De la représentation du handicap dans la fiction

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    DroZo
    • Terreur des Spectres
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    Certains d’entre vous le savent : je suis presque non-voyant. Et depuis que je le suis devenu, je me pose pas mal de questions sur la représentation du handicap dans la fiction et de son impact sur la vraie vie. Et comme que je me suis dit que mes réflexions pourraient intéresser certains d’entre vous, autant vous les partager. Je précise que dans ce post en particulier, je vais surtout parler de la représentation du handicap physique. Avoir le point de vue de personnes ayant un handicap d’ordre neuronal serait intéressant, mais comme je ne maitrise pas ce sujet, je les laisse s’exprimer, ils seront plus pertinents que moi.

    Les fictions mettant en scène des personnes en situation de handicap sont très rares. Celles qui le font bien, sans se montrer cliché, maladroites ou involontairement insultantes le sont plus encore. Si je vous parle d’inclusivité c’est parce que cette invisibilisation par les médias a pour conséquence que beaucoup de gens ne savent pas ce qu’est le handicap, et cette ignorance peut leur faire avoir des comportements gênants envers nous, que ce soi de l’incompréhension, du rejet, de la pitié, de l’infantilisation, du déni… Bref, tout un tas de discriminations. A mon sens, la fiction, et en particulier la fiction grand public, est la mieux à même de changer la vision du handicap pour la normaliser. Et parce qu’elle a ce pouvoir, elle devrait avoir le devoir de le faire. Regardez par exemple la communauté LGBT+. Depuis qu’elle est devenue très présente dans les séries ces 15 dernières années, la plupart des gens de moins de 40 ans l’acceptent très bien. C’est devenu normal notamment grâce à la fiction. Et j’aimerais bien qu’il en soit de même pour le handicap.

    En 2019, le CSA indiquait 0,7 % de personnes en situation de handicap dans les médias. C’est moins de 1 %. Et j’ai l’impression, sans chiffre à l’appui, que cette situation n’évolue pas dans le bon sens. Ainsi, si je prend pour exemple les littératures de l’imaginaire, celles que je connais le mieux, j’ai l’impression de retrouver plus de personnages handicapés dans les récits des années 90, et dont le handicap est traité avec réalisme et banalité. Pensez à Susannah Dean dans le cycle de « la Tour Sombre » de Stephen King, qui est un excellent personnage ou à Tyrion, Bran, Jaime ou Davos dans « le Trône de Fer » de George R. R. Martin par exemple. Dans les années 2010 et 2020, j’en retrouve encore de temps à autre mais beaucoup plus rarement. J’ai même l’impression que cette disparition est encore plus forte chez les auteurs qui revendiquent le plus la diversité dans leurs romans, comme dans le « Cycle de la terre fracturée » de N. K Jemisin ou « Le Prieuré de l’Oranger » de Samantha Shannon. Parce que quand ces auteurs parlent de diversité, ils pensent à la diversité de couleur de peau, de culture, de genre et de sexualité, mais pas au handicap. Pourquoi cette disparition ? Je n’en sais rien. Peut-être parce que dans les années 2010, on recherche une image plus lisse des personnages que dans les années 90 et qu’un handicapé, c’est pas lisse. Peut-être qu’on a plus peur d’offenser des handicapés en les représentant mal, du coup on s’abstient de les représenter tout court (ce qui n’est pas beaucoup mieux à mon sens). Peut-être que les luttes pour la représentation et les droits des personnes racisées et des LGBT+ ont rendu leur inclusivité à la mode, au détriment de celle moins médiatique des personnes handicapées. Peut-être tout ça en même temps, je ne sais pas.

    Quoi qu’il en soit, il suffit de regarder la licence « Game of Thrones » pour constater cette disparition des personnes handicapées dans la fiction. « Game of Thrones », série des années 2010 adaptée d’un livre des années 90, mettait en scène un très grand nombre de personnages en situation de handicap dans ses personnages principaux, et les écrivait comme n’importe quel autre de ses personnages. Par contre, univers médiéval oblige, il représentait très peu de noirs ou de latino-américains ce qui lui a valut moult procès (infondés selon moi) en racisme, avec, pour seul argument, ce manque de représentation. A l’inverse, sa préquelle, « House of the Dragon », série des années 2020 adaptée d’un livre des années 2010 montre un certain nombre de personnages racisés mais ses seuls handicapés sont des personnages tertiaires et assez clichés (Larys Fort, Champignon, par pitié !) et je n’ai vu que sur ce forum une critique de son manque de représentation. Bref, ça donne un peu l’impression que quand on ne représente pas les handicapés, contrairement à d’autres communautés, la plupart des gens s’en foutent parce que, encore une fois, on invisibilise les handicapés. (note en relecture : Après réflexion, il me semble que j’ai oublié le roi Viserys parmi les personnes en situation de handicap. Pour lui c’est plus une longue maladie qui le ronge sur des années, mais pour moi ça compte quand même).

    Un autre exemple de cette invisibilisation est la série « sense8 » des sœurs Wachowsky. Cette série veut explicitement représenter toute l’humanité dans ses personnages principaux : Il sont issus de tous les continents, d’un maximum de cultures possibles, de toutes les religions, de toutes les classes sociales, de toutes les sexualités mais aucun n’est en situation de handicap. Je ne pense pas que ce soit volontaire, connaissant les sœurs Wachowsky, de nous exclure ainsi symboliquement de l’humanité. A mon avis elles n’ont juste pas pensé à nous. Mais à mon sens, le fait qu’elles n’y aient pas pensé dans un tel projet est bien une preuve supplémentaire de notre invisibilisation dans la fiction. A noter que ,dans ce registre, les sœurs Wachowski n’en étaient pas à leur coup d’essai puisque dans « Cloud Atlas », leur précédent film monde censé représenter toute l’humanité, les personnes en situation de handicap avaient aussi été oubliées.

    Si je dois faire une comparaison, je dirais que sur l’autoroute de l’inclusivité, le handicapé, c’est un peu le chien qu’on abandonne sur l’aire de repos et qui aimerait bien monter dans la voiture aux côtés des femmes fortes, des LGBT+ et des racisés, mais qui se retrouve tout seul à les regarder la larme à l’oeil continuer leur chemin sans lui.

    Ne soyez pas comme ceux qui abandonnent leurs chiens. Adpotez un handicapé dans vos fictions.

    Heureusement pour nous, il existe quand même quelques rares oeuvres mettant en scène le handicap. Youpi. Malheureusement… Elles sont souvent écrites par des personnes qui ne connaissent rien au handicap et qui se montrent, au mieux, maladroites dans leur traitement. C’est pour ça que, pour vous aider à écrire des bons personnages dans vos fictions, je vais vous donner une liste des clichés qui m’énervent dans la représentation des handicapés en fiction. Puis, parce que j’ai quand même envie d’écrire du positif, je vous donnerai des exemples de fictions dont la représentation du handicap me plait et me parle, parce que nommer les clichés et dire ce qui est bien, c’est le meilleur moyen d’aller dans le bon sens.

    Attention : dans les paragraphes suivants, je vais critiquer sévèrement des œuvres très populaires. Parmi elles, Il y en aura même que j’aime beaucoup pour d’autres raisons que leur traitement du handicap, certes, mais que j’aime quand même. Aussi ne soyez pas vexés si je tape sur vos œuvres préférées, là n’est pas le but, vous avez le droit de les aimer, et tant mieux si vous les aimez. Je ne vais ici parler que de la façon dont ils traitent le handicap, rien de plus. De même, je pense que plusieurs des œuvres que je vais citer et critiquer ont été faites avec les meilleures intentions du monde, avec même, sans doute, une réelle volonté de représentation, ou en tout cas je l’espère. Et, à défaut de réussir leur coup et de réaliser une œuvre que je trouve réussie et respectueuse vis-à-vis du handicap, au moins ont-ils essayé. Mais même les meilleures intentions du monde peuvent se révéler problématiques et doivent être critiquées si on veut un jour avancer dans le bon sens.

    Ceci étant dit, passons aux 5 clichés qui me dérangent :

    1. Les petits clichés qui passent inaperçus.

    Commençons par les petits clichés qui ne mangent pas de pain. En fiction, si vous êtes un nain, vous êtes, soit une créature magique (Fort Boyard, Twin Peaks…), soit vous travaillez dans le monde du spectacle (Joker, la Caravane de l’Etrange, Moulin Rouge, Willow, Feu et Sang….). Si vous avez un physique tordu, soit vous êtes un traitre (300, House of the Dragon…), soit vous êtes un gentil pas forcément très malin dont il faut voir par-delà les apparences pour reconnaître sa valeur (Quasimodo dans la plupart des adaptations de Notre-Dame de Paris, CT-99 dans The Clone Wars). D’ailleurs plus généralement, si votre physique est vraiment atypique, vous êtes utilisé pour provoquer l’étrangeté, le fantastique, le bizarre, voir le dégoût (la Caravane de l’Etrange, Sacré Sorcières). Si vous êtes atteints d’obésité, soit vous êtes un grand méchant dégueulasse (le maître de Lacville dans le Hobbit, le Baron Harkonnen dans Dune…), soit vous êtes un comic-relief rigolo et un peu con (Hurley dans Lost, Clara dans The Guil, Steve Wosniak dans Job…), et si vous êtes un aveugle, vous êtes un expert en art-martiaux qu’il ne faut pas sous-estimer. Citons pour ce dernier exemple « Kill Bill », « Samouraï Champloo », « Rogue One », « Les Chevaliers du Zodiac » ou encore « Daredevil ». Pour « Daredevil », ça en devient même limite nanardesque dans sa série Netflix où, à chaque fois que le héros croise un autre non-voyant… Forcément il faut qu’il soit aussi un spécialiste d’art-martiaux.

    Alors en soit, je ne critique pas ces clichés, encore que… Il y a en effet eu une surreprésentation des nains dans le monde du spectacle à une certaine époque. Il me semble que cette époque est révolue en occident depuis des décennies, alors je ne comprend pas pourquoi on réutilise ce cliché dans des œuvres se déroulant à l’époque contemporaine comme « Joker ». Mais après tout, pourquoi pas ? De même, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, des non-voyants ceinture noire de judo, ça existe. Mais le fait de toujours utiliser ces clichés, à la longue, ça devient stigmatisant, voir carrément insultant dans le cas où le préjugé est négatif. Et dans le cas où le cliché est perçu comme fantasque, comme pour les aveugles qui font du kung-fu… Et bien disons qu’ils empêchent les scénaristes d’imaginer d’autres types de personnages aveugles. Lorsque Disney a annoncé les phases 4, 5 et 6 de son « Marvel Cinematic Univers », ils ont dit qu’ils allaient faire attention à représenter tout le monde, y compris des personnages en situation de handicap. Et bien ce n’est pas en donnant le poste de handicapé de service à Daredevil, un aveugle faisant du kung-fu qu’ils vont nous aider à sortir de l’invisibilisation générale dans laquelle nous nous trouvons.

    2. Le handicapé, c’est un handicapé, rien de plus.

    Quand la fiction veut traiter sérieusement du handicap, elle a souvent tendance à limiter son personnage à être uniquement un handicapé. On ne le laissera pas être autre chose, un gangster, un résistant, un chanteur dans un groupe de rock…. Non. Il sera un handicapé et rien de plus. Le reste de sa vie passe en second plan, on s’en fout, c’est pas le sujet du film. Regardez le personnage de François Cluzet dans « Intouchable ». C’est un riche handicapé. Et il ne sera jamais défini par autre chose qu’un riche handicapé.

    Dernier exemple en date, une mini-série Netflix sur une adolescente aveugle en 1944 qui possède un McGuffin que les nazis convoitent. Le personnage est uniquement défini par sa non-voyance et sa jeunesse. Elle est juste une adolescente aveugle. D’ailleurs, c’est dans le titre de la série : « Toute la lumière que nous ne pouvons voir ». Vous voyez ce titre ? C’est comme si on avait baptisé la série « Hé regardez, on a une vrai non-voyante dans cette série dans son milieu naturel. Et s’il vous plaît, ne lui donnez pas des pop-corns, les soigneurs du zoo contrôlent déjà son alimentation ». Le plus frustrant, c’est que dans cette série, il y avait de quoi iconiser ce personnage comme étant autre chose qu’une handicapée. Dans la toute première scène, on apprend par exemple qu’elle enregistre des émissions clandestines. Comment ça aurait pu être classe, l’histoire d’une émission de radio clandestine en pleine France occupée où la rédactrice en chef se trouve simplement être non-voyante ! Mais non, ce n’est pas le sujet de la série, donc l’émission clandestine sera juste un prétexte pour faire se rencontrer les personnages, et notre aveugle n’aura pas l’occasion de devenir autre chose qu’une aveugle. Et tenez, on va rajouter une scène avec son père où elle apprend par coeur son chemin pour se déplacer parce que ça, c’est une vrai scène où on peut montrer qu’elle est non-voyante. Non, sérieusement, vous imaginez si on faisait la même chose avec des valides ? Ou à chaque fois qu’on voulait montrer que le personnage voit, on glisserait une scène inutile où le personnage valide va au super-marché et voit le produit qu’il veut acheter ? Comme ça, vous avez vu, il est capable de voir un produit à plus de trois mètres de distance, c’est donc un voyant. On ne s’en sortirait pas.

