La version française

Forums Le Trône de Fer – la saga littéraire Hors-livres La version française

  • Ce sujet contient 171 réponses, 56 participants et a été mis à jour pour la dernière fois par R.Graymarch, le il y a 6 mois et 3 semaines.
30 sujets de 61 à 90 (sur un total de 172)
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  • #26139
    Lapin rouge
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    et pour l’immense majorité des gens, cela signifie « personne qui se transforme en loup »

    Pour l’immense majorité des dictionnaires aussi.

    They can keep their heaven. When I die, I’d sooner go to Middle Earth.
    #26150
    DroZo
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    D’ailleurs, Sola a-t-il commenté son néologisme « barral » ?  d’où est sorti ce mot ?

    Weir Wood, ça veut littéralement dire « Bois Barrage ». Sola devait trouver que ça ne sonnait pas réaliste en français, du coup il a repris Barrage et l’a transformé en barral pour faire plus arbre. Perso j’aime bien cette traduction là.

    MJ du jeu de rôle sur forum Les Prétendants d’Harrenhal (LPH).Rejoignez-nous !
    A.k.a. Fanta le Fantôme avec des bulles dans DOH10.

    #26169
    Ysilla
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    Weir Wood, ça veut littéralement dire « Bois Barrage ». Sola devait trouver que ça ne sonnait pas réaliste en français, du coup il a repris Barrage et l’a transformé en Barrage pour faire plus arbre. Perso j’aime bien cette traduction là.

    Ah ben ça alors ! Ton explication m’intéresse : mon nom de naissance est construit sur le radical occitan barral –  et je n’y voyais qu’une amusante coïncidence ; style : « le trône de fer est trop présent dans ta vie quand tu t’imagines t’appeler comme un barral « .

    Mais non, le rapport est bien là : barralh en occitan signifierait  « enclos, palissade »: on retrouve l’idée de barrage, de barricade c’est à dire de protection ; si j’ai bien compris,  weirwood = l’arbre qui protège ?

    Finalement, j’aurais dû m’appeler Vieille Nan du Nord au lieu d’Ysilla du Val.^^

    Dire que je passe mon temps à médire de la traduction de Jean Sola! Quelle ingrate !^^

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #26172
    Pandémie
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    Weir, ce n’est pas vraiment un barrage, au sens habituel du gros mur qui barre et bloque un cours d’eau (dam en anglais), mais un seuil, une structure qui altère le cours d’eau mais en laissant circuler le flot : weir sur wikipedia.

    Ici, le weirwood est donc plutôt un arbre qui est un écueil sur le cours du temps qui continue de s’écouler naturellement, plutôt qu’un barrage qui empêche de passer. D’ailleurs l’analogie est reprise par Brynden Freuxsanglant dans ADWD:  For men, time is a river. We are trapped in its flow, hurtling from past to present, always in the same direction. The lives of trees are different. They root and grow and die in one place, and that river does not move them.

    Après, si un weirwood peut altérer le cours du temps comme le ferait un seuil sur une rivière… C’est un vaste débat. La Corneille pense que non, on verra pour Bran.

    Sans compter qu’il y a un jeu de mot sans doute intraduisible entre weirwood et weirdwood, l’arbre-seuil et l’arbre étrange. Difficile de trouver un truc qui rende toutes ces nuances (sans compter que Sola ne les avait pas toutes au départ).

    #26178
    JN
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    « Weir » c’est d’ailleurs plutôt littéralement « seuil » que « barrage », de mémoire (si je dis pas de bêtises).

    « Edmond Dantès. Nice name. It’d look great in print, you know? Although ‘Le Comte de Monte-Cristo’ would make a better title for a novel. » - Dumas, Fate/strange fake

    #26179
    Ysilla
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    J’ai vu effectivement sur wiktionary que weir ne désignait pas exactement un barrage au sens basique et moderne du mot :

    Middle English were, from Old English wer, from Old English werian (“to dam up”), from Proto-Indo-European *wer- (“to cover”); akin to cover, warranty, and Old Norse ver (“station for fishing”).
    weir (plural weirs)

    1. An adjustable dam placed across a river to regulate the flow of water downstream.
    2. A fence placed across a river to catch fish.

