Daenerys, Dragons et Dothrakis : À la conquête de l’Ouest

J’ai fait les choses à l’envers. ^^’ Je vous parlais dans un précédent sujet des difficultés que Daenerys risque de rencontrer à Westeros … Mais avant ça, elle va devoir y retourner. 😉

* * * * * * *

Tandis que le ciel à l’ouest virait à la nuance d’une plaie sanglante, Daenerys entendit approcher un bruit de chevaux. Elle se leva, s’essuya les mains sur sa camisole en loques et alla se placer auprès de son dragon.
C’est ainsi que le khal Jhaqo la trouva, lorsqu’une cinquantaine de guerriers montés émergèrent des volutes de fumée.

ADWD, Daenerys X.

Voilà où on a laissé Daenerys à la fin d’ADWD. Une position, qui semble délicate à priori. Daenerys, en temps que veuve de khal, est intouchable, mais elle a transgressé les lois des Dothrakis, qui lui imposaient de retourner à Vaes Dothrak et d’entrer dans le Dosh Khaleen. Assurément, en retrouvant Daenerys, Khal Jhaqo (ancien ko de Drogo) va vouloir faire respecter les traditions. D’autant plus qu’il y a des rancunes entre Daenerys et Jhaqo : à la mort de Drogo, Jhaqo a offert la Lhazaréenne Eroeh (une protégée de Daenerys) à ses six sang-coureurs, qui ont abusé d’elle avant de la tuer. Daenerys a juré la perte de Jhaqo pour son crime. On peut donc penser que l’affrontement entre Daenerys et Jhaqo est inévitable …

Sauf que les choses ne vont peut-être pas être si terrible que ça. Si Jhaqo et son sbire Mago risquent de subir l’ire de Daenerys, il est plus que probable en revanche que les Dothrakis dans leur ensemble finissent rapidement par se rallier à Daenerys. La simple vue du dragon, pour commencer, devrait leur donner à réfléchir, surtout si Jhaqo (ou un autre) a la bêtise de s’en prendre à Daenerys. Mais au-delà du ralliement immédiat du petit khalassar de Jhaqo, ce sont tous les Dothrakis qui pourraient prochainement suivre Daenerys : dans leur histoire, dans leur culture et dans les signes prophétiques, tout annonce au lecteur que les Dothrakis vont se soumettre, partir à l’ouest et conquérir de nouvelles terres. Les Cités libres pour commencer ? Westeros par la suite ?

I) Des Dothrakis et des Dragons

1) Histoire des Dothrakis

L’histoire des Dothrakis est intimement liée à celle des dragons et des Valyriens. Les Dothrakis ne sont à l’origine qu’un peuple mineur du continent oriental, occupant la vaste plaine connue sous le nom de Mer Dothrak. Pendant des millénaires, ils ne se distinguent en rien. Après la chute des seigneurs-dragons et la disparition des Possessions de Valyria lors du Fléau, les Dothrakis vont devenir une puissance à craindre pour l’ensemble du continent oriental. Ils vont notamment ravager le « royaume de Sarnor ». A cette époque, une série de khals parvient à unir tous les Dothrakis derrière eux (Mengo, Moro, Horro) et à ravager les territoires alentours. Par la suite, le peuple dothraki se sépare à nouveau en plusieurs petits khalassars, plus faibles. Le fait d’avoir pris et ravagé les cités sarnores leur a permis d’étendre leur territoire (mer Dothrak) mais cela rallonge également les distances entre leur cité principale (Vaes Dothrak) et les territoires de l’ouest, qui restent à conquérir. De nouvelles conquêtes deviennent de plus en plus difficile, à mesure qu’on s’éloigne de l’épicentre du pouvoir dothrakis. Finalement, l’avancée des Dothrakis va connaître un coup d’arrêt lors de la bataille des Trois Mille à Qohor, où la résistance de Trois Mille Immaculés met en déroute le khalassar de Khal Temmo. Depuis lors, les Dothrakis n’ont plus jamais tenté d’attaquer les cités libres, préférant percevoir des tributs et passer leur chemin. Ils gardent pourtant toujours l’idée qu’ils partiront à la conquête de l’ouest.