    Si je compare ainsi le traitement des handicapés avec celui des homosexuels, on se rend bien compte de la différence. Dans beaucoup de fiction mettant en scène des homosexuels, l’homosexualité est considérée comme un non-sujet, comme quelque chose de normal. L’autre jour, je regardais la très sympathique série « Black Sails » mettant en vedette le Capitaine Flint, qui se trouve être gay. Et bien, quand je pense au Capitaine Flint, je me dit « Ah oui, c’est le plus grand pirate de son époque, il est trop fort ! ». Je me dis pas  « Ah oui, c’est le personnage gay là… d’ailleurs vous avez vu ? C’est un vrai homosexuel ! ». Ce serait vraiment cool qu’on atteigne le même niveau de normalité avec les handicapés qu’avec les LGBT+. Mais clairement, on en est encore très loin.

    Une variation de ce cliché se trouve dans les biopics sur les génies atteints de maladies mentales comme la schizophrénie et où on essaie de montrer à quel point le génie et la folie seraient les deux facettes d’une même pièce (ce qui est factuellement totalement faux et il serait temps que le cinéma se débarrasse de ce cliché). J’ai par exemple en tête le film « Le Prodige », un biopic sur le champion d’échec Bobbie Fisher qui se trouvait être schizophrène. Toutes les scènes du film limitent le personnage uniquement à cela : un génie schizophrène. Je ne nie pas que la schizophrénie et la paranoïa aient influé la personnalité de Fisher et qu’elles aient eu une grande influence sur sa vie, mais est-ce une raison pour limiter le personnage à sa seule maladie ? Ne pouvait-on pas, par exemple, montrer qu’il était travailleur, inventif, ou même montrer son sens de l’humour s’il en avait un ? Je connais mal la biographie de Fisher mais il me semble qu’il a inventé et popularisé de nouvelles façons de jouer d’où le fameux système Fisher. Et pourtant, on ne parle pas de tout ce qui ne concerne pas son handicap. Fisher restera uniquement réduit à sa maladie. Je sais pas vous, mais si après ma mort on ne se souvient de moi que pour mon handicap, j’aurai grave le seum. Et puis, c’est quand même pas compliqué de représenter un schizophrène par autre chose que sa maladie : l’excellente série d’animation sur le voyage dans le temps « undone » le réussit très bien en mettant comme personnage principal une femme schizophrène qui peut certes, partir totalement dans ses délires (qui n’en sont pas à ses yeux, et comme la série est toujours racontée de son point de vue, la narration ne tranche jamais si elle a tort ou raison) mais qui, quand elle va bien, peut avoir un sacré sens de l’humour, une certaine chaleur dans son travail, des objectifs qui n’ont rien à voir avec sa maladie, et qui font d’elle, non pas juste une handicapée, mais une personne complète.

    3. Regardez, on a mis un vrai handicapé dans notre fiction. Mais c’est chiant les handicapés, gommez-moi tout ça !

    Je sais pas si vous vous en êtes rendu compte mais bien souvent, les fictions vont estropier leurs personnages pour montrer qu’ils vivent des choses graves, mais comme on ne veut pas traiter du handicap parce que…. Pff… écrire sur un handicapé c’est compliqué, on va sortir une excuse SF tirée du chapeau pour lui retirer son handicap. Mais le personnage reste quand même handicapé, hein ? Vous avez vu comme on est progressiste ?

    Ainsi, Luke Skywalker perd une main dans « Star Wars » ? Pas question qu’on ai un héros manchot. Rajoutez-lui une main mécanique. War Machine finit tétraplégique dans « Captain América : Civil War » ? Ouais, mais on veut pas d’un tétraplégique, donnez-lui des jambes robotiques. Jack Sully, le personnage d’« Avatar », est en fauteuil roulant ? Pas grave, il va gagner un super nouveau corps de Navis, il pourra courir et tout et tout… Tony Stark a des problèmes cardiaques super graves dans « Iron Man » ? Attendez, il a quoi ? J’ai oublié. M’en souviens pas. Allez, disons que tout le monde a oublié, personne n’a rien vu. Même le professeur Xavier des « X-Men », pourtant tétraplégique, c’est même une caractéristique importante du personnage, trouve une excuse scénaristique pour retrouver ses jambes dans la moitié des films où il apparaît, allant même jusqu’à inventer un sérum qui peut le guérir magiquement dans « Day of the Future Past », parce que c’est quand même mieux quand le héros peut gambader dans les débris à travers les tirs, ça fait de plus jolies images. Et puis c’est moche un handicapé, vous comprenez ?

    Et je ne vous ai pas encore parlé du pire personnage dans cette catégorie. Celui dont le niveau de foutage de gueule atteint des sommets. J’ai nommé l’aveugle le plus célèbre de toute l’histoire de la fiction : le super-héros de Marvel, avocat le jour, justicier la nuit, j’ai nommé le Démon de Hell’s Kitchen : Matt Murdock a.k.a. Daredevil !

    Pour ceux qui ne le connaissent pas, Daredevil a perdu la vue en étant enfant à la suite d’un accident de voiture impliquant des produits chimiques. Si les produits lui ont ôté la vue, ils lui ont en contrepartie amélioré tout ses autres sens à un niveau surhumain. Si vous pétez silencieusement à trois kilomètres de là au bureau, Daredevil saura que c’est vous qui avez pété. Donc faites attention quand vous lâchez des caisses discrétos, vous ne savez jamais qui entendra.

    Surtout, ses sens surhumains le rendent cheaté au possible. Daredevil n’a aucun problème pour se déplacer, puisque il cartographie automatiquement tous les lieux dans lesquels il rentre grâce à son sens radar et ce, sur des kilomètres et avec une précision microscopique. S’il vous croise, rien qu’en entendant l’emplacement de chaque son de gouttes de pluie qui tombe sur votre visage, il est capable de faire votre portrait-robot. Il est même tellement fort qu’il peut lire des documents sans problème. En effet, dans un épisode de la série, ses doigts sont tellement précis qu’il est capable de sentir les variations de texture d’encre sur le papier et donc d’en lire le contenu !

    Autant dire que ce personnage, ce Daredevil… Bah ce n’est pas un aveugle. Il se fait passer pour un aveugle auprès du monde et des spectateurs…. Mais il voit très bien, quoi ! Pas avec ses yeux, mais avec d’autre sens… Mais c’est un voyant et un usurpateur. Ce qui en vient à m’interroger. Le handicap, par définition, c’est des contraintes. C’est même le principe du handicap. Refuser de traiter les contraintes du handicap en trouvant une excuse bidon pour qu’elles n’existent plus, c’est justement faire en sorte que vos personnages ne soient plus en situation de handicap. Et dans ces cas là… Pourquoi avoir voulu mettre en scène des personnages handicapés ? Vos personnages sont handicapés ou estropiés, n’ayez pas peur, assumez !

    A noter qu’on peut surmonter certaines contraintes dans une certaine limite, que ce soit avec de la rééducation, de l’adaptabilité ou l’appareillage. C’est pourquoi je ne râle pas contre les séries mettant en scène des mal-entendants appareillés, comme dans les séries « Hawkeye » ou « Undone », (oui, dans « Undone », en plus d’être schizophrène, l’héroïne est une malentendante appareillée). Mais bon, il y a une différence entre une rééducation et nier totalement le problème. Ce qui m’emmène au point suivant :

    4. Attendez, c’est bien de se renseigner sur la vraie vie des personnes en situation de handicap avant de les écrire ?

    Je reviens un insant sur « Daredevil ». Ce qui me frustre le plus dans cette série, c’est que, au final, on aurait presque pu faire un Daredevil vraiment non-voyant, mais juste très doué. Il aurait fallu rendre ses capacités légèrement supérieures à un vrai non-voyant, mais pas plus que ça. Et perso, j’aurais trouvé ça classe. Mais les scénaristes ne semblent même pas avoir envisagé cette possibilité. En fait, ils ne semblent même pas s’être renseignés pour savoir comment s‘adapte un non-voyant. Je repense à la scène où Daredevil lit des documents en reconnaissant les variations de texture d’encre sur le papier. En 2014, date où la série a été tournée, ça faisait belle lurette qu’il existait des appareils capables de lire des documents papiers à des non-voyants. Un vrai non-voyant de l’époque se serait juste contenté de passer le document sous sa machine, et il n’aurait même pas eu besoin de pouvoirs magiques qui lisent l’encre. Pareil, dans l’appartement de Matt Murdock, je ne me rappelle pas avoir vu un seul appareil vocalisé. Je ne me rappelle même pas avoir vu le personnage utiliser un téléphone adapté ou des liseurs d’écrans d’ordinateur, alors que, c’est la base. Encore une fois, ce n’est pas moi qui ai décidé de centrer ma fiction sur un personnage non voyant, ce sont les créateurs de la série. Alors se renseigner un minimum, c’est important. D’ailleurs,il existe un tas d’associations qui seraient ravies de vous renseigner gratuitement.

    Après, je parle ici du handicap visuel, celui que je connais le mieux. Mais quand je regarde sur internet la plupart, les handicapés que je vois s’exprimer sur la représentation de leur propre handicap dans la fiction disent aussi qu’elle est très souvent erronée. Je crois que le pire dans ce registre, c’est pour les handicapés d’ordre neuronal qui soulèvent une telle quantité de fantasmes et d’incompréhensions qu’ils sont bien souvent traités par le biais de ces fantasmes.

    Je ne demande pas forcément un réalisme parfait. On est dans une fiction, après tout. Et même si on se renseigne sérieusement, certaines réalités peuvent nous échapper. Après tout, l’erreur est humaine. Par exemple, je pardonne facilement le fait que, dans les romans du « Trône de Fer », le personnage de Tyrion passe son temps à faire des cabrioles, ce que sa condition physique ne devrait pas lui permettre, parce que cette information était passée à côté de George R. R. Martin malgré des recherches évidentes sur le sujet. Mais un Daredevil où aucun effort n’a été fait…. Là je suis plus râleur. Entre quelques erreurs et aucun effort, il y a quand-même une différence.

    Un motif qui a souvent été relevé pour expliquer ce manque de réalisme sur internet, ce serait le fait qu’on n’implique que très rarement des vrais handicapés dans les fictions les mettant en scène. La plupart du temps, quand un personnage est censé avoir un handicap, il est joué par un valide qui a bien souvent eu droit à une courte période d’apprentissage sur ce handicap, voire même pas du tout. Je vais éviter de rentrer trop en détail sur ce point, car ce n’est pas le sujet de ce post et qu’il en faudrait un entier pour lui rendre justice, mais dites-vous que la discrimination à l’embauche des acteurs en situation de handicap est juste pharaonique. Si on ne s’appelle pas Peter Dinklage, on ne nous laisse jamais jouer un rôle neutre qu’on aurait, en temps normal, donné à un valide. Alors que bon, une grosse partie des rôles, on est capable de les tenir aussi bien qu’un valide. Le fait que le personnage ait un handicap plus ou moins lourd ne change pas grand-chose. Et songez, en plus, que la plupart des rôles de personnages en situation de handicap sont joués par des valides, histoire d’empêcher encore plus les handicapés d’avoir accès au métier d’acteur. Je veux bien que Patrick Stewart et François Cluzet soient très bons dans leurs rôles de tétraplégiques dans la saga « X-Men » pour l’un et « Intouchable » pour l’autre, mais quitte à jouer des tétraplégiques, on n’aurait vraiment pas pu donner leurs rôles à des vrais tétraplégiques pour qui ces rôles sont les seules chances de percer dans le métier ? Même chose pour le personnage de Jack Sully dans « Avatar ». Lui, les seuls moments où il n’est pas en image de synthèse, il est en fauteuil roulant. Mais bien sûr l’acteur est un valide qui peut déjà chopper tous les autres rôles…. Quant aux handicaps invisibles, quand je pense qu’Emilia Clarke a dû cacher le sien pour tourner dans « Game of Thrones » et qu’à cause de cela, elle a carrément frôlé la mort lors du tournage de la saison 2, je me dis que si on doit presque mourir pour trouver un emploi, c’est vraiment qu’on vit dans un monde de merde. Ah oui ! Et pour clôturer la parenthèse de la discrimination à l’embauche, sachez que, plus généralement, même en dehors du monde du cinéma, elle est énorme pour les personnes souffrant d’un handicap, surtout s’il est lourd. Par exemple, en France, 80 % des non-voyants et mal voyants lourds sont sans emploi. Pour le vivre au quotidien, dans notre beau pays, les DRH, les conseillers de Cap-Emploi, beaucoup d’associations, les centre de rééducation, tous ne cessent de nous rabâcher qu’on n’a pas travailler, et ce n’est pas les fermetures d’écoles pour non-voyants qu’on constate en France qui vont arranger la situation.

