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Les recommandations de la Garde de Nuit : Mois de l’Imaginaire 2022

Les recommandations de la Garde de Nuit : Mois de l’Imaginaire 2022

Vous avez envie de lire un bon livre et vous ne savez pas lequel choisir ? La Garde de Nuit est de retour pour vous fournir quelques titres qui lui ont particulièrement plu et, puisque nous sommes en plein dans le Mois de l’Imaginaire, c’est dans cette direction que nos recommandations vont aller.

Derniers jours d’un monde oublié, de Chris Vuklisevic

Derniers jours d’un monde oublié, de Chris Vuklisevic (Folio SF)

Avec ce court roman de fantasy publié suite à un grand concours pour les 20 ans des éditions Folio SF et qui a notamment remporté le prix Elbakin en 2021, partons sur Sheltel, une île mystérieuse, un monde oublié, qui se découvre progressivement au lecteur. Dans ce territoire isolé, peuplé de magie sombre et de créatures que l’on découvre dans un puzzle qui se dessine au fil des pages, on se croit les uniques rescapés d’une catastrophe, et la survie a pris des tournants bien étranges. Je ne vous en dirai pas plus, tant je pense qu’il ne faut rien savoir de l’histoire avant d’en ouvrir les pages ! Mais s’il est une chose que je peux vous dire, c’est à quel point j’ai été emportée par ma lecture !

L’écriture est fluide, le rythme très dynamique avec des chapitres courts et percutants, des scènes marquantes où coexistent violence, mystère et une certaine poésie. L’ambiance est assez déroutante, poisseuse et fascinante. Honnêtement, je ne suis pas sûre d’avoir lu beaucoup de livres qui ressemblent à celui-ci. Les personnages que l’on suit – sous un format de chapitres point de vue – sont en plus très bien dessinés en peu de pages, avec une complexité qui les éloigne de purs archétypes et nous les rend sympathiques et laids à la fois. Pour un premier roman, c’est très impressionnant. Une autrice dont il faudra retenir le nom !

Pour les curieux, l’autrice nous a parlé en 2019 de son roman lors des Imaginales. N’hésitez pas à (re)lire l’interview que l’on a faite d’elle !

Par Nymphadora

Vaisseau d’Arcane, d’Adrien Tomas

Vaisseau d’Arcane, tomes 1 et 2, d’Adrien Tomas, aux éditions Mnémos

Vous connaissez peut-être Adrien Tomas pour ses romans plutôt tournés vers la jeunesse tels qu’Engrenages et sortilèges ou Dragons et mécanismes. Et bien, dans le même univers, il a aussi écrit une duologie à destination d’un public plus adulte.
Dans un monde se trouvant à un tournant géo-politique, on suit Sof, infirmière qui tente de sauver son frère, devenu un Touché, vaisseau d’Arcane, une personne catalysant de la magie mais n’existant plus vraiment, perdue au-delà de la réalité.
On suit leur périple vers le nord, mais également les aventures de Magnus, ancien fiancé de Sof, de Nym, qui mène sa propre mission secrète, des autres opérateurs de l’Edilat, qui cherchent à le retrouver pour le punir de les avoir trahis, et surtout celles de Gabba Do, un poisson crane qui vit à la surface grâce à un aquarium mobile et qui est une grande source d’informations sur la politique de ce pays.

C’est ainsi que l’auteur réussit un mélange très agréable de fantasy avec des pouvoirs magiques et des êtres un peu étranges avec un récit très politique où tous les petits éléments introduits au fur et à mesure finissent par prendre du sens.
Le roman prend son temps pour mettre en place les forces en présence, mais il n’est pas pour autant ennuyeux et certains rebondissements réussissent à remettre tout en perspective et nous montrer à quel point tout est intelligemment construit.
Ce n’est jamais au détriment des personnages qui portent en eux certaines valeurs, et cette duologie met en avant des notions importantes comme le partage avec la nature, mais aussi le besoin de luttes et de résistance, en nous montrant que personne n’est vraiment innocent et que chacun porte sa part de gris en soi.

Par Yoda Bor

Les Flibustiers de la mer chimique, de Marguerite Imbert

Les Flibustiers de la mer chimique, de Marguerite Imbert, aux éditions Albin Michel Imaginaire

Les Flibustiers de la mer chimique, de Marguerite Imbert, aux éditions Albin Michel Imaginaire

Ce roman qui vient d’être publié est une immense surprise !

Embarquez dans un univers foutraque, un Mad Max revu par les Monty Python, un postapocalyptique où même la langue joue les extravagances. Soyez happé par une plume déjantée qui porte un monde détraqué. C’est drôle, incisif, irrévérencieux.

