Après cet épisode 5, une nouvelle fournée de petites questions se pose … On essaie de vous apporter les réponses, avec le contenu des livres ! (N’hésitez pas à nous faire remonter vos questions post-visionnages).
↑La mort de Rhea Royce et Daemon
Rhea Royce, la malheureuse « garce de bronze », est morte dans des circonstances pour le moins confuses dans l’épisode de lundi ? Accident ? Meurtre prémédité mais mal exécuté ? (Parce que décidément, Daemon est un bon à rien !) Ce dont on peut être sûr, c’est que Daemon lui a porté le coup de grâce.
Ce qui est bien différent des livres, où il se trouvait bien loin et n’a (semble-t-il) rien fait de particulier. Certains mauvais esprits diront que lorsqu’on est un prince rusé et ambitieux, on ne se déplace pas en personne pour tuer son épouse… en tout cas, le texte ne l’évoque pas.
« Un an plus tard, en 115, se passa un incident tragique, du genre qui forge la destinée des royaumes : la « garce de bronze » de Roches-aux-Runes, lady Rhea Royce, tomba de cheval en chassant au faucon et se fendit le crâne contre une pierre. Elle resta au lit neuf jours avant de se sentir suffisamment rétablie pour quitter sa couche… et s’écrouler et périr une heure après son lever. Comme il se devait, on envoya à Accalmie un corbeau, et lord Baratheon dépêcha par navire un messager à Peyresang, où le prince Daemon luttait encore pour défendre son piètre royaume contre les hommes de la Triarchie et leurs alliés dorniens. Daemon s’envola sur-le-champ pour le Val. « Pour assurer le repos de mon épouse », annonça-t-il bien que, plus vraisemblablement, ce soit dans l’espoir de revendiquer ses terres, son château et ses revenus. »
Feu et Sang, Les héritiers du Dragon – Une affaire de succession.
↑La prédiction d’Otto Hightower
« Écoute bien ma fille ! Le roi mourra un jour. Dans quelques mois, quelques années, mais il ne vivra sûrement pas vieux, et si Rhaenyra devait lui succéder sur le Trône de Fer, une guerre s’ensuivra. Le royaume la rejettera comme reine, et pour asseoir son pouvoir, il lui faudra passer ta progéniture au fil de l’épée. Elle n’aura pas d’autre choix… Tu le sais bien, tu n’es pas une imbécile, et pourtant, tu refuses de voir la réalité. Le moment est proche, Alicent. Soit tu prépares Aegon à régner, soit tu es esclave de Rhaenyra et tu pries pour qu’elle soit miséricordieuse. »
House of the Dragon – saison 1, épisode 5 : Nous éclairons la voie.
Les Lannister et les Hightower dans l’épisode 3 voyaient en Aegon leur futur souverain, oubliant bien vite la désignation de Rhaenyra comme héritière et leur serment de défendre ses droits. La fraction (peu représentative) du peuple dans l’épisode 4 mettait en scène le fait que par son nom et son pénis, Aegon était mieux fait pour régner que Rhaenyra. Jusqu’à Rhaenys, dans cet épisode, qui nous annonce exactement comme Otto : « La succession de Rhaenyra ne manquera pas d’être contestée. »
Tous les personnages l’envisagent… Mais la guerre est-elle vraiment inévitable ? Rhaenyra va-t-elle vraiment devoir supprimer Aegon pour régner ?