Je me permets une digression. Pour le lecteur européen, l’histoire des Dothrakis peut faire penser aux invasions barbares qui morcellent l’empire romain. C’est peut-être bien son inspiration première, mais perso, j’ai le sentiment qu’ici, Martin s’amuse à créer son monde, en présentant une image déformée, inversée de l’histoire américaine de notre monde. Aux États-Unis, la limite de l’implantation des colons européens lors de la conquête de l’Ouest était symbolisée par une ligne, appelée frontière : le but des colons était de repousser sans cesse cette frontière vers l’Ouest, pour y établir leur domination et leur civilisation en lieu et place de celle des natifs. Dans le monde de Martin, tout semble inversé : la culture dothrakie nous rappellerait davantage les Amérindiens des films (la vie sauvage, les chevaux, l’exotisme), là où les Cités libres évoqueraient plutôt la civilisation, et donc les colons états-uniens … Sauf que ce sont bien les Dothrakis qui sont des conquérants, confrontés à une ligne infranchissable qui les empêchent de mener des conquêtes plus à l’ouest, mais qu’ils espèrent toujours repousser. Je referme la parenthèse !

2) Culture des Dothrakis

Bien que leur avancée soit stoppée, les Dothrakis ont bel et bien gardé la volonté profonde d’étendre leur territoire vers l’ouest :

Beaucoup dans les cités libres croient que l’élan vers l’ouest des seigneurs du cheval fut arrêté à Qohor, quand la vaillance de trois mille Immaculés, esclaves soldats immaculés soutenant dix-huit assauts de ses hurleurs empêcha le khal Temmo de prendre la ville. Mais croire que la résistance des Trois Mille à Qohor mit fin aux rêves de conquête dothrakis dénote une inconscience proche de celle du Grand Roi de Sarnor à l’arrivée des premiers seigneurs du cheval à l’est. Les plus sages savent que ce n’est qu’une question de temps avant que les khalasars s’unissent à nouveau sous un grand khal et se tournent encore vers l’ouest pour de nouvelles conquêtes.

TWOIAF, Les prairies.

De plus, les Dothrakis ont remplacés les Valyriens comme puissance conquérante du continent, et ils entretiennent de fait un lien culturel intéressant avec les Valyriens et les dragon. On se souviendra notamment du surnom du Khal Dhako, « le Dragon du Nord ». Plus récemment, le mariage de Drogo avec Daenerys est un signe important à relever. Daenerys est la descendante d’une lignée déchue, elle n’apporte que sa beauté en dot … mais aussi le sang du dragon, les Targaryen étant les derniers dragonnier du monde connu, les derniers héritiers de Valyria :

« Puis êtes-vous sûr que Khal Drogo les aime aussi jeunes ?
– Du moment qu’elle a ses règles, il la trouvera à son gré, je me tue a vous le répéter. Regardez-la. Cette blondeur d’or et d’argent, ces yeux violets…, mais c’est le sang même de l’antique Valyria, là, aucun doute, aucun… Et si haut parage : fille du précédent roi, sœur de l’actuel…, allons donc ! comment notre Drogo n’en serait-il pas transporté ?

AGOT, Daenerys I.

Cet héritage est d’ailleurs souligné lors de la présentation de Daenerys à Drogo :

Vint enfin lui cerner le col un torque massif, d’or également, où serpentaient d’antiques glyphes valyriens.

AGOT, Daenerys I.

On se souviendra aussi des détails architecturaux du palais offert par les magistrats de Pentos à Drogo :

Surmontée de neuf tours, la résidence de Drogo dressait au bord de la baie ses hautes murailles de brique envahies de lierre livide. Les patrices de Pentos, expliqua Illyrio, l’avaient offerte au khal car, à l’instar de ses pareilles, la cité libre choyait les seigneurs du cheval.
[…]
Dès le vestibule, où une mosaïque en pâte de verre multicolore retraçait la geste tragique de Valyria, des senteurs d’épices, d’oliban, ce cédrat, de cinname empoissaient l’atmosphère.

