Nombreux sont ceux qui parlent du jeu des trônes. Si Cersei est celle qui nous en explique les enjeux (« il faut vaincre ou périr, il n’y a pas de moyen terme. »), Baelish est celui qui en parle le plus, en nous livrant sa vision du jeu et en expliquant sa méthode.
À Port-Réal, il y a deux sortes de gens. Les joueurs et les pièces. […] Tout homme est une pièce, au début, et toute femme aussi. Dussent certains se prendre pour des joueurs. […] Tout le monde veut quelque chose, Elayne. Et il vous suffit de savoir ce que quelqu’un veut pour savoir qui il est et comment le pousser.
(ASOS, chapitre 69, Sansa VI)
Même s’il a subi des revers, sa méthode semble largement porter ses fruits depuis le premier livre. Les plans de Littlefinger sont compliqués, tant ils sont tortueux. Et lui-même évite de s’exposer en agissant le plus souvent indirectement, comme il l’explique à Sansa :
Je n’avais aucun mobile. Au surplus, je me trouve à mille lieues d’ici, dans le Val. Arrangez-vous toujours pour embrouiller vos adversaires. S’ils ne savent jamais avec certitude qui vous êtes ou ce que vous voulez, ils sont incapables de concevoir ce que vous risquez de faire le coup d’après. La meilleure façon, parfois, de les déconcerter consiste à accomplir des gestes qui n’ont aucun but, voire même à paraître œuvrer contre vos propres intérêts.
[…]
Mains nettes, Sansa. Quoi que vous fassiez, arrangez-vous pour avoir toujours les mains nettes.(Ibid)
La Garde de Nuit revient pour vous sur son parcours et ses intrigues dans les livres. Venez jouer avec nous…
Attention, cet article contient des spoilers massifs des livres !
↑De l’enfance déterminante…
↑La négligeable maison Baelish
Une partie du caractère de Petyr Baelish s’explique certainement par son histoire familiale.
L’arrière-grand-père de Petyr Baelish était un mercenaire, originaire de Braavos, qui se mit au service de la maison Corbray. Son grand-père devint chevalier et prit pour blason la tête du titan de Braavos. Son père a par la suite été anobli et reçut des terres (sûrement du fait de sa participation à la guerre des Rois à Neuf Sous, la dernière rébellion Feunoyr, voir notre chronique précédente « L’Histoire de la corneille à trois yeux » sur les origines de ces rébellions).
Toutefois, et même si elle connait une lente ascension, la maison Baelish n’a jamais dirigé qu’un fief misérable, composé de quelques arpents rocheux sur le plus petit des Quatre Doigts (quatre caps au nord-ouest du Val d’Arryn). Quant au manoir familial, ce n’est qu’une modeste tour de silex au bord de la mer, sans fenêtre. Un unique escalier de pierre contre la paroi permet de passer de la cave aux combles, chaque étage n’étant constitué que d’une pièce unique. Au rez-de-chaussée se trouve la cuisine. Le premier étage constitue la principale salle où vit le seigneur. Au second étage, on trouve la chambre à coucher.
Littlefinger qualifie lui-même son logis de triste, petit et miteux. On peut supposer que Petyr, enfant vif et fier, a développé un complexe d’infériorité, car il a très tôt connu le luxe et l’opulence chez son mentor : lord Hoster Tully.
↑Le pupille de la maison Tully
Lors de la guerre des Rois à Neuf Sous, son père s’était lié d’amitié avec l’héritier de Vivesaigues, Hoster Tully. Celui-ci accepte Petyr comme pupille à une date inconnue. Le jeune Petyr est donc élevé avec ses enfants, avec lesquels il se lie : Catelyn, Lysa et Edmure. C’est ce dernier qui invente le surnom de Petyr, « Littlefinger », en raison de son apparence chétive et de l’emplacement de son fief familial.
C’est dans le magnifique château de Vivesaigues que Petyr grandit. Catelyn et Lysa connaissent leurs premières expériences amoureuses avec Petyr, en jouant à l’embrasser. Plus le temps passe, plus Petyr s’éprend de Catelyn. Avec elle, ils jouent à être Jenny de Vieilles-Pierres et le prince des Libellules, Duncan Targaryen, un couple d’amoureux mythiques. Lors d’une soirée particulièrement arrosée, où Catelyn lui a concédé six danses, il tente de l’embrasser, mais elle le repousse en riant. Dépité, Petyr se saoule et doit être raccompagné dans sa chambre, mais, plus tard dans la nuit, Lysa monte le voir et ils couchent ensemble, Petyr étant convaincu d’être avec Catelyn. Des années plus tard, Littlefinger continue à prétendre que les deux sœurs lui ont offert leur virginité.
En 276, lord Hoster Tully fiance sa fille aînée, Catelyn, à l’héritier du Nord, Brandon Stark (frère aîné d’Eddard). Lorsqu’il l’apprend, Petyr (qui a 12 ans) trouve le courage de défier le Nordien, de plusieurs années son aîné. Catelyn se détourne de lui, et fait porter ses couleurs à Brandon. Elle lui fait promettre qu’il épargnera son ami, qui est à peine sorti de l’enfance. Littlefinger est également déçu de voir qu’Edmure officie comme écuyer de Brandon, ce qu’il prend comme une trahison. Brandon retire une grande partie de son armure quand il voit la mauvaise qualité de celle de Baelish. L’issue du duel ne fait rapidement aucun doute : Petyr est blessé à de nombreuses reprises, mais refuse de se rendre, jusqu’à être sérieusement atteint à l’abdomen ; il tombe alors en murmurant le nom de sa bien-aimée.
Pendant deux semaines, il est soigné par le mestre de Vivesaigues, assisté de Lysa. Lord Hoster interdit à Catelyn d’aller le voir. Lorsqu’Edmure lui rend visite, Petyr refuse de lui pardonner d’avoir été l’écuyer de son rival. Une fois qu’il est en état de voyager, lord Tully le renvoie dans son fief, aux Doigts, pour qu’il y finisse sa convalescence. Tout le monde pense alors qu’il punit ainsi son pupille, qui aurait pu compromettre le mariage de Catelyn. Cependant, la raison en est plus obscure : Lysa Tully serait tombée enceinte, après avoir couché avec Petyr (avant ou pendant sa convalescence). Elle tente d’amadouer son père, mais celui-ci, qui a d’autres ambitions pour sa fille, la fait avorter à son insu: de connivence avec son mestre, il lui fait boire une potion qui tue l’enfant en elle.
En 282, lorsque Petyr apprend la mort de Brandon Stark (ce qui déclenche la rébellion de Robert Baratheon), il envoie une lettre à Catelyn, espérant sans doute la reconquérir… mais celle-ci jette la lettre au feu sans même l’ouvrir, car elle a depuis été promise au frère cadet de Brandon, le nouveau lord Stark : Eddard. Pendant les années qui suivent, Petyr rêve parfois de Winterfell, s’imaginant un lieu glacial et sombre.