Il existe bel et bien une constante dans les livres de George R.R. Martin. Lorsqu’une succession est contestée, lorsque deux héritiers possèdent chacun des éléments de légitimité à faire valoir, un conflit entre eux finit généralement par poindre le bout de son nez. Maegor le Cruel usurpa le Trône, privant les enfants d’Aenys de leurs droits. Ceux-ci le tourmentèrent tout au long de son règne, jusqu’à ce que le roi meure sans descendance et que Jaehaerys puisse prendre sa place sur le Trône. Daeron (II) le Bon succéda à Aegon (IV) l’Indigne, mais des seigneurs et des chevaliers belliqueux lui ont préféré son frère, le bâtard légitimé Daemon Feunoyr, plus proche de l’idéal chevaleresque des Sept Couronnes ; la guerre éclata et pendant sept décennies, les descendants de Daemon tracassèrent les descendants de Daeron. On peut également penser à la saga principale, où Robert Baratheon a vaincu les Targaryen mais redoute encore le retour de Viserys et Daenerys quinze ans plus tard. Lorsque le royaume a le choix entre deux candidats, il y aura toujours des gens pour soutenir un camp et des gens pour soutenir un autre. La guerre paraît alors inévitable, et après elle, le massacre de la lignée perdante. On se souviendra d’ailleurs de la maxime de Tywin Lannister pour l’illustrer :
« — Mon père aussi avait une maxime. Jamais ne blesse un adversaire que tu peux tuer. Les morts ne crient pas vengeance.
— Leurs fils, si, remarqua Hoster sur un ton désolé.
— Pas si tu tues également les fils. Interroge les Castral sur ce compte, si tu m’en crois. Demande à lord et lady Tarbeck, ou aux Reyne de Castamere. Demande au prince de Peyredragon. »A Dance with Dragons, Jaime I.
Toutefois, il serait bon de rappeler dans le même temps que le conflit a été quelque fois évité : Jaehaerys avait une sœur aînée et des nièces qui pouvaient passer pour plus légitimes que lui, et même si elles ont failli servir de prétexte pour déclencher une guerre contre lui, les circonstances ont permis de l’éviter. A la fin de son règne, le même Jaehaerys a organisé un Grand Conseil (celui par lequel démarre la série), qui a permis de trouver une solution à une situation inextricable et où la guerre menaçait d’éclater. On se souviendra aussi du Grand Conseil de 233, où les seigneurs tentèrent de monter l’un contre l’autre les deux fils de Maekar, Aemon et Aegon. Le résultat :
« Le choix évident était le prince Aegon, mais certains seigneurs s’en défiaient : ses errances avec un chevalier errant l’avaient fait « à moitié paysan », à en croire beaucoup. Assez de gens le détestaient, en fait, pour qu’on fît l’effort de voir si on pourrait délier de ses vœux son frère aîné mestre Aemon. Mais Aemon refusa, et on en resta là. »
Les Origines de la saga, Maekar.
« D’abord ils la proposèrent sans sourciller à notre Aemon qui, sans sourciller non plus, la refusa. Les dieux, leur dit-il, l’avaient voué à servir, pas à gouverner. Le serment qu’il avait prononcé, il n’entendait pas le rompre, en dépit de l’absolution que lui offrait le Grand Septon. […] Et comme Aemon redoutait, non sans raison, que, s’il restait à la cour, les gens qui réprouvaient la politique de son frère ne cherchent à l’utiliser, il vint au Mur. »
A Clash of Kings, Jon I.
Il faut donc relativiser la prédiction d’Otto : la guerre peut être évitée et tous les conflits de succession ne se terminent pas en bain de sang. Il s’agit plutôt d’une prophétie auto-réalisatrice, un sophisme qui vise à justifier ses propres actions en se déresponsabilisant. Mais il inverse la causalité. Par ses actions, Otto contribue à renforcer le climat de tensions entre Aegon et Rhaenyra. Par leurs actions, lui et ses semblables rendent la guerre… inévitable.
↑La Salle des Neuf de Corlys Velaryon
Toujours courroucé par la décision du roi de prendre Alicent Higthower comme épouse plutôt que sa fille Laena, Corlys Velaryon, Sire des Marée, maître de Lamarck, reçoit son souverain dans la Salle des Neuf, l’une des pièces de son château nommé Marée Haute (High Tide).
