ADWD 42 – Le tourne-casaque

ADWD 42 – Le tourne-casaque
Au fil des pages – liste des sujets

C’est le deuxième chapitre de Theon dans ADWD dans lequel son POV n’est plus désigné sous le nom de Schlingue. Précédemment, il était le prince de Winterfell. Reconnu comme Theon Greyjoy par Roose Bolton, Theon avait reçu pour mission d’accompagner Arya Stark, alias Jeyne Poole, jusqu’au bois sacré, où devait se dérouler la cérémonie de mariage avec Ramsay.

Theon se trouvait là comme plus proche parent d’Arya. En réalité, il fut la caution des Bolton, le témoin que celle qui allait épouser Ramsay était Arya Stark, la fille de Ned Stark, héritière de Winterfell, qu’il a connu enfant.

Le chapitre s’ouvre sur la neige qui tombe sur Winterfell, et la remarque de Roose Bolton qui y voit un présage à l’encontre de Stannis, un sudier, un étranger que les dieux du Nord voudraient éloigner. Ce discours est sans doute destiné à motiver ses troupes, à renforcer leur moral. Car si, pour le moment, les hommes des Bolton ont de la nourriture, du bois pour se réchauffer et un abri pour dormir, tout cela pourrait ne pas durer.

Nous apprendrons, à la fin du chapitre, que les vivres dont dispose la forteresse sont essentiellement celles qui ont été apportées par les invités. Quant au stock de bois, il ne pourra servir qu’à couvrir une moitié d’an. Qu’adviendra-t-il si Stannis maintient son siège au-delà ?

Il ne faut pas oublier que Stannis est un combattant aguerri, il a tenu le siège d’Accalmie, alors que les vivres manquaient cruellement. Il n’est pas un homme qui se laisse vaincre par les éléments ou la pénurie.

Tous les alliés des Bolton n’affichent pas des mines réjouies. Les Frey sont eux aussi des sudiers, ils ne connaissent pas les rigueurs du grand froid. De plus, ils ont perdu trois de leurs parents en chemin. Rhaegar, Jared et Symon, qui sont partis de Blancport avec lord Manderly, et ne sont jamais parvenus jusqu’à Winterfell.

Que leur est-il arrivé ?

Tiens, lord Manderly n’est pas loin. Il mange son gruau. Theon remarque que cette nourriture ne le satisfait pas autant que les tourtes apportées en l’honneur des mariés et qui ont été dégustées lors du repas de noce.

Il est certain que le gruau n’a pas la même saveur qu’une tourte à la viande…

Theon note que tous les hommes présents ne sont pas traités à la même enseigne. Lui-même n’a droit qu’à du gruau alors que les chevaliers et seigneurs ont reçu du miel et du lait. Theon a joué son rôle de prince de Winterfell, pendant le mariage, désormais il a perdu son utilité. Les Bolton n’ont plus besoin de lui. Il va redevenir un serviteur. Il va pouvoir jouer les observateurs et nous conter ce qui se trame à Winterfell.

Nous allons suivre Theon qui, dans ce chapitre, va endosser plusieurs rôles : celui d’observateur, puis de pestiféré parmi ses semblables, avant de devenir le pèlerin à Winterfell, d’abord lors d’une promenade solitaire, et enfin en tant que confident et confesseur de lady Dustin.

L’observateur

Theon côtoie la jeune mariée de près. Ramsay l’a désigné comme camériste de sa femme, ce qui constitue une brimade supplémentaire, seules des femmes étant dédiées à cette tâche en principe. Mais ce rôle va lui permettre d’entrer dans l’intimité du couple.

Theon est chargé de s’occuper d’Arya et de lui donner le bain. Cette mission doit le mettre particulièrement mal à l’aise, lui qui entretient désormais un rapport compliqué avec les femmes. Pour l’aider, il va faire appel aux ressources du château. Les dames sont venues avec leurs servantes, et il ne va pas hésiter à solliciter celles de lady Barbrey Dustin et de lady Walda Bolton.