    Le rapprochement barral/ le mot occitan barralh reste valide dans la mesure où barralh désigne plus précisément une claire-voie.
    J’aime beaucoup ton explication symbolique :

    Ici, le <i>weirwood </i>est donc plutôt un arbre qui est un écueil sur le cours du temps qui continue de s’écouler naturellement, plutôt qu’un barrage qui empêche de passer. D’ailleurs l’analogie est reprise par Brynden Freuxsanglant dans ADWD:  For men, time is a river. We are trapped in its flow, hurtling from past to present, always in the same direction. The lives of trees are different. They root and grow and die in one place, and that river does not move them.

    Ton explication se rapproche beaucoup de la définition de weir donné par le wiktionary.

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    #31533
    Chat-qui-boite
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    Je ne maitrise pas l’anglais pour lire en VO. Depuis longtemps je me demande à propos de certains auteurs si le talent dans le style vient de l’auteur ou du traducteur. Dans le cas qui nous intéresse j’aime beaucoup les noms poétiques et médiévaux de Jean Sola.  Le mélange avec les noms anglais qui sont transparents ne me choque pas. Les circonstances de la découverte de la portée de louveteaux après la séquence au nord du mur, la taille de la mère et le désir des adultes de les supprimer soulignent que dans cette contrée de légende (vieille Nan) ce ne sont pas des loups ordinaires. Le nombre de loups correspondant aux enfants Stark légitimes puis la découverte du loup blanc , ceci après l’éxécution d’un déserteur du mur font qu’on ne peut croire à des coïncidences. Apparemment les Stark connaissent ces animaux mais n’en voient pas souvent et ces « direwoolf » s’ils sont une branche de l’espèce loup diffèrent au premier coup d’œil par la taille, donc loup géant ma va bien mais on comprend d’après le contexte que ces créatures augurent aussi de changements à venir. Une utilité de la série TV en VO sous-titrée est d’entendre les termes américains ou même en anglais sous-titré en anglais. Nous n’avons pas tous le même maîtrise de la (les) langue. Corbant je ne comprends pas le mot « Diégèse » et je ne l’ai pas trouvé dans le dictionnaire

    de J

    Mieux vaut être en retard au paradis qu'en avance au cimetière
    Reste assis au bord de la rivière et tu verras passer le corps de ton ennemi

    #31549
    no_one
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    Corbant je ne comprends pas le mot « Diégèse » et je ne l’ai pas trouvé dans le dictionnaire

    Par contre, un lissage des traductions serait plus que nécessaire (Cendregué/Sorbier m’avait fait sortir de ma lecture, quelque secondes mais c’est parfois ce qu’il faut pour écorner la magie de la diégèse).

    La diégèse, dans ce contexte, est l’univers fictionnel de l’œuvre : Corbant entendait par là que les changements de traduction nuisaient à son immersion. (Bienvenue au passage, @katycazes 🙂 Pas encore eu l’occasion de vous présenter si je ne m’abuse. Cela se passe par ici.)

    "It's both possible, and even necessary, to simultaneously enjoy media while also being critical of its more problematic or pernicious aspects."
    "Damsel in Distress: Part 1", Tropes vs. Women in Video Games, Anita Sarkeesian

    #31552
    Obsidienne
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    Pour le weiwood plus ou moins barrage, ça colle avec  la théorie qui suppose qu’on en ait planté une ligne de la Baie des Phoques à la Baie des Glaces servant d’ « armature » au Mur.

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #31565
    Lapin rouge
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    Depuis longtemps je me demande à propos de certains auteurs si le talent dans le style vient de l’auteur ou du traducteur.

    Si le « talent dans le style » vient du traducteur et non de l’auteur, alors c’est que le traducteur n’a pas fait correctement son boulot.

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    #31573
    Ysilla
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    Si le « talent dans le style » vient du traducteur et non de l’auteur, alors c’est que le traducteur n’a pas fait correctement son boulot.

    Euh ? Et puis de l’auteur lui-même, non ? 😉

    Blague mise  à part, je pense qu’une part de la difficulté vient de l’écart entre la conception d’une langue littéraire qu’ont les locuteurs de deux langues différentes et de l’importance que ces locuteurs accordent à la langue littéraire dans la valorisation d’une oeuvre de fiction.

