Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. En l’occurrence, cet être, c’est Bobby. Alors ce petit chien a disputé à Simon Fort et Oscar Tully le titre de « King » de la saison 2 (en tout cas ça n’était pas Daemon), mais on peut revenir le temps d’un bref article sur cet adorable cabot dont, avouons-le, nous avons guetté semaine après semaine une nouvelle apparition. Mais ce n’est pas tout, car derrière ce sujet de l’animal à l’écran s’en cache un autre, une histoire de singe dans le dernier épisode de la saison 2 que je vous laisse découvrir après l’histoire exceptionnelle du chien Bobby.
↑Le rat(ier) des plus scélérats
Ce chien, un terrier, accompagne donc son maître, Fromage, dans l’infiltration du Donjon Rouge. En termes de caractérisation, Sang, le comparse d’un soir de Fromage, lui met un méchant coup de pied qui le chasse de l’écran… et rend la suite plus facile à tourner. Car ne nous leurrons pas, un tournage avec un animal, même dressé, eh bien ça reste toujours une logistique compliquée.
Qu’à cela ne tienne, nous avons revu le chien par la suite, d’abord lors de la pendaison de son maître où il nous a fendu le cœur en l’attendant sagement assis dans un épisode, puis lors d’interaction avec Hugh et Ulf lors des scènes illustrant la vie du peuple à Port-Réal lors de la deuxième saison.
La statue de Greyfriars Bobby à Édimbourg, qui a perdu en couleur au niveau de la truffe à force que les passants la touchent pour se porter chance.
Cette histoire bien triste et ce peuple qui se prend d’affection pour ce chien abandonné n’est pas sans en évoquer une autre : celle de Greyfriars Bobby, le chien le plus célèbre d’Édimbourg. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, ce Skye terrier (oui parce qu’on fait pas que des sites touristiques et du whisky sur l’île de Skye apparemment) a ému toute la capitale écossaise avec son histoire, puis le monde entier par le biais d’un roman puis d’un film produit par Disney en 1991 (et qui a la même colorimétrie que la saison 1 de HOTD au passage). Si votre été est triste et trop chaud et que vous cherchez du réconfort dans un film de chien un peu mignon, vous pouvez sans crainte plonger dans ce long-métrage quelque part entre Babe et L’incroyable voyage.
Nous sommes donc à Édimbourg en 1856 quand John Gray, ancien jardinier, obtient un poste de policier et pour aller avec, un chien de garde : Bobby. Malheureusement John Gray passe l’arme à gauche alors que son compagnon à quatre pattes a à peine deux ans. Et il lui laisse en guise d’héritage une curieuse habitude : après le traditionnel coup de canon donné à 13h depuis le château d’Édimbourg, les deux compères ont pour habitude d’aller au restaurant où Bobby reçoit une brioche et un os. C’est ce que Bobby va continuer à aller réclamer au restaurant après la mort de son maître et la seule raison pour laquelle il quitte sa tombe, sur laquelle il dormira jusqu’à sa mort en 1872. Devenu depuis un symbole national, Bobby a sa statue et son restaurant devant le cimetière de Greyfriars à Édimbourg.
↑Bobby, le nouveau Messi ?
Et non, on ne parle pas ici de Lionel Messi ou d’un prophète venu de Nazareth, mais bien du chien d’Anatomie d’une chute, qui avait volé la vedette à tous les acteurs, notamment lors des différentes cérémonies de récompense en début d’année. Et il y a fort à parier que Bobby refera son apparition sur la toile de temps à autres en tant que chien cascadeur à l’histoire tout aussi incroyable que l’animal écossais dont il partage le patronyme.
Bobby aux côtés de Mark Stobbart qui incarne le ratier Fromage
En effet, c’est lors de vacances sur l’île de Chypre que sa dresseuse, Julie Tottman, l’a repéré et adopté. Il était encore en piteux état et finalement, après s’être requinqué, il s’est avéré qu’il ferait un bon chien de cinéma. Car Julie Tottman est une dresseuse renommée à Hollywood. Elle a travaillé entre autres sur des sagas prestigieuses comme Harry Potter, des productions qui sonnent comme une évidence comme Lassie et d’autres moins, comme The Dark Knight. Enfin, c’est elle qui s’est occupée d’une partie des animaux lors du tournage de la saison 1 de Game of Thrones. Elle partage d’ailleurs cette fonction avec la regrettée Caroline Lois Benoist, jeune dresseuse de 26 ans décédée de la grippe porcine entre le tournage et la diffusion de la saison 1 en 2011. Le cinquième épisode de la saison 1, Le Loup et le Lion, lui est d’ailleurs dédié.
Du côté de Julie Tottman, sa collaboration avec Game of Thrones reprend à partir de 2015 pour les trois dernières saisons de la série. Autant dire qu’avec un pédigrée aussi prestigieux, il aura fallu peu de temps pour que Bobby se retrouve à l’écran… dans le film Cruella (2021) chez Disney, où il accompagne Emma Stone pendant toute la durée du film ! Il est d’ailleurs amusant de noter que Julie Tottman avait déjà travaillé sur Les 102 Dalmatiens, autre production de Disney de la fin des années 90.