Mais peut-être qu’inconsciemment Theon recherche également des personnes qui pourraient témoigner de la brutalité de Ramsay. Jeyne est couverte de bleus et les femmes de chambre ne vont pas manquer de le remarquer et de rapporter la nouvelle aux dames qu’elles servent.

Par ailleurs, la rumeur des mauvais traitements subis par Jeyne est déjà en train de se répandre, par la bouche des propres hommes de Ramsay. Ceux-ci exagèrent les brimades subies par « Arya », la prétendant attachée à son lit et nue.

Tout cela ne va pas plaider en faveur des Bolton, et Theon en a conscience. Il est également convaincu que les mauvais traitements vont reprendre à son endroit. Lorsque Ramsay se sera lassé de sa jeune épouse, il va recommencer à peler Theon et à le découper en morceaux. Il sera de nouveau privé de bain et devra se revêtir de guenilles.

Or, Theon redécouvre le plaisir d’être propre et correctement vêtu, conformément à son rang. Ce qui lui faisait si peur dans le dernier chapitre de Schlingue est devenue une habitude plaisante. Et Theon n’a aucune envie de revenir en arrière. Il ne veut plus être Schlingue, même s’il a encore du mal à se départir de cette ancienne identité. Il est à la frontière entre les deux, plus tout à fait Schlingue, mais pas encore pleinement Theon.

Il va commencer à échafauder des plans pour s’évader. Il réfléchit à comment il pourrait s’échapper du château sans être vu.

Mais dans le même temps, il exhorte Jeyne à être une bonne épouse et à obéir à Ramsay. Il lui conte que si elle lui donne satisfaction, Ramsay ne la punira pas sans raison. C’est un beau conte en effet. Mais Theon croit-il à ses propres paroles ?

Le souvenir du coup monté à l’encontre de Kyra, le subterfuge de Ramsay pour la pousser à s’évader, puis la poursuivre telle une proie est très présent dans l’esprit de Theon. Et comment pourrait-il l’oublier alors que l’une des chiennes de Ramsay se nomme Kyra. La jeune fille a dû se battre vaillamment pour que son nom soit donné à l’une des bêtes du bâtard.

Theon est parfaitement conscient qu’il est à la merci de Ramsay, de son bon vouloir. Il est sa chose. Et il ne veut plus l’être.

Le pestiféré

Theon mange seul, dans son coin. Aucun des hommes présents ne souhaite être vu en sa compagnie. Aux yeux de tous, il est le tourne-casque, celui qui a trahi Robb Stark, puis qui est réapparu on ne sait trop comment avec les Bolton. Un homme brisé, blanchi avant l’âge.

C’est le moment que choisit Aveline, l’une des lavandières d’Abel (Mance) pour venir le titiller. Elle semble vouloir le séduire, avec ses tentatives pour le faire danser ou encore pour obtenir un sourire. Mais Ramsay a rendu ces deux gestes impossibles. Theon a des orteils en moins, ce qui ferait de lui un piètre danseur ; de même pour ses dents que Ramsay a attaquées au marteau, elles ne l’autorisent guère à sourire.

Alors la jeune femme le questionne sous un autre angle, elle lui demande comment il a réussi à prendre Winterfell. Ce fut un tel exploit que Abel pourrait en faire une chanson. Mais Theon ne veut pas de chanson, surtout pas une ballade qui pourrait déplaire à Ramsay et lui valoir une autre punition.

Theon se souvient parfaitement de la prise de Winterfell. Il avait peu d’hommes, mais ils avaient franchi les murs de nuit, ils avaient profité de l’effet de surprise et du manque de gardes à Winterfell. En effet, outre les hommes qui avaient suivi Robb, le château était également privé de sa garnison emmenée par Rodrik Cassel au secours des Tallhart assiégés par les Fer-nés.