↑…à l’adulte ambitieux et talentueux
↑Les débuts à Goëville et l’arrivée à Port-Réal
Parvenu à l’âge adulte, Petyr change son blason, adoptant un semis de moqueurs, qui correspond mieux à sa personnalité que l’impressionnant Titan de Braavos.
S’il doit renoncer à Catelyn, Petyr sait pouvoir toujours compter sur l’amour aveugle de Lysa, malgré son mariage avec lord Jon Arryn en 282. Celle-ci parvient en 288 à convaincre son époux de donner à Petyr un poste subalterne aux douanes du principal port du Val d’Arryn, Goëville. Baelish s’y fait remarquer en faisant rentrer trois fois plus d’argent qu’aucun autre percepteur avant lui. Dès cette époque, la rumeur se répand que Littlefinger est capable, en frottant deux pièces d’or, d’en faire apparaître une troisième. Il garde par la suite de nombreux amis à Goëville, et plus généralement, auprès de la petite noblesse du Val.
Face à ses bons résultats, Jon Arryn se laisse une nouvelle fois convaincre par sa femme du talent de Petyr : en tant que Main du Roi, lord Arryn doit trouver les moyens de payer les folles dépenses du roi Robert. Il fait venir Petyr à Port-Réal. Pour Lysa, c’est une occasion de rester proche de son amant, mais Littlefinger voit plus loin…
En effet, il se révèle être tout aussi bon courtisan qu’il est bon comptable. Il est apprécié à la cour pour sa vivacité d’esprit et ses bons mots, parfois très mordants. Il est toujours souriant, toujours d’excellente humeur et toujours prêt à rendre service. Personne ne se sent menacé par lui, car il n’est ni riche, ni puissant par lui-même. Toutefois, certains le jugent sournois, cruel et ambitieux.
Toujours très élégant, il prend soin de son apparence et rivalise avec Renly Baratheon, le jeune frère du roi, pour les tenues vestimentaires dispendieuses. C’est aussi un parieur, qui n’hésite pas à miser de grosses sommes. Il a gardé l’habitude depuis son enfance de mâcher de la menthe, afin d’avoir toujours une haleine fraîche et des dents blanches.
Pendant toutes les années qui suivent, il poursuit sa relation extraconjugale avec Lysa, bien qu’il ne partage pas du tout son amour.
↑Le Grand Argentier
↑Le gouvernement de Jon Arryn
Au bout de trois ans à Port-Réal, Petyr Baelish devient Grand Argentier et siège à ce titre au Conseil restreint du roi Robert. Pour payer les extravagances royales, il souscrit des emprunts faramineux à des taux usuraires auprès des Lannister, des Tyrell, de Tyrosh, de la Banque de Fer de Braavos, et même du Grand Septon.
Bien qu’il diffère les remboursements, Littlefinger se montre habile gestionnaire : sous son administration, les revenus de la Couronne sont décuplés. Il utilise l’argent des prêts pour acheter des fourgons, des boutiques, des bateaux, des maisons, des étoffes, dont il contrôle ensuite le marché. Il spécule notamment sur les céréales en période d’abondance pour revendre du pain en période de pénurie. Il met en place des taxes sur les vins. Il accorde également des prêts avec des intérêts. Toutefois, ces revenus ne sont pas suffisants pour éponger les dettes.
Littlefinger en profite pour nommer des hommes qui lui sont fidèles aux postes stratégiques : les quatre garde-clefs, le Comptable et le Trébuchet du roi, et toute une série de fonctionnaires auprès de tous les corps de métiers. Par ailleurs, il vend certains offices royaux, comme les postes de responsables des geôles du Donjon Rouge. Les nouveaux fonctionnaires royaux sont des hommes appartenant à la classe moyenne (fils de négociants, hobereaux, étrangers), généralement plus aptes et ayant de meilleurs résultats que leurs prédécesseurs de haute naissance. Neuf fonctionnaires sur dix lui devraient leur poste, ce qui le place, dans les fait, à la tête de l’administration royale.
Il acquiert à cette époque plusieurs bordels à Port-Réal et dans les alentours.
L’un de ses hommes est Janos Slynt, commandant du Guet de Port-Réal. Fils de boucher, Janos accepte les pots de vin comme beaucoup d’autres officiers du Guet. En tant que commandant, Slynt met en place un trafic : il accorde des places et des promotions à des hommes si ceux-ci lui reversent ensuite une partie de leur solde. Janos étant un homme peu finaud, certains soupçonnent Littlefinger d’avoir monté ce trafic et d’avoir fait en sorte que celui-ci rapporte de l’argent au trône de Fer.
La Main du Roi Jon Arryn finit par percer à jour ce trafic, et en présente des preuves au Conseil restreint, mais les deux hommes qu’il voulait faire témoigner meurent brusquement pendant une de leurs rondes. Robert écarte l’idée d’une sanction en disant : « Ils volent tous. Tant vaut un voleur qu’on connaît qu’un voleur qu’on ne connaît pas, son successeur pourrait être pire. », mais Stannis Baratheon pense que ces mots lui ont été soufflé par Littlefinger.
La mort de Jon Arryn
En 298, la mort suspecte de lord Jon Arryn, Main du Roi Robert, est le tout premier d’une série d’événements qui vont déclencher la guerre des Cinq Rois … Et pourtant, c’est surtout le résultat d’une partie du jeu des trônes, que le lecteur ne découvre qu’au fur et à mesure des tomes.
En effet, la Main du Roi devient gênante pour beaucoup de personnes à la cour. Le frère du roi, Stannis Baratheon, comprend que depuis des années, la reine Cersei Lannister entretient une relation incestueuse avec son frère Jaime et que tous les enfants de la reine ont été conçus avec son frère. Cette information est grave, car elle implique que le roi Robert n’a aucun enfant légitime, et que c’est donc son frère, Stannis, qui devrait hériter de son trône. Sachant que Robert ne le tient pas en grande estime, et qu’on pourrait le croire motivé par la seule perspective de devenir roi, Stannis informe la Main, Jon Arryn, de ses soupçons, pour qu’il l’appuie auprès de Robert. Les deux hommes coopèrent alors pour réunir des preuves, notamment en rencontrant les bâtards de Robert.
Mais Jon Arryn redoute la confrontation à venir avec les Lannister, la plus puissante famille des Sept Couronnes. Il décide alors d’envoyer son fils et héritier, le frêle Robert (Robin dans la série) comme pupille à Peyredragon, afin de l’éloigner de Port-Réal où il serait en danger… Cependant, quand son épouse l’apprend au détour d’une conversation, elle est effondrée. En effet, Lysa est maladivement attachée à son fils unique et refuse qu’il soit éloigné d’elle.
