Challenge de lecture « En attendant l’hiver » (2024)

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  • Ce sujet contient 150 réponses, 16 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par Quintus Cularo, le il y a 1 jour et 10 heures.
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    Quintus Cularo
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    J’attaque cette nouvelle année avec quelques lectures.

    Déjà le thème Par le sang et par le feu (Menu Rengaines) avec Les Aiguilles d’Or de Michael McDowell.

    Récit de vengeance qui tarde à se mettre en place, mais qui profite de ce temps pour dresser avec talent son ambiance. Plus que tout, c’est ça qui fait la grande force du roman : son ambiance. On ressent pleinement les différents environnements dans lesquels les personnages évoluent, avec (parce que le livre s’attarde beaucoup sur cet aspect là) toute leur misère, leur saleté, leur recoins les plus sordides mais également toute leur vie. Faire vivre son univers c’est toujours un très bon point et ce roman le réussit très haut la main. Cela permet de faire bien fonctionner un récit qui sans cela pourrait paraître décousu. C’est en effet une histoire qui prend beaucoup de temps à se mettre en place, incluant un bon nombre de personnages, avec des relations diverses. Il faut donc un certain temps pour bien saisir où l’histoire veut aller, et être pris dedans en conséquence. Mais pendant toute cette mise en place, cette ambiance très réussie nous porte, nous faisant accepter des premiers chapitres pouvant plus évoquer des scénettes qu’un récit uni et on se laisse porter sans déplaisir. Je suis un peu moins convaincu par la seconde moitié, que je trouve trop rapide et “facile” pour que le sentiment de vengeance soit pleinement ressenti. Cela tient également probablement au fait que je n’ai pas pleinement accroché aux personnages. Je ne saurais dire à quoi cela tient, car ils sont dans l’ensemble bien construits, mais je n’ai pas réussi à m’y attacher tout du long. Fort heureusement la plume de l’auteur aide beaucoup, étant très fluide et agréable. Je lui mettrais quand même un bémol pour les scènes plus orientées sur l’action, dont le rythme n’est pas toujours le mieux maîtrisé. C’est toutefois un bien petit défaut par rapport à la qualité de l’ensemble.

     

    Je continue en validant le thème Edric Storm (Menu Bâtards) avec Les Lions d’Al-Rassan, de Guy Gavriel Kay.

    Bon je le dis tout de suite : c’est très dense. Il y a énormément d’intrigues, énormément de personnages, énormément d’enjeux. Et l’introduction à tout cela est très rapide et ne prend que peu de temps pour nous immerger. Autant dire qu’il faut s’accrocher, ou renoncer à saisir tous les éléments pour se concentrer sur le point de vue des personnages. Heureusement, les similitudes transparentes avec notre monde (et plus précisément la péninsule ibérique) et l’univers du roman aident à saisir pas mal d’enjeux rapidement. Heureusement d’ailleurs car sinon, comme je l’ai dit, on serait rapidement noyé sous le déluge d’informations non contextualisées. Toutefois, cette entrée en matière très sèche se répercute sur le reste du roman, et il faut un petit moment pour pleinement apprécier les différents enjeux qui s’entrecroisent. Toutefois, dans un premier temps on suit avec un certain plaisir les personnages, bien construits et tout en nuances, même si les effets de mystères les entourant n’arrangent pas la vitesse de l’introduction. Au fur et à mesure du récit, le roman étoffe la dimension politique, et réussit de très beaux tours de force dans ce domaine. J’ai d’ailleurs beaucoup plus apprécié cet aspect là aux intrigues d’enjeux humains. J’ai dit que les personnages étaient réussis et je le maintiens, toutefois j’admets aussi que les points du scénario plus personnels sont aussi ceux qui m’ont le moins convaincu. Probablement un traitement parfois trop rapide ou trop simple, mêlé à un style distant. Le style est en effet assez froid. Cela relève de la volonté d’inscrire la narration comme une véritable fresque historique, et cet aspect fonctionne parfaitement, mais on a du coup davantage l’impression de voir des personnages historiques et pas des vraies personnes, malgré les efforts du récit pour insister sur leurs sentiments et le rôle qu’elles jouent dans l’intrigue. 