C’est l’évocation de cet événement qui donne son nom au chapitre. Alors qu’Aveline suggère Theon l’Astucieux comme titre de la chanson en son hommage, Theon se désigne lui-même comme Theon Tourne-Casaque.

C’est ainsi que l’appellent les hommes dans son dos, c’est également la façon dont il se perçoit, comme un traite.

Theon a conscience aujourd’hui que cet assaut sur Winterfell fut une folie. Il avait les moyens de s’emparer de la forteresse mais pas de la conserver. Il sait que c’est le premier acte qui l’a conduit où il se trouve aujourd’hui, sous la coupe de Ramsay Bolton qui a su si bien le manipuler autrefois lorsqu’il portait les habits de Schlingue. L’idée de tuer les enfants du meunier était la sienne (ACOK 51 – Theon IV).

En réalité, les questions d’Aveline ont un but. Elle voudrait savoir si Theon a utilisé un passage secret pour s’introduire dans Winterfell, une forteresse réputée imprenable. Car s’il existe un passage pour y entrer, il doit être possible de sortir par le même chemin. Et Mance alias Abel et ses lavandières voudraient bien trouver une voie pour exfiltrer Arya de Winterfell au nez et à la barbe des Bolton.

Mais pour le moment, Theon ne voit qu’un piège derrière ses questions. Il imagine encore Ramsay, tapi dans l’ombre, le poussant à la faute pour mieux le poursuivre et l’écorcher.

Theon finit par se lasser des questions d’Aveline, il se sent de plus en plus mal à l’aise en sa présence. Quelque part, Theon est toujours un homme et il voudrait pouvoir séduire Aveline comme il le faisait autrefois avec les filles qui lui plaisaient, il la désire. Mais dans le même temps, il est conscient que qu’il ne peut pas (parce qu’il a été castré par Ramsay) et qu’il ne doit pas (car il serait probablement puni pour cet acte).

Le pèlerin à Winterfell

Le promeneur solitaire

Theon préfère sortir et parcourir Winterfell sous la neige. Il doit toujours avoir son idée d’évasion en tête car il constate que la neige recouvre de plus en plus le sol et il se dit que bientôt la route royale et le Bois-aux-Loups, deux chemins de fuite possibles, vont devenir impraticables.

Theon fait le tour de la forteresse comme l’on ferait un pèlerinage. Il passe devant la roukerie où mestre Luwin gardait ses corbeaux, devant la forge de Mikken, et devant la chambre où il a grandi à Winterfell. C’était sa maison.

Peut-être en prend-il conscience maintenant qu’il est trop tard et que le château a été ravagé par Ramsay. C’est Theon qui lui avait ouvert les portes, permettant ainsi le massacre de ses propres hommes (les Fer-nés) et de ceux qui demeuraient à Winterfell. Mestre Luwin et Mikken sont morts par sa faute, plus ou moins directement.

Et si le château n’est plus que ruine et désolation, il porte sa part de responsabilité.

Il n’y a que les murailles de Winterfell qui tiennent encore debout. De là-haut, Theon évalue les chances de Stannis de prendre la forteresse. Elles sont quasiment nulles. Le double mur d’enceinte est un obstacle de taille, et les douves ont gelé. L’exploit qu’il avait accompli avec ses Fer-nés, en traversant les douves à la nage ne pourra pas être renouvelé.

Mais les occupants de Winterfell ne sont guère mieux lotis. Si le siège venait à durer ils n’auraient pas assez de vivres pour résister.

Theon songe que le désespoir pourrait pousser Stannis à forcer à tout prix les défenses de Winterfell. Et en matière de désespoir, Theon en connait un rayon.

C’est ce même accablement qui pousse Theon jusqu’au bois sacré. Ce n’est pas la première fois qu’il vient y chercher du réconfort, même s’il a conscience qu’il est un Fer-né et que les anciens dieux ne sont pas ses dieux. Ne trouvant plus aucun secours, il se retourne vers les dieux des Stark.

