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Approfondissements / La saga principale

Lumières sur Illumination

Azor Ahaï brandissant Illumination (illustration : Jordi Gonzales Escamilla, TWOIAF ; montage : Evrach, La Garde de Nuit)

Illumination, l’épée rouge des héros que brandit Azor Ahai face aux Ténèbres : c’est ainsi qu’elle nous est présentée dans les histoires mythiques venues de la lointaine Essos. Parmi les lecteurs de la saga du Trône de Fer, que d’encre a coulé sur cet objet de légende. Face au retour imminent des Ténèbres dans les livres, et à la multiplication des prophéties énoncées par divers personnages à propos du retour d’Azor Ahai, ce guerrier mythique, beaucoup se sont interrogés : Illumination, la lame qui aurait été forgée en des temps immémoriaux par un sacrifice humain, puis brandie pour protéger le monde des humains, reviendra-t-elle ? Devra-t-elle être à nouveau forgée ? Quelle forme pourrait-elle prendre ? Retour aujourd’hui sur ces questions à travers une analyse très poussée des faits et des symboliques qui parsèment l’ensemble de la saga depuis le premier tome.

Il s’agit du dernier texte du projet de republication des théories/analyses/décryptages, qui avait débuté en novembre dernier (rappelez-vous !). Toutes les théories/analyses/décryptages qui figuraient sur l’ancien forum sont désormais disponibles sur le blog ! (cela ne veut bien entendu pas dire que nous ne publierons plus de textes d’analyses de la saga 😉 on continuera à vous donner rendez-vous sur la page !). Et en plus, on finit fort avec cette (très) longue analyse qui explose notre record de nombre de caractères pour un article de blog. Mais ce n’est que du bonheur !

NB : Chers lecteurs et chères lectrices, il faut que vous ayez-lu l’ensemble de la saga (les cinq intégrales) si vous ne voulez pas vous faire spoiler !
Illustration de tête : Jordi Gonzales Escamilla, TWOIAF ; montage : Evrach, La Garde de Nuit.
Analyse publiée originellement par Lord Riusma, en mars 2016.

Les livres d’Asshaï l’ont dès longtemps annoncé, un jour viendra où, après un long été, saigneront les étoiles et où s’appesantira sur le monde l’haleine glacée des ténèbres. En cette heure effroyable viendra un guerrier qui tirera des flammes une épée de feu. Et cette épée qui, nommée Illumination, sera l’épée rouge des héros, c’est Azor Ahai ressuscité qui la brandira, dissipant devant lui les ténèbres affolées.

(Mélisandre d’Asshaï, dans ACOK)

Ce sujet vise à dresser une analyse poussée d’Illumination, l’épée rouge légendaire des héros (et parmi eux Azor Ahai), afin d’explorer sa nature et son symbolisme à travers la saga. Cette analyse n’a pas pour objectif de disserter sur Azor Ahai et son (ou ses) éventuelle(s) identité(s), mais uniquement sur celle d’Illumination, l’arme qui doit être brandie par Azor Ahai ressuscité afin de repousser les ténèbres.

Le développement de cette analyse se fera en trois temps : le premier se penchera sur l’Illumination légendaire telle qu’évoquée dans les chroniques et prophéties orientales, le second sur celle portée par Stannis Baratheon à partir d’A Clash of Kings (la deuxième intégrale de la saga) et les autres épées « brûlantes » rencontrées dans la saga, et le troisième sur des interprétations plus symboliques et métaphoriques quant à la nature d’Illumination.