    Juste avant de clore le sujet des handicapés à qui on refuse le rôle d’acteur, laissez-moi vous conseiller de visionner, si vous voulez approfondir le sujet, cette excellente vidéo de « On se laisse la nuit sur le sujet ». C’est cette vidéo qui m’a donné envie d’écrire ce post et j’ai essayé au maximum de ne pas répéter ce qu’elle dit pour que cela reste intéressant, même si, forcément, nos deux points de vues se recoupent.

    5. Le sauveur valide, ou comment le handicapé devient un simple objet pour montrer à quel point le héros est un gentil.

    Jusque là, j’ai parlé de clichés qui me font rigoler, soupirer, qui m’agacent, ou que je trouve simplement dommages. Mais maintenant je vais parler du cliché qui peut me faire détester une fiction par sa simple présence : le cliché du sauveur valide.

    Le sauveur valide, c’est le valide qui sait mieux que le handicapé. Parce que, vous voyez, le handicapé, il est handicapé, donc forcément le héros peut l’aider, parce que lui, il est valide. Lui, il sait, et du coup, lui, il est gentil car il aide des gens qui ne peuvent pas se débrouiller seuls sans lui, et ces personnes aidées doivent lui en être éternellement reconnaissantes…. Même si le plus souvent, ils n’ont rien demandé.

    Au stade 1 de ce cliché, on retrouve par exemple « Doctor Who ». Dans le deuxième épisode de la saison 11, le Treizième Docteur (qui ne travaille pas dans la médecine) voyage avec Ryan Sinclair, un personnage important atteint de dyspraxie. En gros, il s’agit d’un handicap qui rend beaucoup plus compliquée la coordination de ses membres. Une personne atteinte de dyspraxie aura ainsi de grandes difficultés à réaliser des actions simples comme faire du vélo ou grimper à une échelle. Peut-être même que cela lui sera impossible. Et bien, dans cet épisode, alors qu’ils fuient des monstres extra-terrestres, le Docteur et Ryan se retrouvent obligés, pour s’en sortir, d’escalader une échelle. Forcément, Ryan explique qu’il ne peut pas. Alors le Docteur va lui donner des conseils très simples pour lui expliquer comment se coordonner quand même pour escalader cet obstacle. Parce que oui, le Docteur, il sait mieux qu’une personne qui a dû vivre avec son handicap durant toute sa vie comment faire. Je rappelle que le Docteur, elle a beau savoir plein de choses, jamais il n’a été dit qu’elle ait été ergothérapeute. Alors, elle n’a aucune raison de savoir mieux que Ryan.

    Voilà une première leçon que toute personne devrait savoir : à part si vous êtes ergothérapeute, et encore, la personne handicapée saura mieux que vous gérer son propre handicap. Et si vous ne voyez pas en quoi cette situation est condescendante, laissez-moi réécrire la même scène, mais au lieu de mettre en scène un handicapé, on le remplace par une femme, et au lieu d’avoir un valide avec elle, c’est un homme qui vient l’aider :

    Une femme, la trentaine, se retrouve face à une situation gênante que toutes les femmes connaissent : elle a ses règles. Mais heureusement, son pote homme est là pour la rassurer et lui expliquer comment on utilise un tampon. La femme en est tellement reconnaissante qu’elle remercie chaleureusement l’homme, qui devient son sauveur. Alors que bon, dans la vraie vie, ça fait plus de 15 ans qu’elle utilise des tampons ou des serviettes et gère ses règles toute seule. Moi, dans sa situation, j’aurais juste envie de dire à l’homme : « mais tais-toi ! bien sûr que je sais comment faire, j’ai pas besoin de conseil aussi simpliste, je suis pas conne ! »

    Si vous êtes une femme ou un féministe, vous êtes sans doute familier avec la notion de mansplaining, cette manie qu’ont certains hommes de tout surexpliquer à des femmes parce que eux, contrairement aux femmes, ils savent. Vous le subissez et savez à quel point ce comportement est désagréable, condescendant, limite humiliant. Et bien, sachez que le validsplaining, ça existe aussi et c’est tout aussi chiant. Et le voir valorisé dans des oeuvres de fictions, ça me saoule.

    Mais là, je n’ai parlé que du stade 1 du syndrome du sauveur valide. Celui qui est déjà bien relou mais qu’on peut encore pardonner. Maintenant passons à la phase 2.

    Dans la pop-culture japonaise, quand le handicapé n’est pas un aveugle faisant du kung-fu ou un vieillard, il est…. La petite sœur malade du héros qui est là que pour montrer à quel point le héros qui s’occupe d’elle a le coeur pur. Ce personnage est toujours une fille plus jeune que le héros, parce qu’une petit fille malade, c’est beaucoup plus misérabiliste qu’un grand frère malade. Son seul trait de caractère, c’est d’être une incarnation de la pureté et de l’innocence parce que c’est trop triste, ce qui lui arrive. Et en plus, elle aura le bon goût de mourir dans la série pour donner une scène pleine d’émotion qui fera pleurer dans les chaumières et qui, accessoirement, donnera au héros la possibilité de passer à autre chose, parce que bon, on va pas non plus se coltiner une handicapée dans les pattes durant toute la série quand même !

    Le handicapé n’est plus ici une personne. Il est déshumanisé au maximum pour ne plus devenir qu’un objet de background qui donne un bonus de +5 en gentillesse au héros. Je vous jure, adopter un handicapé de compagnie, ça vous rapporte beaucoup plus de points de gentillesse qu’adopter un chaton et en plus, il n’y a même pas besoin de l’emmener chez le vétérinaire parce que de toute façon, il va quand même crever.

    Si vous cherchez des exemples de ce cliché, pensez à la petite sœur du héros dans « Angel Beats! », ou, pour citer une série américaine qui l’utilise aussi, pensez à la relation entre la petite Shôren Baratheon et son père de substitution Davos Mervault dans la série « Game of Thrones ». Un autre exemple notable est celui de Nanally dans « Code Geass : Lelouch of the Rebellion ». Elle rentre totalement dans ce cliché, au point que son handicap devient même la motivation principale du héros pour agir. Lelouch, le héros de cette histoire, dit clairement agir en révolutionnaire pour créer un nouveau monde où sa petite sœur malade pourra vivre heureuse et en paix. « Code Geass » aura tout de même l’intelligence de dénoncer ce cliché dans la saison 2, l’utilisation de Nanally étant clairement dénoncée comme étant un prétexte hypocrite utilisé par le héros pour justifier ses actes plus que discutables. Nanally tentera, elle aussi, de se rebeller contre ce statut de prétexte qu’on lui a attribué malgré elle en essayant de devenir plus active vers la fin de la série…. Malheureusement pour elle, malgré ses tentatives, elle ne parviendra jamais à sortir vraiment de ce cliché. Bien essayé Nanally, mais tu n’as pas réussi et ton sort sera le même que celui de toutes les petites sœurs handicapées face à un sauveur blanc de ton genre. Mais rien que pour avoir essayé d’en sortir, tu as mon respect.

    Vous pensez qu’on peut aller plus loin dans le syndrome du sauveur valide ? Bien entendu ! Laissez-moi vous présenter la phase 3 du syndrome du sauveur valide, celui où le personnage est définitivement irrécupérable :

    Au Japon, il existe un type de manga assez populaire qui tente de traiter de sujets de société. Leur histoire est assez classique et donc facile à généraliser puisque ce qui compte, ce n’est pas l’intrigue en elle-même mais les relations entre les personnages.

    L’histoire se déroule dans un milieu scolaire qui peut aller, au choix, de la primaire jusqu’à l’université. Dans une classe, se trouve une fille (il s’agit TOUJOURS d’une fille, si vous avez lu mon paragraphe précédent, vous comprenez pourquoi ça ne peut être qu’une fille) qui se trouve être le coeur et le thème du manga. Cette fille nous est présentée dans un premier temps comme étant froide, distante et détachée, mais dont la froideur et la distance font littéralement fantasmer toute la classe. Un nouvel élève, toujours un homme, arrive dans la classe. Lui, il est gentil, c’est même son principal trait de caractère. Très vite, dans le premier épisode, il va rencontrer la fille et découvrir qu’en réalité, elle n’est pas du tout froide, mais elle est en situation de vulnérabilité et veut créer du lien mais qui ne sait pas comment faire. Alors la vulnérabilité en question dépendra du thème du manga. Elle peut être une enfant battue (Erased), une handicapée avec un trouble de l’expression (Commie cherche ses mots) ou…. Heu…. Une fille anciennement handicapée qui a passé presque toute sa vie dans un hôpital et qui, une fois au paradis, ne sait pas s’exprimer en société et passe donc son temps à buter des adolescents immortels pour leur prouver qu’ils sont déjà morts. C’est le Japon, cherchez pas à comprendre (Angel Beats!). Au fond, peu importe, du moment qu’elle est en situation de vulnérabilité. Le héros va donc être le premier à remarquer que derrière cette apparente froideur, il y a un humain qui sommeille et va donc la prendre sous son aile, lui faire rencontrer ses amis tous plus bariolés les uns que les autres et résoudre tous ses problèmes. Et la fille en sera tellement reconnaissante qu’elle tombera amoureuse du gentil héros qui lui a fait redécouvrir la vie.

    Ce personnage féminin en situation de vulnérabilité est censé être le personnage principal de l’histoire. Le titre de la série y fait même la plupart du temps référence. C’est elle qui porte la thématique de l’oeuvre. Et pourtant… Et pourtant non, elle n’est jamais le personnage principal de sa propre histoire. Le personnage principal, c’est le valide qui va à sa rencontre. Toute l’histoire sera racontée du point de vue de ce valide, voir de celui des amis du valide. La personne en situation de vulnérabilité, elle, n’aura jamais le droit d’exprimer son point de vue sur sa propre histoire. Elle n’aura absolument aucune personnalité, ne sera jamais moteur des événements, à part quand elle fait des boulettes que les valides doivent rattraper. Elle ne prendra aucune décision seule car elle en est incapable, ce n’est pas son rôle. En fait, elle sera déshumanisée au possible, réduite uniquement à un simple objet de quête à faire évoluer. Le vrai héros qui prendra les décisions et les initiatives, ce sera le valide qui en sera récompensé car la fille handicapée tombera éperdument amoureuse de lui. La personne en vulnérabilité est donc réduite à cela : un fantasme pour personne valide qui montre que les valides sont gentils et qui a suffisamment peu de personnalité pour n’avoir aucune opposition à apporter à son sauveur. Je sais pas vous mais perso, je trouve ce genre de situation hyper malsain.

    L’exemple le plus extrême que j’ai pu voir se trouve dans l’anime « Commie cherche ses mots ». Dans cet anime, la personne en situation de vulnérabilité s’appelle Commie. Son handicap est un stress social aigu, un gros un trouble de la communication qui l’empêche de parler, que ce soit en public ou en privé. Elle est donc muette et la série sous-entendra à un moment que ce trouble serait d’origine génétique. La série raconte donc son histoire alors qu’elle tente de surmonter son handicap pour se faire cent amis, ce qui n’est pas facile puisqu’elle est muette et a donc de grandes difficultés à communiquer. Enfin non, ça c’est l’histoire qu’on nous vend, ce n’est pas la vraie histoire. La vraie histoire, c’est le sauveur valide et ses amis qui rencontrent Commie et qui vont décider de l’aider à se faire cent amis. Parce que la personne handicapée ne peut pas être l’héroïne de sa propre histoire, je vous l’ai dit. On a donc droit à tous les clichés cités dans le paragraphe précédent mais poussés à l’extrême, parce que puisque l’handicapée ne peut pas parler, on n’aura jamais son point de vue sur les événements. La série ne va même pas essayer de nous mettre dans sa tête, de nous livrer ses pensées, sa façon de ressentir les événements. Tout ce qu’on aura pour connaître son point de vue, c’est une voix off lacunaire à la troisième personne qui se contente de phrases simples du genre « Commie est heureuse » ou « Commie n’a pas compris ». Bref, comme si elle était une sorte de PNJ dans un RPG japonais rétro que l’on doit faire évoluer. En fait, quand je regarde cette série, j’ai l’impression que Commie n’est pas un personnage, mais un tamagoshi utilisé par la bande de potes du héros. Et je vais peut-être vous dire une évidence, mais nous, les handicapés, nous ne sommes pas des tamagoshis ou des fantasmes pour valides. Nous sommes des personnes normales.

    (Note en relecture : Comme cette surreprésentation du sauveur valide au Japon m’intriguait, j’ai fait quelques recherches pour tenter d’en comprendre l’origine. J’ai l’impression qu’elle serait liée au mouvement culturel des « yamikawaii ». Pour faire simple, il s’agit d’un mouvement où des personnes en situation de handicap physique ou mental se représentent de façon kawaï. Pour rappel, le kawaï désigne une représentation mignonne et adorable d’une chose, qu’on aurait envie d’aimer et de protéger, ce qui correspond bien au personnage de Kanade dans « Angel Beats » ou de Commie dans « Commie cherche ses mots ». Ce mouvement serait né en réaction à l’extrême handiphobie au Japon. Comme les personnes en situation de handicap ou souffrant de maladies mentales sont discriminées, stigmatisées et leur condition tabou, le yamikawaii chercherait à les rendre visibles et appréciées. Comprendre cela ne m’empêche pas de trouver ce syndrome du sauveur valide ultra malsain mais à choisir entre être violemment rejeté ou chercher à devenir kawaï et aimé mais infantilisé par son entourage avec tout ce que cela implique de toxique, je comprends que des gens préfèrent la seconde solution. Et je me rend compte que ce que je dis est très triste.

