Avec la parution prochaine de Fire and Blood, de nombreuses interviews sont publiées, et nous apportent des informations croustillantes sur l’ouvrage à paraître, sur le ressenti qu’en ont eu Doug Wheatley (l’artiste dont les illustrations peupleront ses pages) et Patrick Marcel (le traducteur français de la saga et de Feu et Sang, le titre VF de Fire and Blood), mais aussi sur les autres projets de George R.R. Martin, et sur sa façon d’écrire.
La Garde de Nuit vous propose de faire le point sur les infos qu’elle a relevées.
Illustration de couverture : de gauche à droite, George R.R. Martin ; mort de Lucerys Velaryon au dessus d’Accalmie, par Doug Wheatley, Fire and Blood ; Patrick Marcel, photo par La Garde de Nuit.
↑« Fire and Blood » / « Feu et Sang » : le point sur les infos croustillantes
↑Écrire « Fire and Blood »
Le journal The Gardian a récemment publié une longue interview de George R.R. Martin. L’auteur en profite notamment pour revenir notamment sur l’écriture de Fire and Blood. Le livre n’était initialement pas prévu, mais GRRM s’est pris au jeu et s’est amusé à « combler » les trous dans l’histoire des rois Targaryen. S’il faut retenir un point sur le processus d’écriture de Fire and Blood, c’est manifestement le plaisir que Martin a eu à l’écrire.
Martin was just going to “polish and expand the history a little, maybe fill in any holes” about various kings and battles. But he was having so much fun that those little additions ended up running to 350,000 words.
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« Martin était parti pour simplement affiner et étendre l’histoire un petit peu, afin de peut-être remplir quelques trous au sujet de divers rois et batailles. Mais il s’amusait tellement que ces petits ajouts aboutirent à 350 000 mots. »
Et il pourrait en écrire encore beaucoup sur le sujet s’il avait le temps…
“There are novels buried in it. If I were 30 years younger I could easily write a series about the Dance of the Dragons or I could write the story of Aegon’s conquest. Every one of the 13 children of Jaehaerys and Alysanne has a story that could be told about him or her, their rise, their fall, their triumphs, their deaths … It was a lot of fun to create, a lot of fun to live in that world again.”
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« Il y a de vrais romans enfouis dans ce livre. Si j’avais 30 ans de moins, je pourrais facilement écrire une saga sur la Danse des Dragons, ou écrire l’histoire de la Conquête d’Aegon. Chacun des 13 enfants de Jaehaerys et Alysanne a une histoire qui pourrait être racontée, avec leurs essors, leurs chutes, leurs triomphes, leur mort… Ça a été très amusant à créer, très amusant de vivre dans ce monde encore une fois. »
À noter qu’il cite notamment comme inspiration de son œuvre l’histoire en quatre volumes des Plantagenêt écrite par Thomas B. Costain.
“My model for this was the four-volume history of the Plantagenets that Thomas B Costain wrote in the 50s. It’s old‑fashioned history: he’s not interested in analysing socioeconomic trends or cultural shifts so much as the wars and the assignations and the murders and the plots and the betrayals, all the juicy stuff. Costain did a wonderful job on the Plantagenets so I tried to do that for the Targaryens.”
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« Mon modèle pour ce livre a été l’histoire en quatre volumes des Plantagenêt écrite par Thomas B. Costain dans les années 50. C’est de l’histoire à l’ancienne : il ne s’applique pas à analyser des tendances socio-économiques ou des changements culturels, mais parle des guerres, des rencontres secrètes, des meurtres, des complots et des trahisons, toutes les choses croustillantes. Costain a fait un travail formidable avec les Plantagenêt, et j’ai essayé de faire de même avec les Targaryen.
↑Illustrer « Fire and Blood »
Nos amis anglophones de westeros.org ont publié il y a quelques jours une interview passionnante de Doug Wheatley, l’artiste dont les illustrations peupleront les pages de Fire and Blood. Il y revient notamment sur ses échanges avec George R.R. Martin dans le processus d’illustration, sur les illustrations qui l’ont le plus marqué…
On apprend notamment qu’il s’est appuyé sur les portraits réalisés par Amok en ce qui concerne la plupart des rois et reines Targaryen (Amok est un illustrateur qui a fait les portraits de tous les rois Targaryen, en collaboration avec GRRM. Ses portraits sont considérés comme canoniques dans la saga littéraire).
DW: When it came to the portraits of most of the kings and queens I was asked to reference illustrations previously drawn by the artist Amok, and use them as a jumping off point. So that is where I started.
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« En ce qui concerne les portraits de la plupart des rois et reines, on m’a demandé de prendre pour référence les illustrations dessinées précédemment par l’artiste Amok, et de les utiliser comme point de départ. C’est donc de là que je suis parti. »
Concrètement, il a cherché les scènes remarquables à illustrer par segment de dix pages (on le rappelle, Fire and Blood comprendra environ 75 illustrations, pour un ouvrage de plus de 730 pages)… et la sélection fut compliquée, des scènes marquantes étant présentes à chaque page !