AGOT, Daenerys I.

Et n’oublions pas, évidemment, les présents offerts au mariage :

Haggo lui remit un grand fouet de cuir à manche d’argent, Cohollo un arakh repoussé d’or, Qotho un arc plus haut qu’elle, en os de dragon.

AGOT, Daenerys II.

Sur un ordre de maître Illyrio, quatre esclaves musculeux se précipitèrent, porteurs d’un énorme coffre en bois de cèdre bardé de bronze. A l’intérieur, elle découvrit les plus riches velours et damas que fabriquât Pentos et, dessus, comme en un nid moelleux…, trois oeufs gigantesques qu’elle contempla, suffoquée. Rien de si beau n’avait frappé ses yeux. Chacun rutilait de coloris si vifs et si divers qu’elle les crut d’abord sertis de pierreries. Des deux mains, tant ils étaient gros, elle en saisit un, délicatement, s’attendant qu’il fût de porcelaine fine ou d’émail, voire de verre soufflé, mais il pesait autant que de la pierre. Le lent mouvement giratoire imprimé par les doigts révéla la coquille tapissée d’écailles minuscules que le rougeoiement du couchant faisait scintiller tel du métal poli. Son vert sombre se moirait alors de reflets de bronze bruni. Un autre œuf montrait une pâleur crémeuse pailletée d’or. Le troisième, noir de la noirceur de la mer nocturne, s’avivait de risées et de remous vermeils. « Qu’est-ce là ? s’émerveilla-t-elle à mi-voix.
– Des œufs de dragon, répondit maître Illyrio.

AGOT, Daenerys II.

3) Signes prophétiques

Plusieurs signes prophétiques dans la saga laisse penser que les Dothrakis suivront Daenerys dans sa conquête de l’ouest. On a déjà la prophétie du Dosh Khaleen :

« J’ai vu ses traits, déclara-t-elle d’une voix presque imperceptible et tremblante, j’ai entendu le tonnerre de ses sabots. […] Il chevauche aussi prompt que le vent et, dans son sillage, son khalasar inonde la terre, des myriades d’hommes, avec au poing des arakhs aussi étincelants que la lame des faux. Farouche comme une tornade sera ce prince. Ses ennemis trembleront devant lui, leurs femmes verseront des larmes de sang et, la chair en deuil, s’abandonneront. Les clochettes de sa chevelure sonneront l’annonce de sa venue et, à son seul nom frémiront sous leurs tentes en pierre les faces-de-lait. […] Le prince chevauche, et c’est lui, l’étalon qui montera le monde.

AGOT, Daenerys V.

La prophétie laissait entendre que les Dothrakis allaient s’unir derrière l’enfant de Daenerys, et qu’ils partiraient à la conquête des « tentes de pierre » (château ou palais) des faces-de-lait (habitants des cités libres ? Ouestriens ?). Après la naissance de Rhaego, on se dit que la prophétie n’a plus aucune chance de survenir, ce n’était probablement qu’un mensonge, un rituel vain pour rassurer le khal avant la naissance de son khalakka …Bon, déjà, je ne pense pas qu’il s’agisse juste d’une formule rituelle. Depuis des siècles, les prophétesses promettraient à tous les khals que chacun de leur enfant est un fils et que ce fils est le Grand Unificateur tant attendu ? Et la prophétie ne trouve jamais aucune réalisation depuis tous ces siècles ? Les prophétesses perdraient vite toute leur crédibilité, l’institution serait délaissée et le rituel abandonné.
Mais surtout, le choix des mots est intéressant : le prince qui est promis (^^) dans la prophétie dothrakie est surnommé « l’étalon » qui montera le monde. Or, un étalon est une monture. Et effectivement, si Daenerys ne donne pas naissance à un prince, elle ramène bien au monde des montures, en devenant la « Mère des Dragons ». Ce que la prophétie du Dosh Khaleen annonce, ce n’est rien de moins que le retour des dragons. Ils sont l’étalon qui montera le monde, unifieront les Dothrakis et déclencheront la conquête de l’ouest.