    Si vous voulez en savoir plus sur le yamikawaii, je vous conseille cette vidéo de « Tentacules » qui analyse le sujet plus en profondeur que moi. Si la découverte de ce mouvement ne m’a pas fait changer d’avis sur la toxicité des relations présentées dans ces œuvres, au moins permet-elle de la recontextualiser.)

    Attention, quand je dénonce ce cliché du sauveur valide, je ne remet pas en question le rôle des aidants. Quand on a un handicap, on doit bien souvent trouver des gens pour nous aider pour ce que l’on ne peut pas faire seul. Et franchement, on ne met pas assez en valeur ces aidants. Par exemple, avec ma non-voyance, si je veux faire des courses dans un supermarché, j’ai besoin de l’avoir parcouru avec un voyant pour apprendre par coeur l’emplacement de chaque produit dans chaque rayon afin de pouvoir faire mes courses tout seul. De même, quand je sors du métro à Paris et que je me retrouve à côté d’un musicien de rue qui a mis ses enceintes à fond, ce qui m’empêche d’entendre mon GPS, les feux rouges vocalisés ou le bruit des moteurs de voitures, je suis bien content de pouvoir demander de l’aide à un valide pour traverser la rue. Ce sont des personnes formidables et on ne le dira jamais assez. Merci les gens. De même, le fait que je critique le sauveur valide n’excuse pas non plus les handicapés qui se montrent désagréables envers ceux qui veulent généreusement les aider. On vous voit aussi, les gens. Mais il y a une différence entre reconnaître le soutien des aidants et nier toute personnalité aux personnes handicapées, au point de leur demander d’avoir une reconnaissance éternelle allant jusqu’à l’admiration et la soumission envers leur sauveur valide. Tout est une question de nuance.

    Un détail me surprend : si je me fie à ma propre culture manga, ce cliché du sauveur valide, très présent dans les animés se déroulant dans les milieux scolaires, disparait quand on arrive dans un milieu professionnel : la personne en situation de vulnérabilité devient le personnage principal de l’oeuvre et l’histoire est alors racontée de son propre point de vue, ce qui la rend, à mon sens, beaucoup plus appréciable. Mais je m’éloigne de la thématique du handicap. La vulnérabilité du personnage principal est surtout due à un isolement social, à du harcèlement professionnel ou à du burn-out plutôt qu’à un handicap. En effet je n’ai pas encore vu de manga japonais sur le monde du travail où un personnage est handicapé. Cela dit, les discriminations à l’embauche des personnes handicapées est telle au Japon qu’il n’y a rien de surprenant à cela. Pensez que, dans ce merveilleux pays, si vous êtes une femme binoclarde, vous allez galérer à trouver du taf, alors imaginez pour les personnes avec un handicap plus lourd… Mais la simple présence de ces animes doit prouver que oui, c’est possible de créer de bonnes histoires avec une personne en situation de vulnérabilité comme personnage principal, et que non, on n’est pas obligé de l’introduire par un héros valide pour que çela fonctionne ! (je pense aux animes « Miss Kobayashi’s Maid Dragon » ou « Agretsuko »)

    Bilan des clichés

    Finalement, pourquoi tous ces clichés me t’il font râler ? Dans l’absolu, ce ne sont que des fictions, des histoires. Personne ne prend des histoires au sérieux. En fait… Si ! La plupart des gens prennent ce qu’on leur montre dans la fiction au sérieux et calquent inconsciemment leurs propres comportements sur ce qu’ils ont vu. Comme je le disais en préambule de cet article, ces clichés véhiculés dans les médias ont des conséquences sérieuses dans la vraie vie. Je suis devenu quasi non-voyant il y a seulement trois ans, et j’ai pu constater au sein de ma propre famille élargie des changements de comportements brutaux. Il y a un membre de ma famille qui n’imagine tellement pas qu’on puisse vivre en étant non-voyant (parce qu’on est invisibilisé) qu’il a sorti derrière mon dos des phrases du genre « S’il m’arrivait ce qui lui arrive, je me serais tiré une balle dans la tête ». Même en prenant du recul, ça reste très violent. Et si ce genre de situation vous rappelle quelque chose, dites-vous qu’il arrive exactement la même chose à Bran Stark après qu’il soit devenu tétraplégique dans « le Trône de Fer », comme quoi George R. R. Martin n’a décidément pas son pareil pour décrire avec réalisme l’être humain. Un autre membre de ma famille est devenu incapable de voir autre chose en moi qu’un aveugle. Depuis mes problèmes de vision, toutes les autres facettes de ma personnalité ont disparues à ses yeux. Tout ce que je fais est nié ou relu sous l’angle du handicap, parce que vous voyez, je suis bien courageux de faire quelque choses de ma vie là où tout le monde se serait effondré ! oh la la ! Le handicap, c’est horrible ! Et comme cette personne regarde des fictions utilisant le cliché « un handicapé c’est juste un handicapé », ce n’est pas étonnant qu’elle ai adopté ce point de vue. Enfin, plusieurs personnes de mon entourage, dont certaines sont fans de mangas, ont tenté de reproduire sur moi le syndrome du sauveur valide, quitte à vouloir m’imposer toutes leurs décisions et s’énerver parce que je n’étais pas assez reconnaissant envers eux pour toute l’aide qu’ils m’apportaient, alors même que je ne leur avais jamais demandé cette aide et que j’ai toujours lutté contre l’infantilisation qu’elle entraîne. Et j’en ai fait, des efforts pour leur faire comprendre que non, je ne suis pas leur handicapé de compagnie.

    Les gens reproduisent les attitudes qu’ils voient dans la fiction, que ce soit de manière plus ou moins consciente. Et c’est d’autant plus le cas quand ces comportements sont valorisées par l’oeuvre alors que dans la réalité, ce sont des comportements toxiques qui créent des relations de dominants et de dominés. Dites-moi comment vous vous comportez avec un handicapé, je vous dirai quel type de fiction vous regardez. Et c’est pour cela que j’ai voulu écrire ce long article sur la représentation du handicap dans la fiction, pour, à ma toute petite échelle, lutter contre ces clichés et les comportements qu’ils engendrent.

    Bon, je me suis pas mal étalé sur les aspects négatifs de la représentation du handicap. Et il faut reconnaître que cet aspect prédomine très largement. Mais heureusement, il existe également des oeuvres vraiment cool dans leur approche du handicap, des œuvres dont certaines m’ont fait le plus grand bien. Je ne vais pas pouvoir parler de toutes, ce serait trop long, et cet article commence déjà à s’éterniser. Mais je vais en sélectionner 5 que j’aime bien, chacune pour des raisons différentes. Parmi les œuvres dont je ne vais pas parler mais que je veux quand même mentionner car elles sont super, je vais citer « Avatar : le Dernier Maître de l’Air » pour le personnage de Toth, « Lost » pour le personnage de John Locke, « La Compagnie des Glaces » pour le personnage de Lienty Ragus, la série « undone » pour son personnage principal, et « La Tour Sombre » pour le personnage de Susannah Dean.

    1. L’oeuvre de George R. R. Martin :

    Commençons par évacuer l’éléphant dans la pièce : Le Trône de Fer de George R. R. Martin possède plusieurs des meilleurs personnages en situation de handicap que j’ai pu lire et je peux affirmer que cela a joué dans mon adoration pour cette œuvre. Çà et plein d’autres raisons bien connues sur ce forum. Si ses personnages sont aussi bons, c’est parce que Martin sait que le handicap, même lourd, ce n’est qu’une partie du personnage, même pas forcément sa partie la plus importante. Le personnage doit vivre avec, souvent subir les préjugés d’une société ultra validiste, mais il ne définit pas ce qu’il est. Martin a compris que dire simplement « ce personnage est un tétraplégique » ne suffit pas pour en faire un personnage complet. Ce devrait être évident, pourtant, ça ne l’est visiblement pas pour la plupart des scénaristes. Quand je pense à Tyrion Lannister, je ne me dis pas « ah oui, c’est le nain rigolo ». Je me dis « Ah oui, c’est le super politicien » (avec du recul, pas si super que ça mais c’est un autre sujet). Quand je pense à Brienne, je ne me dis pas « Ah oui, c’est la géante défigurée », je me dis juste « ah oui, c’est un des personnages les plus chevaleresques de la saga ». Au début des années 2000, alors que la Fantasy était encore un genre très masculin, je me rappelle qu’un journaliste avait demandé à Martin comment il faisait pour écrire aussi bien des personnages féminins. Ce dernier avait répondu un truc du genre : « Je n’écris pas des femmes. J’écris des humains ». Cette phrase est tout aussi valable pour son traitement du handicap. Martin n’écrit pas des handicapés. Il écris des humains.

    A noter qu’avec « le Trône de Fer » Martin n’en était pas à son coup d’essai dans sa représentation du handicap puisque la question était déjà au coeur de sa précédente saga : « Wild Cards ». Dans cette saga uchronique de super-héros, un virus extra-terrestre a été lancé sur New York dans les années 1940. Ce virus donne à toutes les personnes qu’il contamine un pouvoir aléatoire. Mais genre vraiment aléatoire. Ainsi, 90 % des contaminés ne survivent pas à leurs pouvoirs. En effet, si ton pouvoir est « ton sang se transforme en lave », tu meurs. 1 % des contaminés possèdent des pouvoirs fonctionnels et cools et sont donc des super-héros classiques. 9 % soit 90 % des survivants, ont des pouvoirs qui vont juste les handicaper plus ou moins gravement. On appelle ces derniers les Jokers, et la série va essentiellement tourner autours d’eux et de leur lutte pour se débrouiller dans ce monde qui est, soit raciste envers eux, soit dégoûté par leur apparence ou leurs contraintes. Là encore, chaque personnage est traité avec réalisme et ils ne sont pas uniquement réduis à leur situation de handicap. Si vous avez le temps, je vous conseille particulièrement de lire la nouvelle de Martin « Le Journal de Xavier Desmond » dans le tome 4 de la saga « Aces Abroad » ainsi que dans le recueil de nouvelles « R.R.ÉTROSPECTIVE » où il explique de façon très juste les raisons pour lesquelles les handicapés auront toujours du mal à se regrouper et à faire reconnaître leurs droits. J’aime beaucoup cette nouvelle même si le message qu’elle véhicule n’est pas des plus optimistes.

    2. Fullmetal Alchemist

    Plus haut, je parlais de la manie assez désagréable qu’avaient un grand nombre de fictions à nier le handicap avec une excuse de science-fiction random comme mettre des bras mécaniques à des manchots. C’est un cliché que je n’apprécie pas et que je trouve assez facile mais je ne reste pas totalement fermé à l’idée non plus. Ce n’est pas parce qu’un trope a été utilisé de façon fainéante dans un grand nombre d’oeuvres que l’on ne peut pas en trouver d’autres qui en font quelque chose de bien.

    « Fullmetal Alchemist » raconte l’histoire de deux enfants qui vont tenter une expérience alchimique interdite pour tenter de ramener leur mère à la vie. Non seulement l’opération va échouer mais en plus, Edward, l’aîné des enfants va perdre un bras et une jambe dans l’affaire tandis que son petit frère Alphonse perdra son corps tout entier, ne conservant que son âme parce qu’Edward a réussi à l’enfermer au dernier moment dans une armure qui traînait par là. Après cet échec, les deux enfants se lancent dans une quête qui leur prendra des années afin de trouver un remède qui permettra de récupérer leurs corps. Mais vu que les choses ne sont pas gratuites dans ce monde, ils vont bientôt devoir se poser la question : jusqu’où sont-ils prêts à aller pour se trouver un remède ? Jusqu’où leur morale peut-elle leur permettre de réussir leur objectif ?

    Edward a donc une jambe et un bras en moins. Heureusement pour lui, il a pu les remplacer par un bras et une jambe mécaniques, les automails. Même si ces membres lui permettent de faire tout ce qu’un valide peut faire, ils ont plein de défauts avec lesquels le héros devra composer. Il n’a aucune sensation dans ses membres mécaniques, leurs installations est douloureuse, d’autant plus qu’il faut les changer régulièrement parce qu’il n’a pas fini sa croissance. Ces trucs sont décrits comme inconfortables, et demandent beaucoup d’entretien. Il faut les huiler, ils s’encrassent et deviennent moins performants, ils se cassent souvent, que ce soit à cause d’une vis qui se barre ou parce qu’ils ont été malmenés lors d’un combat, et il faut aller à l’autre bout du pays pour les faire réparer… Bref, ces prothèses ont beau être sacrément pratiques, il n’empêche qu’elles s’accompagnent de leur lot de contraintes bien reloues pour le personnage.

