’un pas circonspect, il fit le tour du tronc lisse et blanc jusqu’au face à face.

    Quant à Bran, si on rapproche son apparition dans le rêve de Jon dans ce chapitre de ce qu’il exprime dans l’ultime chapitre d’ ACOK, ce sont trois points de vue que GRRM parvient à transcrire : celui du loup, celui du petit garçon impotent grisé par ses escapades dehors dans le corps du loup et dans le chapitre présent, celui du vervoyant qui rassure et guide Jon.

    Ce qui n’est pas sans poser un problème :

    Lorsque Bran communique dans le rêve de Jon, il vient tout juste d’ouvrir son troisième œil  et n’a pas encore commencé sa formation de vervoyant. Pourtant, ce qu’il parvient à faire est très, très fort :

    Bran, le prince de Winterfell, ignore que Jon se trouve au-delà du Mur et plus précisément au col Museux ;  à fortiori la raison pour laquelle il s’y trouve.

    Et pourtant, au cours de cette brève rencontre, Bran, le vervoyant, parvient à entrer dans la vision de Jon et lui donne le bon coup de pouce pour diriger Fantôme et du même coup la vision de Jon, pile poil au bon endroit pour débusquer l’armée de Mance Rayder.

    Car, si Bran se retrouve dans le rêve de Jon, il ne voit pas cependant ce que voit Jon et n’a qu’un vague souvenir de ce rêve :

    Une fois même, il avait réussi, par l’intermédiaire de Fantôme, à s’entretenir avec Jon. À moins qu’il ne l’eût simplement rêvé. ACOK 70, Bran VII

    Du coup je me demande, si ce n’est pas plutôt la Corneille qui dirige la rencontre dans les rêves de loup de Bran et de Jon.

     

     

     

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 3 années et 1 mois par Ysilla.

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #163140
    darkdoudou
    • Pas Trouillard
    • Posts : 733

    Merci Samyrania pour cette présentation en un temps record !

    J’ai surtout retenu de ce chapitre, outre la rencontre onirique avec Bran, la relation entre Mimain et Jon Snow.

    On est déjà au quoi ? quatrième père de substitution en deux tomes (après Ned, Benjen, Jeor). Et Qhorin ne perd pas de temps pour enseigner un maximum de choses, par l’exemple et la parole.

    Ce qu’enseigne Qhorin ressemble pas mal à ce que dit Papa Lannister à Tyrion : un outil pour chaque tâche. Mais bien sûr quand c’est Qhorin qui parle d’une troupe d’élites dans un commando, ça passe un peu mieux que Tywin parlant de Janos Slynt. Quoiqu’Ebben n’est pas un enfant de choeur, lui qui saurait faire cracher ses secrets à n’importe qui.

    Du coup je me demande, si ce n’est pas plutôt la Corneille qui dirige la rencontre dans les rêves de loup de Bran et de Jon.

    Merci d’avoir retrouvé le passage où Bran se rappelle sa rencontre onirique avec Jon Snow. Je comprends que tu puisses y voir l’influence de la Corneille, pour ma part j’y vois plutôt une utilisation non-consciente par Bran de ses pouvoirs, en passant par Eté et par Fantôme, pour « aider » Jon dans ses rêves à ouvrir comme lui son troisième oeil. Et, ça tombe bien, Fantôme était justement au bon endroit pour voir le camp des sauvageons.
    Si la Corneille était intervenue, je pense qu’il y aurait eu une « matérialisation » de son avatar dans le rêve de Jon. Ou encore que Bran s’en serait souvenu.

    C’est frappant de voir que l’avatar de Bran dans le rêve de Jon est le même que dans les interactions avec la Corneille, alors que Bran lui-même ne se voit pas comme un barral dans ses rêves.

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