Une autre prophétie nous annonce peut-être que les Dothrakis vont se rallier à Daenerys, c’est la vision des Non-mourants.

Beneath the Mother of Mountains, a line of naked crones crept from a great lake and knelt shivering before her, their grey heads bowed.

ACOK, Daenerys IV.

Traduction personnelle : Au bas de la Mère des Montagnes, une ligne de vieilles femmes nues surgissaient d’un grand lac et s’agenouillaient en frissonnant devant elle, leurs têtes grises baissées.

La Mère des Montagnes est le berceau des Dothrakis. Le lac est sûrement le Nombril du Monde. Ses vieilles femmes nues sont probablement le Dosh Khaleen et leur génuflexion peut être le signe d’un hommage à Daenerys.

Conclusion :

Daenerys semble appeler à unir les khalasars et à marcher vers l’Ouest … peut-être même les emmènera-t-elle jusqu’à Westeros ? Eddard Stark (qui ne les connaît que de réputation) pense les Dothrakis incapables de traverser le détroit : « Que, seraient-ils un million, les Dothrakis ne font peser aucune menace sur le royaume tant qu’ils ne traversent pas le détroit […]. Les barbares n’ont pas de bateaux. Ils détestent la mer autant qu’ils la redoutent. » (AGOT, Eddard II.) « Le détroit nous séparerait encore. Je craindrai les Dothrakis le jour où leurs chevaux sauront galoper sur les flots. » (AGOT, Eddard VIII.) Il n’empêche que Daenerys et ses dragons ont d’ores et déjà réalisé cet exploit à Qarth : faire monter les Dothrakis sur un bateau.

Dans leur invincible défiance à l’endroit du moindre liquide auquel ne pouvaient s’abreuver leurs chevaux, ses Dothrakis ne qualifiaient la mer que de vénéneuse. Aussi, le jour où l’on avait appareillé de Qarth, vous auriez juré que c’était à destination de l’enfer et non de Pentos que les trois navires les emportaient. Tout résolu qu’était chacun à ne rien laisser voir de sa peur aux deux autres, ses braves et jeunes sang-coureurs regardaient s’amenuiser la côte d’un même oeil blanc, démesuré, tandis qu’agrippées au bastingage désespérément, ses chambrières, Irri et Jhiqui, vomissaient par-dessus bord à la plus petite apparence d’oscillation. Quant aux autres membres de son infime khalasar, ils ne bougeaient des cales, aimant cent fois mieux la compagnie fébrile des chevaux que le spectacle terrifiant d’un univers exclusivement aquatique. Et lorsqu’on se trouva tout à coup pris dans une tempête, des écoutilles montèrent, six jours durant, parmi les ruades et les hennissements, des rumeurs d’oraisons tremblantes, pour peu que le Balerion se permît tangage ou roulis.

ASOS, Daenerys I.

Ce qu’elle a pu obtenir d’un maigre khalasar, Daenerys pourrait tout aussi bien l’obtenir d’un plus grand nombre de Dothrakis … D’autant que tous ne sont pas obligés de prendre la mer, car bien avant de conquérir Westeros, il y a une moitié de continent à conquérir, piller et mettre à sac : Essos et ses cités libres.

II) Tous à l’ouest !

1) Les Cités libres, destination du peuple de Daenerys

Les Dothrakis veulent piller les Cités libres. Les Immaculés et les affranchis qui forment l’essentiel du peuple de Daenerys la suivront où qu’elle aille. Barristan souhaite qu’elle retourne à Westeros, évidemment. Tyrion ne manquera pas, si un jour il parvient jusqu’à elle, de la pousser aussi dans ce sens. D’autant qu’il a des arguments pour ça : il pourrait bien sûr lui parler de Faegon et de ses prétentions sur le Trône que Daenerys guigne elle-même … mais surtout, il pourrait lui parler des esclaves de l’ouest : au cours de son périple, Tyrion est passé par Volantis, où il y a cinq esclaves pour un homme libre. Les nouvelles venues de l’est ont généré beaucoup d’espoir, notamment dans la communauté des adorateurs de R’hllor : le Grand Prêtre du temple de Volantis, Benerro, a commencé à prêcher dans le sens de Daenerys.