    Les personnages sont excellent. Bien entendu, dans leur quête désespérée et presque perdue pour trouver un remède, je ne peux que m’identifier à eux (même si j’ai bien conscience que pour moi, ce remède n’existe pas). Mais ces personnages ne se limitent pas à leur handicap. Ils sont drôles, aventureux, travailleurs. Edwards a un côté colérique et petit con qui est savoureux. J’aime en particulier la première série sortie en 2003 qui met bien en évidence les personnages en enchaînant avec brio des passages à mourir de rire et d’autres bien glauques et sombres, là où son remake de 2010 les mets plus de côté pour se concentrer sur des grosses batailles épiques. Bref, c’est génial et j’aime beaucoup.

    3. Joker de Todd Philips

    Joker raconte l’histoire d’Arthur Flake, un homme atteint d’un trouble psychiatrique le forçant à avoir des fou-rires incontrôlable à chaque fois qu’il est stressé ou gêné. Ce n’est pas qu’il trouve la situation drôle, bien au contraire, c’est qu’il ne peut pas se contrôler. Ce film montre comment la société va s’en prendre à lui et l’abandonner à cause de ce toc jusqu’à l’humilier jusqu’à ce qu’il décide d’assumer sa particularité. Il va alors devenir le Joker, un tueur en série se vengeant de la violence que les puissants font subir aux plus faibles.

    Joker qui est un excellent thriller psychologique. Le moment où Arthur assume enfin son handicap est un moment de libération intense, même si à ce moment là, il devient un tueur en série, ce qui n’est pas censé être cool. Mais si j’ai eu envie de citer ce film, c’est qu’apparement il aurait aidé dans la vraie vie beaucoup de gens atteints du même trouble psychiatrique qu’Arthur Flake en faisant connaître leur trouble et en l’expliquant. Et franchement, que ce genre d’oeuvre ait des conséquences très positives dans la vrai vie de certaines personnes, je trouve ça génial.

    4. See

    Maintenant nous allons parler d’une oeuvre que j’ai découverte récemment alors que je préparais cet article. Une oeuvre que j’ai beaucoup aimé, plus, il faut le reconnaître, pour sa superbe représentation du handicap que pour son scénario qui est assez classique. J’ai nommé la série de Steven Knight avec Jason Momoa: « See ».

    L’histoire de « See » se déroule dans un univers post-apocalyptique où toute l’humanité a perdu la vue depuis quelques siècles, causant une chute technologique et un retour au système féodal. Les survivants ont tout de même réussi à s’adapter. On suit donc l’histoire de Baba Voss, un guerrier chef de clan qui a pour enfants deux voyants. Dans ce monde où les voyants sont perçus, soit comme des dieux ayant des pouvoirs magiques, soit comme des démons à éliminer, Baba Voss et les siens vont devoir user de stratégies pour les cacher jusqu’à ce qu’ils soient capables de se débrouiller tout seuls…

     

    Ce qui est génial dans cette série, c’est que son concept est traité avec beaucoup de sérieux. On sent que le showrunner a impliqué au maximum des vrais non-voyants pour rendre son univers le plus cohérent et crédible possible. Ainsi, pour un quasi-non-voyant comme moi, c’est un fantasme de worldbuilding. Toutes les techniques qu’utilisent les personnages, même certaines assez peu connues et qui peuvent paraître fantastiques, sont des méthodes que j’utilise vraiment ou que je vois des non-voyants plus expérimentés que moi utiliser. Un exemple tout con : le personnage de la reine possède des bagues en métal reliées entre elles par une petite chainette qu’elle fait cliqueter à chaque fois qu’elle veut que son interlocuteur lui donne un objet dans sa main pour qu’il puisse la localiser. C’est tout con, mais ce genre de détails transpire la réalité et il fallait y penser. Pareil, les personnages sont capables de reconnaître pas mal de chose dans les intonations de la voix de leurs interlocuteurs, comme s’ils mentent, s’ils renferment des émotions, etc. Ça aussi, ça peut paraître fantasque alors que ça ne l’est pas du tout. Une de mes amies non-voyantes arrive à savoir rien qu’avec ma respiration quand j’ai faim ou quand j’ai assez mangé.

    Jason Momoa oblige, la série est également riche en combats et là encore, ils transpirent de réalisme. Les personnages longent les murs avec leurs épées pour éviter les obstacles et s’écoutent pour pouvoir se jeter l’un sur l’autre quand ils sont au corps à corps. En soit, il y a un aspect didactique à voir comment ils vont trouver des techniques pour s’adapter à toutes les situations.

    Au-delà de son propos, la série est également super éthique avec son casting. Si son personnage principal est joué par la super star Jason Momoa qui sert de tête d’affiche et d’argument marketing, tous les autres personnages non-voyants de la série sont joués par des vrais non-voyants et malvoyants. C’est tellement rare qu’une production décide de leur donner des rôles que ça ne peut que me rendre admiratif devant Steven Knight et son équipe.

    Enfin, je dirais que cette série m’a marqué pour une autre raison. Avant elle, il m’était difficile de me fantasmer dans un univers post-apo. En tant que non-voyant, si j’étais téléporté dans l’univers de « The Walking Dead » ou de « The Last of Us » par exemple, je ne survivrais pas un quart d’heure alors que dans « See », mon handicap devient la norme, et je peux plus facilement me projeter dedans. Je pense que l’un des objectifs de la fiction est de permettre aux gens de se fantasmer à la place de leurs héros. Que les non-voyants puissent faire de même est génial.

    5. Code Geass  : Lelouch of the Rebellion 

    – Attends, mais pourquoi tu parles de « Code Geass » ? Tu as pourtant dit tout à l’heure que tu trouvais que le personnage de Nanally n’était pas terrible…

    En effet, je trouve que le personnage de Nanally est ce qu’il est. Ce n’est pas d’elle que je veux parler ici mais du personnage principal de la série : Lelouch Lamperouge, a.k.a. Lelouch vi Britannia, a.k.a. Zero.

    – Hein ? Mais Lelouch n’est pas handicapé…

    – Laissez moi vous expliquer.

    Je suis atteint d’une maladie génétique appelée le Syndrôme de Marfan. Pour l’expliquer grossièrement, disons que j’ai une molécule en trop faible quantité qui rend tous mes membres et mes organes plus long, plus fin, plus élastiques et donc plus fragiles. C’est cette maladie qui est la cause de ma quasi-cécité mais quand j’étais adolescent , ce risque n’était pas encore présent.

    Quand j’étais ado, j’étais très grand et très fin. Mon physique était presque celui d’un anorexique. Ce n’est pas que je ne mangeais pas, au contraire, j’avais l’habitude de finir toutes les assiettes de mes camarades tellement j’avais la dalle. C’est que mon organisme avait de très grandes difficultés à stocker la graisse. J’étais hyperlaxe si bien que mes mouvements étaient anguleux. Et pour des raisons cardiaques, je n’avais pas le droit de faire du sport, je n’avais pas beaucoup de muscles et il suffisait que je grimpe deux étages à toute vitesse pour que je sois claqué (je force un peu le trait, mais à peine). Et tout cela faisait que je n’étais pas hyper à l’aise avec la représentation très physique des garçonsados dans les films de l’époque. Quand je regardais tout ces joueurs de l’équipe de football américain du lycée, moi je ne me reconnaissait pas. Même dans « Harry Potter » qui était pourtant censé mettre en scène des ados avec des physiques lambdas, il suffisait que Daniel Radcliff se mette torse nu (et il le fait au moins 5 fois dans les films) pour que je me dise « je n’aurai jamais un corps comme celui-là ». « Je ne serai jamais normal ».

    et puis est arrivé « Code Geass ».

    « Code Geass » est une série d’animation dont l’intrigue est un mélange entre du Shakespeare, des combats de méchas, des animes de lycée, de « V pour Vendetta » et du super-héros à la mode des années 2000. Et étrangement, ça fait de cette œuvre un des meilleurs animes japonais jamais sortis, souvent placé haut dans les tops sur internet. Mais ce n’est pas de sa superbe histoire que je vais parler. L’une des particularités de cette série est que le design de ses personnages est la plupart du temps longiligne. Le héros en particulier, Lelouch Lamperouge est grand, et filiforme. Ses gestes sont hyper anguleux, avec certains mouvements de mains assez symptomatique des personnes atteintes du syndrome de Marfan, mais loin d’en faire un handicap pour lui, sa gestuelle reconnaissable participe à lui donner son charisme et son magnétisme. Lelouch n’est pas non plus résistant physiquement et quand il traverse deux escaliers en courant, on le retrouve à souffler comme un bœuf, contrairement à la plupart de ses amis. Il compense par une grande intelligence et un génie tactique, qui lui donne toute sa force.

    En fait, « Code Geass » a pris toutes mes imperfections physiques de l’époque causé par mon handicap et les a mis en scène pour les sublimer, pour les rendre beaux, puissants, fascinants. Et franchement, en tant que jeune complexant sur son physique, suivre les aventures de Lelouch m’a fait un bien énorme. Je me doute bien que les créateurs n’ont jamais envisagé de faire de Lelouch un Marfan ou un handicapé et d’ailleurs, tant mieux parce que ça lui permet de ne pas être limité à son handicap inexistant et d’avoir une personnalité forte. Cette patte graphique, on la doit uniquement au collectif CLAMP qui a fait de ces corps filiformes leurs marque de fabrique. Mais peu m’importait. Lelouch avait mon physique. Alors quand en plus il s’agit d’un des meilleurs anti-héros de l’histoire de la fiction (je n’ai pas peur de le dire) forcément ça me parle.

    Si, sur internet, « Code Geass » jouit d’une excellente réputation, la principale critique qu’on lui renvoie est justement le chara-design de ses personnages jugés trop anorexiques. Et bien, ce physique, c’était le mien. Et grâce à « Code Geass », j’ai pu en être fier.

    Conclusion :

    J’ai été très long dans cet article. Il y avait beaucoup à dire, le sujet est vaste, et j’aurais pu m’attarder sur beaucoupd’autres points. Si je devais résumer mon propos en quelques lignes, je dirais : Mettez plus de personnes en situation de handicap dans vos fictions, mais surtout ne les limitez pas à cela. Faites-en des personnages complets. Le point de vue des valides par lequel on est souvent racontés ne représente pas les handicapés, mais la manière dont l’auteur considère le handicap. Il va imprégner de cette vision fausse et dégradante son public qui reproduira ensuite ces comportements dans la vraie vie. Mettez-vous à la place de la personne en situation de handicap et rappelez-vous qu’une personne est toujours beaucoup plus complète que son handicap. Nous ne sommes pas notre handicap.

    Essayez juste de raconter l’histoire de notre point de vue.

    MJ du jeu de rôle sur forum Les Prétendants d’Harrenhal (LPH).Rejoignez-nous !
    A.k.a. Fanta le Fantôme avec des bulles dans DOH10.

    #197320
    DNDM
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    Excellent texte, bravo. (Et merci pour le temps passé là-dessus). Je vais répondre à quelques passages, avec mon point de vue de romancier (un peu) publié, et qui cherche à l’être davantage.

    Peut-être qu’on a plus peur d’offenser des handicapés en les représentant mal, du coup on s’abstient de les représenter tout court (ce qui n’est pas beaucoup mieux à mon sens).

    Pour être très honnête, ça joue probablement, dans certains cercles. C’est l’un des paradoxes amené par la promotion des oeuvres dites « ownvoice » (écrites par des personnes directement concernées): certains créateurs s’interdisent, du coup, de représenter certaines personnes par peur de mal faire, et ça ne fait qu’aggraver le problème. Il y a souvent pas mal de malaises sur ces questions, surtout quand la discussion arrive sur des réseaux sociaux ou les esprits s’échauffent très rapidement pour rien. J’ai pas vraiment de solution à cela, à chacun de trouver son éthique à ce sujet et de l’assumer ensuite.

    autre exemple de cette invisibilisation est la série « sense8 » des sœurs Wachowsky. Cette série veut explicitement représenter toute l’humanité dans ses personnages principaux : Il sont issus de tous les continents, d’un maximum de cultures possibles, de toutes les religions, de toutes les classes sociales, de toutes les sexualités mais aucun n’est en situation de handicap.

    Je n’ai pas vu la série, mais je me souviens d’un article qui disait qu’elle avait aussi ses problèmes de représentations, y compris hors handicap: le personnage trans y était complexe et nuancé, avec un parcours intéressant n’ayant rien à voir avec sa transidentité, alors que le personnage noir y était beaucoup plus plat et cliché. Je note ça ici simplement pour renforcer mon point précédent: toute oeuvre qui cherche ostensiblement à être inclusive, et qui de facto en fait un argument marketing, prête le flanc à tout un tas d’attaques, parce qu’il y aura toujours une part de la population qui faute de la juger parfaite à tous les niveaux (écritures, conditions de productions…) sur ces questions, la trouveront hypocrite. Mais perso, je pense que cette recherche de pureté est un puit sans fond.

