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FeyGirl, le il y a 11 heures et 52 minutes.
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4 février 2025 à 11 h 57 min #209573
Nymphadora
- Vervoyant
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Le Château de Hurle (Howl’s Moving Castle) de Diana Wynne Jones
Quel conte absolument charmant ! On fleurte avec le Magicien d’Oz, avec pourtant une magie totalement propre au livre, qui nous amène dans un monde magique rempli de personnages hauts en couleur et de charmantes trouvailles. J’ai retrouvé un peu de mon émerveillement d’enfant au travers des pages, en suivant Sophie et son caractère bien trempé, Hurle cet énergumène inclassable, et Calcifer si touchant. C’est à la fois un conte qui nous amène dans les contrées confortables de la magie enfantine, mais aussi et surtout qui nous emporte et nous plonge dans des couleurs, des bruits, des odeurs… tout en racontant aussi de jolies choses sur l’acceptation de soi et sur le fait de se confronter à ses propres démons.
J’ai vu un nombre non négligeable de fois la version Miyazaki, mais le roman m’a quand même apporté bien des surprises. L’univers onirique de Miyazaki se marie évidemment parfaitement au conte originel, et à la lecture, on n’est pas surpris qu’il ait été envouté au point de vouloir en faire sa version, mais il en fait sa version, et le conte originel compte plein de petites péripéties qui lui sont propres et qui sont charmantes à suivre. Bien sûr, les images de Miyazaki me venaient tout de même en tête à la lecture, je ne pouvais pas ne pas visualiser Calcifer, ou le château ambulant, mais la plongée m’a permis de redécouvrir l’histoire, qui a tout autant de charme sur papier qu’à l’écran.
Vraiment une lecture complètement doudou !
~~ Always ~~
4 février 2025 à 16 h 30 min #209585Jon
- Pas Trouillard
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Ce mois de janvier, entre deux lectures pour les Manuscrits de Mestre Aemon (le premier tome de la Roue du Temps, de Robert Jordan (replay) et Bpocalypse, d’Ariel Holzl (replay)), j’ai quand même eu le temps pour deux autres petites lectures :
Tout d’abord, So this is ever after, de FT Lukens. Le héros prophétisé, accompagné de son mage, sa guerrière, sa barde, sa voleuse, et son chevalier, a tué le vil usurpateur maléfique qui faisait régner la terreur sur le royaume depuis quarante ans. Et maintenant, quoi ? Maintenant, le héros devient roi un peu malgré lui, et le groupe doit subitement diriger le royaume. Mais surtout, une loi magique impose au roi d’être lié à une âme soeur pour pouvoir régner… Le héros a trois mois pour trouver la personne qui partagera sa vie, ou disparaîtra… Problème : il est fou amoureux de son mage, avait prévu de lui annoncer à la fin de leur quête, mais ne veut plus lui dire pour que son ami ne se sente pas obligé de lui dire oui « juste » pour lui sauver la vie…
Petite lecture mignonne et légère, dans laquelle les quiproquos s’enchaînent mais tout en étant compréhensibles et crédibles ; pas mal de scènes sont assez drôles, et les personnages du groupe sont très attachants. J’ai aussi bien aimé qu’on ne laisse pas complètement de côté la problématique de gestion du royaume post-traumatisme, même si c’est bien sûr secondaire sur la quête de l’amouuur ^^
J’ai trouvé que le tout tirait un peu en longueur sur la fin, mais ça restait tout à fait divertissant 🙂Et ensuite, Mongrels, de Stephen Graham Jones (Galeux en VF), recommandé par @melt527 dans le cadre du Challenge, et sur lequel j’ai un peu plus lutté. J’ai trouvé le style très compliqué à lire (en tout cas en VO), j’étais souvent perdu sur ce qu’il se passait et pourquoi. Les choses sont peu expliquées, beaucoup de sous-entendus, d’implicite, dans les réactions des protagonistes. La timeline est aussi difficile à suivre, avec beaucoup d’aller-retours, de flashbacks, mais aussi de références à d’autres événements… C’est assez désorientant, et je n’ai pas vraiment réussi à passer outre, ce qui fait que j’ai eu du mal à m’investir émotionnellement dans le personnage central, un ado qui grandit et se cherche, dans un cadre compliqué de famille populaire plus ou moins vagabonde – famille de loups-garous, au mode de vie très « yolo » si je puis dire ^^
Le rythme est également déroutant, avec un mélange de scènes intenses, de scènes oniriques, de scènes contemplatives…
J’en suis ressorti en me disant que ça n’était probablement pas pour moi ^^’6 février 2025 à 21 h 47 min #209600FeyGirl
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La Dame aux dragons (la ballade de Pern), d’Anne McCaffrey
ordre de parution => tome 7, ordre chronologique => tome 4
Genre : Science-Fantasy.
Première édition : 1990 en VF (Moreta: Dragonlady of Pern, 1983 en VO).
Quelques siècles avant les tomes précédemment publiés : la planète Pern subit de plein fouet une Chute de Fils, qui doit durer encore huit années. Pour mémoire, les Fils descendent d’une autre planète quand elle s’approche de Pern, tous les deux cents ans, et brûlent tout sur leur passage. Dans cette société préindustrielle de descendants d’un vaisseau échoué et coupé du reste de l’humanité, les Chevaliers détruisent les Fils grâce à leurs dragons.
C’est une journée de Fête au Fort de Ruatha. Le jeune Seigneur Alessan, récemment veuf, reçoit avec faste. Les coureurs, descendants de chevaux, s’affrontent lors de courses pour la plus grande joie des invités et notamment de Moreta, la Dame du Weyr de Fort venue avec son dragon-or. Mais des animaux et des convives commencent à se sentir mal. En quelques jours, une épidémie s’abat sur tout le continent méridional. Les Pernais ignorent comment la soigner et compulsent désespérément les Archives pour trouver comment les Anciens l’auraient combattue.