Petyr, qui entretient toujours une relation amoureuse avec Lysa, lui aurait alors donné des larmes de Lys, un poison inodore et incolore, semblable à de l’eau, pour qu’elle le verse dans le vin de son mari.
Le Grand Mestre Pycelle comprend lui-aussi ce que la Main tramait, car il a vu les livres généalogiques empruntés par Jon Arryn. Or, depuis des années, il est au service des Lannister. Il croit deviner chez la reine Cersei l’ordre implicite d’agir (ordre qu’elle ne pouvait exprimer explicitement, craignant d’être espionnée), et il estime que la mort imminente de Jon Arryn sert les intérêts des Lannister. Il fait donc en sorte que mestre Colemon, qui avait recommandé des purges efficaces contre le mal, soit éloigné, afin de s’assurer du décès de Jon Arryn, qui survient en deux semaines.
Robert Baratheon, sur le conseil de la reine Cersei, propose alors à la veuve de Jon Arryn de confier son fils comme pupille à lord Tywin Lannister, le père de la reine. C’est sûrement Petyr qui conseille alors à Lysa de se retirer aux Eyrié avec son fils et de tenir les vassaux du Val d’Arryn éloignés des conflits militaires à venir. Petyr lui dit également d’envoyer une lettre à sa sœur Catelyn, où elle accuse les Lannister d’avoir assassiné son époux. Cette accusation parait alors fondée à de nombreuses personnes (y compris au lecteur !).
Ces éléments sont ceux que nous connaissons, les faits qui sont établis dans les livres… mais qui comportent des zones d’ombres sur le rôle de certaines personnages. Lorsque le forum aura rouvert, vous pourrez lire l’article d’Evrach sur Les circonstances de la mort de Jon Arryn, qui vous apportera un tout autre éclairage sur ces événements.
↑Le gouvernement d’Eddard Stark
Alors que lord Eddard Stark est nommé Main du roi, son épouse Catelyn demeure auprès de leur fils Bran, plongé dans le coma après sa chute. Une tentative d’assassinat contre l’enfant renforce les soupçons de Catelyn contre les Lannister, et elle décide de se rendre à Port-Réal incognito pour prévenir son mari. Lorqu’elle arrive dans la capitale, Varys en avertit immédiatement Littlefinger. Celui-ci héberge lady Catelyn dans l’un de ses bordels, afin d’assurer son anonymat. Lady Catelyn leur montre alors à tout deux le poignard en acier valyrien que portait l’homme qui a tenté d’assassiner Bran, et Petyr prétend alors que le poignard lui appartenait, mais qu’il l’a perdu dans un pari au profit de Tyrion Lannister. Petyr sait que Catelyn doute déjà des Lannister grâce à la lettre de Lysa, et qu’elle fera confiance à un vieil ami. Il cherche par ce mensonge à attiser la défiance des Stark envers les Lannister.
Après avoir réuni Eddard et Catelyn, Petyr les manipule subtilement : il écarte leurs soupçons concernant un éventuel rôle de Robert dans la tentative d’assassinat, les rassure concernant le danger que représente Varys, et les convainc qu’ils n’ont pas de preuves suffisantes pour accuser les Lannister. Il promet à Eddard son aide pour son enquête sur la mort de Jon Arryn. Pressentant sans doute le danger des tensions qu’il est en train de créer, il approuve l’idée d’Eddard de renvoyer Catelyn à Winterfell.
Après le départ de Catelyn, Petyr intrigue auprès de lord Stark : il arrose abondamment la graine qu’il a planté en lui donnant des informations, souvent invérifiables, mais qui mettent en cause les Lannister, faisant ainsi augmenter la défiance d’Eddard envers les lions. Ainsi :
- il lui montre des personnes autour de la tour de la Main, en les accusant d’espionner pour Varys ou pour la reine. Cette information est complètement invérifiable ;
- il prétend que Robert a enfanté des jumeaux bâtards en 295, lors du tournoi organisé par Tywin Lannister à Castral Roc. Devant l’outrage ainsi fait à sa femme sur les terres de son père, la reine Cersei aurait fait tuer les enfants et vendre la mère à un marchand d’esclaves. Cette information pourrait bien être fausse, car aucun chapitre ayant un Lannister comme « personnage Point de vue » ne confirme cet événement pour le moment ;
- il l’avertit des rumeurs selon lesquelles Castral Roc accueille de plus en plus de reîtres et de francs-coureurs. Bien que cette information soit sans doute juste, Littlefinger prétend la tenir de Varys… Et on peut raisonnablement se demander pourquoi l’eunuque ne s’est pas déplacé lui-même pour en avertir lord Stark.
Toutefois, il lui arrive également de donner des conseils judicieux : si les gestes de la Main du roi sont épiés jours et nuits, les gens de sa maison ne peuvent pas tous être surveillés. Il lui conseille donc de les utiliser comme messagers.
Pour ce qui est d’aider lord Stark dans son enquête, il se contente dans un premier temps de l’aiguiller vers les quelques rares personnes de la maisonnée de lord Jon Arryn qui ne sont pas retournées aux Eyrié. Plus tard, lorsqu’un violent différend oppose Robert et Eddard, celui-ci démissionne de ses fonctions de Main et veut quitter la capitale, mais Littlefinger parvient à le retenir en l’amenant auprès d’une des bâtardes de Robert, que Jon Arryn avait rencontrée avant sa mort. Juste après cette rencontre, Eddard et son escorte tombent dans un guet-apens Lannister, au cours duquel ses hommes sont massacrés. Eddard lui-même est très sévèrement blessé, mais il survit et Robert l’oblige à conserver ses fonctions de Main du roi. Certains lecteurs pensent que Littlefinger a organisé ce guet-apens afin d’obliger lord Stark à rester à Port-Réal.
Robert subit un grave accident de chasse, et est ramené mourant au Donjon Rouge. Littlefinger rencontre alors Eddard et c’est à ce moment qu’il semble révéler son jeu.