Une note préliminaire sur la traduction : Illumination est en version originale Lightbringer, littéralement « le porteur de lumière ». Traduit en latin nous aurions « lux fero » (de « lux » la lumière et de « fero » porter) qui a donné le nom Lucifer, l’ange déchu, associé par ailleurs à la planète Vénus à travers l’étoile du berger, qui est la première étoile à apparaître dans le ciel nocturne ou la dernière à disparaître du ciel nocturne (selon l’époque de l’année). Cette étymologie du nom Lucifer n’est certainement pas inconnue de George R. R. Martin qui a attribué ce nom à plusieurs personnages de la saga. A noter que cette association entre Illumination et un élément « démoniaque » est confortée par le fait que R’hllor est plusieurs fois considéré comme un démon rouge par les fidèles de la Foi (cf. notamment : ASOS, Davos VI ; AFFC, Cersei IV ; ADWD, Davos III ; ADWD, Cersei I) et R’hllor est, par ailleurs, plusieurs fois qualifié de dieu de la Flamme et de l’Ombre (cf. ACOK, Prologue ; ASOS, Davos I ; ASOS, Davos III), qualificatifs évoquant aussi, sous forme d’un probable clin d’œil, le Balrog de la Moria de J. R. R. Tolkien qui porte une certaine nature « démoniaque » et la notion de « déchéance du statut divin ».

Illumination : l’épée légendaire des récits

« Avant la trempe, il n’est pas d’épée redoutable, déclara lord Tywin. »

(AGOT, Tyrion VII)

Que savons-nous d’Illumination ?

« Il est aussi écrit qu’Asshaï possède des archives mentionnant de telles ténèbres, et un héros qui les combattit avec une épée rouge. On dit qu’il accomplit ses prouesses avant que paraisse Valyria, aux temps où l’Ancienne Ghis commençait à former son empire. D’Asshaï, la légende s’est propagée vers l’ouest. Les fidèles de R’hllor nomment ce héros Azor Ahai et prophétisent son retour. »

(Les origines de la saga, la Longue Nuit)

Illumination passe donc pour avoir été une épée rouge portée par un héros nommé Azor Ahai originaire des terres situées en Essos, à l’est des montagnes des Os, et sur le pourtour septentrional de la mer de Jade. Les légendes rapportent qu’il a utilisé cette épée pour repousser les ténèbres lors d’un événement qui est généralement associé à la Longue Nuit connue par Westeros, quelques huit mille ou six mille ans avant la Conquête. Le forgeage, et plus spécifiquement la trempe, de cette lame magique fait l’objet d’une légende particulière (telle que rapportée par Sladhor Saan à Davos, a priori selon la version connue en Orient, qui semble confirmée par le Compendium de Jade, cf. ADWD, Jon III) :

« Il fut un temps où les ténèbres s’appesantissaient sur le monde. Pour les affronter, le héros devait avoir une épée de héros, oh mais ! telle que jamais on n’en avait vu. Aussi Azor Ahai consacra-t-il, sans prendre un instant de repos, trente jours et trente nuits à forger une lame dans les feux sacrés du temple. Chauffer, marteler, plier, chauffer, marteler, plier, voilà, jusqu’à la fin. Mais, lorsqu’il le plongea dans l’eau pour le tremper, l’acier se fendilla. »

« Alors, au lieu de hausser les épaules et d’aller chercher des grappes aussi succulentes que celles-ci comme eût fait le commun des mortels, il recommença, en héros qu’il était. Il y consacra cette fois cinquante jours et cinquante nuits, et la nouvelle épée semblait plus belle que la précédente. Azor Ahai captura un lion pour tremper la lame en la lui plongeant dans le cœur, mais l’acier se craquela derechef. Dont il mena grand deuil et grand chagrin, car il savait désormais ce qu’il devait faire. »

« Après qu’il eut œuvré cent jours et cent nuits sur la troisième lame et que celle-ci fut parvenue à l’incandescence dans les feux sacrés, il appela sa femme. « Nissa Nissa, dit-il, car elle s’appelait ainsi, dénude ton sein et sache que je t’aime plus que tout au monde. » Elle s’exécuta, je ne sais pourquoi, et Azor Ahai lui plongea l’épée fumante dans le cœur. Elle poussa, dit-on, un tel hurlement d’angoisse et d’extase que la face de la lune en demeura fêlée, mais son âme et son sang, sa bravoure et son énergie imprégnèrent l’acier. Telle est l’histoire de la forge d’Illumination, l’épée rouge des héros. »

(ACOK, Davos I)