Benerro a transmis la nouvelle arrivée de Volantis. Sa venue accomplit une ancienne prophétie. De la fumée et du sel elle est née, pour refaire le monde. Elle est Azor Ahaï revenu… et son triomphe sur les ténèbres amènera un été qui jamais n’aura de fin… La mort elle-même ploiera le genou, et tous ceux qui mourront en combattant pour sa cause seront ressuscités…

ADWD, Tyrion VI.

« À Volantis, des milliers d’esclaves et d’affranchis encombrent chaque soir la place du temple pour écouter Benerro bramer des histoires d’étoiles de sang et d’une épée de feu qui purgera le monde. Il prêche qu’assurément Volantis brûlera si les triarques prennent les armes contre la reine d’argent.

ADWD, Tyrion VII.

Un autre personnage se fait la porte-parole des espoirs des esclaves : la veuve du front de fleuve.

Si vous deviez atteindre votre reine, transmettez-lui un message de la part des esclaves de l’Antique Volantis. » Elle toucha la cicatrice effacée sur sa joue flétrie, où l’on avait retiré ses larmes. « Dites-lui que nous attendons. Dites-lui de ne pas tarder. »

ADWD, Tyrion VII.

Daenerys ne manquera pas d’arguments pour aller jusqu’à Volantis … D’autant que la Cité libre semble être un point incontournable sur son trajet (on y reviendra) et qu’elle lui a au surplus déclarée la guerre, en dépêchant entre trois-cents et cinq-cents galères vertes, remplies d’esclaves-soldats.

D’autres Ouestriens pourraient pousser Daenerys vers l’ouest : Victarion Greyjoy et ses Fer-nés lui offrent soixante-et-un navires (au dernier décompte) pour naviguer jusqu’à Westeros ; Marwyn pourrait bien lui apporter le soixante-deuxième, avec La Brise cannelle s’il arrive assez vite. Ce nombre risque d’être insuffisant, mais il pourrait servir d’impulsion supplémentaire pour pousser Daenerys à quitter la baie des Serfs et partir à l’ouest.

Ajoutons à ça que les compagnies mercenaires, impliquées dans le siège de Meereen, peuvent également venir grossir les rangs de la reine-dragon : Tyrion a prévu de faire retourner une fois de plus leurs casaques aux Puinés à la fin de l’intégrale 5, ADWD.

– Oh, je sais, répondit Tyrion. Les Puînés sont du côté des perdants. Ils ont besoin de retourner encore une fois leur casaque, et de le faire tout de suite. » Il sourit. « Laisse-moi faire. »

ADWD, Tyrion XI.

Et après son coup d’état contre Hizdahr, Barristan a profité du temps dont il disposait pour organiser la trahison des Erre-au-vent et la libération des otages (Daario Naharis, Jhogo, Héro).

Qu’a promis le prince Quentyn au Prince en Guenilles, en échange de toute cette aide ? […] Pentos, proposa ser Barristan. Il lui a promis Pentos. […] Nous avons encore des Erre-au-Vent dans les cachots. Ces faux déserteurs.
– Je me souviens, dit Ferboys. Paisselande, Chaume, ceux-là. Certains d’entre eux étaient pas trop mauvais bougres, pour des épées-louées. D’autres, ma foi, ça leur ferait p’têt’ pas de mal de mourir. Qu’en est-il d’eux ?
– J’ai l’intention de les renvoyer au Prince en Guenilles. Et vous avec eux. Vous serez deux parmi des milliers. Votre présence dans les camps yunkaïis devrait passer inaperçue. Je veux que vous apportiez un message au Prince en Guenilles. Dites-lui que je vous ai dépêchés, que je parle avec la voix de la reine. Dites-lui que nous paierons son prix s’il nous livre nos otages, sains et saufs. »
Ser Archibald fit la grimace. « La Guenille a plus de chances de nous confier tous les deux à la Belle Meris. Il le fera pas.
– Pourquoi pas ? La tâche est assez simple. » Comparée à un enlèvement de dragons. « J’ai un jour tiré de Sombreval le père de la reine.