Des décennies après une catastrophe, quelques grappes d’êtres humains survivent sur les restes d’une civilisation en déliquescence. Le récit narre les aventures de deux protagonistes très différents : Ismael, naturaliste envoyé en mission, est capturé en mer avec ses compagnons par Jonathan et l’équipage de son sous-marin, autobaptisés Les Flibustiers. Naviguant dans les mers chimiques — qu’on devine polluées par notre civilisation — Jonathan est un personnage fascinant, affichant de prime abord une excentricité et un charisme qui lui permettent de régner sur ce petit monde qui a ses propres règles, mais il est aussi un chien fou doté d’une certaine noirceur. Ismael, lui, apparaît en comparaison comme le « sachant » raisonnable, mû par sa mission et qui tente de canaliser son geôlier. Chaque membre de l’équipage possède une personnalité fêlée ; tous ensemble, ils forment une cour improbable à l’assaut des mers. À noter Annaïg, encore enfant mais déjà « médic » (médecin), qui personnifie la perte de valeurs dans ce simulacre de société : lisez le livre pour découvrir pourquoi.

En parallèle, Alba est une jeune Graffeuse (qui a emmagasiné tout le savoir) isolée dans une grotte du sud de la France. Elle est capturée par des Étoiles pour l’emmener à Rome (bah oui, Rome est le centre du monde, même après sa chute), où siège la Métareine qui gouverne quelques milliers de descendants de survivants dans les ruines de l’ancienne capitale. Dotée d’un savoir encyclopédique (même si elle confond l’Histoire vécue et les histoires de fiction : pour elle, ce qui est écrit est vrai, ce qui occasionne quelques mélanges cocasses), la Graffeuse a développé une personnalité un brin asociale, alors que la Métareine et ses fidèles attendent beaucoup d’elle.

Le roman offre maintes péripéties et n’évite pas quelques maladresses de narration : Ismael est narrateur mais le lecteur ignore l’objectif de sa mission jusque tard dans l’histoire ; ou encore ce même lecteur découvre ce que tous les protagonistes savent — la raison de l’ancienne catastrophe — qu’à la fin du livre. Et pourtant, on pardonne tant la lecture est jubilatoire.

Car ce roman postapocalyptique est remarquable grâce à son univers, ses personnages marquants et parfois excessifs, mais aussi sa prose. On est ici dans un texte dont la plume sert le récit, avec des phrases baroques, des dialogues piquants, des expressions fantasques voire absurdes, et des réflexions extravagantes sinon assassines. Les amateurs de citations se régaleront.

L’auteure a réussi le tour de force d’imaginer un monde qui pourrait être déprimant — et les thématiques écologiques sont présentes — mais elle s’en sert pour débrider son imagination et sa truculence.

Une pépite.

Par FeyGirl

Notre part de nuit, de Mariana Enriquez

Couverture de Notre part de nuit

Notre part de nuit, de Mariana Enriquez aux éditions du Sous-sol

Dans l’Argentine des années 80, un père, Juan, et son fils, Gaspard, fuient à travers le pays. On sait peu de choses en entamant le récit, et l’autrice distille peu à peu ses informations, sur plus de 700 pages, en changeant parfois d’époques et de points de vue. Le père possède des pouvoirs qui le fatiguent de plus en plus, et il s’inquiète de savoir si son fils possède les mêmes pouvoirs ou non.

C’est le début d’une épopée horrifique, fantastique et tragique, l’histoire d’une relation forte et imparfaite, celle d’un père malade et de son fils, l’histoire d’un combat contre l’Obscurité.

Le récit raconte un pays et une époque, l’Argentine et sa dictature militaire ; l’horreur du réel, de la dictature, les assassinats, les tortures, les enlèvements d’enfants, alimentent le fantastique et l’horreur du récit.

On pourra penser à Lovecraft Country de Matt Ruff ou Ring Shout de P. Djèlí Clark (en plus de Cormac McCarthy et Stephen King déjà cités sur la 4ème de couverture), mais l’autrice ne copie jamais et le livre, dans son ensemble, ne ressemble à rien que je connaisse.

C’est un récit riche, complexe, parfois exigeant, mais tout simplement passionnant que je vous recommande chaudement.

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Anne Plantagenet.