Moreta est l’héroïne de ce tome, la maîtresse d’une Reine (le dragon-or central dans les Weyrs). Elle a des relations tendues avec son compagnon Sh’gall (la maîtresse d’un dragon-or est obligatoirement en couple avec le maître du dragon-bronze qui a couvert le dragon-or, ce qui crée des tiraillements car Moreta est plus attirée par d’autres hommes). Le récit décrit dans le détail toutes les péripéties de Moreta, ainsi que ses relations avec les (beaucoup trop nombreux) personnages.
Si Moreta et l’évolution de ses liens affectifs et amicaux sont réussis (c’est le point fort de ce tome), l’histoire manque singulièrement de rythme, tant l’auteure va dans les détails des faits et gestes. Dès le démarrage, on patiente durant quelques chapitres avant de découvrir l’enjeu principal (le déclenchement de l’épidémie) et la suite manque de surprises à ce sujet. Heureusement, l’histoire personnelle de Moreta sauve l’intérêt, avec une fin chargée émotionnellement.
En conclusion, je suis mitigée sur ce tome : l’intrigue traîne en longueur et après la moitié du récit j’ai commencé à souffler. Cependant les relations de Moreta avec les autres personnages sont réussies, avec une plume suffisamment légère et vivante pour que l’on continue la lecture. Heureusement, le roman n’est pas épais.
10 février 2025 à 12 h 17 min #209631FeyGirl
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Un monde d’azur, de Jack Vance
Genre : Science-Fiction.
Première édition : 1970 en VF (The Blue World, 1966 en VO).
La liste des classiques de science-fiction est si immense que je n’aurai jamais fini de l’explorer. Cette fois-ci, je fais un tour du côté de chez Jack Vance, dont l’un des talents est la création de mondes exotiques, l’autre étant de nous faire vivre des aventures mouvementées.
Sur une planète-océan, de lointains descendants de fugitifs d’un vaisseau échoué vivent en autarcie sur des îles végétales dont les tiges profondes sont accrochées au sol sous-marin. Après quatre siècles, ils ont oublié leur passé ; seuls quelques textes de naufragés subsistent. Tous les produits de la mer et des îles sont exploités : la vie est paisible, et le Roi Kragen protège ce paradis…
La société est organisée en caste par métier. Les noms des castes suggèrent que les colons d’origine étaient des délinquants ou des criminels (vandales, aigrefins, faussaires, malandrins, embobineurs, etc.), pourtant l’harmonie règne. Une harmonie forcée, car des kragens (ressemblant à des calamars géants) peuvent déchirer les filets et dévaliser les réserves de nourriture. Un Pacte a donc été scellé avec le Roi Kragen, de taille colossale : il chasse les autres kragens et protège les îles, contre un tribut sous forme de nourriture. Comme dans tout monde à première vue utopique, le tableau n’est pas si rose. Les Intercesseurs forment la caste de ceux qui parlent au Roi Kragen et l’appellent en cas de besoin. Le Roi Kragen est devenu un quasi-dieu, et les Intercesseurs sont les prêtres sourcilleux du maintien des traditions nécessaires à la stabilité de la société et au respect du Pacte.
Sklar, un Transmetteur (de la caste qui assure les communications entre les îles) développe lentement et sûrement une lassitude puis un rejet de ce système sclérosé.
Comme d’habitude, Jack Vance est exceptionnel pour créer tout un monde qui excite notre imaginaire. Ici, la société est moulée sur les contraintes de son environnement, et l’ensemble est très cohérent. À noter toutefois : les personnages sont peu nuancés. Sklar, le héros du moment, n’est pas sympathique mais il est celui qui dépasse les règles séculaires. Il est animé d’une volonté du bien commun, tout en ayant un tempérament de chef. Autour de lui, on a ceux qui le suivent, ceux qui résistent, et ceux qui hésitent (comme une vraie société).
L’auteur écrit une variation sur le conflit entre les traditions et le progrès, entre les croyances et l’esprit scientifique, entre l’ordre et le désir de révolution. Certains personnages vont exploiter au maximum leurs maigres connaissances et faire preuve d’inventivité. Jack Vance développe quelques thématiques politiques avec l’envie de liberté et la soif d’apprendre, contre le risque de crispation voire de réaction des thuriféraires des traditions.
Petit bémol d’une lectrice du XXIe siècle : on pourra relever que dans ce roman publié en 1966, les couples se forment après que les hommes ont testé (sic) les femmes sur une longue période. D’ailleurs, si un homme veut prouver sa motivation, il annonce à la femme concernée qu’il désire l’épouser sans test préalable. Bref, c’est du Jack Vance. Allez, passons à autre chose.
L’aventure est au rendez-vous. Sklar et ses amis vont vivre maintes péripéties, le lecteur va s’immerger dans un monde exotique original, et même si la fin est un peu rapide, le voyage sera dépaysant et plaisant.
Ce roman est un beau moment d’évasion dans un paradis maritime où veille le Roi Kragen…
11 février 2025 à 12 h 46 min #209639FeyGirl
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Histoire de Nerilka (la ballade de Pern), d’Anne McCaffrey
(ordre de parution : tome 8, ordre chronologique : tome 5)Genre : Science-Fantasy.
Première édition : 1990 en VF (Nerilka’s Story, 1986 en VO).
Ce nouveau tome se déroule en parallèle du précédent, avec comme héroïne Nerilka que nous avions fugitivement croisée. La taille du texte en fait en réalité une novella, et on pourra regretter un titre peu inventif.
Nerilka est un des nombreux enfants du Seigneur Tolocamp. Fille mal aimée, elle est intelligente, déterminée, travailleuse, et possède des talents de guérisseuse qui vont s’avérer précieux lors de la grande épidémie. Refusant d’être rabaissée par une belle-mère plus jeune et très ambitieuse, Nerilka s’enfuit, déguisée en servante.
Cette courte histoire se lit d’un trait. Elle ne peut être comprise que si on a lu récemment La Dame aux dragons, car nombre d’événements sont à peine évoqués alors qu’ils ont un impact sur Nerilka ou ceux qui l’entourent.
