Share This Post

Accueil - Actualités / Approfondissements / House of the Dragon

Jumeaux mais pas trop : Arryk et Erryk Cargyll

Jumeaux mais pas trop : Arryk et Erryk Cargyll

Les hauts faits, les duels, les blancs chevaliers, les reines pour qui l’on s’affronte… Le royaume des Sept Couronnes n’en manque pas me direz-vous. La légende arthurienne non plus. Mais il est un peu tôt pour parler de cette dernière (même si la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre comme on dit chez les Fossovoie). Nous sommes donc bien dans l’univers du Trône de Fer. Et ces deux blancs chevaliers conviés dans un bowl comme le disent les Ricains, eh bien ce ne sont pas les Clegane, mais Erryk et Arryk Cargyll. Alors on sait que l’idée de ce duel fratricide trotte dans la tête de Martin depuis un bon moment puisque leurs noms et leur destin sont révélés dans un chapitre de Bran dès A Game of Thrones (Intégrale 1).

Alors qui sont-ils, ces jumeaux qui nous ont laissés orphelins, avec pour seul blanc manteau identifiable celui un brin souillé de Criston Cole ? Et surtout, quelle est leur histoire dans les livres ? On en a déjà parlé lors de la première saison, mais il est temps de leur consacrer l’article qu’ils méritent !

Une maison sur mesure

blason cargyllOn ne voit jamais le blason d’Erryk et Arryk dans House of the Dragon, pour la bonne et simple raison qu’ils sont déjà au sein de la Garde Royale lors de leur première apparition. C’est également le cas dans Feu et Sang. Il faut donc se tourner vers le contenu de The Citadel – Heraldry, une section semi-canonique du site Westeros pour en savoir un peu plus. Il apparaît donc que le blason des Cargyll est une oie d’or sur champ contre-coticé de rouge et de noir. Pour le reste, on sait juste que la maison fait partie des terres de la Couronne et que son nom est mentionné avec nos deux jumeaux lors des affaires de succession de Jaehaerys dans Feu et Sang. Pas de demeure familiale, pas d’autres membres de la famille pour les pleurer. Rien.

Ou presque, mais ça attendra la conclusion.

L’oie, l’épine et le chien

Le motif des jumeaux, on le trouve un peu partout dans la saga principale. On peut penser évidemment à Cersei et Jaime, pour ne citer qu’eux ou encore au château de lord Walder Frey. Dans Feu et Sang comme dans House of the Dragon, on en trouve également, notamment en ce qui concerne Jaehaerys et Jaehaera, les enfants d’Aegon II et Helaena Targaryen.

Martin s’amuse même avec son propre motif puisqu’il y a une autre paire de gardes nés en même temps dans la saga principale. Les jumeaux Cargyll sont mentionnés dès A Game of Thrones comme nous le disions en introduction, et dans A Storm of Swords (Intégrale 3) ils reviennent sous une autre forme. La délicieuse Olenna Tyrell présente à Sansa Stark ses deux gardes personnels, Dextre et Senestre (Right et Left en VO). Ce sont bien évidemment des surnoms donnés par la Reine des Épines aux deux jumeaux, lesquels s’appellent en réalité, je vous le donne en mille… Arryk et Erryk ! Et ce probablement à cause de la popularité de ces deux noms jusqu’à l’époque de la saga principale.

Attention donc à ne pas se tromper en fouillant dans le wiki de la Garde de Nuit, même si après tout ce n’est pas la première fois que plusieurs personnages portent le même prénom (les Bran, les Aegon et autres Aerys vous saluent bien).

Quant à l’idée de voir s’opposer deux frangins, elle se matérialise sous d’autres formes encore une fois dans la saga principale. Martin continue d’explorer la répétition des motifs et des situations à travers l’histoire, nous livrant le bowl que nous ne lirons peut-être jamais avec les Clegane (qui a parlé de la saison 8 ?). Les parallèles ne s’arrêtent pas au duel final : Gregor et Sandor passent tous les deux à un moment par la Garde Royale ; ils sont principalement introduits lors du tournoi de la Main ; leur maison n’a d’existence que par eux-mêmes et probablement pas d’héritiers derrière ; enfin si Gregor venait à défendre Cersei et Sandor défendre Margaery (cela reste hypothétique), on se retrouverait bien avec un duel pour deux reines.

Mais cessons ici les parallèles et les supputations pour revenir à du factuel : Feu et Sang.

Les Cargyll dans les livres : entre Noirs et Verts

C’est en chevaliers qu’entrent en scène Arryk et Erryk, lors du tournoi de Viergétang en 104 plus précisément. Celui-ci est donné en l’honneur du nouveau roi Viserys Ier. Ils sont alors déjà gardes royaux et on peut supposer qu’ils sont entrés en service peu avant la mort du vieux roi Jaehaerys. Arryk et Erryk sont alors défaits par celui qui deviendra leur lord Commandant… ni plus ni moins que ser Criston Cole !