En effet, Eddard a fini par comprendre que Cersei et Robert n’ont pas d’enfants légitimes (ce qui ne paraît pas surprendre outre mesure Littlefinger). Eddard estime donc que Stannis est l’héritier de Robert et qu’il devra lui succéder. Mais Petyr sait ce que cette option signifie pour lui : la perte de sa position de Grand Argentier, et peut-être plus, car Stannis le tient en piètre estime. Il sait également que Tywin Lannister n’acceptera pas de voir sa fille et ses petits-enfants évincés et humiliés, voire exécutés. Il conseille alors à Eddard de faire la paix avec les Lannister et de disposer de Stannis pour éviter une guerre. Il lui annonce également qu’il le secondera pour les tâches les moins avouables, arguant qu’il ne les lui fera pas cher payer. Mais le Stark est trop honorable pour vouloir rentrer dans ce jeu et refuse de transiger : Stannis est le seul véritable héritier. C’est sûrement à partir de ce moment que Petyr décide de le trahir. Tâche d’autant plus simple qu’Eddard est en position de faiblesse : il reconnaît qu’il a trop peu d’hommes à son service et qu’il lui faut rallier les soldats du guet de Port-Réal pour tenir tête aux Lannister. Littlefinger comprend qu’il va devoir les corrompre, mais au lieu de les rallier aux Stark, ils les offre à Cersei Lannister. Par la suite, il fait croire à lord Stark que le Guet lui sera fidèle. Pourtant, lors de l’épreuve de force finale, quand les deux factions finissent par s’affronter, les hommes du Guet se retournent contre les Stark et les massacrent ; Littlefinger lui-même se sert du propre poignard de lord Eddard pour le capturer.
Baelish accompagne la reine régente, le jeune roi et le reste du Conseil restreint lorsqu’Eddard est présenté sur le parvis du Grand Septuaire de Baelor. À la surprise de Cersei, du Grand Septon et même de Varys, le roi Joffrey condamne lord Stark à mort, alors qu’on lui avait dit qu’il devait l’envoyer au Mur. Ser Ilyn Payne et Janos Slynt réagissent avec un enthousiasme et une célérité qui laissent supposer qu’ils étaient déjà au courant de la décision royale. Littlefinger est l’un des rares dont la réaction n’est pas remarquée.
↑Le gouvernement des Lannister
Occupé par une guerre, Tywin Lannister ne peut se rendre à Port-Réal. Mais il doit y envoyer une personne de confiance, car il se défie de Cersei et du conseil restreint, qui n’arrivent pas à contrôler Joffrey… Il envoie donc Tyrion en tant que Main du roi suppléant, car il n’est pas très utile sur un champ de bataille et il fait preuve d’une certaine subtilité dans ses réflexions.
Lorsque Tyrion arrive à Port-Réal, Littlefinger comprend rapidement que ses manigances lui ont valu un ennemi : le Lutin lui tient en effet rancune de ses mensonges concernant la dague en acier valyrien, qui l’ont conduit dans les geôles du Val d’Arryn et ont précipité la guerre. Toutefois, Baelish va jusqu’à avoir l’impudence de lui offrir le poignard en question au cours d’une discussion, ce qui déconcerte Tyrion, qui se rend bien compte qu’il pourra difficilement toucher à lui : Littlefinger a placé tellement d’hommes parmi les fonctionnaires royaux (neuf sur dix, dit-on) qu’il serait dangereux de s’en prendre au Grand Argentier dans l’immédiat. Une fois la guerre calmée, Tyrion pense qu’il pourra avec le temps remplacer les hommes de Littlefinger par des hommes à lui.
Il apprend rapidement de Cersei que c’est Littlefinger qui a suggéré l’idée d’anoblir Janos Slynt, de lui donner Harrenhal et une place au Conseil restreint pour rétribuer sa « loyauté ». Il décide de se débarrasser de l’encombrant Janos en l’envoyant au Mur. Mais il n’est cependant pas dupe : il sait qu’il vient de se débarrasser d’une créature de Littlefinger pour le remplacer par un homme de Varys, puisque c’est ce dernier qui lui a suggéré le nom du nouveau commandant du Guet.
Contrairement à Eddard, Tyrion se défie plus de Littlefinger que de Varys, qui va à son tour tenter de décrédibiliser son rival. Il laisse entendre que Stannis aurait pu apprendre l’inceste de Cersei grâce à un traître. Lorsque Tyrion l’accuse, il dément, prétendant être au courant depuis longtemps déjà. En revanche, quand Tyrion soupçonne Littlefinger, il lui répond simplement : « Je n’ai point prononcé de nom. »
Toutefois, Tyrion ne fait vraiment confiance à personne… Et il va tendre un piège aux trois membres du conseil restreint, pour savoir qui est le mouchard de Cersei. À Littlefinger, il fait croire qu’il veut rétablir de bonnes relations avec le Val d’Arryn : pour ce faire, il prétend qu’il pourrait fournir à Lysa Arryn le véritable assassin de son mari, qu’il pourrait l’aider contre les clans des montagnes de la Lune qui harcèlent ses gens, et qu’il lui accorderait la main de Myrcella pour la marier à son unique fils, Robert Arryn. Il ne demande qu’une chose en échange : qu’elle n’intervienne pas dans la guerre opposant les Stark et les Tully aux Lannister. Bien entendu, Baelish n’entend pas travailler pour rien, c’est pourquoi Tyrion lui promet Harrenhal, la forteresse précédemment promise à Janos Slynt, et la suzeraineté du Conflans, qui fera de lui l’un des tout premiers seigneurs de Westeros. Grâce à son nouveau statut, Baelish sera en mesure de prétendre à un mariage avec Lysa Arryn, ce qui assurera la pérennité de l’alliance. C’est une proposition beaucoup trop alléchante pour que Petyr puisse la refuser. Il tente bien de tergiverser, sentant sans doute le coup fourré, mais il finit par accepter la proposition de Tyrion…
Une proposition sans lendemain, car Tyrion a par ailleurs déclaré à Varys, puis à Pycelle d’autres projets pour Myrcella, afin de démasquer celui qui est l’espion de Cersei. Et c’est Pycelle qui se trahit. Littlefinger comprend qu’il a pour une fois été lui-même victime d’une manigance, et cela ne lui plait pas : il fait comprendre à Tyrion qu’il n’a pas intérêt à recommencer, d’autant plus qu’il est toujours indispensable au Trône de fer.
Le Grand Argentier semble cependant toujours fidèle à la cause des Lannister, d’autant plus qu’il ne peut guère passer du côté de Stannis Baratheon, homme trop vertueux pour apprécier les bons offices du comploteur (Tyrion le sait, mais Cersei ne s’en rend pas compte spontanément).
Quand Stannis envoie dans tout Westeros des accusations d’inceste et d’adultère contre la reine Cersei, Baelish propose de répondre par des accusations du même genre, comme de prétendre que la fille unique de Stannis est en fait la fille de son bouffon simple d’esprit. Et plutôt que d’envoyer des lettres à tous les seigneurs de Westeros comme Stannis, Littlefinger propose de passer par les bordels et les tavernes. L’idée réjouit la reine et même Tyrion lui reconnaît une grande habilité… ce qui le rend d’autant plus dangereux à ses yeux.
