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4 décembre 2024 à 14 h 09 min #208565Lapin rouge
- Fléau des Autres
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Mais c’est aussi le cas de Tom Bombadil ou d’Elrond (voire de Celeborn, mais il est tellement effacé qu’il compte à peine). Donc ce ne sont pas que les femmes soient « objectifiées », ce sont plutôt les représentants des anciennes puissances qui sont cantonnés à un rôle de spectateurs du monde nouveau.
Là notre lecture diffère totalement : il y a un total déséquilibre de traitement de ces personnages sensés être sur le même plan d’après toi. Tom Bombadil ou Elrond sont mis sur un piédestal, ont le droit à la parole, sont écoutés, sont forts, grands et sages. Le fossé entre le traitement par le texte de Tom Bombadil et Goldberry est abyssal : elle est belle, elle fait la popotte et la vaisselle, pendant que lui parle, conte et chante (elle n’ouvre pas la bouche, sauf quand elle chante dans sa petite rivière en se baignant, évènement rapporté et qu’on ne voit pas vraiment directement). Le fossé entre Elrond et Arwen l’est encore plus. Ils nous sont décrits en même temps, l’une est même le miroir féminin de l’autre (« there sat a lady fair to look upon, and so like was she in form of womanhood to Elrond that Frodo guessed that she was one of his close kindred. ») mais l’une est belle (la description de sa beauté est interminable, tandis qu’Elrond on ne s’est pas spécialement attardés sur son physique) et surtout muette, pendant que l’autre fonde la communauté de l’anneau. Elles ne sont pas puissantes, on nous dit qu’elles le sont au détour d’une description de leur physique. Contrairement aux hommes que tu cites, qui ne sont pas juste puissants parce que c’est mentionné en passant pour nous décrire ad-nauseum leur physique. En mode « show don’t tell » : ils sont puissants car ils inspirent la puissance aux présents, et ont voix au chapitre, dispensent leur savoir et leur aura.
Galadriel a un peu plus d’agentivité et incarne plus le pouvoir… mais ça reste Celeborn, pourtant sur le papier autrement moins stylé et extrêmement effacé, qui démontre le pouvoir politique quand elle fait des petits cadeaux de bouffe et de couture. Donc même là, il y a un déséquilibre entre ce qui nous est dit et ce qui nous est montré.En fait, je ne suis pas en désaccord total avec toi, et tes arguments sont pertinents. En effet, la beauté physique est nettement plus mise en avant pour les personnages féminins. Je nuancerai juste certains aspects. Goldberry n’est pas totalement muette (mais elle parle beaucoup moins que Tom, qui est un vrai moulin à paroles), mais elle ne fait pas la popote ni la vaisselle. Personne ne fait de tâches ménagères d’ailleurs chez Tom, ni lui ni elle, à l’exception du service des plats et du rangement après les repas, où tous deux interviennent, chacun dans son style :
Then Tom and set the table; and the hobbits sat half in wonder and half in laughter: so fair was the grace of Goldberry and so merry and odd the caperings of Tom. Yet in some fashion they seemed to weave a single dance, neither hindering the other, in and out of the room, and round about the table; and with great speed food
and vessels and lights were set in order.Quant à Galadriel, elle ne fait pas que des petits cadeaux : c’est à elle que Frodon propose l’Anneau, et c’est elle qui lui montre l’avenir dans son Miroir. Quand Celeborn parle trop hâtivement, elle n’hésite pas à le reprendre en public, et Celeborn accepte sa remontrance.
Mais ce sont des détails. Sur le fond, je suis d’accord que les rares personnages féminins sont en général des êtres à admirer de loin, pas des personnages agissant.
Il y a quand même un sacré problème à traiter le sujet du rapport des sexes chez Tolkien à coups de « Les femmes y sont-elles présentées comme puissantes? », en ayant l’air de supposer que c’est seulement si la réponse était oui qu’il pourrait échapper au sexisme. Il y aurait de quoi s’interroger sur cette valorisation de la puissance.
En tout cas, dans le roman, c’est clairement le refus de la puissance, du pouvoir, qui est présenté comme l’idéal (symbolisé notamment par les situations où un personnage refuse de s’emparer de l’anneau), même si la lutte contre Sauron force les personnages à déployer ce qu’ils ont de pouvoir. Pour essayer de comprendre le statut et le rôle des personnages féminins, il faudrait d’abord prendre au sérieux le système de valeurs proposé par le texte, qu’on y adhère ou pas.
Ta remarque est intéressante, mais tu constateras que ni Nympha ni moi n’avons utilisé l’expression « femme puissante ». En ce qui me concerne, j’ai toujours été dérangé par elle, parce qu’elle semble impliquer qu’il y aurait des femmes puissantes et d’autres qui seraient faibles. Nympha a utilisé le mot « agentivité » (faculté d’action d’un être, sa capacité à agir sur le monde et les autres, à les transformer ou les influencer d’après Wikipédia), qui me semble plus approprié. Et, dans le SdA, on peut difficilement nier que les personnages masculins ont plus d’agentivité que les féminins.
Pourquoi s’inquiéter de ce que le S.D.A. ne « casse pas les codes » d’un monde médiévalisant où se situe l’action ?
