Vous l’avez peut-être lu dans notre résumé de l’épisode 8, ou dans les discussions de nos membres sur le forum : l’épisode 8 a lancé chez certains fans la machine à spéculations : Alicent a-t-elle empoisonné le roi ? La Garde de Nuit mène l’enquête pour vous.
↑Les indices qui ont mis la puce à l’oreille de nos apprentis Sherlock Holmes
Analysons la scène de crime : à la toute fin de l’épisode, le spectateur assiste au décès de Viserys. Dans un souffle, il expire, retrouvant son « amour », sa femme Aemma, qu’il n’a jamais cessé d’aimer, une larme coulant sur sa joue. Quelques instants plus tôt, Alicent lui fait boire un thé.
Certains frères et sœurs de la Garde de Nuit ont vu dans cet acte d’Alicent un empoisonnement plausible. L’hypothèse peut surprendre : certes c’est le Trône de Fer mais il ne faudrait pas voir du poison partout ! Pourtant, ce raisonnement de nos enquêteurs ne vient pas nulle part : il découle en fait de l’enchaînement de scènes montrées à l’écran.
Alors que le banquet s’achève dans une fragile réconciliation entre Rhaenyra et Alicent, apparaît à l’écran la servante d’Alicent, Talya. Elle rencontre Mysaria (le Ver Blanc, l’ex de Daemon) pour lui rapporter, soi-disant, les événements nocturnes du Donjon Rouge. Or, on n’a pas vu souvent Mysaria (ça en est même devenu une blague récurrente au racluromètre) : l’ancienne amante de Daemon ne nous est apparue récemment qu’une seule fois, lors de l’épisode 4, pour nous signaler qu’elle fait désormais commerce d’information (c’est par son entremise qu’Otto apprend les frasques de Daemon et Rhaenyra au bordel)… et pour servir un thé à Daemon. Pourquoi faire revenir ce personnage maintenant ? Pourquoi montrer spécifiquement une servante d’Alicent lui rendre visite ? On savait déjà que les Verts avaient des contacts avec elle, puisqu’elle informait régulièrement Otto. Du reste, on ne sait pas grand chose de Mysaria, si ce n’est qu’elle est Lysienne et qu’elle fait le commerce d’informations… et pourquoi pas aussi de poisons, comme cela se pratique dans les cités libres, donc notamment à Lys ? Et il se trouve que l’un des rares poisons à avoir été nommés dans l’univers télé Game of Thrones, ce sont justement les larmes de Lys. Ce poison dans la saga a tué Jon Arryn. Incolore, insipide et inodore, il ronge les intestins et tue normalement en quelques jours (il ne tue pas immédiatement – mais bon, sur l’organisme affaibli de Viserys, on ne sait jamais… et la série ne s’embarrasserait possiblement pas de ce genre de considération si elle voulait utiliser des larmes de Lys, puisqu’il n’a jamais été introduit dans la série-mère que le poison mettait un certain temps à agir).
La scène suivante est celle de Viserys et Alicent : on entend la reine préparer la tisane du roi, et y ajouter quelque chose (une surdose de lait de pavot ? Ou possiblement le poison de Mysaria ?). Puis, après un quiproquo que l’on a décrypté récemment, alors que le roi se meurt, une larme coule de sa joue.
Bref, nos Sherlock Holmes en puissance ont vu (et possiblement surinterprété) dans l’enchaînement « Mysaria la Lysienne – un thé – une larme – une mort » une subtile évocation d’un empoisonnement par voie de larmes de Lys.
Quel aurait alors été le mobile d’Alicent ? Deux explications sont envisageables :
- On peut y voir un acte de pitié envers Viserys. Alicent semble réellement touchée par la détresse du roi, et lui offrir une fin apaisée pourrait être une façon pour elle de le libérer, alors qu’il vient de vivre un moment de victoire où il a vu ses enfants réconciliés et repris sa place sur le Trône de Fer avec panache.
- Une seconde hypothèse pourrait être un acte opportuniste, où Alicent, pas si sincère dans sa main tendue à Rhaenyra, aurait empoisonné le roi qui s’est révélé le seul rempart qu’a eu le camp noir pour leur éviter un sérieux camouflet. Le banquet a été un moment de vérité : en dépit d’une volonté apparente de se réconcilier, Rhaenyra et Alicent n’ont pu, l’une comme l’autre, que constater que leur rivalité s’était transmise à leurs fils. Les Noirs et les Verts sont irréconciliables, en dépit des efforts qu’ils font pour en donner l’illusion ; même si le conflit entre les mères semble se résorber, il finira par éclater à la génération suivante. Elles feignent de l’ignorer mais l’une comme l’autre l’ont compris. Elles continuent de donner le change, mais Rhaenyra annonce revenir à Port Réal, et à n’en pas douter, elle pèsera dans le jeu des Trônes en tant qu’héritière de son père. D’où d’ailleurs cette réplique qu’Alicent a pu interpréter comme une menace : « Je les ramène à Peyredragon. Je reviendrai ensuite avec Syrax. » On peut penser qu’elle a interprété les choses comme : je soustrais ma famille à vos manigances, je les sécurise, et ensuite, je reviens avec un gros dragon … et vos ennuis commenceront ! Si Alicent prend cela pour une menace, elle peut deviner que le temps lui est compté : une fois Rhaenyra de retour, elle risque de perdre sa mainmise sur le gouvernement, ses soutiens seront remplacés par ceux de Rhaenyra, et ses enfants définitivement écartés de la succession. Elle n’a plus le choix, le temps joue désormais contre elle. Chaque instant qu’elle lui laissera, Rhaenyra renforcera sa position, alors que celle d’Alicent ne fera que s’affaiblir ; elle doit agir vite, car elle n’aura plus jamais autant de pouvoir que ce qu’elle a actuellement.
