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- Ce sujet contient 4 réponses, 3 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Nymphadora, le il y a 3 années et 1 mois.
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13 janvier 2021 à 10 h 44 min #149188DNDM
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Un sujet pour parler d’un auteur incontournable dans la science-fiction contemporaine, l’américain d’origine chinoise Ken Liu, dont j’ai lu trois textes.
Carthaginian Rose, en accès libre (en anglais) sur son site, est une courte nouvelle qui parle de beaucoup de choses: d’Intelligence Artificielle, de transfert de conscience, d’âme, d’esprit, de corps surtout, le tout en restant toujours extrêmement humain et à fleur de peau. Très bien écrit, je recommande sans hésitation.
Le regard, novella publiée dans la collection Une Heure-Lumière des éditions Le Belial, est une oeuvre classique beaucoup plus dispensable, même si ça fait le job. J’en parlais plus longuement dans le Topic Vos Dernières Lectures il y a quelques jours:
Le regard, de Ken Liu, novella publiée dans la collection Une Heure-Lumière des éditions Le Belial. Dans un futur proche, une prostituée est assassinée. Une détective privée bourrée d’implants pensés pour améliorer son corps est engagée pour trouver le meurtrier. Une courte histoire policière SF qui est certes bien écrite, mais que je pense j’oublierais très vite ; pas grand chose de marquant, c’est très classique et sans surprise. J’ai entendu beaucoup de bien de Ken Liu, faudra que je tente d’autres livres de lui, celui-ci n’est clairement pas franchement au-dessus du lot.
L’Homme qui mit fin à l’histoire, autre novella publiée dans la collection Une Heure-Lumière des éditions Le Belial, est peut être son oeuvre la plus connue. Comme dans Carthaginian Rose, c’est de la SF mais qui s’attache avant tout aux humains. Pour le coup, Ken Liu s’attaque à un sujet éminemment grave et délicat, l’unité 731 de l’armée impériale japonaise, responsable de nombreux crimes contre l’humanité en Chine pendant la seconde guerre mondiale. Un texte très fort qui creuse profondément les questions d’histoire et de mémoire.
Feygirl en parlait également il y a quelques jours:
L’Homme qui mit fin à l’Histoire, de Ken Liu (…) récit qui retrace une des pires tragédies de la seconde guerre mondiale. Cette novella, publiée dans la collection Une Heure Lumière des éditions Le Belial’, est l’un des récits les plus connus de l’auteur tant son sujet est grave : pendant la Seconde Guerre Mondiale, les Japonais ont utilisé des prisonniers chinois comme cobayes pour des expériences d’armes bactériologiques. Plusieurs centaines de milliers de Chinois sont morts dans l’Unité 731 ou dans les largages aériens visant à tester ces armes sur les populations alentour.
Ken Liu imagine une technologie qui permettrait à une personne de « voir » un événement passé. Mais une fois qu’il a été vu, il s’efface à jamais, et c’est sans doute l’une des explications du titre.
Rédigée sous forme d’articles de presse ou de témoignages, cette nouvelle souligne la douleur des proches qui s’interrogent sur le destin de leur famille disparue, puis suit une jeune femme contemporaine qui « voit » ce qui est arrivé à sa tante. C’est un des moments forts du récit : nous ne sommes pas dans un documentaire sur un des pires aspects de la Seconde Guerre Mondiale, au contraire nous vivons la souffrance incarnée par la victime. L’horreur de l’unité 731 est extraordinairement bien retranscrite, sans tomber dans le sensationnalisme grâce à une plume délicate.
L’auteur va plus loin, et s’interroge sur les liens entre l’Histoire et la politique, ou plutôt la géopolitique, et il met en exergue la difficulté d’obtenir et d’accepter des preuves quand elles ne sont que des témoignages : le parallèle avec la Shoah est évident. Il nous demande aussi à qui appartient l’Histoire : aux victimes ou à l’humanité ?
Cette nouvelle de moins de 100 pages est marquante : en plus de rappeler un fait historique peu connu et peu étudié en Occident, elle pose des questions sur la Vérité et l’Histoire. Je la recommande fortement !Plusieurs des histoires de Ken Liu sont en accès libre depuis son site. Des conseils pour mes prochaines lectures?
Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
Présentation & autres pub(lications) : www.lagardedenuit.com/forums/sujets/presentation-dndm/13 janvier 2021 à 10 h 55 min #149190FeyGirl- Fléau des Autres
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Les cercles des blogueurs disent beaucoup de bien de ses recueils de nouvelles La Ménagerie de Papier et Jardins de Poussière, mais je ne les ai pas encore lu donc je ne peux pas t’en dire plus.
26 mai 2021 à 12 h 10 min #156047DNDM- Fléau des Autres
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Je suis en train de lire le recueil La ménagerie de papier (en français, aux éditions Le Bélial), et c’est très bon. Souvent très profond, toujours très bien écrit, jamais trop long par rapport à ce que ça raconte, mais des histoires toujours incarnées par des personnages pour éviter qu’elles ne soient que des expositions de concepts. Evidemment, y’a des nouvelles meilleures ou plus mémorables que d’autres, mais franchement ça vaut le coup. Petit point d’étape à la moitié du livre, qui compte 19 nouvelles:
Renaissance. Les aliens ont débarqué il y a quelques temps. Ils vivent très longtemps. Leur conception de l’individu n’est pas du tout la même que la nôtre: tout comme le fils n’est pas responsable des crimes de son père, un individu dont le cerveau a évolué n’est pas responsable de ce que son moi antérieur a fait. Un flic spécialisé enquête sur un attentat ayant visé des aliens et des « renaissants », des humains dont une partie de la personnalité et des souvenirs a été amputée suite à des crimes, afin que toute leur personnalité ne soit pas condamnée pour les crimes commis par une parcelle de leur personnalité.
Une très bonne nouvelle, qui interroge de façon radicale les notions d’identité, de personnalité, mais aussi de mémoire et de pardon. Lisible gratuitement en anglais ici.
Avant et après. Très courte nouvelle qui décrit (voir dissèque) un moment fort et classique de beaucoup de films de SF. Lisible gratuitement ici en anglais.
Les Algorithmes de l’amour. Belle et dure nouvelle sur la programmation, la prévisibilité, les robots, les humains. Lisible gratuitement ici en anglais.
Nova Verba, Mundus Novus. Très courte nouvelle qui joue sur la forme plus qu’autre chose. Lisible gratuitement ici en anglais.
Faits pour être ensemble. Excellente nouvelle type Big Brother is watching you, avec une chute vraiment surprenante. Lisible gratuitement ici en anglais.
Emily vous répond. Courte et drôle nouvelle sur « pourquoi faire oublier à son amour ses anciennes histoires d’amour est une très mauvaise idée ».
Trajectoire. Nouvelle sur l’immortalité, belle mais aurait mérité une vraie chute pour être mémorable.
Le Golem au GMS. Très drôle nouvelle dans laquelle Dieu contact une petite fille chinoise dont les ancêtres étaient des juifs de Kaifeng (ce qu’elle ignorait), ce qui fait d’elle une juive, parce qu’il a une mission pour elle. Situation très drôle, personnages très drôles, écriture très drôle, ça fait du bien. A écouter ici en anglais.
La Peste. Courte nouvelle sans grande surprise mais bien écrite. Lisible gratuitement ici en anglais.
L’Erreur d’un seul bit. Poignante histoire sur la foi, la vie, la mort, l’amour, la science – ou sur l’impossibilité d’avoir une foi religieuse quand on a un cerveau trop scientifique et imaginatif. Lisible gratuitement en anglais ici.
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La suite quand j’aurais terminé le recueil. Les liens ont été pris depuis le site officiel de Ken Liu. D’autres liens sont parfois fournis pour des versions sur d’autres sites, en d’autres langues, ou audio, je vous laisse aller voir directement si ça vous intéresse.
Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
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La suite, donc:
La Ménagerie de papier. La nouvelle qui donne son titre au recueil. Excellente nouvelle sur les relations mère-fille, avec une mère venue de la campagne chinoise et son fils, né et élevé aux USA, qui ne se comprennent pas. Un texte relativement court, qui fait appel à la magie mais aurait pu s’en passer, vu que l’important n’est pas là, mais plutôt dans les émotions dégagées.
Le Livre chez diverses espèces. Pas vraiment une nouvelle, plus un court texte cherchant à imaginer les formes que pourraient prendre un livre ailleurs dans l’univers. Peut-être la plus dispensable.
Le Journal intime. Fantastique intimiste qui explore la parole, la lecture, la perte de sens.