    En conclusion, on a un bon roman de fantasy (sans dimension magique), surtout pour les passionnés d’intrigues géopolitiques comme moi. Il faut juste arriver à encaisser un début très brusque et un ensemble très fourni qui n’offre que peu d’aide pour appréhender l’ensemble.

     

    Ensuite je valide le thème Conquête (Menu Histoire) avec Dans l’ombre des beaux quartiers d’Anna Bradley.

    Londres, fin du XVIIIe siècle. Tristan Stratford, ancien policier devenu comte, suit la trace d’un mystérieux cambrioleur aperçu sur le toit d’un voisin à lui. L’attrapant il découvre qu’il s’agit en réalité de Sophia Monmouth, une jeune femme bien décidée à innocenter un de ses proches, accusé de meurtre.

    J’avoue, je me suis lancé totalement au hasard et clairement je ne suis pas le public cible. J’admets que j’avais plus été attiré par l’aspect roman policier que par l’aspect romance. Mais bon même en essayant de faire abstraction de ça et en essayant de rester le plus objectif possible je dois le dire : ça ne marche que très modérément. Paradoxalement, la partie policière est celle qui marche le mieux. L’intrigue est assez intéressante, il y a quelques bons retournements et une explication finale qui a certes les deux pieds dans le cliché, mais qui se tient bien et est assez satisfaisante. Pas grand chose à redire là-dessus, c’est plutôt pas mal et c’est rageant d’être à ce point relégué au second plan, parce qu’avec un peu plus d’attention ça aurait donné une vraie bonne intrigue policière plaisante. Mais bon, ce n’est pas ce qui intéressait le plus l’auteure, donc le centre du roman c’est la romance entre les deux personnages principaux. Et cette romance est à la hauteur de ces personnages, c’est-à-dire très peu passionnante. En gros tous les deux sont lisses comme des patinoires (pas sûre de l’image mais vous avez saisie l’idée) et la narration ne manque aucune occasion de nous expliquer par le détail (pas de nous le montrer par leurs actions, non nous le dire textuellement et explicitement) à quel point tous les deux sont brillants, vifs, attachants et évidemment canons. Bon du coup vous vous en doutez, en conséquence leur romance ne vole pas bien haut. En gros ils se rencontrent, sont bien sûr instantanément attirés l’un par l’autre sans le début d’une explication du pourquoi, ne s’entendent pas au début vraiment parce qu’il faut respecter le cliché, et tombent dans les bras l’un de l’autre dès que l’affaire s’approche de la fin. C’est convenu, plat, à la limite du parodique tant c’est exagéré et le style de l’auteure ne fait rien pour nous faire accrocher à ça.

    Bref clairement pas un roman pour moi j’en conviens, mais à titre personnel je trouve que, même dans son registre (que je connais fort mal j’avoue), c’est assez peu convaincant. Il y a de très bonnes bases pourtant, mais c’est traité trop superficiellement et par une auteure qui ne semble ne même pas prendre son sujet au sérieux. 

     

    Et je termine en validant le thème Jeor Mormont (Menu Garde de Nuit) avec Le roi de fer de Maurice Druon (qui a inspiré George R.R. Martin pour le Trône de fer, vous savez ? Oui je mérite une claque pour ça, promis je le referais plus).

    Philippe IV le Bel, surnommé le roi de fer, règne sur la France, alors la plus grande puissance européenne. Roi fort mais endetté, il mène un grand procès pour éliminer l’ordre des templiers et faire main basse sur leurs biens. Dans le même temps, Robert d’Artois complote pour s’emparer du comté d’Artois qu’il estime lui revenir, mais actuellement entre les mains de sa tante, Mahaut d’Artois (promis c’est la dernière fois que je parle de l’Artois dans ce résumé). Dans ses manigances, il est aidé par Isabelle de France, fille de Philippe le Bel, et épouse du roi d’Angleterre Edouard II, et s’intéresse notamment aux infidélités des belles-soeurs de cette dernière. 