Marée Haute existe bel et bien dans les livres, tout comme le trône de bois flotté que l’on voit dans l’épisode. Lord Corlys, plus riche seigneur des Sept Couronnes à cette époque, fit construire le château ex nihilo :
« Lord Corlys bâtit un nouveau château de l’autre côté de l’île. On construisit Marée Haute avec la même pierre pâle que les Eyrié, ses tours élancées couronnées de toitures d’argent battu qui étincelaient au soleil. Quand montaient les marées du matin et du soir, la mer cernait le château, uniquement relié à Lamarck proprement dite par une digue. Ce fut dans cette nouvelle citadelle que lord Corlys installa l’ancien trône de Bois flotté (don du roi Triton, selon la légende). »
Feu et Sang, Les héritiers du Dragon – Une affaire de succession.
La Salle des Neuf en revanche est une invention de la série. Cette salle est une référence aux Neuf Voyages qu’entreprit Corlys Velaryon dans sa jeunesse : neuf voyages qui lui firent explorer le monde connu, lui valurent sa renommée et sa richesse (HBO développe d’ailleurs un projet de spin-off sur le sujet).
« Ses voyages les plus célèbres furent ceux qu’il accomplit sur le navire qu’il conçut et construisit lui-même, le Serpent de Mer. Des négociants de Villevieille et de La Treille avaient souvent navigué jusqu’à Qarth en quête d’épices, de soieries et d’autres trésors, mais Corlys Velaryon fut le premier Ouestrien à aller au-delà, franchissant les Portes de Jade pour atteindre Yi Ti et l’île de Leng, rentrant avec une cargaison de soieries et d’épices si opulente qu’il doubla d’un seul coup la fortune de la maison Velaryon. À son second voyage à bord du Serpent de Mer, il poussa plus loin encore, jusqu’à Asshaï-lès-L’Ombre. Au troisième, il tenta plutôt la mer Grelotte, devenant le premier Ouestrien à atteindre les Mille-Îles et à visiter les côtes lugubres et glacées de N’ghaï et de Mossovy.
En définitive, le Serpent de Mer effectua neuf voyages. »Feu et Sang, Les héritiers du Dragon – Une affaire de succession.
La salle est là pour rappeler à ses visiteurs les exploits qu’il entreprit : une immense fresque murale navale représente un navire (certainement le Serpent de Mer), divers objets évoquent les mondes qu’il a parcouru (un coquillage géant, une maquette, un buste couvert de coquillages, des statues, des cartes, des objets d’art de différentes cultures). Le masque de Craghas est aussi exposé, témoignage de ses hauts faits plus récents.
Un dernier élément ne manque pas d’interroger : des crânes aux casques longiformes ornent le pan de mur où se situe la fresque. Serait-ce des souvenirs des ennemis vaincus ? Ils ont pourtant tous le même casque … Ou bien un culte à ses ancêtres venus de Valyria ? De nombreuses bougies accompagnent les crânes, comme ce qu’on avait vu aoutour du crâne de Balerion ou dans le Septuaire.
En tous les cas, en faisant défiler le roi Viserys parmi ses propres exploits et en l’attendant assis ostensiblement sur son trône, Corlys tient là une façon d’humilier le roi et de montrer sa puissance et son orgueil.
Une vidéo des coulisses de la création de ce décor a depuis été publiée par HBO. On y aperçoit un squelette de mammouth et plein d’autres détails.
↑Laenor Velaryon et ser Joffrey Lonbec sont-ils amants dans les livres ?
Dans Feu et Sang, Laenor est homosexuel, fait qui est connu de sa famille et certainement de la cour. Comme souvent dans les livres de George R.R. Martin, l’homosexualité n’est pas évoquée frontalement, mais sous-entendue – de façon plus ou moins visible : Renly et Loras, Jon Connington, Daemon Feunoyr le Jeune, Rhaena Targaryen, et donc, Laenor Velaryon.