A propos de Bobby, les acteurs incarnant Sang et Fromage blaguent aujourd’hui en affirmant que le chien est plus célèbre qu’eux et qu’ils en seraient presque jaloux. De son côté, Tom Glynn-Carney, notre Aegon II, en est lui aussi tombé amoureux et rivalise de superlatifs lorsqu’il en parle, tout comme Julie Tottman dans le magazine anglais Mirror :
Bobby est l’un des animaux sauvés les plus faciles avec lesquels j’ai travaillé. Il est tellement naturel, il est fait pour jouer et s’épanouit en le faisant. Ils vous donnent d’autant plus sur un plateau car ils vous sont reconnaissants de les avoir sauvés, après avoir vécu un enfer. Ils vous donnent encore plus d’amour et d’obéissance. Ça me fait toujours monter les larmes aux yeux de les voir jouer leur première scène en sachant ce qu’ils ont enduré. Le monde les a rejetés mais je sais d’expérience que les chiens sauvés font partie des animaux les plus travailleurs, loyaux et adorables.
Même George R.R. Martin est sous le charme, comme il le confesse dans son billet de blog du 5 juillet :
La série a par ailleurs ajouté un tout nouveau personnage. Le chien.
Je ne suis… hum… d’habitude pas amateur des ajouts de personnages par les scénaristes lorsqu’ils adaptent une histoire. Surtout pour mes histoires. Mais ce chien était brillant. J’étais préparé à détester Fromage, mais je l’ai détesté encore plus quand il a donné un coup de pied à ce chien. Et plus tard, quand le chien gît à ses pieds, regardant en l’air… ça m’a presque brisé le cœur. Une si petite chose… un si petit chien… mais sa présence, les quelques courts instants où il était à l’écran, ont donné au ratier tant d’humanité. Les êtres humains sont des créatures si complexes. La présence silencieuse de ce chien nous a rappelé que même le pire des hommes, le plus vil et le plus vénal, peut aimer et être aimé.
J’aurais aimé avoir eu l’idée de ce chien. Je ne l’ai pas eue, mais quelqu’un d’autre l’a eue, et j’en suis heureux.
Une dernière petite chose qui amusera les fans du Trône de Fer à propos du nom de Bobby, qui n’est pas sans évoquer le surnom d’un des personnages de la saga principale utilisé par le fandom puisque c’est ainsi que les fans anglophones se réfèrent au roi Robert Baratheon (un peu comme Ned ou Dany sont les diminutifs d’Eddard et Daenerys).
↑Adoptions et abandons
Rappelons ici tout de même à toutes fins utiles que l’histoire de Bobby n’est qu’une success story de chien qui ne doit pas masquer la triste réalité d’une autre : celle des chiens-loups qui ont eu un succès fou pendant et après la diffusion de Game of Thrones. En effet, entre 2011 et 2019 on ne compte plus les huskies, chiens évoquant les loups Stark, qui ont été nommés (pour la plupart) Fantôme ou Nymeria… pour se retrouver abandonnés par leurs propriétaires une fois l’effet de mode passé. En effet, Peter Dinklage (Tyrion Lannister) s’était même indigné à ce sujet, déplorant un taux d’abandon de 700% des huskies au Royaume-Uni après le boum d’adoption de ces canidés entre 2011 et 2013. C’est en tout cas ce qu’indiquait la PETA (People for the Ethical Treatment of Animals), une ONG qui milite partout dans le monde pour les droits des animaux.
↑Monnaie de singe
Et puisque l’on parle de la PETA, celle-ci vient d’adresser une lettre publique à HBO à propos notamment de l’utilisation d’un singe dans le dernier épisode de la saison 2 de House of the Dragon. La femelle macaque en question porte le nom de Rosie et la production l’a mise en avant sur les réseaux sociaux. Elle apparaît dans la scène où Tyland Lannister « négocie » avec la Triarchie, comme un marqueur d’exotisme, pour signaler que l’action se déroule à Essos. La PETA souligne l’hypocrisie de la chaîne américaine qui a programmé le trailer de sa nouvelle série Chimp Crazy juste après l’épisode. En effet, cette série documentaire (réalisée par la même équipe que Tiger King sur un sujet similaire) revient notamment sur les dérives des gens qui élèvent des chimpanzés et qui notamment, finissent par les exploiter dans le milieu du divertissement (ce qui créé anxiété et dépression chez l’animal).
On peut donc trouver la chose au mieux maladroite en termes de programmation, mais au-delà de ce point marketing, on peut s’interroger en effet sur la présence d’un animal sauvage en chair et en os à l’écran. La PETA réclame en effet la suppression des plans incluant Rosie, considérant qu’une série de ce calibre ne doit pas accessoiriser le vivant et amener des gens à considérer la faune sauvage comme des animaux de compagnie. En effet, la saison 1 de House of the Dragon avait fait le choix du numérique avec des cerfs et des sangliers ajoutés numériquement dans les scènes, de même que le lion bling-bling de Jason Lannister lors de l’épisode 6 de cette saison 2. Cette technique a de plus en plus cours à Hollywood, reléguant les animaux dressés à de lointains souvenirs. On peut penser à ce titre à L’appel de la forêt avec Harrison Ford il y a 4 ans ou le dernier Voyage du Docteur Doolittle avec Robert Downey Jr, qui s’inscrivaient comme une évolution de la représentation animale au cinéma au regard des films du même nom avec Eddie Murphy ou Charlton Heston.
Ladylylouh
Merci pour cet article 🙂 c’était très chouette à lire!