DW: I read the manuscript once, just to enjoy and get a feel for the overall tone of George’s work in this book. On the second read, I broke the manuscript down to ten page segments with the idea that we would choose one scene to illustrate per segment. I chose two scenes per segment (a first and second choice if you will). I was completely overwhelmed with all of the “inspiring” images.
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« J’ai lu le manuscrit une première fois, afin de profiter du livre dans son ensemble et de me faire une impression générale de la tonalité qu’a adoptée George. À ma seconde lecture, j’ai découpé le manuscrit en segments de dix pages avec l’idée de choisir une scène à illustrer par segment. J’ai finalement sélectionné deux pages par segment (un premier et un second choix, si on veut). J’ai été complètement submergé par toutes les images « inspirantes ». »
Georges R.R. Martin lui a donné quelques indications, notamment pour le portrait de l’archimestre Gyldayn, l’historien fictif qui est à l’origine de l’ouvrage.
George told me in his notes that he had no description of Gyldayn except that he was old, precise, persnickety and opinionated. He also said that he did not want Gyldayn to look like him.
The funny thing about these notes, I misread them the first time. I thought I read that George wanted Gyldayn to look like him, I got so excited about drawing George’s portrait I was jumping around my studio whooping and hollering. After I calmed down and read the directions again, I was like….oh, he shouldn’t look like George….right, of course. Lol!—
« George m’a dit dans ses notes qu’il n’avait pas de description de Gyldayn si ce n’est qu’il était vieux, précis, pointilleux et entêté. Il a également dit qu’il ne voulait pas que Gyldayn lui ressemble.
Mais ce qui est amusant, c’est que j’ai mal lu ces notes la première fois. J’ai cru lire que George voulait que Gyldayn lui ressemble, et j’étais si excité à l’idée de dessiner le portrait de George que je me suis mis à sauter partout dans mon studio en criant de joie et en braillant. Après m’être calmé, j’ai relu ses directives et j’étais comme… oh, il ne doit pas ressembler à George… Oui, bien sûr… Lol ! »
↑Traduire « Feu et Sang »
La librairie bordelaise Mollat a mis en ligne une interview en vidéo de Patrick Marcel, qui a notamment réalisé la traduction du dernier tome de la saga (A Dance with Dragons), de l’encyclopédie, et qui est en charge de la traduction de Fire and Blood, sous le titre de Feu et Sang.
Il y parle de son parcours, du hasard qui l’a conduit à devenir le traducteur de notre saga préférée, et parle un peu de Feu et Sang, dont il a beaucoup apprécié la lecture. À noter : il nous apprend qu’il est en train de traduire la seconde partie, qui devrait paraître en mai prochain aux éditions Pygmalion. N’hésitez pas à visionner la vidéo, elle est passionnante !
↑Les petites phrases
Toi, lecteur de la Garde de Nuit à l’affût de toutes les petites infos concernant Fire and Blood, je te vois… Tu es en train de te dire que ces différentes interviews nous donnent surtout des éléments de contexte, mais ne nous ont rien appris de nouveau sur l’ouvrage… Que nenni ! On a quand même appris quelques éléments inédits.
L’un des points les plus intéressants, et qui suscite beaucoup de questions sur le forum, c’est une petite phrase de Patrick Marcel :
[Patrick Marcel] Ce volume, c’est un peu un recueil de nouvelles cachées. Parce qu’à nombre de personnages différents, il arrive des histoires d’un genre différent. Il y a des histoires policières, il y a des histoires romantiques, il y a une histoire lovecraftienne qui est absolument abominable.
Alors, vous pariez sur quel épisode abominable ?! La mort de Tyanna ? Une horreur qui serait arrivée aux enfants d’Alysanne et Jaehaerys ?
D’ailleurs en parlant d’Alysanne et Jaehaerys : figurez-vous qu’apparemment ils se sont mariés deux fois ! Simple seconde noce pour la forme aux yeux de la Foi, ou remariage après une querelle d’amoureux (on a connaissance de deux querelles entre eux) ? Les paris sont ouverts !
[Doug Wheatley] One of many images that I recall grabbing me was the second wedding of Jaehaerys and Alysanne at King’s Landing. I remember reading that scene and just thinking this is an absolute must.
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L’une des images dont je me souviens qu’elle m’a pris aux tripes est le second mariage de Jaehaerys et Alysanne à Port-Réal. Je me souviens avoir lu cette scène et pensé que c’est une réussite absolue.
D’autres interrogations fusent au sujet de Gyldayn : on vous en a déjà un peu parlé dans l’article consacré au mestre, et les débats sont acharnés sur le forum à son sujet, mais l’insistance qu’a eu Martin à noter à quel point son narrateur n’est pas fiable et met en lumière le bouffon Champignon relance encore le moulin : Gyldayn, auteur interdit qui va contre un complot des mestres, ou simple historien ?