Ce compte-rendu du forgeage d’Illumination est probablement issu des écrits du culte de R’hllor (ou d’un éventuel autre culte parent associé au feu) au regard du fait qu’Azor Ahai est réputé forger sa lame dans les feux sacrés du temple. La technique de forge de la lame évoque celle de l’acier avec ses alternances de martèlements et de pliures. L’acier semble avoir été inventé, plus à l’ouest, par les Rhoynars (cf. ADWD, Tyrion II) qui ont ensuite appris les secrets de sa fabrication aux Andals et aux Valyriens. Il n’est toutefois pas exclu que ces techniques étaient par ailleurs connues plus tôt à l’est des Os à l’époque de la Longue Nuit.
L’opération se déroule en trois étapes dont le moment crucial et déterminant est à chaque fois la trempe qui évoque donc une mise à l’épreuve. Il en résulte deux échecs puis un succès, avec une gradation dans les efforts à fournir (nombre de jours passés à marteler l’épée dans le feu sacré du temple : trente, cinquante puis cent) et dans la valeur du sacrifice nécessaire à la trempe de l’épée. Cela rappelle symboliquement les trois étapes d’un rituel magique : purification par l’eau, sacrifice d’un animal, sacrifice d’un être cher, étapes que nous retrouvons par exemple lors du rituel de sang-magie pratiqué par Mirri Maz Duur pour Khal Drogo (purification dans le bain, sacrifice de l’étalon, sacrifice de Rhaego). Le lien est d’autant plus net que la seconde et la troisième trempe semblent aussi avoir eu pour objectif et effet de transmettre à la lame les caractéristiques de la créature sacrifiée, implicitement dans le cas du lion mais explicitement dans le cas de Nissa Nissa dont l’âme, le sang, la bravoure et l’énergie imprègnent désormais Illumination.

A noter que la symbolique de R’hllor, une divinité qualifiée de Cœur du Feu, est notablement cohérente avec la légende du forgeage d’Illumination, une épée devenue ardente après avoir été plongée dans un cœur vivant.

NB : deux détails importants (et liés entre eux) de cette légende du forgeage d’Illumination et de sa dernière trempe vont notamment revenir plus tard dans l’analyse : le fait que Nissa Nissa passe pour avoir crié d’angoisse et d’extase lorsque la lame a été trempée dans son cœur, et le fait que ce cri passe pour avoir laissé une fêlure sur la face de la lune.

Le Compendium de Jade, recueil de contes orientaux de la mer de Jade, semble confirmer l’histoire du forgeage d’Illumination et donner quelques informations supplémentaires :

« J’ai regardé l’ouvrage que mestre Aemon m’a laissé. Le Compendium de Jade. Les pages qui parlent d’Azor Ahai. Illumination était son épée. Trempée dans le sang de son épouse s’il faut en croire Votar. De ce jour, Illumination n’a jamais été froide au toucher, mais chaude, aussi chaude que l’avait été Nissa Nissa. A la bataille, la lame brûlait d’une ardeur féroce. Un jour, Azor Ahai a combattu un monstre. Quand il a plongé la lame dans le ventre de la bête, le sang de celle-ci s’est mis à bouillir. De la fumée et de la vapeur se sont déversées de sa gueule, ses yeux ont fondu et dégouliné sur ses joues, et son corps s’est embrasé. »

(ADWD, Jon III)

Cet épisode de la vie d’Azor Ahai confirme la nature surnaturelle d’Illumination dans les légendes, ainsi que son qualificatif d’épée brûlante.

L’épée des héros

Le lien apparent de ces légendes avec le culte de R’hllor fait qu’il est tentant d’interpréter la légende de la forge d’Illumination comme une parabole. Mais en Orient, Illumination n’est pas l’apanage du seul Azor Ahai, et on retrouve cette épée rouge associée à de nombreuses figures héroïques orientales de l’est des Os qui passent pour avoir émergé lors de la Longue Nuit, d’où peut-être son qualificatif d’épée rouge des héros (le pluriel). Nous ne savons pas si ces autres héros orientaux armés d’une épée rouge ardente l’ont obtenue dans les mêmes circonstances qu’Azor Ahai.