    En décodé 😉 , je pense (à tort ?) que les Anglo-saxons valorisent beaucoup la narration percutante et accessible tout en étant audacieuse et que ce souci a infusé très largement toutes catégories d’œuvres y compris au cinéma et que la recherche stylistique, la beauté formelle passe au second plan, sans être pour autant négligée, comme s’ils considéraient leur langue plus comme un outil de pure communication, malléable à souhait, sans considérer péjorativement ces transformations, quitte à aboutir au Globish.

    Au contraire, il me semble que le français accorde beaucoup d’importance au style, à la beauté formelle, car collectivement, nous considérons qu’une part de notre identité culturelle se trouve dans le beau langage. Nos erreurs d’orthographe sont des fautes en France, par exemple. Pour la narration, je ne veux pas dire qu’il n’y a pas de recherche – Genette, Todorov, Barthe, Greimas etc… – bien au contraire, mais il me semble que les apports de cette recherche ne priment pas dans la production littéraire – cela dit, je suis peut-être sous l’influence de mes propres lectures en français, tombant par là-même dans le biais de confirmation. D’où la réputation française de produire une fiction à la narration traditionnelle mais à la grande beauté formelle et c’est visible, à mon avis, pour le cinéma d’auteur à la beauté formelle impeccable qui ne parvient pas souvent à être à la fois inventif narrativement et accessible au grand public.

    Ainsi je pense pour en revenir à Martin, que là où les Anglo-saxons trouvent sans doute son style correct sinon bon , les Français, s’ils devaient le lire dans une traduction hyper-fidèle, trouveraient son style abominable.

     

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    #31597
    Lapin rouge
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    Je trouve que ton analyse frôle parfois le cliché, et les contre-exemples ne manquent pas (des auteurs francophones ayant un style direct et efficace, il y en a plein, notamment dans le polar. Et ils se lisent sans problème). Mais pour m’en tenir à ta conclusion :

    Ainsi je pense pour en revenir à Martin, que là où les Anglo-saxons trouvent sans doute son style correct sinon bon , les Français, s’ils devaient le lire dans une traduction hyper-fidèle, trouveraient son style abominable.

    Je reste persuadé qu’une traduction fidèle (pas besoin d’être « hyper ») et respectueuse de l’esprit de l’œuvre originale serait certainement très agréable à lire.

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    #31600
    Nymphadora
    • Vervoyant
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    Je reste persuadé qu’une traduction fidèle (pas besoin d’être « hyper ») et respectueuse de l’esprit de l’œuvre originale serait certainement très agréable à lire.

    A titre personnel j’irais même plus loin : ça serait plus agréable à lire que la version Sola pleine de lourdeurs et de phrases à rallonge complètement bancales. Clairement, je ne mettrais pas le « style » de Sola dans une case beauté formelle…
    Suffit juste de lire le début du texte :

    Dès l’aube, alors qu’ils se mettaient en route pour assister à l’exécution, un petit froid limpide et sec leur avait dénoncé la fin prochaine de l’été.
    —–
    The morning had dawned clear and cold, with a crispness that hinted at the end of summer.

    Sérieusement… le petit froid limpide qui dénonce la fin de l’été…

    Les goûts et les couleurs, tout ça tout ça… Mais il y a quand même des limites : mettre Sola au rang des chef-d’oeuvres stylistiques francophones, bon…

    (Et après, je n’adhère absolument pas à ton propos sur la littérature anglo-saxonne. Si à la limite tu te cantonnais à la littérature moderne américaine, mais catégoriser toute la littérature anglo-saxonne comme dérivée d’une langue où il n’y a aucune recherche stylistique, c’est sacrément réducteur…)

    ~~ Always ~~

    #31618
    Ysilla
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    Je ne pense pas que la littérature anglo-saxonne  néglige toute recherche stylistique, bien loin  de là…Là n’est même pas du tout mon propos.

    Je parle plutôt de l’approche que chaque peuple a de sa propre langue et de ses niveaux de langage et de la validation comme oeuvre littéraire de tel ou tel livre :  je songe à la façon dont beaucoup considèrent la langue française, et sans y placer aucun jugement de valeur en soi…attention.