    Bon, au vu de mon amour pour les récits remplis de complots et de manigances politiques ET de celui pour la guerre de Cent-ans, une de mes périodes historiques préférées, je m’attendais fortement à aimer. D’autant plus avec l’aura dont bénéficie cette saga (que j’ai assez honte de n’avoir encore jamais lue) et son impact sur la culture. Mais avec ces attentes venaient aussi les appréhensions et la peur d’être déçu. Résultat : j’ai manqué de foi clairement. Oui j’ai adoré, clairement, de la première à la dernière page. Une fois n’est pas coutume j’en profiterai d’ailleurs pour parler du style de Druon, sur lequel j’ai un avis un peu particulier. En fait je n’arrive pas à dire si je l’aime ou pas. Entendons-nous : ça fonctionne très bien, puisque comme je l’ai dit j’ai dévoré le roman d’une traite, mais je reste perplexe. Je lui trouve dans l’ensemble un côté simple, direct, sans fioriture ni effets de styles. Et en même temps il s’en dégage une certaine puissance et quelque chose de très marquant. Je suppose donc que c’est réussi, bien que par honnêteté, à l’exception des dialogues (très savoureux et là encore, très puissants) il ne m’a pas semblé si remarquable. 

    En tout cas, passons à l’histoire. Et le moins qu’on puisse dire c’est que ça fonctionne très bien. Alors oui, avoir le déroulé historique des faits aide beaucoup (j’y reviendrai), mais Druon arrive très bien à rendre les événements tangibles, à leur donner vie, tout en remplissant efficacement les trous. Il y a un excellent dosage entre les événements historiques et les intrigues personnelles, et surtout dans la manière dont tout ceci s’interconnecte et s’entremêle. Un vrai sentiment d’histoire vivante et dynamique, avec quand même par dessus une ombre évoquant la tragédie grecque. 

    Mais tout ceci fonctionne surtout grâce aux personnages. Il y a un travail impressionnant pour les rendre vivants et riches. De ce fait, il est très difficile, voire impossible, de déterminer un personnage principal parmi cette galerie. On passe un peu plus de temps avec certains, mais les différentes intrigues s’imbriquent tellement les unes dans les autres qu’aucun n’est à proprement parler central (Robert d’Artois peut être, mais encore pas tant). Pour autant, il n’en ressort pas vraiment le sentiment d’un récit choral, puisque le récit reste un véritable bloc, qui rassemble toutes les intrigues et les personnages en un même ensemble cohérent. Cet aspect participe lui aussi à la portée “historique” du roman, qui en est un des très gros points forts. Cet aspect bénéficie aussi de la nuance de ces mêmes personnages. Là encore, Druon fait preuve d’une grande subtilité. S’il est difficile de distinguer des personnages “principaux” il est encore plus difficile de distinguer des “gentils” et des “méchants”. Tout le monde est en nuance de gris, sans chercher à enjoliver qui que ce soit, mais sans non plus diaboliser. On a juste des personnages humains, chacun pouvant être attachant, mais aussi détestable, en fonction des moments et de leurs actions. Celui qui illustre le mieux cet aspect c’est Philippe le Bel lui-même, un personnage que je n’ai pu m’empêcher d’apprécier, malgré des actions qui sont loin de le rendre sympathique. 

    C’est donc un excellent roman, mélangeant avec talent fiction et histoire. Sur ce point, il faut toutefois préciser que le livre n’est pas sans avoir vieilli, retranscrivant une vision assez ancienne des évènements, et enracinant certaines légendes (à commencer par la fameuse malédiction des templiers elle-même). Bon on ne va pas le lui reprocher, au vu de son âge, mais il est important de le garder à l’esprit en se lançant dans cette (excellente) lecture.

    • Cette réponse a été modifiée le il y a 1 jour et 9 heures par R.Graymarch.

    N'est pas mort ce qui à jamais dort, mais en d'étranges ères peut mourir même la mort.

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