Même si nous connaissons le destin de Nerilka grâce au tome précédent, c’est un plaisir de retrouver des personnages secondaires. L’histoire appuie ici davantage sur le temps de la reconstruction après la crise, qui était éludée dans la Dame aux dragons.
Soyez prévenus : la dernière partie est une romance. Romance certes nuancée par des caractères forgés par la tragédie et peu enclins au bonheur, mais romance quand même.
En conclusion : une novella plaisante à lire même si elle n’apporte rien à la saga. On est ici pour le plaisir de retrouver Pern et ses habitants.
17 février 2025 à 17 h 58 min #209671FeyGirl
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Poisson Poison, de Ned Beauman
Genre : Science-Fiction.
Première édition : 2025 en VF (Venomous Lumpsucker, 2022 en VO).
Pour ce début d’année, Albin Michel Imaginaire nous propose un roman qui a reçu le prix Arthur C. Clarke : une science-fiction d’anticipation sur de la destruction des espèces par l’homme.
Mer Baltique, dans un futur proche. Karin Resaint étudie pour le compte d’une société minière le lompe venimeux, un poisson moche et en voie d’extinction. Son but ? Déterminer si l’espèce est intelligente. Car dans ce futur un brin déprimant, on a inventé les crédits d’extinction, à l’image des crédits carbone. Vous tuez les derniers représentants d’une espèce ? Il vous en coûtera un crédit d’extinction, dont le prix varie selon la loi de l’offre et la demande. Et si l’espèce est intelligente, vous devrez dépenser treize crédits d’extinction. Resaint est comblée : le lompe venimeux possède des caractéristiques stupéfiantes d’intelligence. Mais un accident provoqué par la société minière détruit le dernier habitat du lompe venimeux.
Mark Halyard est un cadre supérieur de la société minière. Il a « un peu » magouillé sur les crédits d’extinction dans le dos de son employeur, avec le système des ventes à terme. Ce devait être un gain facile. Pari perdu, un attentat fait exploser le coût des crédits d’extinction qu’il ne peut pas racheter. Il faut donc à tout prix que le lompe venimeux ne soit pas éteint. Ce voyou en col blanc va rencontrer Karin Resaint, qui est son seul espoir pour éviter la prison. Ces deux personnages, a priori antagonistes, vont parcourir le nord de l’Europe à la recherche effrénée du lompe venimeux, s’il en reste encore.
Ned Beauman imagine un système financier autour du crédit d’extinction, aussi froid et calculateur que le crédit-carbone. La mécanique est cynique et rentable. Dans ce monde où on a renoncé à empêcher totalement l’extinction des espèces, on compense par l’argent et par la numérisation de leurs connectomes (plan neuronal du cerveau), sous prétexte que le connectome serait la substantifique moelle des espèces vivantes : elles ne seraient donc pas totalement disparues. On se donne bonne conscience avec un concept technologique fragile. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner, hein ?
Le roman est dense, foisonnant, et grinçant. Ned Beauman multiplie les digressions, toutes intéressantes, sur la fragilité des espèces et exprime sa fascination pour le miracle de l’évolution. Des millions d’années ont donné naissance à des êtres vivants souvent étonnants. Il souligne à juste titre que nous sommes plus sensibles au sort du panda géant qu’au destin de quelconques oiseaux ou insectes, moins spectaculaires mais tout aussi précieux et qui disparaissent sans que nous levions un sourcil : nous n’avons même pas connaissance de leur extinction.
Les deux protagonistes sont pétris de contradictions, et donc très humains. Resaint est une biologiste qui se passionne pour les animaux mais travaille pour une société qui les détruit, et sa personnalité qui mériterait une solide psychothérapie. Halyard, quant à lui, est à première vue un cadre cynique et égoïste, mais on sent des failles dans cette carapace de financier amoureux de la bonne chère, surtout celle qui n’existe plus dans ce futur où les espèces les plus prisées des gastronomes sont éteintes.
C’est un roman intelligent : le message militant est évident, mais jamais lourdement asséné. L’auteur a préféré nous parler d’espèces fascinantes et montrer l’immoralité de certains humains. Quelques actes d’un nombre restreint de personnes suffisent pour entraîner des dégâts considérables. Nous suivons deux « héros » improbables qui vont tout tenter pour un poisson moche et venimeux, mus par des motivations pas si idéalistes. Leur quête mouvementée est rondement menée, et le lecteur se rend compte que des événements a priori accessoires ont une grande importance, comme dans les enquêtes policières les plus solides.
En conclusion, un roman d’anticipation dont le fil conducteur dessine le tableau d’une humanité cynique et égoïste qui détruit son environnement en toute conscience, à travers une histoire riche et mouvementée dans les eaux de la mer Baltique, puis sur les terres du « Royaume Ermite » que je vous laisse découvrir.
28 février 2025 à 18 h 10 min #209841FeyGirl
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L’Homme qui n’existait plus, de Léafar Izen
Genre : Science-Fiction.
Première édition : 2025.
Léafar Izen revient en ce début d’année avec un roman d’anticipation, se déroulant dans un futur très proche, à Paris et ses environs.
Anto est le directeur commercial d’une agence de publicité qui « augmente la réalité » : elle profite de ce que tout le monde, ou presque, porte en permanence des lunettes de réalité virtuelle ou « smart-glass ». L’addiction aux smart-glass rappelle celle que nous connaissons avec les smartphones : ceux qui l’entourent sont absorbés par ce que leur montrent leurs smart-glasses. Quel plaisir de voir le monde plus beau, le ciel plus bleu, les rues plus jolies et sans les cendres omniprésentes, les mannequins des affiches publicitaires qui esquissent un geste tendre vers vous…
Mais un jour, en se rendant au bureau, Anto a un malaise. Pas grand-chose, il ne s’évanouit que quelques minutes. Quand il reprend ses esprits, le monde a changé pour lui, et il ne le sait pas encore. Il a perdu ou il s’est fait voler ses papiers, ses cartes bancaires, la carte SIM de son smart-glass et ses clefs. Dans le hall d’accueil de son travail, l’accès ne reconnaît pas l’iris de ses yeux. La standardiste et l’assistante de direction ne le reconnaissent pas non plus. Il arrive à contacter ses proches amis, mais eux non plus ne le reconnaissent pas. Pire, ils s’imaginent qu’il est un mauvais plaisantin ou un cambrioleur. Anto se persuade d’être au cœur d’un jeu de téléréalité et qu’il doit prouver son identité. Mais comment faire dans un monde où il faut un identifiant pour toute démarche, où même un identifiant universel ID (une identité numérique) est nécessaire pour louer quelques minutes de connexions dans un cybercafé ?