Sa démarche n’est peut-être pas si vaine, puisqu’en réponse à ses prières, il entend des sanglots à travers le barral. Il pense immédiatement à Jeyne qui sanglote dans sa chambre. Qui d’autre ?

Nous savons que Bran, depuis la grotte qui abrite la corneille à trois yeux, peut observer ce qui se passe près des autres barrals. Et si Theon pouvait entendre ce que Bran ou les anciens dieux sont en train de lui chuchoter via le réseau de barrals ?

Déjà, dans le chapitre précédent (ADWD 38 – Le Prince de Winterfell), Theon s’était entendu appelé par son nom dans le bois sacré. Etait-ce Bran ? L’appelant par son nom pour lui rappeler qui il est et lui reprochant ses actes, lui reprochant d’avoir causé la perte de Winterfell ?

Theon retourne à l’intérieur du château. En chemin, il croise à nouveau les écuyers qui s’occupent en réalisant des bonhommes de neige. Ceux-ci représentent les principaux invités des Bolton : lord Manderly, Hother Omble, lord Stout et lady Dustin. Pourquoi eux ? Auront-ils un rôle spécial à jouer dans l’avenir ?

Quoi qu’il en soit, les écuyers n’aiment pas Theon et ils ne se cachent pas pour le lui montrer. Il est toléré uniquement parce qu’il est l’invité (provisoire) des Bolton.

Le confident de Barbrey Dustin

La fin du chapitre va nous donner l’occasion de faire plus ample connaissance avec lady Barbrey Dustin. Déjà, lors du mariage, lady Dustin avait été une des rares personnes à discuter avec Theon. Elle ne l’avait pas snobé comme la plupart des seigneurs présents.

Cette fois-ci encore, elle sollicite Theon car elle a besoin que quelqu’un lui montre comment accéder aux cryptes.

Elle est très observatrice, et elle n’a pas sa langue dans sa poche, car elle commence par faire remarquer à Theon qu’il porte les mêmes vêtements que le jour du mariage. Il a dû se passer quelques jours entre les deux chapitres et il est étonnant que le fils de feu Balon Greyjoy soit toujours accoutré de la même manière.

Ce qui est amusant quand on sait qu’elle-même ne porte que des habits noirs. Mais je gage qu’elle doit disposer de plusieurs tenues similaires qui lui offrent la possibilité de se vêtir à sa guise tout en portant des habits fraîchement lavés et entretenus. Ce qui ne doit pas être le cas du pauvre Theon. Je doute fort que les Bolton lui aient fourni une domestique pour prendre soin de lui-même ou de son linge.

Theon n’est pas enchanté à l’idée de descendre dans les cryptes, mais il obéit néanmoins. A-t-il le choix ?

Lady Dustin emmène deux hommes avec eux, un sergent et un garde.

L’entrée de la crypte se trouve au pied du vieux donjon. C’est dans cette tour que Bran avait surpris les jumeaux Lannister en position délicate. C’est de cette tour qu’il avait fait une chute qui aurait pu lui être fatale.

Theon se souvient de cette journée au cours de laquelle il avait été convié à la partie de chasse avec le roi Robert. Comme il lui semble lointain ce temps où il côtoyait les rois. Aujourd’hui, seules les chiennes de Ramsay montrent leur joie en le voyant se joindre à elles.

Ce parcours à travers Winterfell est également un parcours de vie pour Theon. C’est comme s’il arpentait à nouveau les chemins du passé, les étapes qui ont jalonné sa jeunesse.

Il songe à Bran qui est un rescapé, tout comme lui. Ce même Bran envers lequel il n’avait montré aucune pitié lors de la prise de Winterfell, et qu’il avait pourchassé à travers les bois comme un gibier. Quelle ironie.