« Combien de temps dura l’obscurité, nul ne le sait, mais tous disent que ce ne fut que lorsqu’un grand guerrier – diversement nommé Hyrkoon le héros, Azor Ahai, Yin tar, Neferion et Eldric Chasselombre – se leva pour redonner courage à la race des hommes, et mener les vertueux au combat avec son ardente épée Illumination, que la nuit fut bannie et que la lumière et l’amour revinrent au monde. »

(Les origines de la saga, Les Os et au-delà : Yi Ti)

  • Hyrkoon semble être le fondateur du Patrimoine d’Hyrkoon situé à l’est des Os et au nord de Yi Ti ;
  • Azor Ahai nous est connu par des textes qui semblent originaire d’Asshaï et est lié à la religion de R’hllor, elle-même originaire de cette cité ;
  • Yin Tar semble rappeler Yi Ti dont l’une des cités se nomme Yin ;
  • Neferion évoque Nefer, ville souterraine située au nord-est des terres des Jogos Nhai ;
  • Eldric est associé au fait de repousser les ombres.

A noter que les noms d’Hyrkoon et Eldric sont probablement des clins d’œil à l’œuvre de Michael Moorcock, où apparaissent Yyrkoon et Elric, ainsi que les thèmes de l’épée « démoniaque » et du héros aux multiples incarnations, le champion éternel.

Il est malaisé de déterminer si ces héros correspondent à une seule et unique personne historique, réappropriée ensuite par les cultures de l’est des Os, ou à différents héros de la même période partageant pour caractéristique commune le fait d’être porteur d’une épée rouge. A-t-il existé plusieurs Illuminations ? Ou celles-ci correspondent-elles à un fond culturel commun à ces régions orientales et relatif aux épées magiques et aux figures héroïques ? De fait, Illumination, la porteuse de lumière littéralement, fait par ailleurs écho indirectement à d’autres lames légendaires issues des légendes et de l’histoire ouestrienne.

Les épées des héros

« Les mots sont du vent, même des mots tels qu’amour et paix. Je place plus de confiance dans les actes. Dans mes Sept Couronnes, les chevaliers partent en quête pour se prouver dignes de la pucelle qu’ils aiment. Ils cherchent des épées magiques, des coffres d’or, des couronnes volées au trésor d’un dragon. »

(ADWD, Daenerys IV)

Tout d’abord Illumination évoque bien entendu la lame en acierdragon (dont on ne sait pas encore précisément ce que c’est) portée par le dernier héros dans certaines chroniques de la Longue Nuit, et face à laquelle les Autres étaient réputés ne pouvoir tenir. Cette lame n’est pas décrite, et semble issue de textes peu connus (Samwell et Jon n’avaient jamais entendu parler d’acierdragon), mais évoque spontanément à Samwell et Jon l’acier valyrien, acier très sombre, qui n’apparaîtra qu’un peu plus tard chronologiquement. L’association de l’acier de la lame avec le dragon évoque symboliquement le feu, ce qui est conforté intuitivement par le fait que les Autres ne peuvent résister aux flammes.
De fait, la lame n’a peut-être besoin d’être ardente qu’au niveau symbolique puisque l’obsidienne, le verredragon, nommé « feu gelé » en haut valyrien, n’est pas ardent lui-même mais n’en est pas moins capable de tuer les Autres, et de produire de la lumière, ce qui l’associe aussi dans un sens à Illumination. Le dénuement progressif dans lequel se retrouve le dernier héros lors de sa quête des enfants de la forêt pour mettre fin à la Longue Nuit n’est pas sans rappeler aussi les sacrifices progressifs nécessaires à Azor Ahai pour forger Illumination (le dernier héros perd ses compagnons, son cheval, son chien etc.) avec, peut-être, ici les enfants de la forêt enchantant la lame du dernier héros après qu’il a dû sacrifier progressivement tout ce qui lui était cher (le « petit peuple » des légendes qui vit au-delà du Mur passe pour savoir enchanter les épées, cf. AGOT, Jon IX).