Par Schrö-dinger

Bpocalypse, d’Ariel Holzl

Couverture de Bpocalypse

Bpocalypse, d’Ariel Holzl aux éditions L’école des loisirs


Premier roman que je lis de cet auteur. La couverture et le titre m’avaient tapé dans l’œil.
Samsara est une adolescente qui vit à Concordia, ville du Kansas, et pour autant qu’elle le sache sa cité est le dernier endroit au monde où l’on trouve encore des humains. En effet, une météorite a heurté la Terre, plongeant la planète dans une nouvelle ère, sous le sceau des retombées radioactives et des débris : Concordia est désormais entourée par un brouillard opaque mortel, et les habitants tentent de survivre dans un univers peuplé de fantômes, zombies et autres mutants divers et variés. C’est la rentrée scolaire au lycée, et de nouveaux élèves débarquent : des mutants arachnides, mais peut-on leur faire confiance ?

Roman post-apocalyptique plutôt young adult, il met en avant des thèmes assez classiques sur le sujet : la survie dans un monde ravagé aux ressources limitées, la peur de l’autre et de la différence, la nécessité de coopérer pour surmonter les épreuves. Mais Ariel Holzl le fait de manière très efficace, et crée surtout un univers très original et marquant.
En effet, la ville de Concordia est divisée en plusieurs quartiers à la faune et à la flore post-apocalyptiques variées et riches. L’auteur développe un univers bourré d’inventivité, qui permet sans peine au lecteur de s’immerger dans cet environnement haut en couleurs. Les personnages ne sont pas en reste, on s’attache très vite à Samsara et ses amis (à certains de ses ennemis aussi d’ailleurs), mention spéciale aux dialogues, remplis d’humour et de références.

Le rythme est trépidant, on ne s’ennuie jamais, et le livre se lit très vite. J’ai beaucoup aimé aussi les articles de presse qui s’intercalent entre certains chapitres, et qui permettent d’éclairer les éléments passés (notamment en lien avec la chute de la météorite) ou présents (en expliquant le fonctionnement de l’univers post-apocalyptique qui nous est présenté).
Mon seul regret : j’ai fini le livre trop vite, et il n’y a pour l’heure pas de suite. Je ne sais pas si l’auteur compte en faire une, mais personnellement c’est avec joie que je retournerais arpenter les rues de Concordia, armé d’une batte de baseball et entouré de ces sympathiques lycéens.

Par Corondar

Ring Shout, P. Djèlí Clark

Couverture de Ring Shout

Ring Shout, de P. Djèlí Clark aux éditions de l’Atalante

Macon, Géorgie, 1922. Par l’entremise d’une magie malfaisante, les membres du Ku Klux Klan ont donné vie à des Kukluxes, monstres cauchemardesques. Première cible de ces créatures infernales, la communauté noire résiste farouchement, combattant avec ses propres armes parmi lesquelles les « ring shout », cantiques rituels nés dans les plantations, devenus de véritables incantations magiques. La narratrice et héroïne, Maryse, porteuse d’une épée magique qui tient sa puissance surnaturelle des âmes et des anciens dieux africains, est l’une des plus redoutables chasseuses de Kukluxes.

L’intrigue en elle-même est assez classique : une héroïne « élue » hantée par son passé combat le Mal et va devoir faire un choix crucial. La singularité du roman tient à son ancrage dans l’identité afro-américaine et plus particulièrement dans l’héritage culturel (folklore, contes et traditions) issu de l’esclavage. Les croyances, les récits, les chants nés de la souffrance et de l’oppression de la communauté noire sont ici érigés au rang de magie et d’armes contre le Mal, ce qui est aussi poignant qu’émouvant. À la manière d’un ring shout, le roman porte en lui quelque chose d’entêtant, de vibrant ; une force vitale prodigieuse qui guide Maryse dans ses combats. Titre foisonnant, Ring Shout mêle le fantastique à l’horrifique (avis aux amateurs, les Kukluxe ne sont pas sans rappeler des monstres lovecraftiens), le métaphorique à l’organique, l’historique et la tradition à une magie foisonnante et complexe.

Les talents de conteur de P. Djèlí Clark semblent eux-mêmes relever d’une forme de magie, tant leur puissance évocatrice embarque le lecteur. Il livre ici un roman aussi bref qu’intense, relevant à la fois d’un héritage immémorial et de quelque chose de profondément intime, viscéral. Ring Shout est aussi un hommage fort aux hommes, femmes et enfants qui ont combattu pour leur vie, leurs droits et à la lutte de l’Humanité contre la Monstruosité.

Si cette modeste critique ne suffisait pas à vous convaincre de lire Ring Shout, sachez qu’il a été récompensé par les prix suivants : Grand Prix de l’Imaginaire, Prix de la traduction Jacques Chambon 2022, Locus Award 2021, British Fantasy Award 2021, Nebula Award 2020.

Traduit de l’anglais (USA) par Mathilde Montier.

Par Wylla

Conclusion

Pour d’autres idées de lecture, n’hésitez pas à consulter la liste de toutes les recommandations publiées sur le blog de la Garde de Nuit.

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