Les serviteurs de lady Barbrey sont obligés de dégager les blocs de pierre qui bouchent l’entrée des cryptes. La vieille tour avait elle aussi été incendiée par Ramsay. Presque rien ni personne n’avait échappé à la colère destructrice du bâtard.

Peut-être est-ce pour cela que l’on entendait les sanglots du barral dans le bois sacré. Les dieux pleurent les habitants disparus et la splendeur perdue de la forteresse du Nord.

En descendant dans les cryptes, lady Barbrey explique à Theon que la mariée est malheureuse et que cela ne peut plus durer. Il doit en parler à « son » bâtard. Theon est ici utilisé comme messager, c’est à lui de délivrer à Ramsay Bolton le message des nordiens. Aucun d’eux ne supportera de voir la fille de Ned Stark maltraitée par son époux.

Tous les seigneurs nordiens présents pour les noces sont des vassaux des Stark et cette fidélité ne s’est pas envolée du seul fait qu’ils ont accepté de ployer le genou devant Tommen Baratheon, et qu’ils ont obéi à l’injonction de Roose Bolton de se rendre à Winterfell pour les noces de son fils.

Pestagaupes Omble n’est là que parce que son seigneur et neveu est prisonnier des Frey. Les Corbois ne sont pas près d’oublier les souffrances que Ramsay a fait subir à Donella Corbois, sa première épouse.

Lady Dustin, qui pourtant prétend ne pas aimer les Stark, ne semble pas satisfaite non plus de cette situation. Pas plus que les autres, elle n’est prête à accepter que le bâtard Bolton fasse souffrir la jeune Arya. Ce même bâtard qui a causé la mort de son neveu Domeric. Barbrey Ryswell Dustin a une raison très personnelle d’en vouloir à Ramsay Bolton.

Pour en revenir à Arya, j’ai le sentiment que, dans cette affaire, personne n’est vraiment dupe quant à l’identité de mariée. Lady Dustin dit que :

La vêtir de gris et de blanc ne sert à rien, si on laisse la gamine sangloter.

Elle semble dire qu’il ne sert à rien de la déguiser si par la suite elle n’est pas traitée conformément à son rang. Donc, elle ne serait pas dupe de cette farce ? C’est un fait dont Theon semble persuadé.

Lorsqu’il songe que ce n’est pas la fille de Ned Stark mais celle de l’intendant qui pleure chaque jour, il est précisé :

Il ne doutait pas que lady Dustin soupçonnât le fait.

Néanmoins, il faut sauver les apparences et quoi qu’ils en pensent quant à l’identité véritable de la jeune fille, aucun des vassaux des Stark ne pourrait tolérer que l’on fasse du mal à Arya Stark. S’ils jouent la comédie, ils doivent la jouer jusqu’au bout. L’attitude de Ramsay pourrait causer plus de torts aux Bolton que toute l’armée de Stannis massée aux portes du château. Il ne faut jamais sous-estimer les aspects psychologiques dans les relations humaines individuelles ou dans les comportements de groupe.

Lorsqu’ils arrivent au niveau des tombes des derniers rois et seigneurs Stark, Theon ne peut pas s’empêcher d’éprouver un malaise. Comme si tous les anciens rois de l’hiver le jugeaient à travers les yeux de pierre de leurs statues. En sa qualité de Fer-né, Theon est un ennemi ancestral des Stark. Pourtant, même s’il prétend le contraire dans un premier temps, les noms des plus célèbres d’entre eux lui reviennent en mémoire.

Il est amusant de constater qu’il considère Theon Stark comme son homonyme. Le Loup affamé était son surnom, et il pourrait parfaitement coller au Theon d’aujourd’hui, dans le sens où Theon est lui aussi un homme affamé, au sens propre comme au sens figuré.

Parmi tous les noms cités, il y a Beron Stark, qui fut un contemporain de Brynden Rivers, « le bâtard sorcier qu’on appelait Freuxsanglant ». Puisque ce sont les souvenirs de Theon, et que c’est probablement mestre Luwin qui lui a relaté l’histoire de Westeros, il est amusant de constater de quelle manière le vieux mestre a présenté la Main du roi, Brynden Rivers, aux enfants Stark. Un sorcier, vraiment ?

