Dans la majorité des religions ouestriennes actuelles, on dit « qu’il n’y a pas de plus grand crime que le parricide » (cf. article de notre blog sur les tabous et les trangressions). Celui qui tue les siens, quelles que soient les circonstances, même si son acte est involontaire, est maudit par les dieux. Dans la religion de R’hllor au contraire, c’est le sacrifice, et encore plus le sacrifice d’un être très cher, et donc bien souvent le parricide, qui permet de sauver le monde. Voilà bien une situation paradoxale !
Ce paradoxe se ressent d’autant plus lorsque l’on s’intéresse à la personne de Stannis Baratheon. Personnage haï par certains lecteurs qui voient en lui le fanatique qui a assassiné son frère Renly et manqué de peu d’en faire de même pour son neveu Edric Storm, mais adulé par d’autres qui le reconnaissent comme un homme ayant un très fort sens du devoir, prêt à se damner si cela permet à son peuple de survivre. Rares sont les figures à avoir autant divisé les fans.
Dans cette série d’articles, nous vous proposons de nous pencher sur ces parricides réels ou symboliques commis par Stannis afin d’en comprendre les implications sur ce personnage. Et nous allons commencer de suite avec une mort qui arrive très tôt dans le récit : celle de mestre Cressen.
↑Petit rappel des faits
Mestre Cressen est le vieux mestre au service de Stannis. En fait, il est bien plus que cela : c’est lui qui a élevé les trois frères Baratheon après le décès de leurs parents dans un naufrage en 278 (Robert avait 16 ans, Stannis 13 et Renly moins de 7). Aussi se considère-t-il presque comme leur père.
En prenant le collier, les mestres avaient beau renoncer à tout espoir de paternité, Cressen n’en connaissait pas moins les sentiments d’un père. Robert, Stannis, Renly… trois fils qu’il avait élevés lui-même, après la disparition de lord Steffon dans la mer rageuse.
ACOK – Prélude
Des frères Baratheon, celui pour qui il a le plus d’affection est Stannis, cet enfant solitaire que lui seul semble comprendre. Il le suit à Peyredragon lorsqu’il en prend possession après la chute des Targaryen.
Mais voilà que l’arrivée de la prêtresse rouge Mélisandre d’Asshaï dans l’entourage de Stannis fait craindre le pire au vieux mestre. Sorcière sans scrupule, elle est parvenue à fanatiser Selyse Baratheon, et si Stannis ne lui prête pas encore l’oreille, il est à craindre qu’il finisse par suivre l’exemple de sa femme. L’angoisse de Cressen grandit quand Mélisandre prédit au nouveau roi, par l’intermédiaire de sa femme Selyse, la mort de son petit frère Renly, et les bénéfices qu’il pourrait en tirer. Cressen comprend que la sorcière parle d’assassinat, et lorsque, horrifié, il proteste contre ce plan de fratricide, il se fait rabrouer par Stannis qui le chasse de son conseil.
Dans le but de sauver la vie de Renly et l’âme de Stannis, Cressen prend une décision radicale : il va assassiner la sorcière Mélisandre. Lors du banquet que Stannis donnera à ses vassaux, il versera le poison appelé l’Étrangleur dans sa coupe, et ce même s’il doit être exécuté pour ce meurtre. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu.
Personne ne vient chercher le vieil homme pour le convier au banquet, comme son rang de mestre de Peyredragon l’impose. Lorsqu’il s’y rend tout de même, il s’y fait humilier. Le bouffon Bariol le jette à terre, et lorsque Mélisandre le relève, ce n’est que pour le forcer à revêtir le heaume du fou – ce qu’il refuse. Parvenu devant la table royale, il est congédié par Stannis, qui lui annonce qu’il a été remplacé par son très jeune et inexpérimenté acolyte, mestre Pylos, et qu’il n’est plus le bienvenu. Le seul à lui témoigner un peu de compassion est le chevalier Davos Mervault, qui lui fait une place à ses côtés, malheureusement loin de Stannis. Cressen tente alors une dernière fois de faire entendre raison à son roi. Il le conjure de renoncer à se battre contre Renly, qui aligne vingt fois plus d’hommes que lui, et de s’allier à lui ou à Robb Stark pour renverser le réel ennemi : les Lannister. Stannis refuse. Pire, il prend part en personne à l’humiliation de ce vieux mestre qui l’a toujours aimé et soutenu.
« Des plus incertaines est l’alliance des dieux, dame, objecta [Cressen], et celui-là n’a pas de pouvoir, ici.