    Je pense que collectivement et inconsciemment, on accorde énormément d’importance au style, au maniement de que l’on considère comme la belle langue en France. Et il me semble que les pays anglo-saxons attachent moins d’importance positive ou négative aux écarts inventifs de la langue de tel ou tel auteur pour privilégier l’attention apportée à la créativité de la narration.

    Un écrivain français se fait très facilement dézinguer par la critique si sa langue ne se hausse pas au sommet de l’art d’écrire. L’Académie Française, pour décriée et moquée qu’elle soit, est toujours la gardienne du temple (elle a même été créée pour ça) et la moindre réforme de l’orthographe ou de la syntaxe déclenche toujours une véritable guerre nationale, comme si en touchant à des accents circonflexes, on mettait à mal un point brûlant de notre identité. Et ne pensez pas que je me moque de ceux qui se hérissent à la moindre transformation du français; au contraire je plaide pour la sauvegarde des accents circonflexes, des accords du participe passé et des subordonnées entre autres.

    Je n’ai jamais entendu parler de telles crispations autour de la langue dans les pays anglo-saxons.

    Pour revenir au sujet, c’est à dire à la version française de ASOIAF, je pense que la nature différente de l’anglais et du français conduit la traduction à être un cran au-dessus du texte original et quand je dis un cran au-dessus, je ne parle pas de valeur mais bien de niveau de langage en français.  Je souligne pour que mes propos ne soient pas mal interprétés, mais si je fais erreur, corrigez-moi ! 😉

    edit : par niveau de langage on entend les particularités de vocabulaire et de syntaxe du français suivant le contexte et la personne à qui on s’adresse : français familier, français courant, français soutenu (réservé à l’écrit littéraire). par exemple, il est admis qu’ en français courant, on ne respecte pas la concordance des temps : je voulais qu’il vienne.

    C’est même considéré comme la norme en français oral.

    En revanche, la langue littéraire exige que cette concordance soit respectée à l’écrit, seulement pour les 3èmes personnes du singulier et du pluriel avec emploi du subjonctif imparfait : je voulais qu’il vînt.

    Par contre : je voulais que vous vinssiez est certes rigoureusement adéquat du point de vue de la concordance des temps mais tellement désuet que ce n’est plus guère employé.

    Et la pente naturelle du français du 21ème siècle laisse sans doute présager la disparition à l’écrit de cette concordance à toutes les personnes.

    Il y a quelques mois, je me suis penchée en détail sur la vo des 3 premiers chapitres : Martin utilise peu de subordonnées, a une expression ramassée qui fait la part belle aux relations grammaticales implicites.

    Traduire en l’état, même avec une grammaire française correcte, ça ne passe pas du tout ; ce qui relève d’un bon style, je suppose, en anglais devient d’une désolante platitude en français ; notre langue écrite privilégie la hiérarchisation explicite des faits d’où l’emploi très fréquent des subordonnées. Or l’emploi des subordonnées conduit à un niveau de langue plus soutenu avec des phrases plus longues.

    Pareil pour les répétitions que le français ne supporte absolument pas d’où la recherche de synonymes. ou bien les verbes de paroles ; la langue écrite privilégie l’expression des sentiments, des attitudes par ces verbes introducteurs, là où l’anglais sera plus souple avec des « said » éventuellement répétés.

    le petit froid limpide qui dénonce la fin de l’été…

    Là je suis entièrement d’accord avec toi, Nympha. Jean Sola, paix à ses cendres, a écrit là comme un pied.

    Limpide s’emploie pour un liquide, la lumière, le regard, le son, puis pour ce qui relève du sentiment ou du raisonnement mais justement pas d’une sensation thermique.