L’attirance de Laenor pour les hommes est soulevée lorsque le mariage entre lui et Rhaenyra est discuté au conseil restreint, et donne lieu à une métaphore culinaire :
« On éleva une seule objection : Velaryon avait désormais dix-neuf ans mais n’avait jamais manifesté d’intérêt pour les femmes. En fait, il s’entourait de séduisants écuyers de son âge et on assurait qu’il préférait leur compagnie. Mais le Grand Mestre Mellos balaya d’emblée cette inquiétude : « Eh bien, quoi ? demanda-t-il. Je n’aime pas le poisson, mais quand on m’en sert, j’en mange. » Ainsi le mariage fut-il décidé. »
Feu et Sang, Les héritiers du Dragon – Une affaire de succession.
(au passage, on trouve aussi une métaphore culinaire pour parler d’homosexualité dans dans Spartacus de Stanley Kubrick – grande référence de George R.R. Martin. Merci à Aiglon pour le lien)
La métaphore culinaire des livres est reprise dans la série par le biais de Rhaenyra à base d’oie et de canard. Mais une métaphore transformée, puisque là où la phrase de Mellos a le sens de « Il devra s’accommoder d’avoir une épouse », Rhaenyra propose au contraire qu’ils puissent chacun poursuivre leurs sentiments amoureux ou leurs aventures comme ils l’entendent.
La relation entre Laenor et Joffrey Lonbec existe bien dans les livres. Elle est surtout mise en scène avec bien plus de subtilité que dans Game of Thrones, qui associait systématiquement acte sexuel lubrique et homosexualité, là où House of the Dragon met en avant l’amour partagé et la complicité des deux jeunes hommes.
↑Criston Cole et sa proposition à Rhaenyra
La série a opté pour une relation Criston-Rhaenyra représentée comme celle de deux amants tragiques, ayant des aspirations opposées qui les séparent. Dans les livres, cette relation fondamentale dans l’histoire est beaucoup moins claire, car elle est rapportée par diverses sources qui disent tout et son contraire (au lecteur ensuite de choisir la version qu’il préfère). Une de ces versions évoque cependant que la nuit qui suivit la décision de marier Rhaenyra à Laenor, Criston aurait fait une proposition similaire à celle de la série… et aurait été repoussé par Rhaenyra :
« Et ici nos sources diffèrent de nouveau. Cette nuit-là, rapporte septon Eustace, ser Criston Cole se glissa dans la chambre à coucher de la princesse pour confesser son amour pour elle. Il apprit à Rhaenyra qu’il avait un navire qui l’attendait sur la baie et la supplia de fuir avec lui de l’autre côté du détroit. Ils se marieraient à Tyrosh ou à l’Antique Volantis, où l’autorité de son père n’atteignait pas et où nul ne se soucierait que ser Criston Cole ait bafoué ses vœux de membre de la Garde Royale. Ses prouesses à l’épée et au fléau d’armes étaient telles qu’il ne doutait pas de trouver un prince marchand qui le prendrait à son service. Mais Rhaenyra refusa. Elle était le sang du dragon, dit-elle, et faite pour autre chose que l’existence d’une épouse de vulgaire épée-louée. Et s’il pouvait balayer ses vœux de la Garde Royale, que représenteraient de plus pour lui des vœux de mariage ? »
Feu et Sang, Les héritiers du Dragon – Une affaire de succession.
Une autre version rapporte toutefois une histoire moins romanesque encore : Rhaenyra se serait glissée nue dans les appartements de Criston qui l’aurait repoussée une fois de plus, restant ainsi chaste, fidèle à ses vœux et à son manteau blanc.
↑Les dragons des Velaryon
Les Velaryon font une entrée fracassante à Port Réal pour le mariage de Laenor et ils n’hésitent pas à débarquer avec une flotte immense mais aussi deux dragons.
Le premier d’entre eux est Fumée-des-Mers, c’est celui de Laenor dont nous avons déjà parlé dans cet article.