— Ah bon ? » Au mouvement que fit Mélisandre, son rubis capta la lumière et, en un éclair, brilla du même éclat que la comète. « Pour proférer pareille sottise, mestre, vous devriez remettre votre couronne.
— Oui, abonda lady Selyse. Le heaume de Bariol. Il vous sied, vieil homme. Recoiffez-le, je vous l’ordonne.
— Dans la mer, intervint le fou, personne ne porte de couvre-chef. Oh, je sais je sais, holà. »
Sous leurs épais sourcils, les yeux de lord Stannis faisaient deux puits d’ombre et, sous sa bouche encore étrécie, ses mâchoires travaillaient, muettes. Toujours il grinçait des dents quand le submergeait la colère.
« Fou, grogna-t-il enfin, ma dame commande. Donne ton heaume à Cressen. »
Non, pensa le vieux mestre, non, ce n’est pas toi, pas toi, ces façons, toujours tu t’es montré juste, dur toujours mais jamais méchant, jamais, tu ne concevais pas la dérision, pas plus que tu ne concevais le rire.ACOK – Prélude
Cressen voit ses craintes confirmées : Mélisandre est le mal, et avec elle à ses côtés, Stannis est perdu. Ceux que Cressen considère comme ses fils vont s’entretuer. Stannis va tenter d’assassiner son petit frère, et quel qu’en soit le résultat, il n’aura aucune chance de gagner face à la puissante armée de Joffrey. Pour sauver son roi, Cressen passe à l’action. Il propose à la sorcière rouge une coupe de réconciliation contenant le poison.
Mélisandre boit la coupe. Elle en laisse un fond et demande au vieux mestre de le finir. Cressen accepte et boit, sachant que le poison le tuera aussi. Mais, alors qu’il s’étrangle, il fait une terrible découverte : Mélisandre n’est pas affectée par l’Étrangleur. Elle va survivre grâce à sa magie alors que lui meurt, pour rien…
↑Décortiquons la mort de Cressen
Le comportement absolument odieux de Stannis envers le vieux Cressen, qui l’a quand même élevé, donne souvent au lecteur le sentiment qu’il est au moins en partie responsable de son funeste destin. Si Stannis ne l’avait pas chassé de son conseil alors que Mélisandre, à travers l’intervention de Selyse, le conjurait d’assassiner Renly, et s’il n’avait pas prouvé son fanatisme en suivant sa sorcière rouge dans l’humiliation publique du vieux mestre, alors le désespoir n’aurait pas poussé Cressen à sacrifier sa vie pour tenter d’assassiner Mélisandre d’Asshaï – opération bien vaine qui lui coûte la vie. L’idée selon laquelle Cressen a été injustement tué est d’ailleurs partagée par Davos Mervault qui, bien que témoin de la scène, nie ici la responsabilité du mestre qui a malgré tout volontairement avalé son propre poison. À ses yeux, et à ceux de pas mal de lecteurs, on peut considérer que Cressen a été en quelque sorte poussé au suicide.Évidemment, l’affaire se révèle être plus complexe qu’il n’y paraît.
Un peu plus tard dans le roman, Stannis a l’occasion de s’expliquer concernant la mort de Cressen :
« Ce n’est pas que Pylos me déplaise, Sire, mais je ne puis voir la chaîne qu’il porte au col sans pleurer mestre Cressen.
— Est-ce par sa faute qu’est mort le vieillard ? »
Le regard de Stannis se porta vers le feu.
« Je ne voulais à aucun prix que Cressen assiste à ce banquet. Il m’avait mis en colère, oui, et mal conseillé, mais je ne désirais pas sa mort. J’espérais le voir jouir de quelques années paisibles et douillettes. Il l’avait d’ailleurs amplement mérité, mais voilà – ses dents se mirent à grincer –, mais voilà qu’il meurt. Et je n’ai qu’à me louer de l’habileté de Pylos. »ACOK, Davos I
Cet extrait nous apprend donc que Stannis savait que Cressen allait mourir lors du banquet en tentant d’assassiner Mélisandre, et qu’il ne voulait pas que cela arrive. Il faudra attendre A Dance with Dragons (l’intégrale 5) pour que l’on comprenne comment il l’a su :
Mélisandre n’accorda aucune attention à la lame nue. Si le sauvageon lui avait voulu du mal, elle l’aurait lu dans ses flammes. Les dangers contre sa personne avaient été une des premières choses qu’elle avait apprises à voir, à l’époque où elle était encore à demi une enfant, une petite esclave liée à vie au grand temple rouge. Cela restait la première chose qu’elle cherchait chaque fois qu’elle plongeait le regard dans un feu.