Dès les premières pages de ce roman, on retrouve une plume très agréable, on plonge dans un univers si proche du nôtre, avec ces petits riens familiers, on croit volontiers à cette foule accro aux smart-glasses.
Les difficultés d’Arno sont accrues dans un univers encore plus dépendant des connexions authentifiées que le nôtre. Anto n’a jamais existé pour personne, et il n’a jamais existé non plus pour les systèmes informatiques qui sont devenus le socle de la société. Dans ce cauchemar des temps modernes, il tente d’abord de survivre alors qu’il n’a pas accès à ses comptes bancaires et qu’il veut retrouver sa vie. Son aventure va profondément le transformer, l’éloigner de ce qu’il tenait pour acquis, et l’écarter de ce qui était par trop futile dans son quotidien rangé et privilégié.
Ce roman se lit d’une traite, d’autant plus qu’il est court et que les péripéties sont nombreuses. La plume agréable se met au service d’un miroir sur la superficialité de nos habitudes. Cette fable souligne avec justesse les excès des systèmes numériques — et leur « sécurisation » — dans nos existences : si on n’existe plus dans les bases de données, on n’existe plus tout court.
2 mars 2025 à 0 h 11 min #209851Aerolys
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Le Château de Hurle (Howl’s Moving Castle) de Diana Wynne Jones Quel conte absolument charmant ! On fleurte avec le Magicien d’Oz, avec pourtant une magie totalement propre au livre, qui nous amène dans un monde magique rempli de personnages hauts en couleur et de charmantes trouvailles. J’ai retrouvé un peu de mon émerveillement d’enfant au travers des pages, en suivant Sophie et son caractère bien trempé, Hurle cet énergumène inclassable, et Calcifer si touchant. C’est à la fois un conte qui nous amène dans les contrées confortables de la magie enfantine, mais aussi et surtout qui nous emporte et nous plonge dans des couleurs, des bruits, des odeurs… tout en racontant aussi de jolies choses sur l’acceptation de soi et sur le fait de se confronter à ses propres démons. J’ai vu un nombre non négligeable de fois la version Miyazaki, mais le roman m’a quand même apporté bien des surprises. L’univers onirique de Miyazaki se marie évidemment parfaitement au conte originel, et à la lecture, on n’est pas surpris qu’il ait été envouté au point de vouloir en faire sa version, mais il en fait sa version, et le conte originel compte plein de petites péripéties qui lui sont propres et qui sont charmantes à suivre. Bien sûr, les images de Miyazaki me venaient tout de même en tête à la lecture, je ne pouvais pas ne pas visualiser Calcifer, ou le château ambulant, mais la plongée m’a permis de redécouvrir l’histoire, qui a tout autant de charme sur papier qu’à l’écran. Vraiment une lecture complètement doudou !
Je me le rajoute à ma liste de livre à lire ! Je n’ai pas encore vu Le château ambulant de Miyazaki (mais je compte le voir prochainement) mais je ne savais pas que c’était tiré d’un roman. ^^
Je me rematerais Le château ambulant une fois Le Château de Hurle lu. ^^
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Cette réponse a été modifiée le il y a 1 mois et 1 semaine par
Aerolys.
Toutes les plus belles histoires commencent par une brique sur le pied.
Si Theon ouvre un bar, c'est le Baratheon.
Spoiler:7 mars 2025 à 12 h 54 min #209920Nymphadora
- Vervoyant
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Suite aux avis de Fitz et Jon, j’ai lu le premier tome de Red Rising.
Une dystopie assez classique mais qui se place dans le haut du panier.
Le tout commence globalement comme Hunger Games, mais nous amène ensuite dans un univers encore plus inspiré de l’antiquité, et nous offre une réflexion autour de la violence qui va plus loin. Pour moi, c’est le gros point fort du livre : on va très loin dans la violence, et, alors que souvent, nos héros sont grands et magnanimes, là, notre héros cède volontiers à la violence, et quand il la fuit, c’est à des fins « politiques », pour être suivi. L’approche est intéressante, et nettement plus explicite que dans d’autres récits.
Il y a des facilités et des ficelles narratives, j’ai trouvé, mais l’ensemble tient le lecteur en haleine. J’ai vu venir un certain nombre de choses de très très loin, mais j’ai lu le tout très vite, avec avidité.
Malheureusement, j’ai été quand même un poil déçue par les personnages secondaires, que j’ai trouvés très « fonctionnels » mais pas du tout incarnés. Déjà, le héros est un poil gros sabot à des moments dans ses réflexions, le rendant peu tangible, mais alors sur les personnages secondaires, c’est vraiment mifmouf. C’est à mon sens là dedans qu’on ressent le plus le côté YA de l’ensemble, avec un travail sur les personnages qui aurait mérité d’être creusé.
Il n’empêche que le tout tient très bien la route, et que je lirai volontiers la suite.
~~ Always ~~
13 mars 2025 à 10 h 07 min #209989Nymphadora
- Vervoyant
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J’ai lu In the Lives of Puppets, de TJ Klune.
Un roman tout à fait charmant, le genre de livre choupi bourré d’humanité qui rend heureux.