Les confessions

Nous arrivons à la fin du chapitre, peut-être la partie la plus intéressante, celle dans laquelle les protagonistes se livrent à des confessions.

Barbrey Dustin et Theon Greyjoy se trouvent un point commun, tous deux auraient voulu devenir des Stark. C’est la raison pour laquelle la première dit les détester (du moins c’est ce qu’elle veut nous faire accroire) et le second les aimer.

Franchement, qui n’a jamais rêvé d’être un Stark ?

C’est devant la statue de pierre de Brandon Stark, privée de son épée (nous nous savons pourquoi) que lady Dustin raconte sa jeunesse à Theon.

Brandon Stark fut pupille chez les Dustin, mais c’est surtout chez leurs voisins les Ryswell qu’il passait le plus clair de son temps, à chevaucher.

Lord Ryswell aurait bien aimé marier sa fille à l’héritier de Winterfell. Aussi, Brandon était-il libre d’aller et de venir à sa guise dans les Rus. La jeune lady Barbrey s’est laissée séduire par Brandon, allant jusqu’à lui offrir sa virginité. Contrairement à son père, je ne pense pas que ce soit par calcul qu’elle se soit laissée convaincre par Brandon de lui céder ; elle devait être amoureuse de lui. Sinon, pourquoi éprouve-t-elle du ressentiment, aujourd’hui encore ?

Mais malgré ses nuits d’amour avec Brandon, ce fut à Catelyn Tully qu’il fut promis, en vue de nouer une alliance avec une maison sudière. Il a prétendu alors n’avoir aucun sentiment pour Catelyn. Barbrey l’a cru, puisqu’elle jure devant Theon que Brandon n’aimait pas Catelyn.

Elle se leurre sans doute. On comprend que la jeune fille de 14 ans qu’elle était alors ait pu croire Brandon sur parole, mais la femme d’aujourd’hui, qui a 38 ans, peut-elle encore accepter les fables de ce jeune séducteur ? Elle ne veut pas comprendre qu’il était fort probable que Brandon Stark épouse la fille d’un autre seigneur de Westeros et non pas la fille d’un vassal de son père.

Cette idée selon laquelle il n’y a aucun intérêt à marier le fils d’un seigneur avec la fille d’un de ses vassaux m’évoque le roi Aerys II. Il avait refusé que Cersei, la fille de Tywin, alors Main du roi, épouse son fils Rhaegar pour les mêmes raisons. Aerys n’aurait tiré aucun avantage à une telle union.

Il est vrai que pendant longtemps les Stark ont plutôt noué des liens matrimoniaux avec les femmes du Nord, des filles de leurs vassaux. Mais la donne a commencé à changer avec Cregan Stark, qui a épousé en secondes noces Alysanne Nerbosc, en 132 AC. Disons que ce fut le début de l’ouverture des seigneurs Stark vers les royaumes du sud de Westeros.

Dans le cas des Ryswell, je pense que seule Barbrey avait espoir d’épouser Brandon. Plus tard, son père, Rodrik, a pu penser que le cadet des Stark, Ned, pourrait devenir l’époux de sa fille. Mais là encore, ce fut Catelyn Tully qui ravit la main de Ned à la mort de Brandon. Décidément, cette Catelyn Tully a toujours représenté un obstacle pour Barbrey Ryswell.

Et pour couronner le tout, c’est ce même Ned Stark qui a entraîné le mari de Barbrey, le jeune William Dustin, dans sa guerre, lors de la rébellion de Robert.