Par la suite, Arryk est celui qui surprend Rhaenyra au lit avec son oncle et les ramène tous les deux devant Viserys. Rhaenyra aurait alors demandé la main de Daemon ce que le roi aurait refusé, Daemon étant déjà engagé à Rhea Royce (avec les suites que l’on connaît). Du côté d’Erryk, celui-ci devient le bouclier lige de Rhaenyra quand ser Harwin Fort est renvoyé de ce poste histoire de faire cesser les rumeurs d’adultère (infondées, évidemment !), Rhaenyra étant alors mariée à Laenor Velaryon.

Lorsque Viserys Ier passe l’arme à gauche, le destin sépare nos deux jumeaux : Erryk, qui est à Peyredragon en tant que bouclier-lige de Rhaenyra, choisit de rester et de lui prêter serment. De son côté, Arryk, qui est à Port-Réal pour protéger le prince Aegon, prête serment devant ce dernier lorsque septon Eustace l’oint des sept huiles en le couronnant roi des Sept Couronnes.

Lors des négociations entre le Grand Mestre Orwyle et Rhaenyra à l’aube de la Danse des Dragons (elles sont menées par Otto dans la série), les deux frères auraient accompagné chacun des partis. L’échec de cette tentative de réconciliation les voit repartir chacun de leur côté.

Le rhapsode Luceon de Torth, bien des années plus tard, compose une chanson sur la séparation des deux jumeaux qu’il intitule Adieu mon frère et qui devient très célèbre dans les Sept Couronnes. En tout cas assez pour que 150 ans plus tard, la mère de gardes jumeaux d’Olenna leur donne les mêmes prénoms et que Bran les mentionne parmi les meilleurs chevaliers que le royaume ait jamais connus. Dans cette chanson, chacun des deux frères tente de convaincre l’autre de rejoindre son camp, puis, constatant qu’il s’agit d’une impasse, ils terminent leur rencontre par des paroles d’amour fraternel. La prochaine fois qu’ils se croiseront, ils seront ennemis, et le savent très bien. Évidemment, aucune chronique, pas même celle de Champignon, n’atteste cette histoire, mais ça fait une belle chanson.

Et dans la série ?
Dans la série House of the Dragon, la séparation entre les jumeaux est présentée comme la conséquence d’un choix. Arryk considère que son serment le lie à Aegon et privilégie l’obéissance aux ordres et la loyauté. De son côté, Erryk estime Aegon indigne de la fonction de roi lors de la traque que les deux jumeaux mènent à sa recherche dans les bas-fonds de Port-Réal. Il se range de fait du côté de Rhaenyra en libérant Rhaenys, puis en subtilisant la couronne de Viserys Ier qu’il offre à sa fille. Dans Feu et Sang, c’est un autre Garde royal, ser Steffon Sombrelyn, qui apporte la couronne de son père à Rhaenyra, ce qui lui vaut de devenir lord Commandant de sa Garde régine. Dans la série, Steffon existe bel et bien et se retrouve confronté à Daemon dans le dernier épisode de la saison 1. Celui-ci impose à Steffon et son camarade Lorent Marpheux un choix qui n’en est pas un à grands coups de Caraxès et les deux chevaliers prêtent serment à Rhaenyra. En récupérant le rôle de « rapporteur de couronne », Erryk se retrouve donc « iconisé » et identifié par le public, histoire que le duel servi au début de la saison 2 soit plus impactant.

 

duel des frères cargyll

Les frères Cargyll s’entretuant (illustration tirée des bonus de Game of Thrones).

Après le meurtre de Jaehaerys par Sang et Fromage, le lord Commandant Criston Cole ordonne à Arryk Cargyll d’aller tuer quelqu’un à Peyredragon. Septon Eustace affirme qu’Arryk en est resté en prière toute la nuit précédant le départ, ayant du mal à se résoudre à une telle extrémité. Quant à la cible de cette infiltration, le Grand Mestre Munkun pense qu’il s’agit de Rhaenyra, Champignon, lui, affirme qu’il s’agit d’un de ses fils pour venger le meurtre de Jaehaerys, le fils d’Aegon II.

Et des versions qui diffèrent, on en a également concernant leur duel final. La première citation dans un chapitre de Bran les évoque en mentionnant qu’ils se sont entretués en pleurant et leur histoire est alors déjà très populaire. Une fois dans Feu et Sang, ça se corse. Car ne l’oublions pas, pour la période de la Danse, cet ouvrage s’appuie sur trois sources : septon Eustace, qui a oint des sept huiles le front d’Aegon II lors de son couronnement, le bouffon Champignon qui est à Peyredragon avec Rhaenyra et le Grand Mestre Munkun, qui officie après la Danse des Dragons.

Septon Eustace est assez sobre, mentionnant juste qu’ils se sont entretués en échangeant des paroles d’amour. Le Grand Mestre Munkun ajoute des détails comme le fait que le duel a duré une heure et réveillé tout le château. Nul ne serait intervenu faute de savoir qui était qui, et le combat connaît une issue similaire à celle d’Eustace. Champignon affirme avoir été témoin du duel qui aurait eu lieu dans un escalier en colimaçon. Après s’être mutuellement insultés, les deux jumeaux auraient engagé un bref combat. Erryk aurait porté un coup fatal à Arryk, mais ce dernier aurait juste eu le temps de poignarder mortellement son frère au ventre avant de trépasser, pas assez toutefois pour lui éviter une agonie de quatre jours, qu’Erryk aurait passé à maudire son meurtrier fratricide.