    Un air (froid) peut-être limpide, évoquant la luminosité, la transparence de l’atmosphère mais pas le froid en lui même qui lui sera vif, mordant, piquant, aigu, acéré, pénétrant, aigre, rigoureux etc…

    Quant à dénoncer, qui peut faire grincer des dents, on pourrait croire là aussi à un emploi fautif mais il s’agit là d’un emploi vieilli.

    dénoncer a pu être employé pour « faire connaître, révéler une particularité de manière à attirer l’attention sur elle« . Ce qui est le cas ici. Là où Sola commet une maladresse, c’est que cet emploi un peu archaïque met en jeu

    • soit un sujet inanimé concret : Étoile dénoncée par le microscope (Claudel, Connaissance Est,1907 (ça fait bizarre, mais c’est correct!)
    • soit un sujet animé : exemple toujours chez Claudel  : Les misérables soldats (…) dénoncent la nuit en soufflant dans des trompettes.

    alors faire du froid un sujet inanimé concret, c’est limite car le froid manque de contours, de plus « dénoncer » est archaïque dans ce sens inutilement  : annoncer, figurer, présager, augurer auraient pu faire l’affaire.

    The morning had dawned clear and cold, with a crispness that hinted at the end of summer. They set forth at daybreak to see a man beheaded, twenty in all, and Bran rode among them, nervous with excitement.

    Ce qui donne chez Sola :

    Dès l’aube, alors qu’ils se mettaient en route pour assister à l’exécution, un petit froid limpide et sec leur avait dénoncé la fin prochaine de l’été. Ils étaient vingt, et Bran exultait de se trouver des leurs pour la première fois.

    Ce qui me dérange, c’est aussi le bouleversement total des propositions de l’anglais au français; l’ordre du récit aurait pu être conservé en donnant quelque chose comme ça :

    C’était un début de matinée limpide et fraîche dont l’air vif esquissait (furtivement ?) la fin de l’été. Ils étaient vingt en tout à s’être mis en route dès l’aube…

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    #31624
    Nymphadora
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    Je n’ai jamais entendu parler de telles crispations autour de la langue dans les pays anglo-saxons.

    Les débats autour du « queen’s english » sont pourtant légion. Je pense que tu amalgame énormément parce que d’une part, la langue anglaise est plurielle (l’américain n’est pas la même langue que l’anglais, l’irlandais, l’australien…), ce qui fait qu’effectivement c’est plus compliqué de tirer une tendance générale de « l’approche collective de la langue dans les pays anglo-saxons » et que d’autre part, c’est clairement pas le genre de choses qui passent les frontières, ce genre de débat. Mais les british ont leurs équivalents du vieux barbon de l’Académie Française. Un exemple : https://www.economist.com/blogs/prospero/2010/09/language_rules

    WE’VE heard the grumbles about the standards of English declining in schools. We’ve read the amusing anecdotes about grammar vigilantes who correct signposts by night, and the furore sparked by some UK councils banning the use of apostrophes in road signs “to avoid confusion”.

    ~~ Always ~~

    #31627
    Ysilla
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    Avec des débats enflammés autour de la langue dans les médias tels qu’on peut les connaître en France ?

    je généralise sans doute un peu rapidement pour la langue anglaise mais pour ce qui concerne le français, la question du style  est toujours une question très polémique. Et on accorde peu de place à l’évolution du français hors de France métropolitaine (Québec, Belgique, Afrique, Antilles ….)

    Le site de l’Académie française n’a pas de pages dédiée – bonjour la francophonie – alors qu’en Espagne, le site de la Real Academia a carrément un dictionnaire des américanismes ainsi qu’un outil pour aider tout hispanisant à déterminer ce qui se dit ou ne dit pas  qu’il soit américain du sud ou espagnol : Diccionario panhispánico de dudas

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    #31628
    Obsidienne
    • Pisteur de Géants
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    Petit grain de sel d’une profane en matière de linguistique.

    La grande différence que je vois entre les deux langues, est que l’anglais est beaucoup plus imprécis : personnellement, je ne comprend souvent une phrase que d’après son contexte, un même mot pouvant avoir des significations variées suivant les circonstance.

    Le français par contre, est un outil de précision.

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
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    #31633
    Tizun Thane
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    Ecrire:

    « la meuf était une grosse mocheté »

    ou

     » la femme était laide »

    ou

     » la jeune femme était dépourvue de tout agrément » transmet en gros la même information, mais le champs syntaxique et lexical n’est tout simplement pas le même. Or, le principal reproche fait à Sola est d’avoir changé le champ syntaxique et lexical du texte, le rendant plus difficile d’approche.

    Dire « Arya était accroupie » ou « Arya était assise à croupeton », ce n’est pas la même chose.