Lorsque parvient la nouvelle de la mort de Renly Baratheon, prétendant au trône, Baelish abonde dans le sens de Tyrion, qui veut tenter de rallier ses anciens alliés, les Tyrell et leurs vassaux. Il soutient l’idée de marier Margaery Tyrell à Joffrey pour assurer l’alliance, avançant même des arguments propres à convaincre le roi. Voyant Cersei et Tyrion s’écharper sur l’émissaire à dépêcher à Mace Tyrell, Littlefinger saisit l’occasion pour se proposer, en faisant valoir d’excellents arguments : il ferait un piètre otage, mais il est un émissaire de qualité, en tant que membre du Conseil restreint et habile négociateur. Bien que Tyrion comprenne spontanément que Littlefinger est en train de les berner, il n’arrive pas à trouver d’autre solution. Baelish exige une escorte conséquente pour être pris au sérieux par les Tyrell. Il obtient également l’autorisation d’emporter tout l’or nécessaire à la réussite de sa mission, et les pleins pouvoirs pour négocier le contrat de mariage. Il précise néanmoins avant de partir qu’il s’attend à une récompense en cas de succès.
Son ambassade est un plein succès : Littlefinger obtient non seulement la main de Margaery, avec la promesse que son jeune frère, ser Loras, rentrera dans la Garde Royale de Joffrey, mais, en outre, les Tyrell parviennent à se joindre aux forces menées par Tywin Lannister et marchent vers Port-Réal. Ensemble, ils attaquent les troupes de Stannis Baratheon, montées à l’assaut de la ville. La bataille de la Néra est une grande victoire pour le camp Lannister et une cuisante défaite pour les prétentions de Stannis. Et s’il ne s’est pas illustré par son héroïsme, Littlefinger a au moins permis l’alliance de la victoire. De plus, c’est lui qui a proposé de faire revêtir l’armure de Renly à un autre frère de Margaery, pour faire croire que le fantôme du frère de Stannis était venu se venger de son frère et de ses vassaux déloyaux.
La récompense ne tarde pas : il reçoit Harrenhal et la suzeraineté du Conflans, sur sa propre suggestion à lord Tywin, qui a repris en direct ses fonctions de Main du roi (Tyrion, gravement blessé au cours de la bataille, ne peut intervenir). Lord Lannister lui accorde d’autant plus facilement cette récompense qu’il ne s’agit à ce moment-là que de titres creux d’après lui : les seigneurs du Conflans ont suivi le roi du Nord Robb Stark dans sa rébellion contre Joffrey, et ils ne prêteront pas allégeance à « lord » Petyr. Ces titres le rendent surtout digne de courtiser Lysa Arryn, afin de la ramener dans le camp de Joffrey.
Du moins, c’est ce qu’il prétend au Conseil restreint pour que ses membres avalisent son départ pour les Eyrié. Littlefinger propose alors le nom de Tyrion pour le remplacer comme Grand Argentier. Pour les Lannister, c’est l’occasion de confier le trésor royal au contrôle d’un des leurs plutôt qu’à un Tyrell. Mais pour Petyr, l’intérêt semble tout autre…
En apparence, Littlefinger quitte Port-Réal pour le Val peu de temps avant le mariage de Joffrey et Margaery, mais, en réalité, il a ourdi un nouveau plan dont les Lannister seront cette fois les victimes.
La mort de Joffrey
Depuis longtemps, Petyr pense à s’octroyer un autre trophée.
Lorsqu’Eddard Stark a été nommé Main du roi, il a amené ses deux filles avec lui. Littlefinger, assistant au tournoi de la Main, rencontre pour la première fois l’aînée des filles de Catelyn, Sansa. Il reconnaît immédiatement en elle les traits de sa mère Catelyn, son grand amour caché, et se montre amical avec elle. Après qu’Eddard a été neutralisé, en grande partie grâce à lui, il propose à la reine Cersei d’épouser Sansa afin de garantir sa fidélité au trône de Fer. Elle refuse, car il est de trop basse naissance. En réalité, Petyr veut récupérer Sansa parce qu’elle pourrait un jour devenir l’héritière du Nord, si tous ses frères meurent. En outre, il est probable qu’il éprouve pour elle une attirance trouble, surtout après la mort de Catelyn.
Après que Tyrion Lannister est devenu Main du roi, Littlefinger envoie à la jeune fille un autre de ses agents, Dontos Hollard, un ancien chevalier déchu au rang de bouffon. Dontos, dissimulant le rôle de Littlefinger, la prévient qu’un plan est en place pour lui permettre de s’échapper et il lui conseille d’être patiente. Il lui offre un collier d’améthyste, qui aurait soi-disant appartenu à sa mère, et lui demande de le porter pendant les noces de Joffrey et Margaery Tyrell. En réalité, certaines gemmes sont enduites d’un poison nommé l’étrangleur.
Cependant, Littlefinger n’est pas le seul à avoir des vues sur Sansa : les Tyrell prévoient de l’emmener à Hautjardin après les noces de Joffrey et Margaery, afin de lui faire épouser un des frères de la future reine. Sansa est charmée, mais elle prévient imprudemment Dontos, qui lui-même informe Baelish. Pour que la clé du Nord ne lui échappe pas, il prévient les Lannister qui la marient promptement à Tyrion.
Pendant le repas des noces du roi Joffrey, celui-ci se montre particulièrement agressif à l’encontre de son oncle Tyrion, allant même plusieurs fois jusqu’à l’humilier. Certaines humiliations (un spectacle de joute, avec des nains montés sur des animaux de ferme) ont d’ailleurs été proposées au roi Joffrey par Littlefinger lui-même. Aussi, quand Joffrey s’étouffe et meurt violemment, c’est immédiatement Tyrion que tout le monde accuse… d’autant plus que son épouse, Sansa, s’est enfuie. Elle retrouve Dontos, qui la conduit en barque jusqu’à un navire où se rouve Petyr Baelish. Littlefinger fait alors tuer Dontos, qui risquait de dévoiler ses plans à tout le monde. Plus tard, il explique à Sansa le jeu qu’il a mené depuis tout ce temps… Et il est tellement subtil qu’il vaut mieux que ce soit lui qui en parle :
— Comme vous avez poussé ser Dontos à empoisonner Joffrey ? » Elle était parvenue à la conclusion que, tout bien réfléchi, c’était forcément Dontos, l’assassin. Littlefinger se mit à rire. « Ser Dontos le Rouge était une outre de pinard à pattes. On ne pouvait sous aucun prétexte lui confier une tâche aussi colossale. Il l’aurait accomplie en dépit du bon sens ou m’aurait trahi. Non, le rôle de Dontos consistait en tout et pour tout à vous conduire hors du château… et à vous faire porter sans faute votre résille d’argent. »
[…]
Il sourit. « Je suis prêt à gager qu’à un moment ou un autre de cette soirée-là quelqu’un vous aura dit que votre résille était de travers avant de vous la rajuster. » Sansa porta vivement la main à ses lèvres. « Vous ne voulez tout de même pas dire… Elle souhaitait m’emmener à Hautjardin pour me faire épouser son petit-fils…
— Le bon, le pieux, l’adorable Willos Tyrell. Félicitez-vous qu’on vous l’ait épargné, il vous aurait mortellement rasée. Pas la vieille dame qui, je le lui concède, est tout sauf une raseuse. Une vieille mégère de la pire espèce, et beaucoup moins fragile, tant s’en faut, qu’elle ne l’affecte. Lorsque j’allai à Hautjardin marchander la main de Margaery, elle laissa fanfaronner son seigneur de fils et posa des questions pointues sur le caractère de Joffrey. Je le portai bien sûr aux nues…, tandis que mes gens propageaient parmi la maisonnée de lord Tyrell des anecdotes infernales. C’est ainsi que se joue la partie.