Ici, on est sur une réécriture SF de Pinocchio. Je dois avouer que je suis assez peu calée sur le conte (j’ai du voir le Disney petite, une fois…) donc je ne saurais me prononcer sur la qualité intrinsèque de la réécriture, mais j’ai en tout cas trouvé l’angle choisi assez malin : on est ici dans un univers étrange, où notre héros, humain, vit entouré de robots. Se pose alors la question de l’humanité, du libre-arbitre, de la conscience,… au travers de notre rapport aux robots. Une façon sympathique de revisiter le conte en le confrontant à des questionnements d’actualité, et le mélange fonctionne très bien : on reste dans un conte, avec un récit qui tient plus de la fable que du roman de SF classique, mais on se pose des questions très pragmatiques.
La grande force du roman est ses personnages et leurs rapports humains. Une famille choisie absolument charmante, où les failles de chacun sont acceptées et chéries, où la tendresse règne. C’est totalement doudou. J’ai en particulier eu un coup de cœur pour Rambo, le robot aspirateur naïf, hyper-anxieux, pipelette, un peu bêbête parfois (je pense que ça rendra d’ailleurs le personnage agaçant pour certains : moi la magie a opéré et il m’a totalement attendrie, mais je pense que l’on est sur la ligne, et que ça passe ou ça casse ^^). On prend plaisir à suivre ces personnages dans une aventure qui va nous ouvrir les tenants et aboutissants de ce drôle de monde où l’on croise plus de robots que d’hommes.
Si j’avais un bémol, je dirais que le rythme n’est pas forcément ultra maîtrisé, avec une intrigue assez linéaire qui s’essouffle par moments. Et je n’ai pas forcément été convaincue par l’intrigue de romance qui naît entre les pages, que j’ai trouvée forcée et bizarre, totalement dispensable.
Mais au final, le livre m’a touchée et j’ai pris un grand plaisir à suivre les pérégrinations de Vic, Rambo, Nurse Ratched and co. Le genre de livre qui rend heureux et fait du bien.
~~ Always ~~
17 mars 2025 à 10 h 54 min #210028Nymphadora
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Maudite : La voie des ombres, de Laetitia Lajoinie
Une chouette lecture Young Adult.
Nous suivons Liz, meneuse d’une cordée qui va devoir monter pour tuer le monstre de la montagne, qui terrorise la ville depuis une centaine d’année, le Bharal. Tous les ans, une cordée de 10 adolescents tente l’ascension. Ils ont été élevés au sein d’une académie brutale depuis leur naissance, dans ce but précis.
On est un peu à la croisée de « Everest » et des romans ado type « Hunger Games ». Et il en ressort une aventure très agréable à lire, aux enjeux nettement plus profonds qu’il n’y paraît, et où l’on aborde avec délicatesse des thèmes autour de la monstruosité et du harcèlement. J’ai trouvé l’écriture très visuelle : je me voyais avec eux sur les sommets, le froid dans les joues et la peur au corps. Et j’ai beaucoup aimé les personnages : on découvre au fil de l’aventure les compagnons de Liz avec beaucoup d’intérêt, et Liz elle-même est un personnage très chouette.
Une bonne surprise du coup : je n’en attendais pas tant, et je me suis laissée complètement emporter avec cette aventure, qui reste plutôt destinée à la jeunesse mais qui est très bien construite et que je n’ai pas lâchée.
~~ Always ~~
28 mars 2025 à 10 h 31 min #210174Nymphadora
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Rocky, dernier rivage, de Thomas Gunzig
La société s’est effondrée, mais Fred avait tout prévu : il a mis sa famille à l’abri sur une île loin de tout, avec tout le confort que l’argent pouvait lui offrir. Ils sont vraisemblablement les quatre derniers humains vivants. Et ils sont très très dysfonctionnels.
Une satire assez mordante. Ces survivalistes friqués sont imbuvables et complètement détraqués. Ce qui a un côté assez drôle. On s’amuse à suivre les réflexions désolantes de ces gens complètement hors sol. Un peu comme regarder White Lotus si on cherche des comparaisons ^^ Le style est en outre très efficace : des phrases courtes, qui claquent. Ca se lit extrêmement vite (d’autant plus que la police d’écriture est très grosse ^^ ça m’a surprise au début. Avec une police « normale » je pense qu’on est sur un court roman de 150 pages). Mais du coup, je me suis enfilé le livre très vite, et j’ai passé un bon moment. Je n’ai pas forcément apprécié la fin, que je trouve un peu convenue et pas très intéressante, mais je pense que je garderai un bon souvenir du livre.
Je vous avoue cependant que cette satire n’a pas éloigné mon éco-anxiété, et que ce livre m’a plus stressée qu’il ne m’a divertie. Mais c’est très personnel, et c’est le jeu : même sous le format comédie, l’effondrement c’est stressant ^^.
~~ Always ~~
2 avril 2025 à 15 h 33 min #210275FeyGirl
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Bifrost n°117 : dossier Harlan Ellison
Avec ce dernier numéro, nous découvrons un auteur méconnu chez nous : Harlan Ellison (1934 – 2028). Il a été peu traduit, alors qu’il a écrit des romans et de très nombreuses nouvelles. Il a aussi dirigé des anthologies qui font référence… et il a été un scénariste reconnu à Hollywood (notamment pour la télévision, avec des épisodes de Star Trek, La Quatrième Dimension, Au-delà du réel, Babylon 5 : excusez du peu !). Engagé, le bonhomme paraît surtout avoir été « une personnalité » : exigeant et soupe au lait. L’histoire de sa vie est assez mouvementée !
C’est toujours avec un intérêt renouvelé que je lis les critiques des dernières parutions en SFFF et les quelques articles sur la SF (les drogues aphrodisiaques en SF) ou le milieu (l’éditeur de Flatland).
Passons aux quatre nouvelles de ce numéro :
Capsule d’urgence, d’Alastair Reynolds (Trauma Pod, 2012 en VO). Mike se réveille enfermé dans une capsule d’urgence, au milieu d’un champ de bataille. Soldat d’un futur proche, il est grièvement blessé et ne peut pas être évacué dans l’immédiat. Le robot d’urgence veille à ses côtés. À l’intérieur de la capsule, des mains artificielles — commandées à distance par une chirurgienne — commencent à soigner Mike. Une nouvelle d’anticipation qui joue sur le thème de l’interface homme-machine et ses travers en cas de crise. Plutôt pas mal.