ADWD, La Main de la reine.

Toutefois, on rappellera que le marché avait déjà été proposé à Daenerys qui l’avait refusé à l’époque :

« Le Prince en Guenilles ne se contentera pas de numéraire, Votre Grâce. Meris déclare qu’il veut Pentos. […] Il serait disposé à patienter, a laissé entendre cette Meris. Jusqu’à ce que nous marchions sur Westeros. »
Et si je ne marche jamais sur Westeros ? « Pentos appartient aux Pentoshis. Et maître Illyrio habite à Pentos. C’est lui qui a arrangé mon mariage avec le khal Drogo et qui m’a donné mes oeufs de dragon. Qui vous a envoyé à moi, ainsi que Belwas, et Groleo. Je lui dois énormément. Je refuse de rembourser cette dette en livrant sa cité à une épée-louée. C’est non. »

ADWD, Daenerys IX.

Dites ! Pentos ! Ca tombe bien, non ? Daenerys y a des amis, à ce qu’il paraît :

Le maître [Illyrio Mopatis] haussa les épaules. « Malgré tout le plaisir que j’aurais à accueillir la reine Daenerys à Volantis, je dois m’en remettre à vous et à Griff, pour cela. Je puis mieux la servir à Pentos, en aplanissant la voie pour son retour.

ADWD, Tyrion II.

Reste à savoir ce qu’Illyrio compte vraiment faire de ce côté-là … A priori, certaines de ses entreprises n’ont pas bien fonctionné :

L’enfant craintive qui s’est réfugiée dans ma demeure est morte sur la mer Dothrak, pour renaître dans le sang et le feu. Cette reine dragon qui porte son nom est une Targaryen authentique. Lorsque j’ai envoyé des navires pour la ramener chez elle, elle s’est tournée vers la baie des Serfs. En quelques jours de temps, elle a conquis Astapor, fait plier le genou à Yunkaï et mis Meereen à sac.
[…]
« Nos dernières nouvelles sur la reine Daenerys sont anciennes et rassises, je le crains. Désormais, elle a dû quitter Meereen, nous devons le supposer. Elle dispose enfin de son ost, une armée dépenaillée d’épées-louées, de seigneurs des chevaux dothrakis et d’infanterie d’Immaculés, et elle va certainement les mener vers l’ouest, pour reprendre le trône de son père. »

ADWD, Tyrion II.

– Des éléphants avec des rayures ? bougonna Griff. Qu’est-ce que ça veut dire ? Nyessos et Malaquo ? Illyrio a suffisamment versé au triarque Nyessos pour le posséder huit fois.
[…]
Sans connaître ces Volantains, il lui parut pourtant que tigres et éléphants pouvaient avoir de bonnes raisons de faire cause commune face à des dragons. Il se pourrait que le marchand de fromages ait mal jaugé la situation. On peut acheter un homme avec de l’or, mais seuls le sang et l’acier le maintiendront loyal.

ADWD, Tyrion V.

« Le plan était de ne révéler le prince Aegon que lorsque nous arriverions devant la reine Daenerys, disait Lemore.
– C’était lorsque nous pensions que cette fille viendrait à l’ouest. Notre reine dragon a réduit ce plan en cendres et, grâce à cet imbécile pansu de Pentos, nous avons empoigné la dragonne par la queue et nous nous sommes grillé les doigts jusqu’à l’os.
– On ne pouvait pas attendre d’Illyrio qu’il sache que la fille choisirait de rester sur la baie des Serfs.
– Pas plus qu’il n’a su que le Roi Gueux mourrait jeune, ni que le khal Drogo le suivrait dans la tombe. Très peu d’événements prévus par le pansu se sont accomplis. »

ADWD, Le seigneur perdu.