    #31636
    Rosie132
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    Je reste persuadé qu’une traduction fidèle (pas besoin d’être « hyper ») et respectueuse de l’esprit de l’œuvre originale serait certainement très agréable à lire. 

    … alors faire du froid un sujet inanimé concret, c’est limite car le froid manque de contours, de plus « dénoncer » est archaïque dans ce sens inutilement : annoncer, figurer, présager, augurer auraient pu faire l’affaire.

    The morning had dawned clear and cold, with a crispness that hinted at the end of summer. They set forth at daybreak to see a man beheaded, twenty in all, and Bran rode among them, nervous with excitement.

    Ce qui donne chez Sola :

    Dès l’aube, alors qu’ils se mettaient en route pour assister à l’exécution, un petit froid limpide et sec leur avait dénoncé la fin prochaine de l’été. Ils étaient vingt, et Bran exultait de se trouver des leurs pour la première fois.

    Ce qui me dérange, c’est aussi le bouleversement total des propositions de l’anglais au français; l’ordre du récit aurait pu être conservé en donnant quelque chose comme ça : C’était un début de matinée limpide et fraîche dont l’air vif esquissait (furtivement ?) la fin de l’été. Ils étaient vingt en tout à s’être mis en route dès l’aube…

    Bien d’accord avec vos analyses et arguments. Non seulement l’ordre du récit de cette phrase n’a pas été conservé mais quelques mots n’ont même pas été traduits correctement et ont été remplacés, par exemple :

    to see a man beheaded a été remplacé par : assister à l’exécution. 

    and Bran rode among them, nervous with excitement a tété remplacé par : et Bran exultait de se trouver des leurs pour la première fois.

    Bran a-t-il vraiment « exulté » ? Ayant lu la saga en français, je ne m’étais jamais préoccupée de la traduction. Mais suite à vos interventions, là je suis franchement étonnée. Je me suis donc amusée à traduire cette fameuse phrase dans l’ordre et de façon littérale. Voici ce que ça donne :

    Texte original :

    The morning had dawned clear and cold, with a crispness that hinted at the end of summer. They set forth at daybreak to see a man beheaded, twenty in all, and Bran rode among them, nervous with excitement.

    Ma traduction :

    Le matin était clair et froid, avec une fraîcheur qui laissait présager la fin de l’été. Ils partirent à l’aube pour voir un homme décapité, vingt en tout, et Bran monta parmi eux, nerveux et excité.

    Texte trop plat, me diriez-vous, enfantin même, trop simple, pas assez de relief, style un peu lourd ? Peut-être, mais au moins la traduction est fidèle et l’ordre de la phrase est respecté. Après, je peux comprendre que la traduction de toute une oeuvre et de centaines de pages ne peut pas se faire de façon aussi simple. C’est pourquoi, selon moi, les traducteurs de GRRM ont apporté leur style, intégré leurs connaissances de la langue anglaise et ajouté leurs frioritures pour rendre le récit plus vivant et plus littéraire.

    
    

     

     

    #31643
    Odeon
    • Pas Trouillard
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    Le matin était clair et froid, avec une fraîcheur qui laissait présager la fin de l’été. Ils partirent à l’aube pour voir un homme décapité, vingt en tout, et Bran monta parmi eux, nerveux et excité.

    Très proche de la version originale mais complètement plat je confirme ! Autant la partie sur la météo passe mais pour la deuxième l’ordre est bizarre et il aurait mieux falue écrire « pour voir un homme se faire décapiter » afin de ne laisser aucune ambiguïté.

    N'est pas mort ce qui à jamais dort et au long des ères étranges peut mourir même la Mort .

    #31646
    Rosie132
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    Le matin était clair et froid, avec une fraîcheur qui laissait présager la fin de l’été. Ils partirent à l’aube pour voir un homme décapité, vingt en tout, et Bran monta parmi eux, nerveux et excité.

    Très proche de la version originale mais complètement plat je confirme ! Autant la partie sur la météo passe mais pour la deuxième l’ordre est bizarre et il aurait mieux falue écrire « pour voir un homme se faire décapiter » afin de ne laisser aucune ambiguïté.

    [/quote]

    « pour voir un homme se faire décapiter » : Effectivement, c’est un bon point.