L’âge des tempêtes, de Thomas Day. Dans un futur proche, notre monde est régulièrement en proie à des tempêtes causées par le réchauffement climatique. Medhi est sexothérapeute pour de jeunes femmes handicapées. Aujourd’hui, il se rend pour la première fois dans un immeuble ultra-sécurisé de luxe. Illana veut qu’il s’occupe de sa fille, autiste non verbale. Un sujet délicat et dérangeant que l’auteur réussit à traiter franchement tout en conservant la sensibilité nécessaire devant cette détresse humaine. Une nouvelle marquante.
Jeffty a cinq ans, d’Harlan Ellison (Jeffty is Five, 1977 en VO) : la nouvelle de l’auteur à qui ce Bifrost est consacré, et l’occasion de le découvrir. Donny et Jeffty se connaissent depuis l’âge de cinq ans, à la fin des années 1940. Donny grandit, mais Jeffty a toujours cinq ans. Donny a maintenant vingt-deux ans, tandis que Jeffty reste un jeune enfant de corps et d’esprit. Les parents de Jeffty prennent du recul devant cet enfant qu’ils ne comprennent pas. Donny, lui, continue à le considérer comme son ami d’enfance. Cette nouvelle est une plongée dans l’Amérique de l’après-guerre, où tout semblait plus simple, et presque plus enfantin. Les références à la pop culture ajoutent une forte teinte de nostalgie à cette atmosphère fantastique, avec ce Jeffty qui ne grandit pas. Le personnage touche le lecteur : il est coincé dans un monde qui n’existe plus, ses parents se résignent et ne peuvent lui donner tout leur amour, tout en regrettant d’avoir eu ce fils… Seul Donny va entrer dans l’univers de Jeffty, le comprendre et l’aimer, jusqu’à une fin très poignante. Une réussite.
Joe 33 %, de Suzanne Palmer (Thirty-Three Percent Joe, 2028 en VO). Joe est un piètre soldat. Il a déjà 33 % de pièces artificielles. C’est le destin des soldats : être blessé et voir ses membres abîmés être remplacés, ou mourir. Mais les pièces artificielles sont connectées. Elles parlent entre elles. Joe échange seulement avec CC, le Coude Cybernétique. La Rate n’est jamais contente. L’œil, la jambe et le cœur ont leurs propres idées. Ils sont programmés pour améliorer les performances de Joe, mais aussi le protéger. Ce qu’ils feront avec des biscuits et un grille-pain… Une nouvelle qui ne manque pas d’humour, sur fond de guerre sanglante. Étonnant, amusant, même si quelques passages techniques ont une prose plus lourde (c’est peut-être voulu). Une note positive pour terminer ! Cette nouvelle met l’eau à la bouche pour la parution prochaine en France de son roman La Vie secrète des robots.
2 avril 2025 à 17 h 44 min #210277DNDM
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Harlan Ellison (1934 – 2028)
Ralala ces auteurs de Science-fiction, ils s’embrouillent un poil à force de voyages dans le temps, et spoilent même leur mort.
Jeffty a cinq ans, d’Harlan Ellison (Jeffty is Five, 1977 en VO) : la nouvelle de l’auteur à qui ce Bifrost est consacré, et l’occasion de le découvrir. Donny et Jeffty se connaissent depuis l’âge de cinq ans, à la fin des années 1940. Donny grandit, mais Jeffty a toujours cinq ans. Donny a maintenant vingt-deux ans, tandis que Jeffty reste un jeune enfant de corps et d’esprit. Les parents de Jeffty prennent du recul devant cet enfant qu’ils ne comprennent pas. Donny, lui, continue à le considérer comme son ami d’enfance. Cette nouvelle est une plongée dans l’Amérique de l’après-guerre, où tout semblait plus simple, et presque plus enfantin. Les références à la pop culture ajoutent une forte teinte de nostalgie à cette atmosphère fantastique, avec ce Jeffty qui ne grandit pas. Le personnage touche le lecteur : il est coincé dans un monde qui n’existe plus, ses parents se résignent et ne peuvent lui donner tout leur amour, tout en regrettant d’avoir eu ce fils… Seul Donny va entrer dans l’univers de Jeffty, le comprendre et l’aimer, jusqu’à une fin très poignante. Une réussite.
Lu aussi en 2018 dans le cadre du marathon Prix Hugo. C’était 3 mois après la mort de l’auteur selon wikipedia (mais je préfère la version de Feygirl). J’ai largement oublié la nouvelle depuis, y compris sa fin.
- 1978, Harlan Ellison, « Jeffty Is Five »
Une nouvelle déprimante sur le temps qui passe, ou ne passe pas. Plein de prix, même élue en 1999 meilleure histoire courte de tous les temps par un sondage en ligne des lecteurs du Prix Locus. Pas ma préférée, perso.
Auteur de "Les mystères du Trône de Fer", tome I, co-auteur du tome 2: https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-les-mots-sont-du-vent/ & https://www.lagardedenuit.com/forums/sujets/les-mysteres-du-trone-de-fer-2/
Présentation & autres pub(lications) : www.lagardedenuit.com/forums/sujets/presentation-dndm/3 avril 2025 à 16 h 01 min #210298FeyGirl
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Harlan Ellison (1934 – 2028)
Ralala ces auteurs de Science-fiction, ils s’embrouillent un poil à force de voyages dans le temps, et spoilent même leur mort.
Rhoooo … oupsi
- 1978, Harlan Ellison, « Jeffty Is Five »
Une nouvelle déprimante sur le temps qui passe, ou ne passe pas. Plein de prix, même élue en 1999 meilleure histoire courte de tous les temps par un sondage en ligne des lecteurs du Prix Locus. Pas ma préférée, perso.