« Je n’en ai jamais connu de plus parfait que ser Arthur Dayne dont l’épée, Aube, avait été forgée dans le cœur même d’une étoile tombée du ciel. On l’appelait, lui, l’Épée du Matin, et il m’aurait tué, sans l’intervention d’Howland Reed. »

(ACOK, Bran III)

Illumination évoque aussi Aube, celle-ci apportant bien la lumière après la nuit (et étant l’une des heures de prière de plusieurs cultes dont celui de R’hllor, cf. AFFC, Prologue). L’épée ancestrale à la lame pâle de la maison Dayne aurait été forgée dans le cœur d’une météorite, ce qui évoque le fer météoritique (qui a historiquement été utilisé pour produire des armes de fer forgé avant que les techniques permettant d’extraire et de raffiner celui-ci n’entraînent la généralisation de son usage).

Le parallèle entre l’épée rouge orientale brandie pour repousser les ténèbres, Aube, et probablement l’épée du dernier héros, est renforcé par le fait que la bataille légendaire qui a opposé la Garde de Nuit aux Autres ainsi que celle prophétisée à venir contre les ténèbres sont qualifiées de bataille, ou de guerre, de l’aube. Aube semble a priori plus ancienne qu’Illumination, mais le rapprochement thématique entre ces deux lames peut faire envisager la légende du forgeage d’Illumination comme une parabole autour de l’acier obtenu à partir du fer météoritique (le cœur de Nissa Nissa serait alors celui d’une météorite). A noter qu’ironiquement le porteur d’Aube (donc celui qui apporte la première lueur du jour) est qualifié d’Épée du Matin, il est donc symboliquement lui-même une épée qui porte la lumière.

Certaines caractéristiques d’Aube se retrouvent aussi de manière imagée dans les contes qui entourent Juste Pucelle, lame légendaire liée à l’île de Torth et à la religion des Sept, qui passe pour avoir été accordée au chevalier Galladon de Morn par la Jouvencelle elle-même, après qu’elle ait perdu son cœur en sa faveur, ce qui rappelle la forge d’Aube issue du cœur d’une comète, mais aussi celle d’Illumination trempée dans le cœur de Nissa Nissa, parallèle renforcé par le fait que ser Galladon passe pour n’avoir utilisé l’épée magique que trois fois.

« Ser Galladon était un champion tellement valeureux qu’il ravit le cœur de la Jouvencelle en personne. Elle lui offrit pour gage de son amour une épée enchantée. Celle-ci s’appelait Juste Pucelle. Aucune épée ordinaire ne pouvait lui tenir tête ; ni quelque bouclier que ce soit supporter son baiser. Ser Galladon arborait fièrement Juste Pucelle, mais il la dégaina seulement trois fois. Il refusait de l’utiliser contre un simple mortel, parce qu’elle était si puissante qu’elle aurait rendu déloyal n’importe quel duel. »

(AFFC, Brienne IV)

A noter que l’île de Torth est associée à l’étoile du soir (titre porté par le père de Brienne, Étoile-du-Soir, et au sein d’une ancienne lignée royale de l’île), qui évoque dans notre monde l’étoile du berger et la planète Vénus (première ou dernière « étoile » visible dans le ciel nocturne), elle-même associée à Lucifer et donc à Illumination.

L’épée qui revient

« C’est l’épée qui fait le seigneur, y en a qui disent. »

(AFFC, Brienne IV)

Illumination n’est pas qu’une épée légendaire issue de contes orientaux millénaires, et on la retrouve dans les prophéties originaires d’Asshaï et apparemment postérieures à la Longue Nuit entourant le retour d’Azor Ahai au cœur de l’aspect millénariste du culte de R’hllor.