    Pour le reste, j’ai bien mentionné et précisé que mon exercice en était un de traduction littérale et dans le même ordre que l’original. Il n’y a donc aucune prétention de ma part d’avoir trouvé la meilleure traduction.

    #31647
    Obsidienne
    • Pisteur de Géants
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    …problème de temps aussi . La chevauchée est longue donc « Bran montait » et non « monta » ( et « chevauchait » serait encore préférable)

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #31649
    Rosie132
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    …problème de temps aussi . La chevauchée est longue donc « Bran montait » et non « monta » ( et « chevauchait » serait encore préférable)

    Merci Obsidienne. Effectivement, « chevauchait » aurait été préférable. Et l’on pourrait continuer comme ça, encore longtemps, en apportant chacun notre petit grain de sel pour améliorer cette seule phrase. Comme quoi, la traduction n’est vraiment pas quelque chose d’aisé.

    Tout de même, grâce à vos suggestions voici ce que ça donnerait :

    Le matin était clair et froid, avec une fraîcheur qui laissait présager la fin de l’été. Ils partirent à l’aube pour voir un homme se faire décapiter, vingt en tout, et Bran chevauchait parmi eux, nerveux et excité.

    Ma foi, ça m’a l’air correct. Qu’en pensez-vous ?

    #31662
    Ysilla
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    Bran rode among them, nervous with excitement.

    Là Rosie, on est en plein dans les liens syntaxiques  implicites en anglais.

    Grammaticalement nervous est un adjectif apposé à Bran, sans que soit explicité   pourquoi Bran is nervous with excitement.

    Mais il y a bien un lien de cause à effet que le français préférera expliciter.  Dans la traduction de Jean Sola, ce qui chiffonne c’est qu’il a déplacé  l’unité This was the first time  de he had been deemed …pour la rattacher à among them qui précède.

    Au fond, ça ne change pas fondamentalement la traduction et Sola peut expliciter le lien de cause implicite en anglais (je parlais dans un post précédent de la langue ramassée de Martin).

    Les raisons sont à chercher dans ce qui est avant : to see a man beheaded / assister à une décapitation et aussi dans ce qui suit immédiatement : This was the first time he had been deemed old enough […]to see the king’s justice done.

    Ce qui est embêtant, c’est que Sola bouleverse sans véritable raison les phrases en vo, alors qu’il est aisé de respecter à peu près le flux anglais.

    Ce qui pourrait donner : Bran chevauchait parmi eux, tout fébrile d’excitation parce que, pour la première fois, on l’avait jugé assez grand pour contempler la justice du roi, aux côtés du seigneur son père et de ses frères. 

    Et encore, je vais critiquer  la fin de ma propre trad. : la phrase en vo s’achève sur le brutal et définitif :the king’s justice done ; done tombe en fin de phrase comme un couperet et la version de Sola respecte ça en se terminant sur roi.

    Mais en fait see…. king’s justice done c’est un peu plus précis que contempler qui invite à la méditation. D’ailleurs peut-on dire en français que l’on va contempler la justice ?

    Le tour anglais est une périphrase, ça tourne autour du pot : la justice du roi  est rendue, je pense que comme en français c’est une expression lexicalisée, c’est à dire toute faite, bien pratique pour ne pas voir ce que recouvre la réalité : le décollement d’une tête.

    Ça exprime bien les sentiments contradictoires de Bran : excitement /man beheaded  et nervous qu’on peut associer au bien prudent king’s justice done.

    Allez essayer de rendre cette ambivalence dans la traduction ; je suppose que l’emploi du bizarre contempler est la tentative de Sola. L’art est difficile, disait avec justesse Polybe.

    Après, ça peut relever de l’enculage de mouche à vitesse supersonique. 😉 mais c’est distrayant d’essayer ! Personnellement, je n’ai pas trouvé de solution alternative satisfaisante à contempler la justice du roi.

     

     

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #31666
    Obsidienne
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    … » voir la justice du roi s’appliquer . »

    Là, ça « tombe » aussi (comme le chef de l’exécuté ) J’adore sodomiser les Diptères !

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #31668
    Ysilla
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    J’adore sodomiser les Diptères !