Pentos serait une bonne base de lancement pour Daenerys, puisque c’est la Cité libre la plus proche de Port-Réal … Toutefois, il faut rappeler que Pentos n’a pas spécialement de raisons d’être beaucoup plus accueillante avec Daenerys que Volantis :

Pour la plus grosse part de son histoire, Pentos a largement pratiqué l’esclavage, et les navires pentoshis ont joué un rôle actif dans la traite. Mais il y a plusieurs siècles, cette pratique mit la cité en conflit avec sa voisine au nord, Braavos, la « fille bâtarde de Valyria », fondée par une flotte d’esclaves évadés. Sur les deux cents dernières années, pas moins de six guerres ont été livrées entre les deux villes sur ce sujet (et, il faut le remarquer, pour le contrôle des terres fertiles et des eaux qui les séparent). […] Les accords de paix ont forcé Pentos à certaines concessions, dont l’abolition de l’esclavage et l’abandon de la traite des esclaves.
Si ces dispositions font encore loi à Pentos, certains observateurs ont noté que nombre de navires pentoshis contournaient ces interdictions en arborant à leurs mâts des pavillons lysiens ou myriens en cas d’abordage, tandis qu’en ville même, des dizaines de milliers de « libres ilotes » sont des esclaves en tout, hormis le nom : comme leurs homologues de Lys, Myr et Tyrosh, ils portent le collier et la marque et obéissent à la même discipline féroce. Selon le droit, ces ilotes sont des hommes et femmes libres et peuvent refuser à leur guise de servir… pourvu qu’ils n’aient pas de dette envers leurs maîtres. Mais presque tous en ont, car la valeur de leur travail est souvent inférieure au prix de la nourriture, des vêtements et des abris fournis par ceux qu’ils servent, si bien que leur dette croît au fil du temps au lieu de diminuer.

TWOIAF, Pentos.

Illyrio lui-même aurait des raisons de s’inquiéter personnellement, si Daenerys voulait être cohérente avec elle-même :

L’esclavage peut bien être proscrit par les lois de Pentos, mais vous trempez vous aussi dans ce négoce. Au moins le doigt, sinon toute la main. Et pourtant, vous conspirez en faveur de la reine dragon, et non contre elle. Pourquoi ? Qu’espérez-vous gagner de la reine Daenerys ?

ADWD, Tyrion II.

Bon, de toute façon, le mic-mac Illyrio-Varys ne devrait pas plaire à Daenerys, qui a des raisons d’identifier Varys comme un ennemi. Je ne développe pas ici.

Mais avant même de se demander si Daenerys va passer par Volantis ou par Pentos pour retourner en Westeros … Il faut regarder par quel chemin elle va passer. Et là, on entre dans la partie moins heureuse.

2) L’impossible chemin du retour

Le chemin de Daenerys pour Westeros passe fatalement par l’ouest, par Essos, par les Cités libres. Plusieurs fois, notamment dans l’intégrale 5 ADWD, il est question du chemin qu’il faudra prendre.

En quelques jours de temps, elle a conquis Astapor, fait plier le genou à Yunkaï et mis Meereen à sac. Mantarys va suivre, si elle marche vers l’ouest en suivant les anciennes routes valyriennes. Si elle vient par la mer, eh bien… Sa flotte devra se ravitailler en nourriture et en eau à Volantis.
– Par terre ou par mer, il y a bien des lieues entre Meereen et Volantis, fit observer Tyrion.
– Cinq cent cinquante, à vol de dragon, à travers des déserts, des montagnes, des marais et des ruines hantées par les démons. Tant et plus périront, mais ceux qui survivront seront plus forts en atteignant Volantis…

ADWD, Tyrion II.

Illyrio ne semble pas très optimiste sur la solution « voie de terre ». Il n’est pas le seul à évoquer les risques et dangers de ce voyage :

« La route des démons est dangereuse, et trop lente, répondit Quentyn. Tywin Lannister enverra ses propres hommes contre la reine dès que la nouvelle de son existence parviendra à Port-Réal. »

ADWD, Le serviteur du marchand.

La route des démons, c’est la mort. Les désertions nous feront perdre la moitié de la compagnie, si nous nous lançons dans cette marche, et nous enterrerons la moitié de ce qui reste au bord de la route. Il m’en coûte de le dire, mais maître Illyrio et ses amis ont peut-être été mal avisés de placer tant d’espoirs en cette enfant reine.