Written in the voice of a maester of the citadel, Archmaester Gyldayn, a “crotchety old guy with strong opinions” who is telling his story hundreds of years after the events he’s chronicling, the structure allows Martin to play about with the unreliability of his narrators, as Gyldayn sorts through his primary sources. These include Mushroom, a brilliantly bawdy dwarf whose take on history errs towards the filthy.
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« Écrit sous la plume d’un mestre de la Citadelle, l’archimestre Gyldayn, « un vieux grincheux aux opinions bien arrêtées » qui raconte une histoire qui s’est déroulée des centaines d’années avant la rédaction de ses chroniques, cette structure permet à Martin de jouer avec la non-fiabilité de ses narrateurs, car Gyldayn fait un tri parmi ses sources primaires. Celles-ci incluent Champignon, un nain remarquablement paillard dont la vision de l’histoire dérive vers l’ordurier. »
Il est à noter que dans le cadre de la promotion de Fire and Blood, George Martin nous parle dans de très courtes vidéos, tous les jeudis depuis trois semaines, de certains personnages qui apparaîtront dans le livre : Jaehaerys et Alysanne Targaryen, Daemon Targaryen, ou encore Aegon le Conquérant et Balerion la Terreur Noire ont eu droit à quelques petits mots de leur créateur. Rien de révolutionnaire, mais il est toujours agréable d’avoir l’avis de l’auteur sur ses personnages.
↑Et TWOW dans tout ça ?
Martin ne le cache pas : il a du mal à rédiger The Winds of Winter (TWOW de son petit sigle), le sixième tome de la saga principale, le Trône de Fer.
I’ve been struggling with it for a few years,” he admits. “The Winds of Winter is not so much a novel as a dozen novels, each with a different protagonist, each having a different cast of supporting players and antagonists and allies and lovers around them, and all of these weaving together in an extremely complex fashion. So it’s very, very challenging. Fire and Blood by contrast was very simple. Not that it’s easy, it still took me years to put together, but it is easier.
—« Je me débats avec depuis quelques années » admet-il. « The Winds of Winter n’est pas vraiment un roman, mais plutôt une douzaine, chacun avec ses protagonistes différents, et chacun ayant ses personnages secondaires, ses antagonistes, ses alliés et ses amants, le tout mêlé ensemble dans une tapisserie complexe. C’est très, très complexe. Fire et Blood contraste par sa simplicité. Il n’a pas été facile à écrire, il m’a fallu des années pour tout réunir, mais c’était plus simple »
On est loin de la facilité avec laquelle il a débuté la saga :
The first chapter of A Game of Thrones came to him “out of nowhere” in 1991. “When I began, I didn’t know what the hell I had. I thought it might be a short story; it was just this chapter, where they find these direwolf pups. Then I started exploring these families and the world started coming alive,” Martin says. “It was all there in my head, I couldn’t not write it. So it wasn’t an entirely rational decision, but writers aren’t entirely rational creatures.
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« Le premier chapitre de A Game of Thrones lui est venu « de nulle part » en 1991. « Lorsque j’ai commencé, je ne savais pas ce que j’avais. Je pensais que ça pouvait être une nouvelle ; c’était juste ce chapitre, où ils trouvent les bébés loup-garous. Puis j’ai commencé à explorer ces familles et le monde a commencé à prendre vie » dit Martin. « Tout était là dans ma tête, je ne pouvais pas ne pas l’écrire. Ça n’a pas été une décision rationnelle, mais les écrivains ne sont pas des créatures rationnelles. »
Il nous confirme en tous cas que TWOW est bien le prochain livre à paraître, et qu’il y travaille… En revanche, rien ne nous dit qu’ADOS (A Dream of Spring, titre provisoire du septième et dernier tome de la saga) sera le suivant sur la liste.
The Winds of Winter is next, then I’ll decide what comes after that – whether it’s to go on to A Dream of Spring, the last one, or whether I switch back into Fire and Blood II, do another Dunk and Egg story or two. But I’ll worry about that one thing at a time – that’s too far ahead.
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The Winds of Winter est le prochain, puis je déciderai de ce qui viendra après – soit je continuerai avec A Dream of Spring, le dernier, soit je reviendrai à Fire and Blood II, ou à une ou deux autres histoires de Dunk et l’Œuf. Mais je me préoccuperai de cela le moment venu – c’est trop loin devant moi.
Sur son blog, George R.R. Martin a aussi parlé de nombreux autres projets qu’il a sur le feu : des séries préquelles avec HBO, dont le projet sur la « Longue Nuit » (titre non officiel) qui avance bien, des projets de séries autour de Wilds Cards, l’adaptation avec HBO du roman Who fears death de Nnedi Okorafor, l’adaptation de l’une de ses nouvelles (a priori Le Dragon de Glace) en film, les discussions autour de l’adaptation en film d’une autre de ses nouvelles (laquelle ? les paris sont ouverts…), les discussions autour de l’adaptation en film d’un de ses romans (la liste n’est pas très longue, mais là aussi les paris sont ouverts pour le roman concerné ^^) avec un acteur et un réalisateur que Martin adore…
Traductions libres réalisées par la Garde de Nuit