ADWD – Melisandre I
Mélisandre a donc probablement vu dans les flammes la tentative d’assassinat de Cressen et sa funeste conclusion, et elle a pu prendre les mesures nécessaires pour y palier. D’une part elle a averti Stannis de ce qui allait advenir. Regardez par exemple la réaction de Stannis et Mélisandre lorsque, malgré la première humiliation du mestre et son renvoi, ce dernier arrive tout de même à se frayer une place au banquet :
[Cressen] se contenta néanmoins de dire :
« Ainsi soit-il donc, messire, mais… mais j’ai faim. Ne saurais-je m’asseoir à votre table ? » À tes côtés, ma place est à tes côtés…
Ser Davos se leva.
« Ce serait un honneur pour moi, Sire, que d’avoir le mestre pour voisin.
— Soit. »
Lord Stannis se détourna pour chuchoter quelque chose à Mélisandre qui occupait, à sa droite, la place la plus honorifique, tandis qu’à sa gauche lady Selyse arborait un sourire aussi clinquant et grêle que ses bijoux.ACOK – Prologue
À noter que, dans ASOS, Mélisandre prévoit aussi la tentative d’assassinat de Davos Mervault, et là encore y met un terme, quoique de façon moins funeste cette fois.
À noter également, mais nous y reviendrons plus en détail dans un prochain article, que révéler à Stannis la mort inéluctable du vieux mestre peut aussi avoir pour but à Mélisandre de prouver la véracité de ses visions et de ses pouvoirs à Stannis. Et de fait, avant la mort de Cressen, la prêtresse ne semble pas avoir l’oreille du roi, étant obligée de passer par l’intermédiaire de sa femme Selyse pour pouvoir lui parler. C’est seulement après ce décès que Stannis l’intègrera à ses conseils et se convertira à sa foi.Court et musculeux, ser Axell avait un torse de baril, le bras épais, la jambe arquée, l’oreille velue. Oncle de la reine et dix années durant gouverneur de Peyredragon, il s’était toujours montré poli vis-à-vis de Davos, sachant qu’il jouissait de la faveur de lord Stannis. Or, c’est d’un ton tout aussi dépourvu de chaleur que de politesse qu’il lança :
« Ser Davos, et pas noyé. Comment se peut-il ?
— Les oignons flottent, ser. Venez-vous pour me conduire au roi ?
— Je viens vous conduire au cachot. » Il fit avancer ses hommes d’un geste. « Saisissez-vous de sa personne et retirez-lui son poignard. Il compte en user contre notre dame.ASOS – Davos II
Avec ces informations en tête, les actions de Stannis lors de son banquet trouvent un tout autre sens. S’il a demandé à ce que Cressen ne soit pas réveillé pour le banquet, et à ce que Pylos le remplace, c’est pour l’empêcher d’y mourir empoisonné. Dans le même ordre d’idées, on peut voir dans sa première humiliation publique par Mélisandre un avertissement pour lui dire « Je sais ce que tu vas faire, ne le fais pas, ou tu en payeras le prix fort. »
Dans un effort de bonne contenance, le mestre s’arracha un demi-sourire et entreprit de se relever, mais sa hanche protesta de manière si véhémente qu’il la craignait de nouveau en miettes quand de fortes mains l’empoignèrent aux aisselles et le replacèrent debout.
« Merci, ser, souffla-t-il tout en se tournant pour voir quel chevalier l’avait secouru.
— Mestre, dit dame Mélisandre, dont le timbre grave semblait comme parfumé par l’accent mélodieux de la mer de Jade. Vous devriez être plus prudent. » Elle était, comme à l’accoutumée, vêtue de rouge de pied en cap.
« Je…, je vous remercie, dame.
— Un homme de votre âge doit regarder où il met les pieds, reprit-elle d’un ton poli. La nuit est noire et pleine de terreurs. »
Il connaissait la phrase, extraite de quelque prière de sa religion à elle. N’importe, j’ai ma religion à moi.
« Seuls les enfants ont peur du noir », répondit-il, malgré Bariol qui, simultanément, reprenait sa scie lancinante :
« Les ombres entrent dans la danse, messire, danse messire, messire danse.
– Et voici une énigme, reprit Mélisandre. Un fou perspicace et un sage qui extravague. »
Elle se baissa pour ramasser le heaume de Bariol puis en coiffa Cressen. Au fur et à mesure que la cuvette glissait par-dessus ses oreilles, il percevait le doux tintement des clarines.