« Les livres d’Asshaï l’ont dès longtemps annoncé, un jour viendra où, après un long été, saigneront les étoiles et où s’appesantira sur le monde l’haleine glacée des ténèbres. En cette heure effroyable viendra un guerrier qui tirera des flammes une épée de feu. Et cette épée qui, nommée Illumination, sera l’épée rouge des héros, c’est Azor Ahai ressuscité qui la brandira, dissipant devant lui les ténèbres affolées. »

(ACOK, Davos I)

« Voyez ! Un signe était promis, et le voici manifesté ! Voyez Illumination ! Azor Ahai nous est revenu ! Acclamez tous le Guerrier de la Lumière ! Acclamez tous le Fils du Feu ! »

(ACOK, Davos I)

« Aucun d’entre eux n’était l’élu de R’hllor. Aucun d’entre eux n’eut pour héraut de sa venue l’embrasement des cieux par une comète rouge. Aucun d’entre eux ne brandit Illumination, l’épée rouge des héros. Et aucun d’entre eux ne paya le prix. Dame Mélisandre vous le dira, messire, seule la mort peut payer la vie. »

(ASOS, Davos V)

« Sois remercié pour Stannis, notre roi, par ta grâce. Sois remercié pour la pure blancheur du feu de sa bonté, pour la rouge épée de justice que brandit sa main, pour l’amour qu’il porte à ses loyaux sujets. Sois son guide et son défenseur, ô R’hllor, et daigne lui donner la force de châtier ses ennemis. »

(ACOK, Davos VI)

« Stannis Baratheon est Azor Ahai reparu, le guerrier du feu. En sa personne sont accomplies les prophéties. La comète rouge a flamboyé au firmament afin de proclamer sa venue, et il porte Illumination, l’épée ardente des héros. »

(ASOS, Samwell V)

« A Volantis, des milliers d’esclaves et d’affranchis encombrent chaque soir la place du temple pour écouter Benerro bramer des histoires d’étoile de sang et d’une épée de feu qui purgera le monde. Il prêche qu’assurément Volantis brûlera si les triarques prennent les armes contre la reine d’argent. »

(ADWD, Tyrion VI)

Notons que d’autres citations évoquent le retour d’Azor Ahai, annoncé par l’étoile sanglante, parmi le sel et la fumée, mais sans évoquer l’épée rouge :

« Les écritures prophétiques sont également formelles. Quand saignera l’étoile rouge et que les ténèbres se regrouperont, Azor Ahai renaîtra parmi le sel et la fumée pour réveiller les dragons de pierre. »

(ASOS, Davos III)

« Sa venue accomplit une ancienne prophétie. De la fumée et du sel elle est née, pour refaire le monde. Elle est Azor Ahai revenu… et son triomphe sur les ténèbres amènera un été qui n’aura jamais de fin… La mort elle-même ploiera le genou, et tous ceux qui mourront en combattant pour sa cause seront ressuscités… » « Les dragons sont venus l’emporter vers la gloire. »

(ADWD, Tyrion VI)

« Je l’ai vu dans les flammes, lu dans d’anciennes prophéties. Quand saignera l’étoile rouge et que s’amasseront les ténèbres, Azor Ahai renaîtra dans la fumée et le sel pour réveiller les dragons de pierre. »

(ADWD, Jon X)

Illumination semble être dans ces textes anciens prédisant le retour d’Azor Ahai le signe permettant d’identifier formellement le guerrier qui doit renaître, associé au sel et à la fumée et à l’étoile saignante, en tant qu’Azor Ahai. Cette personne serait ensuite amenée à éveiller les dragons de pierre. Étonnamment, dans la saga le fait de brandir Illumination et le fait d’être amené à éveiller les dragons de pierre ne sont jamais évoqués ensemble, mais les différentes sources dont nous disposons autour du retour d’Azor Ahai (Mélisandre et le prêtre rouge Benerro) évoquent les deux : à la fois l’épée rouge, brûlante ou enflammée et les dragons, ce qui accrédite très certainement l’existence de ces deux éléments dans les textes prophétiques d’Asshaï, ainsi qu’ils sont bien présents dans le culte (Mélisandre étant, avant la sortie d’A Dance with Dragons, la cinquième intégrale, notre seule source, il y avait toujours matière à douter de l’orthodoxie de sa foi).