    Dans une classe, se trouve une fille (il s’agit TOUJOURS d’une fille, si vous avez lu mon paragraphe précédent, vous comprenez pourquoi ça ne peut être qu’une fille) qui se trouve être le coeur et le thème du manga. Cette fille nous est présentée dans un premier temps comme étant froide, distante et détachée, mais dont la froideur et la distance font littéralement fantasmer toute la classe. Un nouvel élève, toujours un homme, arrive dans la classe. Lui, il est gentil, c’est même son principal trait de caractère.

    .

    Un détail me surprend : si je me fie à ma propre culture manga, ce cliché du sauveur valide, très présent dans les animés se déroulant dans les milieux scolaires, disparait quand on arrive dans un milieu professionnel : la personne en situation de vulnérabilité devient le personnage principal de l’oeuvre et l’histoire est alors racontée de son propre point de vue, ce qui la rend, à mon sens, beaucoup plus appréciable.

    Je ne connais aucune des trois oeuvres que tu cites comme exemple, mais après vérification, il s’agit d’un shonen et de deux seinen, donc des oeuvres à destination d’un public jeune (jusqu’à jeunes adultes) et masculin. Du coup cette distribution des rôles ne m’étonne pas trop. On retrouve le même principe dans les comédies romantiques shonen: le héros est très générique et sa principale caractéristique est d’être gentil, pour que le lecteur s’y identifie facilement. La ou les personnages féminins auxquels il s’intéresse, en revanche, sont beaucoup plus caractérisés à tous les niveaux, parce que ce sont eux qui font le sel du manga. Bref, pour moi cette sur-représentation du « sauveur valide  » que tu vois vient probablement plus d’un biais de sélection. Bon, ça ne veut pas dire que les mangas en général ne sont pas bourrés de clichés souvent néfastes, hein… Mais ça explique pourquoi, dans des oeuvres présentant des personnages plus matures, et qui s’adressent donc à un public plus mature, l’oeuvre va s’attacher à traiter réellement son sujet, là ou les shonen et seinen vont souvent plus proposer des héros et situations qui ont pour but de faire fantasmer les jeunes hommes, en plaçant en situation de héros quelqu’un d’aussi banal qu’eux. (Je ne dis pas que c’est bien, hein ; je constate juste qu’il y a un énorme marché pour ce type de « whish-fulfilment », et la question du handicap d’un perso dans ce contexte n’est que très accessoire).

    Mettez plus de personnes en situation de handicap dans vos fictions, mais surtout ne les limitez pas à cela. Faites-en des personnages complets. Le point de vue des valides par lequel on est souvent racontés ne représente pas les handicapés, mais la manière dont l’auteur considère le handicap.

    +1

     

     

     

     

     

    Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
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    #197377
    R.Graymarch
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    Merci DroZo

    As tu vu Bodies (série de cette année)? Une des enquêtrices a un handicap quasi invisible et je me demande ce que tu penses du traitement

    Aussi, que penses-tu de Furiosa dans Mad Max Fury road? De mémoire, elle a un handicap visible, compensée par un mécanisme mais qui ne rend pas le handicap inutile (pas comme la main de Luke Skywalker quoi). De plus c’est un élément de son personnage mais il ne se résume pas à ça, loin de là

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    #197388
    DroZo
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    @dndm : Oui je ne suis pas convaincu que réserver le traitement des personnages handicapés aux seuls concernés soit une bonne idée. Déjà parce que sinon on serait encore plus invisibilisé, eton n’a quand même pas besoin de ça, et en plus parce qu’on a de nombreuses oeuvres super cool mettant en scène des handicapés écris par des valides, donc c’est bien la preuve que c’est facile. Et puis si on ne pouvait parler que de ce qu’on vit on aurait rien à écrire d’autre que des auto-biographies.

    @gray : Je n’ai pas vu Body mais peut-être que je me laisserais tenté. Concernant Furiosa j’avais hésité à en parler mais vu que mon opinion est pas figé sur elle, je ne l’ai pas fait dans l’article. Pour faire simple, on n’est pas au même niveau qu’un Luke Skywalker ^parce que justement son handicap se voit et n’est pas juste caché par un gant (alors que pour Luke non seulement il se voit pas, mais en plus on ne peut même pas le compter dans les handicaps invisibles car il n’handicap en rien le héros). En soit elle a plus un physique atypique, et je sais que ça fait du bien aux personnes au physiques atypiques d’être représentés dnc ça me suffit pour apprécier le personnage.
    Alors je n’ai pas la science infuse, et je sais que des gens ont des choses à redire sur sa représentation. Je n’en suis personnelement pas là, et je suis déjà content qu’elle existe. A noter que pour son cas son handicap me semble plus être un code du récit d’aventure pulp. Un élément de chara-design qui rend le personnage identifiable, et qui en dit long sur le perso : c’est une combattante badass qui vit dans un monde crade et violent et qui a une force de caractèresuffisante pour se relever et rester une leadeuse. On retrouve ce trope régulièrement, et ce depuis l’Île au Trésor de Stevenson au XIXème siècle avec le personnage de Long-Jon Silver. Long-Jon est d’ailleurs un personnage fort sympathique et inspiré du vrai éditeur de Stevenson, qui lui aussi avait une prothèse à la jambe et un caractère roublard de ce que j’ai compris.
    Donc je sais d’où ça vient l’idée d’en faire une handicapée… Et ça ne me gène pas. Son handicap a beau être un trope esthététique, au moins a-t-il le mérite de mettre eb scène des persos cools.
    Et oui, le personnage est unterprété par une valide à qui on a retiré le bras numériquement. Mais on est dans le tournage de Fury Road, et déjà que les acteurs manquaient de mourir 10 fois par jours, alors imaginre si ils avaient pris une vrais personne en situation de handicap ? Ça aurait é(é de l’inconscience.

    Edit : Je n’avais par contre pas pensé aux antagonistes où on est clairement dans un musée des horreurs. Et de fait, pour eux, on rentre totalement dans l’un des clichés que je citais en début d’article : quand tu es trop tordu, tu es souvent un monstre antagoniste. Une vision de la société décadente qui le devient aussi physiquement qu’on retrouve déjà à l’époque des récits médiévaux.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 11 mois et 4 semaines par DroZo.

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    #197392
    Tybalt Ouestrelin
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    Merci Drozo pour ce partage très enrichissant de tes réflexions. Je ne peux que rejoindre le constat : si peu de représentations et souvent pas terribles qui participent d’une invisibilisation. Et c’est sans compter au-delà de la fonction. J’ai des souvenirs impressionnés de quelques fois où j’étais intervenu en MAS (Maison d’accueil spécialisé) et en FAM (foyer d’accueil médicalisé) dans lesquels j’avais eu l’impression qu’on avait « parqué » des individus en situation de polyhandicap. Je m’étais alors dit que ces personnes que je n’avais jamais croisé dans la rue avait été soustrait à nos regards et à nos existences et donc aussi nous aux leurs. J’en garde un sentiment mitigé vis-à-vis de ces institutions, construites à la place d’une autre organisation sociale pour intégrer nos frères humains.

    DOH 8&10 : Tybalt Ouestrelin, acolyte loyaliste devenu Mestre ; Or, Argent et Bronze.
    DOH 9 : Lazzara zo Ghazîn, Grâce Bleue devenue Sénéchale. Miraculée devenue Conseillère. Pas Miraculée deux fois.

    #197509
    Nymphadora
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    Merci pour ce texte Drozo ! Il est édifiant (et je pense qu’il s’applique malheureusement à d’autres cas : typiquement, on tombe régulièrement sur des débats autour de la grossophobie, de la représentation des femmes « vieillissantes » (sachant que la date de péremption arrive sacrément tôt xD), ou de la non-représentation de physiques normaux à l’écran (au sens : dans la norme – rappelons ainsi la femme française en moyenne fait 1m64 et met du 40/42)… Mais au moins, sur ces points-là, il y a un débat, ce qui est encore moins le cas pour la représentation du handicap, qui est effectivement encore plus invisible 🙁 )

    C’est l’un des paradoxes amené par la promotion des oeuvres dites « ownvoice » (écrites par des personnes directement concernées): certains créateurs s’interdisent, du coup, de représenter certaines personnes par peur de mal faire, et ça ne fait qu’aggraver le problème. Il y a souvent pas mal de malaises sur ces questions, surtout quand la discussion arrive sur des réseaux sociaux ou les esprits s’échauffent très rapidement pour rien. J’ai pas vraiment de solution à cela, à chacun de trouver son éthique à ce sujet et de l’assumer ensuite.

    Certains font appel à des « sensivity readers » : faire relire son texte par une personne concernée pour éviter les grosses bourdes. Il y aura bien sûr toujours des écueils, l’expérience de vie n’est jamais universelle, mais pour éviter des trucs gros comme une maison, c’est quand même pas si inutile j’imagine. Typiquement dans Vainqueuse, l’un des derniers livres que j’ai lus, Del Socorro remerciait ses sensitivity readers sur la question du handicap – un des personnages secondaires a un pied bot et l’autre perd un bras… (toutefois, les personnages restent très très secondaires hein, ça me paraît toujours bien de faire relire quand même, mais ne le lisez pas pour y trouver une représentation spécialement forte de la chose ^^).

    ~~ Always ~~

    #197513
    Méliwesh
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    Merci beaucoup, DroZo, d’avoir partagé de passionnantes réflexions.

    Je ne sais pas si tu connais La maison dans laquelle, de Mariam Petrosyan : l’action se déroule dans un internat accueillant des enfants et des adolescents qui sont tous porteurs d’un handicap ou d’un autre. Et ce qui est fascinant dans ce texte, c’est qu’à aucun moment le moindre diagnostique n’est posé (ou à peine), rien n’est expliqué, décrit, disséqué, les personnages existent entièrement par eux-mêmes, si bien qu’on oublie leur handicap presque totalement (les déplacements en fauteuil roulant notés, mais comme moteur de l’action), pour se concentrer sur leurs aventures étranges et intenses, leurs amitiés et leurs conflits, leur lutte contre l’âge adulte.

    Je te fais part de mon ressenti de valide, mais peut-être aurais tu un autre point de vue sur le roman, que je te conseille vivement.

    #197933
    Worgen Stone
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    As tu vu Bodies (série de cette année)? Une des enquêtrices a un handicap quasi invisible et je me demande ce que tu penses du traitement

    J’ai lu l’article de Drozo avant d’entendre parler de la série, que j’ai donc visionnée en gardant à l’esprit la question de @r-graymarch. Je pense qu’en temps normal, j’aurais juste trouvé ça bien (c’est toujours le cas d’ailleurs) de rencontrer des personnages en situation de handicap dans une série, même si ici, j’y ai particulièrement porté attention à cause de la discussion en cours.
    Il y a d’autres points sur lesquels je me réserve de revenir par la suite mais la réflexion de Drozo est extrêmement riche, donc je vais juste me limiter à ce que j’ai retenu de la représentation du handicap dans la série « Bodies » pour le moment.

    En premier lieu, selon la définition de Wikipedia, « Le handicap est la limitation des possibilités d’interaction d’un individu avec son environnement. », Iris n’est absolument pas handicapée. Elle dispose d’une prothèse ultra-moderne qui se recharge en quelques secondes et qui compense absolument toutes les difficultés qu’elle pourrait connaître et auxquelles son frère Alby, un personnage secondaire, est confronté.

    Quel était l’intérêt d’avoir fait d’Iris un personnage handicapé ? En premier lieu, chaque enquêteur appartient à une minorité, c’est donc une façon commode de relier Iris aux autres.

    Ensuite, cette prothèse contribue à différencier les époques et donne l’image d’un futur idéal dans lequel un handicap lourd n’est plus un obstacle à une vie présentée comme normale et même souhaitable (Iris semble avoir plutôt bien réussi financièrement).

    Là où cela devient vraiment pertinent – à mes yeux -, c’est quand Iris se confronte avec son frère qui lui, a choisi de ne pas être appareillé pour ne pas, en quelque sorte, « vendre son âme au système ». Je n’en dirai pas plus pour ne pas prendre le risque de trop en révéler.

    En ce qui concerne le traitement :

    Dans la série, il y a trois personnes, dont deux personnages principaux, qui ont besoin d’une aide à la mobilité :
    Iris, qui bénéficie donc de cette prothèse ultra-technologique, mais aussi d’autres avantages parce qu’elle a choisi de travailler pour le gouvernement. Elle aurait pu être dotée d’un autre ressort de motivation, cela n’aurait rien changé.
    Julian Harker, qui se déplace avec une canne et boite ostensiblement mais gambade néanmoins dans les escaliers de son manoir de dix-sept étages (sic) et
    Alby, le demi-frère d’Iris Maplewood, personnage secondaire donc, qui a choisi de vivre avec son handicap et se traîne dans un modèle de chaise roulante qui est déjà plus qu’obsolète de nos jours (ce qui pourrait éventuellement être cohérent avec son personnage, bien que j’aie la conviction que ce type de voiturette manuelle n’est pas conçu pour résister plus de cinq ans à un usage intensif).