« Une couronne assortie à votre chaîne, seigneur mestre », commenta-t-elle.
Les hommes riaient, tout autour.ACOK, Prélude
Lors de la seconde humiliation de Cressen, à laquelle Stannis prend part — sans joie aucune — le roi essaye là encore de le sauver, en tentant de lui faire fuir le banquet. Mais s’il est prêt à le forcer à revêtir le chapeau de fou, il y a des limites dans l’humiliation que Stannis ne peut tolérer :
Cependant, Bariol approchait en dansant, dans un tapage de clarines, ding ding dong drelin drelin din din dong. Sans un mot, Cressen se laissa coiffer par le fou, le poids du baquet lui fit courber la tête, les cloches tintèrent.
« S’il nous chantait ses avis maintenant ? suggéra lady Selyse.
— Tu vas trop loin, femme, intervint lord Stannis. C’est un vieil homme, et il m’a bien servi. »
Et il achèvera de te servir, mon doux seigneur, mon fils, mon pauvre enfant seul, se dit Cressen, car il venait tout à coup de trouver le biais.ACOK – Prélude
Bref, malgré des apparences accablantes, il semblerait bel et bien que Stannis ait essayé, non pas de faire mourir son père de substitution, mais de le sauver, sans succès.
↑L’introduction du personnage de Stannis
Si George R. R. Martin a choisi de nous présenter Stannis comme un personnage odieux et absolument antipathique, quand bien même ses actions cachent des motifs beaucoup plus nobles (à savoir tenter de sauver Cressen) ce n’est pas anodin, mais c’est dans un but bien précis. Dans les livres, très peu de personnes aiment Stannis. Si ses qualités martiales sont reconnues, sa personnalité lui vaut de ne pas être aimé par la plupart des personnages. Il est à l’opposé des personnes charismatiques comme peuvent l’être Robb Stark, Renly Baratheon ou le roi Robert. Les quelques rares qui apprécient sincèrement Stannis sont ceux qui ont pris le temps de bien le connaître, de regarder sous sa carapace d’intransigeance, derrière ses défauts, pour trouver tout un tas de qualités.
En nous laissant à penser que Stannis est responsable de la mort de Cressen, Martin nous met à la place de ses personnages : Stannis nous est immédiatement antipathique, et si on veut l’apprécier il faut prendre le temps de bien creuser le personnage.
La mort de Cressen est d’ailleurs loin d’être le seul élément du texte ayant pour objectif de nous faire détester Stannis. Tout le prologue d’ACOK y travaille. Rien que le décor où il habite le caractérise comme un méchant de fantasy classique : Stannis nous est présenté comme un triste sire vivant dans un château néo-gothique à souhait, avec ses nombreuses gargouilles menaçantes, ses tours qui font résonner l’orage, et son volcan fumant juste à côté. Les personnages qui peuplent sa cour ont des apparences horrifiques, entre la sorcière maléfique Mélisandre, la grande et cadavérique reine fanatique aux oreilles décollées et aux yeux délavés Selyse Baratheon, la jeune et triste princesse défigurée Shôren, et bien entendu le terrifiant fou Bariol, un simplet sauvé des eaux qui passe son temps à chantonner des prophéties glauques à base de mort et de noyade (nous avons d’ailleurs décrypté ses visions dans un de nos précédents articles).
Stannis lui-même dans ce chapitre brille par ses défauts. C’est un seigneur jaloux et aigri, tellement aigri qu’il n’hésite pas à cracher sur Ned Stark alors que le lecteur sait que le Nordien est mort en essayant de le couronner. Il nous est montré comme un homme misogyne, fanatique, prêt au fratricide pour monter sur le trône. Il n’a aucun humour, coupe les doigts de ses plus fidèles sujets comme Davos et menace de lui arracher la langue quand il annonce des vérités qui lui déplaisent…
Si nombre de ces défauts sont réels, lorsque l’on se penche sur les détails, on se rend compte que là aussi les apparences sont trompeuses. Certes Stannis a coupé les doigts de Davos, mais, il l’a également récompensé en faisant de lui un chevalier et un de ses plus proches conseillers. D’ailleurs Davos ne s’en plaint pas : au contraire, il en est fier. Et oui, il le menace de lui arracher sa langue, mais il ne le dit pas sérieusement : ce n’est là que son humour pince-sans-rire qui s’exprime. D’ailleurs Cressen, qui comprend cet humour, lui répond sur le même ton.
« Autrefois, vous m’auriez fait éveiller, dit-il.