Il faut noter qu’au sens strict, Illumination ne semble pas destinée à être forgée à nouveau, mais juste tirée des flammes d’un brasier et brandie par un guerrier qui sera alors révélé comme Azor Ahai ressuscité. De plus, cette Illumination n’est peut-être pas l’Illumination originelle et légendaire puisqu’il est question d’une épée ardente tirée des flammes qui sera nommée Illumination, sous-entendant l’éventuel caractère potentiellement auto-réalisateur de la prophétie faite il y a cinq mille ans à Asshaï.

L’Illumination de Stannis et autres épées

Stannis et son épée

« As-tu dans ta poche un djinn pour doter ton épée de vertus magiques ? »

(AGOT, Jon IX)

Illumination n’est évoquée dans la saga qu’à partir d’A Clash of Kings (la deuxième intégrale de la saga), dans le premier chapitre de Davos. A Peyredragon, Mélisandre dote le roi Stannis Baratheon, qu’elle croit être Azor Ahai, d’une épée brillante qu’elle prétend être Illumination. Lors d’une cérémonie conduite à l’aube sur l’île de Peyredragon elle lui fait tirer du bûcher une épée enflammée des anciennes statues de bois des Sept venues du septuaire de la forteresse de Peyredragon. Elle déclare par ailleurs avoir vu le roi Stannis brandir cette épée pour repousser les ténèbres ce qui, associé au fait qu’elle identifie Peyredragon comme étant le lieu du sel et de la fumée (c’est une île volcanique), semble l’avoir décidée à voir en lui le champion de sa divinité R’hllor dans le combat à venir contre les ténèbres. Ceci lui est probablement confirmé aussi par l’apparition de la comète rouge (qui précède le bûcher des dieux, mais qui est certainement postérieure à la venue de Mélisandre à Peyredragon).

L’épée du bûcher des dieux à Peyredragon n’est décrite que de manière assez imprécise et elle ne semble disposer d’aucune caractéristique remarquable ou distinctive :

« On lui avait fiché dans le cœur une rapière dont la poignée de cuir vivait de menues flammèches. […] Les dents serrées, le roi pénétra dans les flammes et, bien enveloppé dans sa cape de cuir pour se protéger, se dirigea droit sur la Mère, empoigna l’épée de sa main gantée et, d’une seule traction, l’arracha brutalement du bois avant de battre en retraite, l’acier brandi, rouge cerise parcouru de flammeroles jade. […] Prenant la reine par le coude, il la reconduisit dans la forteresse, abandonnant Illumination sans autre forme de procès. La femme rouge, elle, s’attarda jusqu’à ce que Devan et Bryen eussent, à genoux, achevé de rouler l’épée calcinée, noircie dans la cape de cuir du roi. »

(ACOK, Davos I)

L’épée est portée au rouge par le brasier et sa lame luit de flammes vertes, un détail important au regard du rôle que vont jouer les flammes vertes du feu grégeois dans ce tome de la saga, brûlant littéralement l’épée symbolique en bois qu’est la flotte de Stannis (le lien symbolique avec la bataille de la Néra est peut-être renforcé par ces paroles du fou Bariol : « Sous la mer, la fumée s’élève dans des bulles, et les flammes brûlent vertes, bleues et noires. » cf. ACOK, Davos I). Et de fait, lorsque l’épée est emportée sa lame est désormais noircie, brûlée.

Toutefois, l’épée est ensuite portée et exhibée plusieurs fois par Stannis :

« Des topazes et des grenats émaillaient sa ceinture, et un gros rubis carré brillait sur la garde de son épée. »

(ACOK, Catelyn III)

« Il dégaina sa longue épée. Malgré le soleil pâlichon, l’acier flamboyait d’un éclat bizarre, tantôt rouge et tantôt jaune et tantôt d’une incandescente blancheur. L’air, tout autour, en était dépoli comme sous l’effet d’une chaleur intense. » […] « Comme il remettait l’épée au fourreau, le monde parut s’assombrir un brin. »

(ACOK, Catelyn III)

« Illumination, l’avait baptisée Mélisandre ; l’épée rouge des héros, tirée des flammes où se consumaient les sept dieux. Au fur et à mesure que la lame émergeait du fourreau, la pièce parut s’éclairer d’un plus vif éclat. L’acier luisait par lui-même, tantôt orange et tantôt jaune et tantôt rouge. L’air chatoyait tout autour, et jamais joyau n’avait étincelé si brillamment. Mais, lorsque Stannis en toucha l’épaule de Davos, la sensation fut absolument identique à celle qu’eût procurée n’importe quelle autre épée. »