    Il me peine de le dire, toutes les scènes avec Alby sont foireuses. C’est un hacker et un receleur qui dispose d’un laboratoire suréquipé mais dont le fauteuil n’est absolument pas adapté à l’usage qu’il en fait. A aucun moment il ne se fait pousser par un aidant alors que sa voiturette n’est pas conçue pour qu’il se propulse lui-même. Plus gênant, l’acteur est incapable de s’en servir. Si j’ai bien compris, sa maladie et celle de sa sœur sont consécutives à un accident qui s’est produit trente ans auparavant. Il devrait donc, depuis le temps, avoir eu le temps de découvrir où placer ses mains pour être un tant soit peu efficace et être en mesure de faire un demi-tour fluide au minimum.  Ou avoir eu l’occasion de voler un fauteuil mieux fichu.

    C’est un exemple typique où le rôle aurait pu être attribué à une personne souffrant d’une vraie perte de mobilité mais cela aurait demandé plus d’attention de la part des accessoiristes et du metteur en scène pour que ce soit crédible : en effet, il y a dans le repère d’Alby énormément d’équipements qui sont situés en hauteur, hors de sa portée, mais c’est surtout au niveau du sol que l’incohérence frappe. Il y a une marche devant sa porte d’entrée, un tapis, des câbles par terre… il serait déjà difficile de se déplacer avec ce type de voiturette manuelle dans son logement mais avec l’encombrement qui y règne, cela me semble quasiment impossible.

    Autre exemple, dans l’épisode 7, Alby se rend dans une ruelle où le sol est inégal, en pente, en terre battue, ce qui constitue un véritable cauchemar… et on comprend qu’il y va dans une camionnette dans laquelle on ne voit aucune rampe (ni rien pour qu’il puisse se cramponner et ne pas être secoué pendant la route). Comment y est-il monté, comment en est-il descendu ? Mystère.

    Il n’y a d’ailleurs quasiment aucun plan le montrant en train de se déplacer alors que c’est la raison d’être d’un fauteuil roulant. Les autres personnages ne semblent pas non plus avoir compris qu’il ne peut pas se lever. Par exemple, Sahara Hasan préfère lui tendre un objet hors de sa portée plutôt que de faire un pas en avant, ce qui oblige le pauvre gars à se pencher au point de risquer de tomber en avant.

    Vous l’aurez compris, j’estime que la façon dont est mise en scène le handicap de ces personnages n’est pas une réussite. Elle a cependant le grand mérite d’exister et j’imagine que les prochains réalisateurs feront mieux (et cela n’a rien changé au fait que j’ai adoré cette série).

    #198416
    Tizun Thane
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    Salut DroZo. J’avais écrit un pavé à mon tour supprimé par une fausse manip

    Je vais juste rebondir sur 2 points:

    A mon sens, la fiction, et en particulier la fiction grand public, est la mieux à même de changer la vision du handicap pour la normaliser. Et parce qu’elle a ce pouvoir, elle devrait avoir le devoir de le faire.

    C’est à mon sens faux et c’est très dangereux de raisonner de cette manière. La fiction est là pour divertir, pas changer les mentalités. Ce que tu décris, c’est de la propagande, même pour la bonne cause, et c’est mal.

    Sur le handicap et pourquoi il n’est pas représenté, et l’est même de moins en moins.

    La réponse est assez simple, et je crois que tu l’as. Le handicap n’est pas glamour. Il fait peur ou provoque la pitié. De manière atavique à mon avis, et très difficile à surmonter.

    Ce qui n’est pas glamour ne fait pas rêver. Et donc, c’est sous-représenté en fiction, qui a pour but de divertir.

    Sans compter que la communauté LGBT, pour ne citer qu’elle, s’est battue pour s’imposer. Alors que les personnes handicapées ne constituent pas une communauté unifiée, et ne s’imposeront donc jamais dans le débat public.

    Même le handicap n’unifie pas les personnes handicapées, parce qu’il n’existe pas un handicap, mais des handicaps. Avoir des difficultés à marcher, à parler, ne pas voir, ne pas entendre, ne pas penser comme les autres, avoir une jambe ou aucune. Chaque handicap est unique.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 10 mois par Tizun Thane.
    #198429
    FeyGirl
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    Salut DroZo. J’avais écrit un pavé à mon tour supprimé par une fausse manip Je vais juste rebondir sur 2 points:

    A mon sens, la fiction, et en particulier la fiction grand public, est la mieux à même de changer la vision du handicap pour la normaliser. Et parce qu’elle a ce pouvoir, elle devrait avoir le devoir de le faire.

    C’est à mon sens faux et c’est très dangereux de raisonner de cette manière. La fiction est là pour divertir, pas changer les mentalités. Ce que tu décris, c’est de la propagande, même pour la bonne cause, et c’est mal.

    Vaste débat ! Mais je nuancerais beaucoup ce point-là, en prenant l’exemple d’auteurs engagés qui ont écrit pour sensibiliser sur un sujet qui leur tenait à cœur (même remarque sur les films ou séries). Ce qui crispe (ou en tout cas, ce qui me crispe), c’est quand on a la leçon de morale sur le ton « je suis auteur, donc je suis au-dessus du lectorat, donc je te dis, cher lecteur, ce que tu dois penser » : la leçon écrase l’histoire (et énerve passablement le lecteur qui veut penser par lui-même). Je prends un contre-exemple : Victor Hugo, auteur engagé s’il en est, a présenté la misère dans les Misérables, il a décrit les conséquences de la misère, et il a laissé le lecteur se faire sa propre opinion. Il a réservé les « leçons » à ses tribunes politiques, mais quand il écrivait un roman, il était romancier.

    Donc qu’un auteur (ou un réalisateur pour le cinéma) engagé sur le sujet de handicap veuille montrer des handicapés, ça me semble normal si ça lui tient à cœur. Mais effectivement, le sujet peut être mal traité ou mal reçu par le public si on a un ton professoral ou moralisateur. Par contre, s’il montre les difficultés au quotidien d’un handicapé, ça peut avoir des impacts sur la vision du handicap.

    Alors que les personnes handicapées ne constituent pas une communauté unifiée, et ne s’imposeront donc jamais dans le débat public. Même le handicap n’unifie pas les personnes handicapées, parce qu’il n’existe pas un handicap, mais des handicaps. Avoir des difficultés à marcher, à parler, ne pas voir, ne pas entendre, ne pas penser comme les autres, avoir une jambe ou aucune. Chaque handicap est unique.

    Malheureusement d’accord sur le sujet. Sur un sujet que je connais car il touche un proche, le handicap psychique, je me suis prise une shitstorm sur les réseaux sociaux – la seule que j’ai jamais reçue – par des autodiags militants et quelques handis légers, qui refusaient de comprendre les spécificités des handis psy lourds et les besoins de leurs familles. Ça m’a écœuré.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 10 mois par FeyGirl.
    #198562
    Tizun Thane
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    Vaste débat ! Mais je nuancerais beaucoup ce point-là, en prenant l’exemple d’auteurs engagés qui ont écrit pour sensibiliser sur un sujet qui leur tenait à cœur

    Evidemment, je n’interdis à personne d’écrire sur quoi que ce soit. L’inspiration est libre, et un auteur engagé peut être un auteur engageant (même si souvent, ils sont hélas juste préchi-précha de mon expérience).

    Ton exemple Fey est  d’ailleurs très juste.

    Par contre, DroZo évoquait un devoir d’évocation et de représentation, à des fins politiques. Je ne sais pas si les mots ont dépassé sa pensée ou pas, mais dans tous les cas, je dis NON.

    Sur un sujet que je connais car il touche un proche, le handicap psychique, je me suis prise une shitstorm sur les réseaux sociaux – la seule que j’ai jamais reçue – par des autodiags militants et quelques handis légers

    C’est terrible. le handicap psychique, c’est le pire, parce que ça ne se voit pas. Caricaturalement, c’est un peu comme confondre la déprime, qu’on peut tous ressentir, et la noire dépression.

    Comme confondre la faim qu’on peut ressentir le midi, avec celle de celui qui n’a pas mangé depuis 3 jours.

    #198568
    Worgen Stone
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    il n’existe pas un handicap, mais des handicaps.

    C’est terrible. le handicap psychique, c’est le pire, parce que ça ne se voit pas.

    J’ai l’impression que tu compares (voire hiérarchises ?) les différentes formes de handicap, ce que j’ai du mal à comprendre dans la mesure où elles seraient si différentes (et en conséquence, difficilement comparables).  Aurais-je mal compris ?

    #198569
    DroZo
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    Concernant le « devoir » de la ffiction à représenter le handicap, je crois que nous nous sommes mal compris. Je ne parle en aucun cas de devoir légal. comme je le disais dans mon article je suis contre les quotas en fiction sur le plan artistique (il reste la question de quotas des personnes en situation de handicap pour des questions de discrimination à l’embauche, comme on en a actuellement en France dans tous les corps de métiers, mais ça c’est un autre sujet). Bien sûr que je ne souhaite pas que l’on impose une ligne éditoriale à la fiction : ce serait hyper dangereux.
    Quand je parlais de devoir, je parlais de devoir moral. Ou plutôt : la fiction a une grande part de responsabilité dans l’invisibilisation et les iscriminations au quotidien que subissent les personnes en situation de handicap. Comme je le disais, la fiction, et en particulier la fiction grand publique, est la mieux à même de changer le regard destructeur que l’on porte sur nous. Et comme dirait l’autre : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
    Après on peut choisir de s’en foutre, de laisser un autre faire de l’inclusivité ou se dire qu’après tout ce n’est pas ce qu’on a envie de raconter. Je le respecte parfaitement. Lais dans ce cas, c’est aussi porter la responsabilité de notre invisibilisation.
    Enfin, je ne comprend pas cette idée comme quoi une personne en situation de handicap ne peut pas être classe ou glamour. Franchement je ne trouve pas que Tyrion Lannister, Edward Elric ou le Professeur Xavier manquent de classe et de glamour par exemple. Je ne comprend pas pourquoi le glamour serait la propriété exclusif du canon holywoodien classique.
    Pareil, mettre des acteurs en situation de handicap dans la fiction ne veut pas forcément dire qu’on doit traiter ce handicap. Une personne en situation de handicap, c’est un personnage complet avant d’être un handicapé. Regardez par exemple les Velaryon dans House of the Dragon. Ils sont noirs. Et pourtant on s’en fout, à aucun moment la série va essayer de traiter d’un sujet politique du à leur couleur de peau. Ils sont noirs, c’est tout. Tout comme il y a des roux, des grands, de petits, des personnes à la mâchoire carée ou avec un grand nez, il y a aussi des noirs et et des personnes en situation de handicap. Ils existent, et on pourrait juste s’en foutre.

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    #198773
    Tizun Thane
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    Merci DroZo de ton retour explicatif. A mon tour de faire des précisions sur ma pensée:

    • le handicap n’est pas glamour.  En revanche, une personne atteinte de handicap peut parfaitement l’être. Ça nécessite un effort supplémentaire au niveau de la création artistique, effort rarement fourni.

    ’ai l’impression que tu compares (voire hiérarchises ?) les différentes formes de handicap, ce que j’ai du mal à comprendre dans la mesure où elles seraient si différentes (et en conséquence, difficilement comparables).

    On ne s’est pas compris. Je disais exactement le contraire, en disant qu’il existe des handicaps, chacun soumis à des contraintes uniques, de telle sorte qu’on ne peut pas les comparer.

     

    #198776
    Céleste
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    Merci DroZo pour cet article intéressant. On peut noter que dans la SF comme tu dis ou plus précisément le cyberpunk, le handicap est souvent présent et traité au travers du transhumanisme.

    (ce qui a été pendant longtemps de la science-fiction devient peu à peu réalité d’ailleurs)

    Je préfère le souffle du dragon à la bave de crapeau et la langue de vipère.

    #198927
    DNDM
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    Tiens, si vous avez envie de creuser le sujet du point de vue des créateurs, il y a une série de huit épisodes du podcast Writing Excuses sur les handicaps (handicaps physiques principalement) et la façon de les traiter dans la fiction.

    Ce n’est pas les seuls épisodes du podcast qui en parlent, mais là ils creusent le sujet à fond.  Les intervenants et intervenantes de cette série d’épisodes sont des professionnels de l’écriture avec des handicaps divers, qui ont pas mal réfléchi à ces questions. Il y a évidemment un gros biais américain (comme pour tout le podcast Writing Excuses), et c’est bien évidemment en anglais (avec transcription, pour qui préfère l’écrit). Mais comme souvent, même si on peut ne pas être d’accord avec tout, ça ouvre d’intéressantes pistes de réflexion.

    17.42: Eight Embodied Episodes About Disability

    17.43: Bodies. Why? (Depicting Disability)

    17.44: Bodies, Why? (Part II: Working Through Disability)

    17.45: Bodies, Tech, and Character

    17.46: Monstrous Awakening

    17.47: The Linguistics of Disability

    17.48: Bodies, Why? (Part III)

    Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
    Présentation & autres pub(lications) : www.lagardedenuit.com/forums/sujets/presentation-dndm/

    #200475
    Babar des Bois
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    Le sujet, tel quel, a donc été transformé en sujet de blog et relayé (c’est quelque chose qui tenait à cœur à DroZo)

    De la représentation du handicap dans la fiction

    Pour ceux qui ont twitter spécifiquement, l’article a eu une belle résonnance et de beaux petits mots. Je me permets de relayer ici les mots de l’équipe de On se laisse la nuit sur le sujet (dont la vidéo a beaucoup inspiré DroZo), et qui sont je trouve très touchants.