Dans le chapitre où Ned se souvient des événements de la tour de la Joie (AGOT 40 – Eddard X), il évoque « lord Dustin sur son puissant étalon rouge ». Lord Dustin avait choisi de suivre Ned Stark alors qu’il aurait pu envoyer un parent à lui, plus expérimenté. C’est Barbrey qui lui avait offert ce cheval rouge, flamboyant. Le cheval lui a été rendu, mais pas son époux. William Dustin est mort à la tour de la Joie et il fut enterré là-bas, sous un cairn de pierres rouges, avec les autres compagnons de Ned qui sont morts ce jour funeste.

Ned Stark a ramené les os de sa sœur, mais pas ceux de ses amis qui ont péri à Dorne. Ce qui constitue encore un sujet de rancœur pour lady Barbrey. Son désir d’empêcher les os de lord Eddard d’arriver jusqu’à Winterfell peut être interprété comme une revanche.

Toutefois, trois questions se posent :

• Si les os de lord Eddard sont passés par le Neck, il est fort probable que les Reed aient eu l’occasion de les récupérer. Howland Reed était très proche de Ned, il est celui qui connaît le secret de la naissance de Jon Snow. Si les Reed ont réussi à prendre possession des os de Ned, Barbrey n’a aucune chance de les revoir.
• N’est-ce pas en réalité les paroles qu’elle voudrait que Theon rapporte aux Bolton ? Elle sait que Theon répète tout à son bâtard. Ne veut-elle pas que Theon dise à Ramsay et Roose qu’elle hait les Stark, donc qu’elle sera une alliée fidèle ?
• Dans quelle mesure Barbrey a-t-elle eu le temps de s’attacher à son jeune époux ? A-t-elle été autant déchirée qu’elle le prétend ? Avec la mort de son mari, elle est devenue la dame de Tertre-Bourg, avec plus personne pour lui donner des ordres, aucun héritier à fournir à son seigneur. Par ailleurs, personne n’a jamais attendu d’elle qu’elle se remarie, comme la pauvre Donella Corbois, ni n’a jamais convoité ses terres. Elle est la dame incontestée de Tertre-bourg, une position exceptionnelle pour une femme, jouissant d’une grande liberté. Une liberté dont elle devrait être fière et qui devrait être source de joie.

En remontant vers la lumière, lady Dustin fait promettre à Theon de garder le silence sur tout ce qu’elle a pu lui confier dans l’obscurité des cryptes de Winterfell.

En vérité, je me demande quel est l’intérêt de cette demande, et si justement lady Dustin ne désire pas que Theon rapporte tout ce qu’il a entendu à Roose Bolton (sachant qu’il ne peut pas s’empêcher d’obéir à Ramsay et de tout lui relater).

Dans le chapitre précédent, Le Prince de Winterfell, Theon avait fait remarquer à Barbrey qu’elle était l’un des vassaux les plus influents du Nord, et qu’elle aurait suffisamment de poids pour faire obstacle à l’élection de Roose Bolton en qualité de roi du Nord. Si tel est le cas, cela signifie que non seulement elle a du pouvoir, mais également qu’elle est en danger. Si elle peut s’opposer à Roose, il peut quant à lui, soit continuer à la cajoler, soit la faire éliminer. Il est dans l’intérêt de lady Barbrey de prouver qu’elle n’aime pas les Stark et que sa fidélité va aux Bolton.

Mais quel est l’intérêt de Theon dans cette histoire ? Qu’est-ce que pourrait lui rapporter de demeurer un fidèle Schlingue qui répète tout à son bâtard ?

Il est certain que si les Bolton venaient à le questionner, il serait tenu de répondre. A Braavos, on dit que « la peur est plus tranchante qu’aucune épée ».

Néanmoins, les Bolton ne vont pas avoir l’opportunité d’interroger Theon. Le Fer-né va suivre un autre chemin que celui qui a été écrit pour lui. Les sanglots de Jeyne (ou ceux de l’arbre cœur) auront finalement plus d’importance que d’autres considérations, et Theon va trouver le courage de s’enfuir.

Là se situe peut-être la réponse des anciens dieux.

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