ADWD, Le seigneur perdu.

La « voie de mer » n’est pas beaucoup plus praticable, et lorsque Daenerys l’évoque avec ses conseillers à Meereen, le problème paraît tout aussi insoluble :

Treize vaisseaux… Cela ne suffit pas. Cent vaisseaux pourraient n’y pas suffire.

ADWD, Daenerys III.

Comme dit plus haut, Victarion arrive avec soixante-et-un navires, qui pourront éventuellement faire d’autres prises parmi les vaisseaux esclavagistes qui assurent le siège de Meereen … Mais ce chemin est tout aussi dangereux, surtout avec les centaines de galères vertes de Volantis qui se dirigent vers Meereen.

Sans les Dothrakis, le voyage semble déjà impossible … alors avec eux, il risque d’être pire. Les conseillers de Daenerys avaient déjà évoqué la situation dans l’intégrale 5 ADWD.

« Si vous redoutez ce qui suivra quand je partirai, accompagnez-moi à Westeros.
– Où la Mère des Dragons ira, les Hommes de la Mère la suivront, annonça Marselen, le dernier frère de Missandei.
[…]
– Les chevaux de bois ne sont pas bons, objecta Rommo, le vieux jaqqa rhan. Les Dothrakis iront à cheval.
– Nos humbles personnes pourraient avancer par voie de terre, en suivant la côte, suggéra Ver Gris. Les vaisseaux pourraient se maintenir à leur hauteur et ravitailler la colonne.
– Cela serait faisable jusqu’à ce que vous atteigniez les ruines de Bhorash, déclara le Crâne-ras. Plus loin, vos vaisseaux devront virer vers le sud, au-delà de Tolos et de l’île des Cèdres, et contourner Valyria, tandis que l’infanterie continuera vers Mantarys par l’ancienne route des dragons.
– La route des démons, on l’appelle, désormais […] Tant et plus d’entre nous périraient.
– Ceux restés derrière à Meereen envieraient leurs trépas faciles, se lamenta Reznak. Ils nous feront tous esclaves, ou nous jetteront dans l’arène. Tout redeviendra comme avant, ou pire.
– Où est passé ton courage ? s’emporta ser Barristan. Son Altesse vous a libérés de vos chaînes. À vous d’affûter vos épées et de défendre votre propre liberté, à son départ.
– Braves paroles, de la part de quelqu’un qui a l’intention de prendre la mer pour le couchant, riposta avec hargne Symon Dos-zébré. Jetterez-vous un regard derrière vous, pour nous voir mourir ?

ADWD, Daenerys III.

Comme souvent, Daenerys (à l’époque) y répondait par un indéfectible idéalisme :

« Nous ne laisserons mourir personne. Vous êtes tous mon peuple. […] Je n’abandonnerai pas Meereen pour qu’elle subisse le sort d’Astapor. J’ai peine à le dire, mais Westeros devra attendre. »

Daenerys III.

Reste à voir si sa résolution tiendra face à l’appel de l’ouest et à son incapacité à nourrir et rendre heureux son peuple tant qu’il restera à Meereen.

Conclusion :

Daenerys va sans doute partir pour l’ouest, avec un peuple immense d’affranchis, de Dotrakis et de mercenaires en tout genre. La plupart devraient la suivre, une minorité restera peut-être dans la baie des Serfs … Quel que soit leur choix, une bonne part devrait mourir. Et contrairement à ce que dit Illyrio, il n’est pas dit qu’une fois arrivé aux Cités libres, le peuple de Daenerys ne lui fasse pas défection, en partie du moins. Les mercenaires du Prince en Guenilles par exemple n’iront sûrement pas plus loin que Pentos, s’ils y arrivent jamais. Et les Dothrakis ? Voudront-ils aller plus loin que les Cités libres ? L’aura de Daenerys sera-t-elle encore suffisante pour les entraîner sur les « chevaux de bois » ? Que restera-t-il de son peuple lorsqu’elle traversera le détroit ?