C’est toujours amusant de voir les différences d’appréciation selon les lecteurs
(j’ai adoré la nouvelle).
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Cette réponse a été modifiée le il y a 4 jours et 11 heures par
FeyGirl.
4 avril 2025 à 11 h 11 min #210311Quintus Cularo
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Je reposte ici mon avis général sur la série Small Space (j’aime pas ce nom je l’avoue) de Katherine Arden.
Cette saga suit Ollie, une jeune fille brillante en deuil de sa mère, se retrouve, avec deux camarades de classe, Coco et Brian, confrontée à une entité diabolique, l’Homme qui sourit, être malfaisant et tout puissant mais semblant d’abord et avant tout motivé par le jeu (pour celles et ceux qui connaissent une sorte de Gaunter de Meuré). Parce que les trois amis sont parvenus à le vaincre une première fois, il semble décidé à prendre sa revanche et les pourchasse apparemment sans relâche.
Bon je l’ai déjà évoqué, j’ai eu un gros coup de cœur pour cette saga. J’aime la littérature jeunesse, j’adore la littérature horrifique, mais il est rare que le mélange des deux me convainc totalement, généralement parce que l’aspect jeunesse prend souvent trop le dessus. Ici ça a marché pleinement, sur les deux aspects. Je commencerai donc par ça : ce sont de bons romans d’horreur. Oui en tant qu’adulte rien qui ne nous traumatisera, mais Katherine Arden n’hésite pas à mettre en scène des passages d’épouvante assez francs et directs. Assez peu d’édulcoration, sans pour autant jamais tomber dans la surenchère gratuite (comme ce que je reproche toujours à Stephen King par exemple). Et on a plusieurs types d’horreur et plusieurs approches. En quatre tomes on a autant des pactes avec le diable, des histoires de fantômes, des histoires de monstres, du home invasion, des ambiances silencieuses et glaciales, des moments d’isolement désespérés, des scènes d’action cauchemardesques et j’en passe. Le tout avec un très bon équilibre entre prendre des gants pour ne pas traumatiser le jeune lecteur et ne rien cacher ou ne rien s’interdire. Bref un vrai amour pour l’horreur, mais consciente de son public et sans chercher à choquer pour choquer. Franchement une réussite impeccable de ce point de vue.
Bon maintenant que j’ai fini ma déclaration d’amour pour l’horreur attaquons le reste. Car il y a aussi beaucoup de bien à dire là dessus. On retrouve (comme dans j’ai l’impression 80% de la littérature jeunesse) un trio de héros. Bon je vais être franc c’est surtout une héroïne et ses deux camarades. Il y a une vraie tentative de les mettre sur un pied d’égalité et scénaristiquement ça marche plutôt bien (j’y reviendrai) mais en termes de personnage c’est Ollie qui prend toute la lumière. Et en toute honnêteté ça me va. J’évacue les deux seuls points noirs la concernant : déjà un peu trop de ce symptôme des personnages principaux qui font les choses dans leur coin sans en parler à leurs amis (là notamment justifié par le deuil). Je ne suis pas trop fan et elle le fait deux fois, c’est dommage mais pas bien gênant. De la même manière, on appuie son côté brillant de façon assez stéréotypée. Oui elle est très intelligente donc adore la lecture, les maths et les échecs. Forcément. Mais là encore je le reproche pas trop fort car, en vrai c’est pas si marqué. Oui elle adore la lecture, mais vu qu’elle a onze ans on lui fait plus lire Alice au Pays des Merveilles que le Nom de la Rose. Elle est redoutable aux échecs… pour une enfant et on nous montre qu’elle n’est pas invincible. Bref c’est une enfant intelligente mais pas une surdouée singe savante. Et on nous montre que cela vient aussi du fait qu’elle a eu un climat familial protecteur mais aussi encourageant et pédagogue. Donc ça passe très bien. Et en plus à côté de ça on nous montre qu’elle peut être sociale et empathique, pas spécialement prétentieuse. Là encore un bel équilibre qui évite à la fois le syndrome de l’enfant modèle lisse et les défauts lourdauds et artificiels. Même le deuil de sa mère est traité avec intelligence, évoluant avec le temps, nous évitant de la voir répéter inlassablement la même problématique. Bref une protagoniste attachante et réussie, que l’on suit avec beaucoup de plaisir et qui tient sans mal la saga sur ses épaules.
Bon du coup vous l’aurez compris, les choses se gâtent un peu avec ses deux camarades. Alors se sont aussi de bons personnages, également réussis et attachants, mais clairement la volonté d’en faire un trio à égalité ne marche pas vraiment. Paradoxalement leur plus gros problème vient de leurs plus grandes qualités. Il y a en effet une vraie volonté d’éviter les clichés. En effet sur le papier c’était assez facile de nous faire un trio stéréotypé. Ollie la cheffe intelligente, Coco la gentille optimiste et Brian le sportif courageux. Et oui il y a un peu de ça mais avec beaucoup d’efforts pour tempérer le tout. Du coup aucun n’est limité à un seul trait de caractère et tous les trois ont des compétences propres et plusieurs occasions de briller. Il en ressort un bon sentiment d’équipe et une belle complémentarité. Sauf que cela leur donne aussi un sentiment d’interchangeabilité et un manque de caractère marqué. C’est surtout Brian qui en souffre le plus, paraissant assez transparent au niveau de sa personnalité, là où Coco s’en sort mieux, grâce à son optimisme et surtout sa générosité et son sens du pardon.