L’Oracle. Le postulat de Minority report couplé à Flashforward, mais l’émotion en plus, et la question « peut-on échapper à la fatalité, et doit-on se gâcher la vie à essayer de le faire? »
La Plaideuse. Enquête policière fantastique sur fond de chine d’un autre autre âge. Sympa, sans plus.
Le Peuple de Pélé / Mono no aware / La Forme de la pensée / Les Vagues. Quatre nouvelles qui sont plus ou moins des variations sur le thème « Voyage intersidéral, ça tourne mal (ou en tout cas on se pose des questions) ». Limite il aurait pu faire passer ça pour les chapitres d’une même histoire parfois – mais chaque histoire à très clairement son thème, son ton, sa spécificité, son ambiance. J’ai beaucoup aimé les quatre.
Le Peuple de Pélé étudie les questions temporelles, à la fois en cherchant à imaginer une espèce extraterrestre totalement différente de nous à ce niveau, et en mettant les personnages face à la question « Doit-on vraiment se soucier des ordres que la Terre nous envoie alors qu’on reçoit tout avec des dizaines d’années de retard? »
Mono no aware étudie les questions de sacrifice, de liens avec les autres, de mentalité.
La Forme de la pensée fait dans la SF à la Arrival, en étudiant l’hypothèse de Sapir-Whorf (les représentations mentales dépendent des catégories linguistiques, autrement dit la façon dont on perçoit le monde dépend de notre langage).
Les Vagues commence comme un dilemme classique de SF: nous sommes dans un vaisseau spatial générationnel, un monde clos ou toutes les ressources sont calculées au plus juste et où l’arrivée d’un nouvel enfant ne peut se faire qu’avec la mort d’un adulte ; une bidouille médicale permet soudain à tout le monde d’atteindre l’immortalité. Que faire? Arrêter de mourir ou arrêter d’avoir des enfants? Et ensuite, ça part, étape par étape, loin, très loin dans le sense of wonder.
Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
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J’ai lu le premier tome de sa saga de fantasy (La dynastie des Dents-de-Lion) : La grâce des rois.
J’en attendais peut-être trop vu la notoriété de l’auteur, mais j’avoue ressortir mitigée.
Nous sommes dans un roman de fantasy historique d’ambiance chinoise, directement inspiré de la guerre Chu-Han. L’histoire tourne autour de deux héros, Mata Zyndu, force de la nature au sang noble dernier héritier de son clan déchu par un tyrant, et Kuni Garu, voyou beau parleur plein d’ambitions.Il y a d’excellentes choses dans ce beau pavé de 800 pages : j’ai particulièrement aimé la réflexion autour du pouvoir et de sa corruption, des compromis à faire, et de la paranoia dans laquelle est placé celui qui, au départ a de bonnes intentions. Il y a une vraie problématique politique, qui, je pense, pourra plaire à certains frères et sœurs de la Garde de Nuit. Et par ailleurs certaines scènes sont très vivantes et hyper chouettes à lire, Ken Liu a un vrai talent de conteur.
Mais, au milieu de ça, j’ai eu un peu de mal avec le rythme du bouquin. 800 pages, c’est long, et j’avais l’impression qu’on tournait sérieusement autour du pot à certain moments. Autre gros point noir à mes yeux : « show don’t tell ». Les personnages ont toutes les qualités sur le papier (ça en devient même quasiment caricatural, ils sont des génies stratégiques, de grands leaders, etc.), on nous le répète à longueur de page… mais, dés qu’on sort des deux personnages principaux, ça manque un peu de scènes où on voit vraiment les qualités en question en action. Enfin, gros gros point noir à mes yeux : les personnages féminins. Là aussi, il y a un espèce d’équilibre bancal entre ce que dit l’auteur, avec des propos parfois très « female power » qui tombent un peu comme un cheveu sur la soupe comme si il voulait cocher des cases, et d’autre part des archétypes de personnages féminins ultra clichés, qui nous font subir tous les tropes éculés des personnages féminins en fantasy. Il y résulte un truc hyper maladroit.
Et enfin… la traduction française est vraiment pas top. Des grosses coquilles d’orthographe et de grammaire, des phrases bancales où on lit la phrase en anglais derrière le français qui ne dirait jamais une expression tournée comme ça… ça m’a rappelé pourquoi je privilégie généralement la VO.
Je pense que je ne m’infligerai pas les tomes suivants.
~~ Always ~~
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