« C’est également moi qui semai l’idée de ser Loras atouré de blanc. Sans me permettre, oh non, de rien suggérer, la ficelle eût été trop grosse, simplement, il se trouva dans mon escorte des gens qui, non contents de fournir des récits friands sur l’émeute de la populace, le viol de lady Lollys et le massacre de ser Preston Verchamps, glissèrent quelques pourboires au bataillon de chanteurs de messire Tyrell pour leur faire pousser la chansonnette sur les exploits de Ryam Redwyne, de Serwyn au Bouclier-miroir et du prince Aemon Chevalier-Dragon. Une harpe, cela peut être aussi dangereux qu’une épée, pincée par des doigts congrus.
« Et Mace Tyrell, en effet, se persuada que l’idée de faire expressément stipuler dans le contrat de mariage l’entrée de ser Loras dans la Garde était une idée à lui. Quel meilleur protecteur sa fille pouvait-elle rêver que son ébouriffant chevalier de frère ? Trop content d’ailleurs de se soustraire à la corvée de chercher à nantir ce troisième fils de terres et d’une moitié, problème toujours épineux mais, dans le cas de ser Loras, doublement scabreux.
« Advienne que pourra. Lady Olenna n’était certes pas près de laisser Joffrey martyriser son inestimable Margaery chérie, mais, contrairement à son fils, elle était aussi pleinement consciente que sous toutes ses fleurs et toute sa joaillerie ser Loras est aussi soupe au lait que Jaime Lannister. Jetez Joffrey, Margaery et Loras dans une marmite, et voilà réunis tous les ingrédients d’un ragoût régicide. La vieille dame avait encore compris autre chose. Son fils tenait mordicus à faire Margaery reine, et, pour y parvenir, il lui fallait un roi…, mais ce roi n’était pas forcément Joffrey. Un autre mariage aura lieu bientôt, patience, et vous verrez. Margaery épousera Tommen. Elle conservera sa couronne de reine ainsi que sa virginité, bien qu’elle ne tienne vraiment pas plus à l’une qu’à l’autre, mais quelle importance, n’est-ce pas ? La grande alliance de l’Ouest se trouvera préservée…, pour quelque temps, du moins. »(ASOS, chapitre 69, Sansa VI)
Grâce à son jeu subtil, Littlefinger récupère celle qu’il croit être l’héritière légitime du Nord dans le plus grand secret (car, comme tout le monde, il pense que Bran et Rickon sont morts), forge une complicité avec certains Tyrell (Olenna évidemment, mais dans les livres, il n’est pas encore précisé si Margaery a été complice ou pas du meurtre de son époux), et se débarrasse d’un roi peu malléable et d’un adversaire dangereux, Tyrion. En effet, Littlefinger prévoit que Tyrion sera prochainement exécuté pour son crime, ce qui ferait de Sansa une veuve, disponible pour un nouveau mariage…
↑Le sire d’Harrenhall
Avant de partir pour le Val, Petyr rend un dernier service aux Lannister : il leur fournit une fausse Arya Stark. Échappée depuis le massacre des hommes de lord Eddard, celle-ci demeure introuvable. Or, après le massacre, Cersei a confiée à Littlefinger une jeune Nordienne rescapée (fille d’un intendant d’Eddard, amie de Sansa). Petyr l’a recluse dans un de ses bordels, à l’extérieur de la ville, où elle a visiblement subit des mauvais traitements et une formation à la prostitution. Il la propose comme substitut d’Arya, afin que le fils Bolton l’épouse. Ce mariage rendra plus légitime les prétentions des Bolton sur le Nord et Winterfell. Comme tous les proches d’Arya ont disparu de Winterfell, personne ne pourra récuser son identité.
Arrivé dans son fief, Littlefinger commence à former Sansa Stark à jouer au jeu des trônes. Avant toute chose, il sait que Sansa Stark est recherchée par de nombreuses personnes. Les alliés du Nord pourrait vouloir la placer sur le trône de son frère, et les Lannister la veulent pour la punir du meurtre de Joffrey (dont elle serait l’instigatrice selon eux). Aussi, pour maintenir son anonymat, Petyr Baelish la fait passer pour sa fille bâtarde, à qui il donne le prénom d’Alayne (soi-disant le prénom de sa mère).
Ils sont rejoints par Lysa Arryn, accompagnée d’une faible escorte, qui exige d’épouser immédiatement Littlefinger. Celui-ci voudrait des noces publiques, avec tous les nobles du Val, mais Lysa refuse d’attendre plus longtemps et ordonne que le mariage soit célébré dans la journée. Elle n’écoute pas ses arguments et prétend lui faire un nouvel enfant. Petyr cède et lui fait l’amour (à grand bruit) le soir même.
Littlefinger ordonne ensuite à ser Lothor Brune, son homme de confiance, de veiller sur Sansa Stark, ce qui se révèle être une précaution judicieuse.
Pendant la nuit, Littlefinger a expliqué à son épouse qui était vraiment Sansa. Lysa propose à Sansa de lui noircir les cheveux pour que personne aux Eyrié ne reconnaisse les traits familiers des Tully. La dame des Eyrié prévoit de marier en secret son fils, lord Robert Arryn, à sa nièce, Sansa Stark, sans qu’on sache si l’idée lui a été soufflée par Baelish ou même s’il est au courant.
Dès le lendemain du mariage, Petyr, Lysa, Sansa et leur escorte repartent pour les Eyrié. Lysa nomme Petyr lord Protecteur du Val d’Arryn. Littlefinger congédie le capitaine des gardes, ser Marwyn Belmore, pour confier le poste à son homme de confiance, ser Lothor Brune. Mais les seigneurs du Val renâclent à accepter un lord Protecteur de si piètre naissance. Lord Baelish est obligé de combattre les réticences des Royce, des Vanbois, des Belmore, des Templeton et des Rougefort. Il doit aussi prendre garde aux clans des Montagnes, qui s’agitent énormément.