Outre ce trio, que valent les personnages secondaires ? Là encore c’est plutôt une réussite. Les personnages adultes sont aussi assez bien traité, pour le coup avec un bon dosage de réalisme et d’excentricité. Ils ont leurs propres intrigues et leurs propres évolutions et ça marche plutôt bien. Mais le personnage qui marque le plus à l’issue de la saga c’est bien évidemment l’antagoniste principal, l’Homme qui Sourit. Je le dis tout de suite, je manque d’objectivité. J’adore les antagonistes tout puissants mais plus occupés à “jouer” qu’à détruire le monde. C’est un archétype que j’adore et qui est très bien exploité ici. Et son traitement permet de justifier des choses qui auraient sinon pu apparaître comme des incohérences ou tout du moins des facilités d’écriture. Pourquoi les héros tombent sur des fantômes, monstres et autres créatures toutes les deux semaines ? Parce qu’il les poursuit. Pourquoi eux particulièrement ? Parce qu’il a été battu et veut sa revanche ? Comment des enfants peuvent battre un être tout puissant à chaque fois ? Parce que c’est un jeu donc il leur laisse toujours volontairement des indices et une manière de le vaincre. Vous voyez le tableau. C’est très bien réalisé et ça offre un antagoniste charismatique, qui garde son aura et sa menace malgré ses multiples défaites et se paye même le luxe d’un développement dans le dernier tome qui le rend plus attachant et, j’oserai le dire, sympathique (mais bon je m’attache facilement à ce genre de personnage).
Je m’approche doucement de la fin de ma critique avec l’histoire (ou plutôt les histoires). Il faut en effet distinguer les intrigues propres à chaque roman et le fil rouge autour de l’Homme qui Sourit. Celui ci vous l’aurez compris est très bien et très intelligemment construit, sans véritable rebondissement majeur, mais juste ce qu’il faut d’approfondissement (sans partir dans l’excès d’explication et de révélation). Pour les intrigues propres à chaque roman elles bénéficient grandement de la variété de genre d’horreur proposé. Elles fonctionnent toutes bien, avec juste ce qu’il faut de rebondissements et de retournements. Petit bémol pour le dernier tome, le fil rouge prenant beaucoup plus de place, son intrigue propre se retrouvant un peu plus basique avec ses clowns effrayants et sa révélation digne d’un Chair de Poule. J’ajoute d’ailleurs que ce tome-là souffre d’une fin un peu expéditive, la conclusion d’une tétralogie avec des personnages aussi attachants aurait méritée d’être un peu plus longue. Mais je pardonne volontiers ses quelques défauts par un point que j’ai adoré au plus haut niveau et pour lequel je remercie Katherine Arden de tout mon cœur. On a, bien évidemment pour ce genre d’histoire, l’habituel question des enfants pour savoir s’il leur faut parler de ce qui leur arrive aux adultes. Bon déjà on a un bon argumentaire. Parce qu’au-delà de la question d’être cru ou pas, c’est la peur d’impliquer leurs proches et de les mettre en danger qui joue. Quelque chose que l’on peut comprendre, surtout avec un raisonnement enfantin. Mais surtout quand ça finit par arriver on a des réactions diverses mais cohérentes de la part des adultes en question qui nous amène à une jolie morale pour les jeunes lecteurs : si vous avez des problèmes, parlez-en aux adultes qui pourront vous aider. Et en miroir une toute aussi jolie morale pour les adultes : si vos enfants vous parlent de quelque chose, écoutez les et croyez les. C’est beau, c’est sain et c’est très bien mis en scène.
Bon du coup vous aurez compris que j’ai adoré la série, donc je reviendrai pas trop dessus et je me contenterai de conclure en affirmant qu’il s’agit d’un excellent exemple de littérature jeunesse horrifique et, je pense, une excellente initiation au genre de l’horreur pour le jeune public.
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Cette réponse a été modifiée le il y a 3 jours et 15 heures par
R.Graymarch.
N'est pas mort ce qui à jamais dort, mais en d'étranges ères peut mourir même la mort.
4 avril 2025 à 11 h 20 min #210312Nymphadora
- Vervoyant
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Bon du coup vous aurez compris que j’ai adoré la série, donc je reviendrai pas trop dessus et je me contenterai de conclure en affirmant qu’il s’agit d’un excellent exemple de littérature jeunesse horrifique et, je pense, une excellente initiation au genre de l’horreur pour le jeune public.
C’est vraiment alléchant !
~~ Always ~~
7 avril 2025 à 15 h 57 min #210333FeyGirl
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Après tout, d’Ian Soliane
Genre : Science-Fiction.
Première édition : 2024.
Sa femme est morte. Il vit à nouveau avec sa femme.
Claire a vécu une lente fin et elle est morte. Elle était atteinte de la SLA (sclérose latérale amyotrophique, ou maladie de Charcot). Après son décès, son mari a acheté une copie artificielle de Claire. La nouvelle Claire ressemble comme deux gouttes d’eau à l’ancienne, elle aime les mêmes choses et se comporte presque comme elle. Un être qui est comme Claire, qui parle, mange, vibre comme Claire, qui se réjouit comme Claire.
Ce court roman (de la taille d’une novella) alterne le présent et le passé. Le narrateur vit avec la nouvelle Claire dans un appartement en plein Paris, tout en se remémorant avec tendresse et avec peine les dernières années de sa femme.
Le lecteur hésite sur la conduite à tenir. Malaise face à un homme qui refuse de faire son deuil et croit réellement être de nouveau avec sa femme ? Ou rejoindre le narrateur, ce veuf, dans la fiction que cette Claire est bien Claire ? Cependant, il craint le monde extérieur et le regard de ses proches.
Ce récit, bien écrit, plonge dans le quotidien d’un homme qui a souffert et ne veut pas perdre sa femme. Il a besoin d’elle. La peinture d’un homme qui a une femme éternelle puis navigue entre le réel et sa vision du réel nous jette entre deux eaux. Le point de bascule n’est jamais loin, quand il a envie de pleurer mais refuse d’en avouer la raison. Claire n’est pas tout à fait Claire ; des petits détails, ou des étrangetés dans le comportement, la distinguent de Claire. Le lecteur comprend qu’au fond de lui, ce veuf connaît la vérité mais préfère garder sa nouvelle vie. Il continue de penser à l’ancienne Claire, sa maladie, son courage, tout en profitant de la nouvelle Claire.
De la science-fiction qui parle avant tout d’amour.
Un court roman sensible, dérangeant, et profondément humain.
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