Si les indices restent ténus, l’impact scénaristique d’un tel évènement pourrait en tous cas être intéressant : si empoisonnement il y a eu, Mysaria, que connaît bien Daemon, en a connaissance. Révélée au bon moment, une telle information pourrait être un moyen de faire basculer Rhaenyra dans un conflit plus ouvert face à Aegon II, ne reconnaissant pas de fait sa légitimité au titre de la trahison et non plus uniquement au titre du droit d’aînesse.
↑Paroles de réalisateurs
Donnons maintenant la parole aux témoins : l’équipe créatrice de la série. Ont-ils souhaité suggérer un empoisonnement ? A priori, non. S’ils ont en tous cas confirmé que le thé donné par Alicent à Dyana n’est que du thé de lune et n’est pas empoisonné, ils n’ont pas explicitement dit qu’Alicent n’a pas empoisonné Viserys… mais personne ne leur a posé la question, il faut dire ^^ La théorie reste assez marginale dans le fandom, et l’enchaînement de scènes qui a mis la puce à l’oreille de certains est a priori anodine. Par ailleurs, le dialogue et le quiproquo qui se noue entre Viserys et Alicent sonne un peu comme une révélation alors qu’il sent venir la fin, des dernières paroles qu’il doit dire à Rhaenyra, alors qu’il se sent partir.
En tous cas, Geeta Patel, réalisatrice de l’épisode, l’a affirmé : Alicent est sincère dans sa volonté de réconciliation. On peut donc quoi qu’il en soit écarter le mobile de l’opportunisme politique, si empoisonnement il y a eu. Reste toujours la possibilité d’un empoisonnement par compassion, par pitié pour Viserys, mais dès lors, rien ne requiert ou ne justifie l’emploi de larmes de Lys.
↑Et le lait de pavot dans tout ça ?
Si la théorie « larmes de Lys » semble assez fragile, il nous est montré que les Hightower et les mestres ont, durant des années, administré au roi du lait de pavot. C’est notamment l’odeur que sent Daemon lorsqu’il se penche sur le thé de Viserys dans l’épisode. Le lait de pavot est un breuvage narcotique et sédatif, qui permet notamment de lutter contre les douleurs chroniques. Assimilable dans notre monde à un opiacé, le lait de pavot entraîne une accoutumance, et brouille l’esprit. Viserys, voulant conserver l’esprit clair, refuse d’ailleurs son thé peu avant la fameuse scène où il reprend sa place sur le Trône.
Peut-on pour autant accuser les Hightower de droguer le roi ? Dans la série, Viserys souffre d’une maladie fictive à rapprocher de la lèpre. Personne ne peut nier ses souffrances. Et si les Hightower profitent de la faiblesse du Roi pour gouverner à sa place, ils ne semblent pas chercher opportunément à le diminuer encore plus, mais lui administrent un anti-douleur nécessaire à sa condition. Que ce soit Otto ou Alicent, les deux personnages à l’écran, dans les scènes qu’ils partagent avec Viserys, paraissent très sincères dans la peine qu’ils éprouvent pour le roi en le voyant souffrir.
↑Et dans les livres alors ?
Pourquoi nos Sherlock Holmes amateurs ont-ils imaginé qu’ils étaient en train de voir un empoisonnement ? Parce qu’on est dans une série Game of Thrones ? Ou peut-être parce que la lecture des livres les avait préparés à voir un empoisonnement ? Dans les livres, Rhaenyra et Alicent n’ont jamais été amies et n’ont jamais eu d’affection sincère l’une pour l’autre (cf. Explications sur l’épisode 1). Par ailleurs, dans les livres, le banquet arrive trop tard, à un moment où toute réconciliation est déjà impossible et où tout le monde, sauf Viserys, en est bien conscient (cf. Explications sur l’épisode 8). Enfin, il faut noter que l’hypothèse même de l’empoisonnement de Viserys par Alicent existe textuellement dans les livres. Outre le fait que les Verts avaient anticipé de longue date la mort de Viserys et avaient faits des préparatifs pour le jour où elle surviendrait, une rumeur existe bel et bien sur la responsabilité d’Alicent dans la mort de Viserys :
Le nain Champignon suggère un scénario plus inquiétant, selon lequel la reine Alicent aurait hâté le départ du roi Viserys grâce à une pincée de poison dans son hypocras. On notera que Champignon ne se trouvait pas à Port-Réal la nuit où mourut le roi, mais bien à Peyredragon, au service de la princesse Rhaenyra.
Feu et Sang, .
Soyons honnêtes, cette rumeur a peu de chance d’être vraie dans les livres. Le texte dit bien que Champignon parle d’événements qu’il n’a pas vécu, et tout au long de son Témoignage, il raconte les pires vilenies sur tout un chacun (spécialement les Verts, du fait de sa sympathie pour Rhaenyra). Toutefois, la série nous a déjà prouvé qu’elle savait prendre du recul sur le texte et adopter une version marginale ou originale des événements, du moment que celle-ci fasse une bonne histoire. Il était donc parfaitement possible que Viserys meurre empoisonné de la main d’Alicent.