Les personnages féminins y ont le statut de femmes du moyen-âge qui (sauf Eowyn) adhèrent à leur position dans la société.Oui, c’est une des raisons qui peuvent expliquer les choix narratifs de JRRT, ça et la vision de la femme encore dominante dans les années 40-50.
They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.4 décembre 2024 à 14 h 54 min #208568Nymphadora- Vervoyant
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Goldberry ne fait pas la popote ni la vaisselle.
J’ai absolument pas eu l’impression, et il n’est jamais dit dans le texte il me semble, que la nourriture apparaissait comme par magie sur la table de Tom, mais on nous sous-entend bien, à ce que je comprends (et à ce qu’a l’air de comprendre internet, dans la rapide recherche que j’ai faite) qu’elle a été préparée par Goldberry.
La toute première fois qu’on voit cette pauvre bonne femme :‘Here’s my pretty lady!’ he said, bowing to the hobbits. ‘Here’s my Goldberry clothed all in silver-green with flowers in her girdle! Is the table laden? I see yellow cream and honeycomb, and white bread, and butter; milk, cheese, and green herbs and ripe berries gathered. Is that enough for us? Is the supper ready?’
‘It is,’ said Goldberry; ‘but the guests perhaps are not?’
Vous conviendrez quand même que cette scène a un côté « oooh l’homme rentre du boulot, qu’a donc cuisiné ma jolie épouse » plutôt cocasse ^^
Et certes Tom aide à ranger à ce moment là, mais ensuite, dés qu’il s’agit de Goldberry, on la voit globalement amener la nourriture ou la ranger, Tom étant plus ou moins les pieds sous la table, ça en devient limite hilarant tant c’est gênant (en tous cas, on s’est bien marré avec mon mari qui lisait le livre en même temps que moi ^^).En tout cas, dans le roman, c’est clairement le refus de la puissance, du pouvoir, qui est présenté comme l’idéal (symbolisé notamment par les situations où un personnage refuse de s’emparer de l’anneau), même si la lutte contre Sauron force les personnages à déployer ce qu’ils ont de pouvoir. Pour essayer de comprendre le statut et le rôle des personnages féminins, il faudrait d’abord prendre au sérieux le système de valeurs proposé par le texte, qu’on y adhère ou pas.
Comme le dit Lapin, le débat n’était pas du tout là. Mais notons quand même qu’essentialiser les femmes, ce n’est pas moins sexiste et que si l’idée était de dire « ah bah non, Tolkien voit aux femmes des qualités naturelles, liées à leur nature de femme, qui en font des personnages plus purs et meilleurs, donc il n’y a pas lieu de parler de sexisme » (j’ai un peu lu ce message dans ton commentaire, je suis pas sûre d’avoir tiré le bon message ceci dit ?) : bah au contraire, si, ça serait une belle preuve d’un traitement sexiste des personnages féminins (et si on repart sur House of the Dragon, toute la raison de ce qui m’a agacée dans la saison 2, mais ça c’est encoooore un autre débat, et je digresse xD).
~~ Always ~~
4 décembre 2024 à 22 h 28 min #208585Pat le petit porcher- Patrouilleur du Dimanche
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Après avoir argumenté en disant « elles ne sont pas puissantes, on voit que Galadriel n’exerce pas le pouvoir politique, etc. », dire « on n’a pas utilisé l’expression femme puissante, donc le débat n’est pas là », ça me paraît un simple jeu sur les mots…
Quant à ce que j’ai écrit, non, je n’ai pas identifié de qualités que Tolkien attribuerait aux femmes en raison de leur « nature ». J’ai mis en question la pertinence de la « puissance » comme critère pour juger du traitement des personnages.
Vous conviendrez quand même que cette scène a un côté « oooh l’homme rentre du boulot, qu’a donc cuisiné ma jolie épouse » plutôt cocasse ^^
Je n’ai pas le livre avec moi, donc je ne peux pas vérifier ce qui se passe ensuite, et peut-être que ce que je vais dire est entièrement démenti par la suite du texte : je vais m’appuyer uniquement sur le passage que tu as cité. En fait, cette scène paraît assez décalée, parce que… on ne peut pas vraiment dire que Baie d’Or ait l’air de cuisiner : dans la liste dressée par la réplique de Tom que tu cites, il n’y a pas de plat cuisiné. Il y a, certes, quelques aliments transformés (pain, fromage…), mais on ne sait pas quand ils ont été préparés ni par qui (rien ne garantit que ce soit Baie d’Or qui ait tout fait à cet égard, et que Tom n’y ait pas participé). Au moment même où Tom demande si le souper est prêt, on n’a pas l’impression qu’elle ait fait beaucoup plus que rassembler les aliments sur la table. Je pense que dans une grande partie de la littérature de la même époque, une telle scène aurait effectivement été traitée sur le mode comique… mais parce que le mari aurait été présenté comme furieux que sa femme ne lui serve que cela, ou faisant semblant d’être content pour ne pas avouer son absence d’autorité maritale devant les invités. Imaginons un film des années 50 où un mari rentrerait le soir, demanderait « Chérie, qu’y a -t-il à manger ce soir ? » et s’entendrait répondre « Du pain, du beurre, du fromage ! ». On ne le verrait certainement pas montrer le même enthousiasme que Tom, ou alors le film serait vraiment au second degré. Cette scène du livre manifeste davantage la fantaisie de ce couple étrange que la simple reconduction des stéréotypes de son époque.
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