    Alors nous sommes au moins deux ! 🙂

    voir la justice du roi s’appliquer

    Ah c’est pas mal du tout ! J’aime bien !

    Bran chevauchait parmi eux, tout fébrile d’excitation parce que, pour la première fois, on l’avait jugé assez grand pour voir, aux côtés du seigneur son père et de ses frères, s’appliquer la justice du roi ou la justice du roi s’appliquer.

     

     

    "L'imaginaire se loge entre les livres et la lampe...Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire."

    #31675
    Obsidienne
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    Nous permettrons nous d’alléger en remplaçant « parce que » par : ?

    Bran chevauchait parmi eux, tout fébrile d’excitation : pour la première fois, on l’avait jugé assez grand pour voir, aux côtés du seigneur son père et de ses frères, la justice du roi s’appliquer.

     

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
    " Ouinshinshoin, ouinshinshishoin " ( Donald Duck, 1934)

    #31679
    Rosie132
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    Bran rode among them, nervous with excitement.

    Là Rosie, on est en plein dans les liens syntaxiques implicites en anglais. Grammaticalement nervous est un adjectif apposé à Bran, sans que soit explicité pourquoi Bran is nervous with excitement. Mais il y a bien un lien de cause à effet que le français préférera expliciter.  …

    J’aime bien ton réquisitoire sur les liens syntaxiques implicites en anglais. C’est bien vu. Toutefois, un mot me dérange : je veux bien accepter « fébrile d’excitation », mais « exulter » est à mon sens non approprié :

    Définition du dictionnaire : Exulter : éprouver une joie débordante qui se manifeste sans retenue. Bran, a-t-il « exulté » ? Personnellement, je ne crois pas.

    #31689
    Ysilla
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    Nous permettrons nous d’alléger en remplaçant « parce que » par : ? Bran chevauchait parmi eux, tout fébrile d’excitation : pour la première fois, on l’avait jugé assez grand pour voir, aux côtés du seigneur son père et de ses frères, la justice du roi s’appliquer.

    Bien sûr, Obsidienne, c’est plus léger et plus élégant ; et puis le français utilise aussi les liens implicites. L’association de matières grises donne toujours de bien meilleurs résultats ! 🙂

    Achèverions-nous à nous deux une nouvelle traduction de ASOIAF avant la sortie de TWOW ?

    je veux bien accepter « fébrile d’excitation »

    C’est ma traduction personnelle de nervous with excitement  et elle ne rend qu’imparfaitement compte de l’anxiété de Bran parce que ma traduction donne l’impression qu’il est agité uniquement à cause de l’excitation alors que je suis persuadée qu’il y a un jeu d’opposition entre nervous : agité, inquiet et excitement : impatience, surexcitation.

    edit : j’ai joué sur le fait que fébrile en français veut tout autant dire anxieux -connotation péjorative – qu’impatient, soumis à un sentiment intense – connotation positive.

    « exulter » est à mon sens non approprié :

    Ça c’est Sola, et je suis bien d’accord avec toi : Sola a surinterprété excitement.

    J’aime bien ton réquisitoire sur les liens syntaxiques implicites en anglais

    .

    Ce n’est pas une accusation contre l’anglais mais le simple constat que ces deux langues ne fonctionnent pas du tout de la même façon, ce qui n’enlève rien au génie propre aux deux langues.

    On est par exemple conduit en français à interpréter un « and ».

    ex : He knelt and watched the bug qu’on traduira par il se mit à genoux pour observer la bestiole.

    L’anglais préfère énoncer les actions dans l’ordre chronologique là où le français cherche à les hiérarchiser : la seconde action est le but de la première.

    Mais aucune des deux façons d’écrire n’est dans l’absolu préférable à l’autre : ça dénote simplement une façon différente de voir les choses chez un anglais et chez un français.

     

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    #31693
    Obsidienne
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    L’association de matières grises donne toujours de bien meilleurs résultats ! 🙂 Achèverions-nous à nous deux une nouvelle traduction de ASOIAF avant la sortie de TWOW ?

    C’est parti ! Euh…Je veux dire…Très volontiers ; ce sera un honneur, Soeur Ysilla !

    "Vé ! " (Frédéric Mistral, 1830-1914)
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