Après quatre jours d’absence auprès des Corbray, il découvre Sansa dans les jardins des Eyrié, en train de construire une réplique de Winterfell avec de la neige. Enchanté par cette vision, Petyr aide Sansa, qui finit par lui reprocher de l’avoir conduite aux Eyrié, plutôt que chez elle. Il l’embrasse alors, et quelques instants durant, elle savoure ce baiser avant de se détourner. Ce moment est interrompu par le fils de Lysa, le jeune lord Robert Arryn, qui détruit le château et est pris d’une crise de tremblements à cause de Sansa.
↑La mort de Lysa Arryn
Le soir venu, Littlefinger, descendu dans la salle du trône des Eyrié, y trouve Marillion le rhapsode, qui chante haut et fort pour couvrir les hurlements de Sansa, que Lysa tente de jeter dans le vide par les Portes de la Lune. Il comprend que son épouse est prise d’une crise de jalousie, après avoir surpris leur baiser le matin même. Par des mots doux, Littlefinger parvient à faire en sorte que son épouse libère Sansa… mais, dans leur échange, Lysa parle trop, sans prendre garde ni à Marillion, ni à Sansa, et révèle leurs rôles dans la mort de Jon Arryn. Elle se réfugie dans les bras de Petyr, qui la console, en lui disant qu’il n’a jamais aimé qu’une seule femme au monde… « Cat. » Et il la pousse violemment par les portes de la Lune, l’envoyant s’écraser au bas de la montagne. Littlefinger n’a en effet plus besoin d’elle après leur mariage, et elle devenait même gênante.
↑Le régent du Val d’Arryn
Veuf de lady Lysa Arryn, lord Petyr devient non seulement lord Protecteur du Val, mais aussi le tuteur légal de son beau-fils, Robert Arryn. Toutefois, la mort tragique de Lysa si peu de temps après son remariage paraît suspecte, et les vassaux du Val, déjà réticents, refusent d’accepter Littlefinger comme lord Protecteur. Celui-ci a immédiatement fait accuser Marillion de la mort de Lysa, afin de se débarrasser d’un homme dangereux qui avait entendu les confessions de sa femme. Alayne et Petyr mentent à Robert Arryn sur les circonstances de la mort de sa mère, et ils prévoient ensuite de servir le même mensonge à lord Nestor Royce, le Surintendant du Val.
En effet, ce dernier veut monter aux Eyrié pour recueillir les témoignages de Marillion, d’Alayne (Sansa) et de Petyr Baelish. Littlefinger veut faire croire à Sansa que Lysa était délirante, mais elle n’est pas dupe de ses mensonges. Elle s’en accommode toutefois, d’autant plus qu’elle le pense bienveillant à son égard et qu’elle sait n’avoir aucun autre endroit où aller.
Marillion, ayant abusé de son statut de favori de la dame des Eyrié pour se moquer des nobles du Val, la délégation menée par lord Nestor lui est d’office très défavorable. Littlefinger prétend que Lysa voulait chasser Marillion, et que c’est pour cette raison qu’il l’aurait tuée. Lord Nestor et ses hommes semblent convaincus, mais ils demandent à voir Marillion. Littlefinger a passé un accord avec lui : il lui a fait couper des doigts et crever les yeux, mais il a laissé sa langue intacte et lui a promis la vie sauve, grâce à quoi, Marillion peut toujours parler et chanter. Devant les nobles du Val et sous la menace du geôlier, il confesse avoir tué Lysa Arryn par dépit amoureux, quand celle-ci lui aurait annoncé être enceinte de Petyr Baelish. Lord Nestor et son escorte semblent convaincus.
Cette affaire conclue, Littlefinger reçoit lord Nestor en entretien privé. Celui-ci le prévient que d’autres nobles sont en route pour interroger Marillion. Petyr est déjà au courant ; il corrompt lord Nestor en lui présentant un document, qui octroie héréditairement à sa famille le château des Portes de la Lune, un honneur qu’il briguait depuis longtemps. Mais le document, s’il porte bien le sceau des Arryn, est paraphé de sa propre signature de lord régent. S’il perd sa position, le document sera remis en question. Nestor Royce est donc obligé de soutenir Baelish s’il veut conserver son château.
Cinq des nobles du Val (Benedar Belmore, Symond Templeton, Horton Rougefort, Anya Vanbois et Gilbois Veneur le Jeune), menés par lord Yohn Royce (cousin puissant et influent de lord Nestor), se sont regroupés sous le nom de seigneurs déclarants, en se jurant de s’assister les uns les autres, et en se fixant pour mission de protéger lord Robert Arryn. Implicitement, leur but est de déposer Littlefinger de son titre de lord Protecteur du Val. Ils font parvenir leurs doléances aux Eyrié et à Port-Réal, et commencent à masser leurs troupes au bas de la montagne des Eyrié. Tout le monde s’attend à ce que lord Baelish perde rapidement le contrôle des Eyrié, les trois cents hommes de sa garnison ne pouvant repousser un assaut des six mille soldats adverses.
Peu après, Marillion se suicide en se jetant dans le vide (les cellules célestes des Eyrié ayant un mur en moins qui donne sur le flanc de la montagne). La disparition de ce témoin est particulièrement opportune pour Littlefinger, alors que les seigneurs déclarants n’ont pas encore eu l’occasion de l’interroger.
Lord Petyr propose aux seigneurs déclarants de venir parlementer avec lord Robert Arryn. Baelish est attentif aux moindres détails de la préparation de la réunion, afin de complaire aux déclarants. Il ordonne notamment au mestre des Eyrié de donner du bonsomme (une substance calmante, mais dangereuse) à Robert Arryn.
Se faisant toujours passer pour la fille naturelle de Petyr Baelish, Sansa accueille les seigneurs déclarants, auxquels s’est joint un chevalier, ser Lyn Corbray, bien que son aîné, lord Lyonel Corbray, soit favorable à la gouvernance de lord Baelish. Dans un premier temps, les seigneurs déclarants se montrent unis, et peu sensibles aux insinuations de Littlefinger qui tente de saper leur alliance. Ils exigent qu’on leur confie Robert, afin qu’il soit élevé par le puissant lord Yohn Royce. Ils espèrent par là même renvoyer Littlefinger à Harrenhal ou à Port-Réal. Mais celui-ci refuse. Alors que la situation semble bloquée, ser Lyn Corbray dégaine son épée et menace Littlefinger. Ce faisant, il vient d’outrepasser le droit de l’hôte, une règle sacrée des Sept Couronnes, qui veut qu’aucun invité ne porte préjudice à son hôte pendant la durée de son séjour et réciproquement. Ce geste déshonore l’ensemble des seigneurs déclarants, et les obligent à s’interposer.