La série propose donc sa propre version en s’inspirant des trois, créant son propre canon comme elle l’avait fait pour Laenor Velaryon. Les différences avec l’ouvrage de référence s’inscrivent donc dans les creux et les zones d’ombres laissées par celui-ci.

Et après ?

La maison Cargyll est considérée comme éteinte au moment où commencent les événements du Trône de fer. Toutefois, il existe une mention d’un Clarence Cargyll dans la version dessinée de la première nouvelle de Dunk et l’Œuf (Le Chevalier Errant), lors du tournoi de Cendregué. Alors simple hommage ou bien le personnage fera-t-il son bonhomme de chemin jusqu’à sa version télévisuelle ? Réponse en 2025.

Le roi Arthur en embuscade

chevaliers balin et balan

« Balin, full of fear, crawled on his hands and knees to his brother. »
Illustration de W. H. Margetson pour Legends of King Arthur and His Knights (1914)

George R. R. Martin a avoué en 1999 (ouch ça date !) qu’il s’était inspiré pour les Cargyll mentionnés dans le chapitre de Bran de deux chevaliers de la légende arthurienne : Balin et Balan. Les aventures de ces derniers sont contées dans la post-Vulgate soit un texte du XIIIème siècle et repris dans le très (trop ?) célèbre Le Morte d’Arthur de Thomas Malory (XIVème siècle), texte auquel s’abreuvent bon nombre d’auteurs anglo-saxons.

Dans ces textes qui situent le début de l’histoire avant la fondation de la Table Ronde, une dame ceinte d’une épée se présente à la cour du roi Arthur en demandant à ce qu’un chevalier digne d’elle lui retire cette épée du fourreau. Tous échouent jusqu’à ce que Balin, chevalier de Northumbrie tombé en disgrâce, y parvienne. La dame demande alors à récupérer la lame, mais Balin refuse. Elle lui révèle alors son erreur : cette épée causera sa perte et celle de son meilleur ami. Après avoir tranché la tête de la fée Viviane qui réclamait la sienne (tout de même !), Balin a d’autres faits d’armes assez négatifs comme blesser le Roi Pêcheur. Il finit par affronter un chevalier écarlate et dans le duel, les deux belligérants se meurent. Avant de rendre son dernier souffle, le chevalier écarlate révèle son identité : il s’agit du frère de Balin, un dénommé Balan.

Quant à la série, elle semble avoir mixé deux inspirations pour l’issue du duel, notamment en ce qui concerne Erryk qui est encore en vie après avoir tué son frère. Celui-ci se met à mort dans une mise en scène qui rappelle le suicide honorable des samouraïs japonais par une blessure au ventre, le sepukku. L’autre inspiration pourrait venir de l’Antiquité, et on sait que House of the Dragon en est relativement friande. C’est donc ni plus ni moins que la guerre de Troie qui peut venir expliquer d’où vient la scène. En effet, après la mort d’Achille, Ajax dispute à Ulysse le droit de récupérer les armes du héros tombé au combat contre Hector. Après consultation du roi Agamemnon, c’est finalement Ulysse qui est choisi et Ajax, rendu fou par la déception et la honte, s’en prend à un troupeau de moutons en pensant s’en prendre à des chefs grecs. Constatant son erreur, il se suicide avec l’épée que lui avait remise Hector en se blessant au ventre.

D’ailleurs en parlant de Hector et Achille… ah on me signale dans mon oreillette que ce sera pour une prochaine fois. Bon, de toute façon ça y est, vous avez la cervelle qui fuse dans tous les sens en cherchant des parallèles partout. Donc on va s’arrêter là avec les histoires du père Crys-tor pour aujourd’hui. Cela dit, y en a un peu plus, je vous le laisse ?

Bonus : et si…

Et si on se trompait dans l’orthographe de Cargyll, qu’est-ce qu’il se passerait selon vous ?

A) On tomberait sur une région écossaise du nom d’Argyll et on sait que Martin adoooore l’histoire écossaise alors ça a du sens.
B) On tomberait sur un très mauvais film appelé Argyle avec Henry Cargyll… euh Cavill, pardon !
C) On tomberait sur un éditeur français appelé Argyll mais qui se prononce Argile et qui a édité le dernier roman de Jean-Laurent Del Socorro (on vous a déjà parlé de notre amour pour lui ?)
D) On tomberait sur les jeux de mots pourris auxquels Crys a songé pour titrer l’article genre « Cargyll répare, Cargylle remplace ». Et on se dirait qu’il est temps d’arrêter là cette lecture, un grand bravo à vous si vous avez lu jusqu’ici !

Share This Post

Leave a Reply