— Tu étais jeune, autrefois. Maintenant, te voilà vieux, cacochyme, et tu as besoin de sommeil. » Il n’avait jamais pu apprendre à mâcher ses mots, à dissimuler ni flatter ; il disait sa pensée, et au diable qui n’appréciait pas.
« Je savais que tu ne tarderais guère à connaître les propos de Davos. C’est ton habitude, non ?
— Si ce ne l’était, je ne vous servirais à rien, répliqua Cressen. J’ai croisé Davos dans l’escalier.
— Et il t’a tout déballé, je présume ? J’aurais dû lui raccourcir la langue, en plus des doigts.
— Riche émissaire que vous auriez eu là. »ACOK – Prologue
On aura d’autres traces de cet humour à plusieurs reprises dans les livres. Dans ADWD, Jon Snow reconnaîtra même que l’humour de Stannis est tellement particulier qu’il lui est difficile de savoir quand il plaisante ou quand il est sérieux.
« Vous avez intérêt à ne pas me jouer un tour de bâtard. Si je veux échanger trois cents combattants contre trois mille ? Assurément, je le veux. Je ne suis pas un parfait imbécile. Si je laisse également la fille avec vous, ai-je votre parole que vous monterez étroitement la garde auprès de notre princesse ? »
Elle n’est pas princesse.
« Comme il plaira à Votre Grâce.
— Ai-je besoin de vous faire prêter serment devant un arbre ?
— Non. » Était-ce de l’humour ? Avec Stannis, la chose était difficile à dire.ADWD, Jon IV
***
La femme rouge descendit l’escalier auprès de Jon. « Son Altesse vous prend en amitié.
— J’en ai conscience. Il n’a menacé que deux fois de me décapiter. »
Mélisandre rit. « Ce sont ses silences que vous devriez craindre, pas ses paroles. »ADWD, Jon I.
La scène où Stannis reproche à Cressen d’interrompre sa femme lorsque celle-ci lui évoque la mort de Renly est elle aussi trompeuse. À première vue, on peut croire qu’en chassant le vieux mestre de son conseil, il valide le projet de fratricide qu’auraient implicitement proposé Selyse et Mélisandre (ce qui n’est pas tout à fait le cas : Selyse n’évoque que le décès de Renly vu dans des visions prophétiques de Mélisandre, mais ne dit à aucun moment que cette mort sera due à un assassinat : cette interprétation vient directement de Cressen). Mais si on compare les différents conseils de guerre de Stannis, on se rend compte qu’il y applique systématiquement une règle stricte : tout le monde a le droit de proposer son plan sans filtre, même s’il est odieux. La censure n’y est pas autorisée, chaque plan est analysé, avec ses avantages et inconvénients, par Stannis, et nul n’a le droit d’empêcher quelqu’un de présenter ses idées, quelles que soient ses raisons. En s’indignant contre les conseils de Selyse, Cressen n’a pas respecté cette règle, et s’est donc fait chasser. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que Stannis approuvait ce fratricide.
Enfin, la présence de Bariol dans sa maisonnée, bien que le rendant plus glauque, est là aussi un signe de noblesse. Quel autre seigneur que Stannis aurait gardé aussi près de lui un demi-noyé simplet aussi sinistre ? Nombre de seigneurs de Westeros l’auraient chassé de leur service, et certains même l’auraient tué. Mais Stannis a gardé à ses côtés cet être brisé dont personne ne voulait.
↑Conclusion
Finalement, la mort de mestre Cressen ne peut être considérée comme un réel parricide de Stannis. Si on souhaite absolument y trouver un responsable, il faut regarder du côté de Cressen qui s’est suicidé durant sa tentative d’assassinat.
Cependant, si Stannis est innocent de cette mort (il a même essayé de l’empêcher), il n’en reste pas moins noirci aux yeux du lecteur.
Dans notre prochain article sur les parricides de Stannis, nous allons nous intéresser à un meurtre bien plus incriminant que celui de Cressen, crime pour lequel Brienne de Torth a juré sa mort : celui de Renly Baratheon.
Illustration de couverture : Cressen, Rafal Hrynkiewic.
Pour écouter le format audio :
Céleste
Super article très bien organisé et j’ai appris des trucs ^^
Freuxpensant
Merci Drozo pour avoir pointé du doigt les éléments qui signent la complexité de la personnalité de Stannis !
Un personnage, certes ambivalent et de prime abord antipathique, mais au combien intéressant.
Pour plagier un de mes confrères corbac: « Vive Stannis, le seul vrai roi ! »