Ser Lyn quitte la salle, mais le mal est fait. Pour ne pas subir l’opprobre du déshonneur, les seigneurs déclarants doivent accorder ses conditions à lord Baelish. Celui-ci prétend que la mauvaise administration du Val fut le fait de Lysa Arryn, non le sien. Il demande aux déclarants un an pour redresser les finances du Val. S’il n’y parvient pas, il promet de se démettre spontanément. Craignant d’être accusés de trahison ou de rébellion et de se lancer dans une guerre à la veille de l’hiver, les seigneurs déclarants cèdent. Lord Yohn Royce prévient néanmoins Petyr Baelish qu’il n’est pas dupe de ce qui vient d’arriver, et quitte les lieux, furieux. Les déclarants restants sont invités à un banquet présidé par lord Robert Arryn.
Tout comme Yohn Royce, Sansa a compris que Littlefinger vient de berner son monde. Quand elle vient le voir, il lui explique que la moitié des déclarants pourraient bien être morts dans l’année, que lord Belmore et ser Templeton peuvent être corrompus, et que Yohn Royce n’entreprendra rien s’il n’est pas assuré de leur appui. Pour ce qui est de ser Lyn Corbray, Baelish prétend qu’il continuera à participer à tous les complots secrets visant à l’abattre… Mais Sansa comprend que ser Lyn est en fait au service de Baelish : s’il participe à ces complots, c’est pour mieux les faire échouer, comme il vient de faire échouer les prétentions des déclarants. Littlefinger confirme ses soupçons, en lui disant qu’il ne faut que trois choses pour contenter ser Lyn : de l’or, des petits garçons et des combats.
Dans les mois qui suivent, Petyr se montre particulièrement actif pour redresser les finances du Val et saper l’unité des seigneurs déclarants. Les lords Grafton et Lynderly, qui lui sont favorables, lui envoient chacun un de leur fils (Gyles et Terrance), qui deviennent les écuyers de Robert Arryn.
Littlefinger organise et assiste au mariage de lord Lyonel Corbray et de la fille d’un marchand, riche négociant de Goëville. La taille de la dot fait oublier la mésalliance de ce mariage. Parmi les invités, on compte les lords Cirley, Lynderly et Grafton (tous favorables à Littlefinger) et lord Belmore (anciennement seigneur déclarant, qui se désolidarise de ses compères). Mais, à la surprise générale, ils sont rejoints par Symond Templeton et Anya Vanbois. En effet, la maison Vanbois a d’énormes dettes que le lord Protecteur a rachetées. L’unité des seigneurs déclarants semble définitivement brisée.
En remerciement du rachat des dettes des Vanbois, lady Anya a donné son consentement aux fiançailles de son pupille, Harrold Hardyng, avec la fille bâtarde du lord Protecteur. Littlefinger lui a promis une dot particulièrement conséquente. Pour que le mariage se fasse, il faudra toutefois attendre que le jeune homme y consente, que Sansa soit bel et bien veuve et que la reine Cersei ne soit plus une menace.
Littlefinger lorgne sur le jeune homme depuis plus longtemps qu’il n’y paraît : il avait déjà proposé à lady Vanbois de lui envoyer Harrold comme écuyer pour lord Robert Arryn. Il n’est d’ailleurs pas le seul à s’intéresser à lui : lord Yohn Royce a lui-même organisé un petit tournoi pour écuyers, dont les honneurs étaient réservés à Harrold. À la fin du tournoi, lord Royce l’a armé chevalier. Si Harry l’Héritier, comme on le surnomme, attire autant les convoitises, c’est parce qu’il est le fils d’une cousine de lord Robert Arryn, et son unique héritier connu.
Apprenant les événements de Port-Réal, où la reine Cersei ne cesse de commettre des erreurs qui compromettent l’alliance des Tyrell avec les Lannister, Petyr Baelish décide de recruter des épées supplémentaires. Il prévoit la mort de Robert Arryn comme un événement inévitable, d’autant plus que ni lui, ni Sansa n’hésitent à lui administrer du bonsomme en quantité pour calmer ses tremblements, malgré les dangers du produits. Par conséquent, lorsque cela se produira, Harry l’Héritier lui succédera. Littlefinger explique à Sansa qu’il prévoit de révéler sa véritable identité lors de leur mariage : en voyant la fille de Ned Stark se marier à leur nouveau seigneur suzerain, les nobles et les chevaliers du Val devraient être prêts à lui reconquérir ses droits sur Winterfell.
Il estime qu’à la guerre des Cinq Rois devrait succéder une guerre des « Trois Reines » (sans se montrer explicite sur leur identité : Cersei ? Margaery ? Sansa ?)
↑La relation avec Sansa
Baelish entretient une relation ambiguë avec Sansa Stark. Elle est l’une des pièces maîtresses de son plan, mais il voudrait qu’elle le considère comme son père … dans un premier temps. Toutefois, ce que Petyr Baelish paraît voir en elle, c’est un reflet de la seule femme dont il a pensé être amoureux : Catelyn. Et petit à petit, il désire de plus en plus Sansa comme une femme, alors qu’elle n’a que quatorze ans. En public, ils continuent de se comporter comme père et fille, mais dans le privé, Littleginfer lui réclame des baisers (comme ceux qui ont coûté la vie à Lysa).
En parallèle, il l’associe toujours plus à ses intrigues, se confiant à elle sur sa façon d’entortiller ses adversaires. Il lui donne ainsi une formation de comploteuse … et Sansa semble se prendre au jeu des trônes et devenir une joueuse de plus en plus habile au fur et à mesure des tomes. Pour le moment, leurs intérêts convergent et ils travaillent de concert … Qu’arrivera-t-il quand ce ne sera plus le cas.
↑En conclusion
Petyr Baelish est un personnage intrigant, fascinant dans une certaine mesure. Il est d’autant plus difficile à comprendre qu’il ment beaucoup aux autres personnages et que l’histoire n’est jamais raconté de son point de vue. Il est difficile dès lors de connaître l’étendue de ses exactions ou les raisons qui le poussent à agir : il faut recouper des informations issues de chapitres différents pour tenter de le comprendre. C’est pour cette raison que les théories le concernant pullulent (mais cette chronique est déjà assez longue).
Par ailleurs, Petyr Baelish est un comploteur de premier ordre et un assez bon joueur du jeu des trônes. Il prétend « s’épanouir dans le chaos ». Amoral, il n’hésite pas à s’enrichir grâce à la prostitution ou à la pédophilie et utilise tout les moyens possibles pour parvenir à ses fins : mensonges, corruption, trahison, meurtre…
Il donne au lecteur l’impression d’avoir une vision générale, un objectif à atteindre, mais d’être aussi un parieur, qui n’hésite pas à improviser sur des coups particulièrement dangereux. Vaniteux, Baelish a une haute opinion de ses capacités d’intrigant … Capacités bien réelles, mais qu’il a sans doute tendance à surévaluer : son excès de confiance ne va-t-il pas le conduire à un pari qu’il va perdre ? Sans doute …