    Spoiler:

    Aujourd’hui, j’ai eu une drôle de surprise en me voyant taguée dans cette publication, par cette association que je ne connais pas. Je clique, et oh, surprise, c’est un article, un long article, intéressant, intime, qui parle de représentation et de handicap. Et j’apprends au détour de cet article que c’est ma vidéo sur le handicap qui en a été le moteur d’écriture pour l’auteur.
    Et j’apprends aussi qu’il est décédé, et que la publication de cet article est un hommage posthume. Et j’ai été envahie d’un grand, gros chagrin. Une peine terrible pour ce camarade que je ne connais pas, mais que je connais, au fond. Une peine terrible pour tous mes frères et sœurs handis qui ne connaîtront pas de monde avec des représentations qui leur parle, qui ne connaîtront pas de monde qui raconte leur histoire.
    Je me sens si honorée, lorsque telle personne me dit qu’elle a commencé la real ou l’écriture grâce à ma vidéo, quand je vois tel ou tel article écrit par un ou une camarade grâce à cette vidéo, si honorée de me sentir faire partie de la solution, et si impuissante aussi. Ne perdons pas espoir. Nous verrons nos histoires à l’écran, portées par les nôtres. Résistons, vivons, battons nous un jour de plus, juste pour montrer que nous sommes là, pour porter nos voix un peu plus loin. J’ai vu tant, trop, de mes proches handis s’éteindre, avec l’impression qu’ils n’ont laissé derrière eux que de la poussière.
    Mais je me rends compte, de plus en plus, que ce n’est pas de la poussière, c’est de la poudre. Une traînée de poudre qui s’embrasera un jour. Repose dans le pouvoir, camarade. Ta voix, nos voix continuent à semer la poudre.
    Et merci mille fois à la @gardedenuit de m’avoir permis de m’associer à leur deuil, il est des chagrins qui font pousser des fleurs.

    Je suis aussi tombée il y a peu sur ce post de blog, qui parle de la façon d’écrire un personnage handicapé (physique) en fiction, avec des thématiques et des exemples que DroZo traite dans son sujet : https://limaginaerumdesymphonie.fr/2024/03/19/des-personnages-handicapes-en-fantasy/

    (pas encore pu réagir publiquement au sujet sur le fond, mais je prendrai le temps. C’est vraiment très très intéressant en tous les cas)

    #hihihi
    Co-autrice : "Les Mystères du Trône de Fer II - La clarté de l'histoire, la brume des légendes" (inspirations historiques de George R.R. Martin)
    Première Prêtresse de Saint Maekar le Grand (© Chat Noir)

    #200477
    R.Graymarch
    • Barral
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    Merci d’avoir relayé ça et partagé ici

    Le texte d’Elsa est très fort sur le fond et en plus très joliment écrit

    Je sers la Garde et c'est ma joie. For this night, and all the nights to come
    MJ de Chanson d'Encre et de Sang (2013-2020) et de parties en ligne de jeu de rôle
    MJ par intérim de Les Prétendants d'Harrenhal (2024-), rejoignez-nous
    DOH : #TeamLoyalistsForeverUntilNow. L’élu des 7, le Conseiller-Pyat Pree qui ne le Fut Jamais

    #200490
    Frère du Khan
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    Les éditions Arkuiris aimeraient être citées plus souvent sur ce fil de discussion. En effet, DroZo a eu l’outrecuidance d’écrire un article sur le handicap sans parler d’Arkuiris, et les membres d’Arkuiris aimeraient qu’on parle plus souvent du travail de la maison Arkuiris et l’ont fait savoir sur le forum en toute modestie comme le mérite Arkuiris, par le biais d’un ancien collaborateur du groupe Arkuiris.

    Ke-mo Sah-bee

    #200536
    FeyGirl
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    Les éditions Arkuiris aimeraient être citées plus souvent sur ce fil de discussion. En effet, DroZo a eu l’outrecuidance d’écrire un article sur le handicap sans parler d’Arkuiris, et les membres d’Arkuiris aimeraient qu’on parle plus souvent du travail de la maison Arkuiris et l’ont fait savoir sur le forum en toute modestie comme le mérite Arkuiris, par le biais d’un ancien collaborateur du groupe Arkuiris.

    Tu as rattrapé l’oubli, cette maison d’édition est maintenant citée 5 fois !

    J’ai eu du mal à ne pas répondre par l’insulte au message de ce monsieur sur Facebook.

    Plus positif :

    L’article a été ajouté dans les ressources d’écriture du blog L’imaginaerum de Symphonie

    https://limaginaerumdesymphonie.fr/category/ecriture-pensees-et-outils/index-ressources-sur-lecriture/

    #200541
    Eridan
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    J’ai eu du mal à ne pas répondre par l’insulte au message de ce monsieur sur Facebook.

    Nous avons été nombreux à être heurtés par l’indélicatesse de ce fâcheux. Sa « modeste remarque » était inappropriée à tout point de vue, et ceux qui lui ont répondu (notamment Fey) ont parfaitement su le dire. Incroyable de voir à quel degré d’insensibilité et d’aigreur peut amener le manque de reconnaissance … Au final, tout ce qui restera de cet incident, ce sera l’ombre indésirable qu’il a jeté sur son titre et sur son éditeur. Du beau gâchis ! Tant pis pour lui.

    En revanche, ce qu’on retiendra de cet article, c’est qu’il reçoit un accueil très positif sur les différents réseaux sociaux. Les gens ne sont pas seulement touchés par l’hommage qu’il représente, c’est le contenu de l’article qui les touche et les amène à réfléchir.

    Merci à notre équipe de relecteurs pour la publication, et un grand merci à DroZo pour ses réflexions.

    "Si l'enfer est éternel, le paradis est un leurre !"

    #200573
    DJC
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    (si je peux me permettre une remarque mineure, malgré le travail de relecture de ce beau et long article, il reste une petite dizaine de coquilles, dont 3 « et bien » )

    #200576
    Frère du Khan
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    J’ai effectivement remarqué quelques coquilles et scories d’écritures. Le texte n’était après tout pas encore achevé.

    Par contre, je pense qu’on peut sans le trahir corriger le nom de Komi : DroZo n’ayant écouté que l’anime (horriblement moins bon et bien moins subtil), il n’a jamais su son orthographe.

    (PS: Ce dernier post n’a pas été sponsorisé par la maison Arkuiris)

    Ke-mo Sah-bee

    #200579
    Babar des Bois
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    Sur les coquilles, c’est fou, on a été quand même plusieurs à relire ^^’.
    Sur les « et bien », j’avoue j’ai dû chercher, je ne connaissais pas la règle.

    Par contre, je pense qu’on peut sans le trahir corriger le nom de Komi : DroZo n’ayant écouté que l’anime (horriblement moins bon et bien moins subtil), il n’a jamais su son orthographe.

    Ca marche, c’est corrigé.

    Les gens ne sont pas seulement touchés par l’hommage qu’il représente, c’est le contenu de l’article qui les touche et les amène à réfléchir.

    Oui, heureusement le commentaire de l’éditeur de chez Arkuiris a été bien seul. Il est d’une indécence rare, à tous points de vue… merci beaucoup à ceux qui ont répondu.
    Il y a heureusement eu surtout un bon nombre de retours très positifs, notamment sur un groupe Facebook de littérature SFFF (qui est pourtant très houleux d’habitude ^^’)

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 7 mois et 3 semaines par Babar des Bois.

    #hihihi
    Co-autrice : "Les Mystères du Trône de Fer II - La clarté de l'histoire, la brume des légendes" (inspirations historiques de George R.R. Martin)
    Première Prêtresse de Saint Maekar le Grand (© Chat Noir)

    #200580
    Aerolys
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    Par contre, je pense qu’on peut sans le trahir corriger le nom de Komi : DroZo n’ayant écouté que l’anime (horriblement moins bon et bien moins subtil), il n’a jamais su son orthographe.

    Je n’avais pas fait attention à la façon dont il a écrit le nom de Komi.

    D’ailleurs, je vous conseille la série !

    Le « horriblement moins bon et bien moins subtil », je n’ai pas encore lu le manga même si les trois premiers tomes traînent dans ma bibliothèque.

    Je ne pensais que l’anxiété sociale n’était pas considérée comme un handicap mais elle est visiblement rangée dans les troubles anxieux (ce qui est… logique et je me demande même comment j’ai pu douter de cette classification).

    Toutes les plus belles histoires commencent par une brique sur le pied.

    Si Theon ouvre un bar, c'est le Baratheon.

    Spoiler:
    #200585
    Lapin rouge
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    Sur les « et bien », j’avoue j’ai dû chercher, je ne connaissais pas la règle.

    C’est quoi, cette règle ? Je ne connais pas non plus.

    They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.
    #200588
    Liloo75
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    D’après ce que j’ai compris, « eh bien ! » est une interjection, généralement suivie d’un point d’exclamation. Celui-ci peut se situer également à la fin de la phrase : « eh bien, vous en avez mis du temps ! ».

    « Et bien » introduit une conjonction de coordination « et ». Par exemple : « vous m’avez renseigné, et bien ».

    La différence est parfois subtile.

    Edit. S’il restait des « et bien » dans le texte, j’avoue qu’ils m’ont échappés.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 7 mois et 3 semaines par Liloo75.
    • Cette réponse a été modifiée le il y a 7 mois et 3 semaines par Liloo75.

    - De quels diables de dieux parlez-vous, lady Catelyn ? (…) S’il existe vraiment des dieux, pourquoi donc ce monde est-il saturé de douleur et d’iniquité ?
    - Grâce aux êtres de votre espèce.
    - Il n’y a pas d’êtres de mon espèce. Je suis unique.

    #200594
    DJC
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    Je peux donner un coup de main lors des relectures finales, si ça vous dit 👍 pareil que ce que je fais pour le wiki

    (Désolé d’avoir pollué ce sujet avec cette remarque)

    #200613
    Frère du Khan
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    @Aerolys

    On s’est beaucoup battu avec DroZo sur le sujet de Komi cherche ses mots que j’apprécie beaucoup et qu’il a détesté.

    Déjà, le manga adore passer beaucoup de temps du point de vue de Komi, expliquant plutôt bien toutes les difficultés découlant d’une action simple.

    Et si l’analyse de DroZo n’est pas mauvaise, il manque selon-moi une subtilité. L’idée sous-jacente est qu’elle est une des personnes les plus normales de la promo face à des personnalités qui ont tous des dilemmes sociaux (du ninja à la campagnarde en passant par la soumise ou la genderfluide beaucoup trop sociale). Le manga a peu de dialogue, ce qui fait qu’il se lit très rapidement, et que les actions s’enchaînent de manière hystérique, nous permettant non seulement de comprendre le chamboulement de Komi mais aussi l’excentricité de ses camarades.

    Au contraire, l’anime avec ses dialogues plus explicatifs et surtout son rythme plus lent a tendance à faire passer Komi pour moins fine qu’elle n’est.

    Ke-mo Sah-bee

    #200623
    Aerolys
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    Au contraire, l’anime avec ses dialogues plus explicatifs et surtout son rythme plus lent a tendance à faire passer Komi pour moins fine qu’elle n’est.

    A vrai dire, je n’avais pas ce regard de « Komi n’a pas l’air très fine » en regardant la série.

    Je pense que j’éprouvais de la compassion car, sans faire de l’anxiété sociale, mes troubles anxieux, mêlés à ma timidité et mon autisme faisaient que je me reconnaissais en Komi. ^^’ Mais, ne reste plus pour moi que de commencer le manga pour voir les différences d’écriture par moi-même. ^^

    Déjà, le manga adore passer beaucoup de temps du point de vue de Komi, expliquant plutôt bien toutes les difficultés découlant d’une action simple.

    Et je pense que c’est une bonne chose d’essayer de montrer le monde par les yeux d’une personne ayant des troubles cognitifs ou d’anxiété. Je pense que ça peut aider les gens à s’en faire une idée.

    L’idée sous-jacente est qu’elle est une des personnes les plus normales de la promo face à des personnalités qui ont tous des dilemmes sociaux (du ninja à la campagnarde en passant par la soumise ou la genderfluide beaucoup trop sociale).

    Je reviens sur ce point car la partie « est une des personnes les plus normales de la promo face à des personnalités qui ont tous des dilemmes sociaux » fait écho à quelque chose que j’ai pu constaté depuis plusieurs mois déjà.Quand je regarde mes collègues, mes amis (et mes proches en général), c’est rare que quelqu’un n’est pas un handicap ou se trouve « hors de la norme » (problèmes de vue, problème de dos, de jambes, articulations, phobie sociale, maladie maladie,…)

    Toutes les plus belles histoires commencent par une brique sur le pied.

    Si Theon ouvre un bar, c'est le Baratheon.

    Spoiler:
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