Le deuxième est beaucoup moins évident pour les non-lecteurs mais il s’agit de Meleys, montée par Rhaenys, qui est elle aussi une dragonnière. Surnommée la Reine Rouge et réputée pour sa rapidité, Meleys a tout d’abord été montée par Alyssa Targaryen, la mère de Viserys et de Daemon. Quatre ans après la mort d’Alyssa, c’est Rhaenys qui l’a chevauché, y compris le jour de son propre mariage avec Corlys Velaryon.
↑Les Verts, le phare et la reine
L’épisode a construit toute une symbolique autour de l’arrivée de la reine Alicent au banquet. Ce butor de Jason Lannister s’esbaudit du retard de la reine Alicent et blague « Voilà pourquoi la guerre est une affaire d’hommes ! La femme n’est jamais prête à temps pour la bataille. » Alicent arrive effectivement en retard, dans une robe qui annonce les batailles à venir. Les Hightower ne s’y sont pas trompés (« Tu es debout et solide… Sache que Villevieille se tient à tes côtés. » dit Hobert Hightower), et même les Fort ont parfaitement compris le message, puisqu’ils nous l’expliquent :
« Le phare du port de Grand-Tour. Sais-tu de quelle couleur il brille quand Villevieille brandit ses bannières dans la guerre ?
– Vert. »House of the Dragon – saison 1, épisode 5 : Nous éclairons la voie.
Les costumes ont une signification importante dans cette série. Alicent portait des robes noires et rouges dans les derniers épisodes, couleurs des Targaryen. À partir de cet épisode, nous allons très certainement la voir plus souvent en vert. On comprend le titre de l’épisode : We light the way / « Nous éclairons la voie ». Il s’agit de la devise des Hightower de Villevieille (on en parlait dans le podcast consacré). La formule renvoie aussi bien à ce qu’ils font vraiment avec leur phare de la Grand-Tour, qui éclaire la route des navires jusqu’à Villevieille, que ce qu’ils font plus généralement avec leur politique atypique dans les Sept Couronnes : favoriser le commerce, le savoir et la religion. Ici, la devise prend une autre signification encore : Alicent nous éclaire sur la voie que va prendre la série, elle annonce la couleur. La guerre inévitable que lui annonçait son père aura bien lieu, et elle compte se battre.
Ce détail du phare illuminé de vert en temps de guerre n’est pas un ajout bricolé par la série au dernier moment. Le livre en parle :
Au sommet de la Grand-Tour, le grand fanal vira à un vert sinistre tandis que lord Martyn Hightower convoquait ses bannerets.
Feu et Sang, Les Fils du Dragon.
La série a donc su intelligemment faire la synthèse de plusieurs passages différents du livre pour créer toute une symbolique forte autour du message qu’Alicent voulait passer.
Le livre n’était pas aussi explicite : il n’évoque qu’un tournoi, au cours duquel la reine Alicent portait une robe verte sans qu’il y ait vraiment de signification précise derrière. L’événement fait date et par la suite, le vert est associé au parti de la reine.
« En 111, eut lieu un grand tournoi à Port-Réal pour le cinquième anniversaire du mariage du roi avec la reine Alicent. Au banquet d’ouverture, la reine arbora une robe verte, tandis que la princesse se parait de façon spectaculaire du rouge et noir des Targaryen. On en prit note, et dès lors la coutume voulut qu’on fasse référence aux « Verts » et aux « Noirs » en désignant le parti de la reine et celui de la princesse respectivement »
Feu et Sang, Les héritiers du Dragon – Une affaire de succession.
↑La mort de ser Joffrey Lonbec
Le banquet d’accueil des convives pour le mariage princier bat son plein, et la danse voit s’entremêler intrigues de cœur et montée en tensions pour tous les personnages. Et alors que les Hightower se rassemblent, que Laenor et Joffrey tentent de percer le secret de l’amant de Rhaenyra, que Daemon cherche sa place et que Criston parvient douloureusement à masquer ses blessures… le drame frappe. Dans un accès de rage, le Garde Royal, bouclier lige de la princesse, s’en prend violemment au favori de Laenor, jeté à terre. Ce dernier n’arrive même pas à sortir une dague pour se défendre, Criston le bat à mort. Un déchainement de violence graphique et morale dans la lignée de ce que nous avions vu dans les épisodes précédents.
Dans les livres, Joffrey Lonbec est également tué à l’occasion du mariage de Laenor et Rhaenyra, par Criston Cole – qui cherche là aussi un exutoire à la violence qu’il renferme. Le contexte est toutefois bien différent : pour célébrer ce mariage, le roi Viserys a organisé un tournoi, et c’est au cours de la joute que le drame se déroule :
Privé de la faveur de Rhaenyra, Criston Cole se tourna alors vers la reine Alicent. Arborant le gage qu’elle lui donna, le jeune lord Commandant de la Garde défit tous les adversaires, combattant avec une fureur noire. Il laissa Brise-Os avec une clavicule cassée et un coude brisé (inspirant par la suite à Champignon le surnom « Brisé-d’os »), mais ce fut le Chevalier des Baisers qui endura la pleine mesure de son ire. L’arme de prédilection de Cole était le fléau d’armes, et les coups qu’il fit pleuvoir sur le champion de ser Laenor lui fendirent le casque, le laissant sans connaissance dans la boue. Transporté ensanglanté hors de la lice, ser Joffrey expira six jours plus tard, sans avoir repris connaissance. Champignon nous raconte que ser Laenor passa toutes les heures de ces six jours à son chevet et qu’il versa des larmes amères quand l’Étranger vint le prendre.
Feu et Sang, Les héritiers du Dragon – Une affaire de succession.
Une différence qui n’est pas anodine : dans les livres, quand bien même Criston aurait spécifiquement ciblé Joffrey, cela se passe dans le cadre d’une joute. Et l’on sait que les joutes – en particulier chez George R.R. Martin – peuvent entrainer de graves accidents. Ce qui explique pourquoi Criston Cole n’a pas été inquiété par la suite : Joffrey est mort de ses blessures au cours d’un jeu sportif, la violence s’est produite dans un cadre précis, où l’on sait qu’elle peut arriver, et où elle est régulée. Le roi n’en est pas moins courroucé et le fait savoir.
Dans la série, c’est un meurtre, pur et simple. Criston aurait pu prétexter un danger imminent pour la princesse ou un membre de la famille royale, qui aurait motivé son geste… Mais ce n’est pas le cas dans cet épisode, son geste reste sans explication officielle. Et pourtant Criston n’est pas inquiété plus que cela. Transformé en personnage tragique, son action n’est pas punie ou n’a pas de conséquence judiciaire (là où par exemple, Jaime Lannister, Garde Royal, avait du fuir la capitale après s’en être pris à Eddard Stark, alors Main du roi). C’est une nouvelle façon de banaliser la violence comme ce que l’on avait vu dans l’épisode 1 (la joute et la descente de Daemon) et 4 (le speed-dating de Rhaenyra). Un choix des showrunners qui fait clairement écho à la tradition des mariages sanglants de Game of Thrones, si l’on suit les dires de Ryan Condal dans le Inside the Episode : « Le plus amusant dans cette séquence est de jouer sur les attentes du public en ce qui concerne un mariage Game of Thrones et de savoir que ces événements ont tendance à ne pas bien se passer. On ne sait pas d’où va venir l’explosion, et puis elle vient de l’endroit le plus inattendu où Criston Cole finit par craquer. » ; un choix également fait pour montrer la violence de l’univers, de la cour et de la noblesse, des Targaryen, ou encore la perte totale de contrôle de Viserys sur son règne ; un choix qui toutefois ne manque pas d’interroger le spectateur tellement ces éléments vont à rebours de l’idée même de « réalisme » historique que la série est réputée avoir.