(ASOS, Davos IV)

« Stannis fit glisser Illumination hors de son fourreau. Le rougeoiement de la lame inonda la salle. »

(ASOS, Davos VI)

« Illumination, qu’on l’appelle. Attends un peu de voir ça. Elle luit comme s’y avait un bout de soleil dedans. »

(ASOS, Samwell IV)

« Le baudrier et le fourreau pendaient à une patère près du foyer. Il alla les décrocher et mit l’épée au clair. L’acier chuinta sur le bois et le cuir, et la loggia fut comme illuminée de rayons chatoyants, mouvants, or, jaunes et orangés, dont la vivacité de coloris n’était pas sans évoquer le feu. […] « Elle rougeoie, répondit Sam d’une voix étouffée. Comme si elle était en feu. Il n’y a pas de flammes, mais l’acier est jaune et rouge et orangé, il lance des éclairs et chatoie, comme le soleil sur l’eau, mais en plus joli. » […] Le roi Stannis rengaina l’épée lumineuse, et la pièce sembla devenir très sombre, en dépit du soleil qui se déversait à flots par la fenêtre. »

(ASOS, Samwell V)

« Stannis dégaina le glaive qu’il appelait Illumination. « La voici, votre épée dans les ténèbres. » De la lumière ruissela tout au long de la lame, tour à tour rouge, jaune ou orange, dessinant le visage du roi avec des couleurs crues et vives. […] Le roi posa la lame rutilante sur la carte, le long du Mur, l’acier ondoyant comme le soleil sur les eaux. »

(ADWD, Jon I)

« Stannis Baratheon dégaina Illumination. L’épée rutila, rouge, jaune et orange, toute vive de lumière. Jon avait déjà assisté au spectacle… mais pas comme ça, jamais encore comme ça. Illumination était le soleil devenu acier. Lorsque Stannis éleva la lame au-dessus de sa tête, les hommes durent détourner le regard ou se couvrir les yeux. Les chevaux piaffèrent, et l’un d’eux jeta son cavalier à terre. Dans la fosse, le brasier sembla se rétracter face à cet ouragan de lumière, comme un roquet se recroqueville devant un dogue. Le Mur lui-même se revêtit des teintes rouges, rosées et orange, tandis que des vagues de couleur dansaient sur la glace. Est-ce donc là la puissance du sang des rois ? »

(ADWD, Jon III)

L’Illumination portée par Stannis a un pommeau remarquable et elle n’est peut-être pas la lame brûlée et exhibée lors du bûcher des dieux, à moins que son pommeau n’ait été depuis orné de son gros rubis carré. Quoiqu’il en soit sa lame n’est plus noircie et elle se révèle brillante, produisant une lumière aveuglante, solaire, et donnant l’impression que l’air tout autour chatoie sous l’influence d’une forte chaleur. Toutefois, Davos ne ressent aucune chaleur lorsque Stannis lui pose l’épée sur l’épaule (ASOS, Davos IV). Mestre Aemon remarque par ailleurs qu’elle est dotée d’un fourreau de bois commun qui n’est pas brûlé (cf. ASOS, Samwell V). Et lorsqu’elle est posée sur un parchemin ce dernier ne s’enflamme pas (cf. ADWD, Jon I). Bien qu’étant de toute évidence dotée d’un pouvoir surnaturel qui permet à sa lame de produire de la lumière, voire une lumière particulièrement vive et aveuglante (cf. ADWD, Jon III), l’Illumination de Stannis diffère des caractéristiques connues par les légendes orientales qui lui prêtent une chaleur capable d’embraser une créature vivante. De fait, de nombreuses personnes vont émettre des doutes quant à l’authenticité de l’épée, et ceci dès sa première apparition :

« A sale mine, songea Davos, son épée rouge des héros. »

(ACOK, Davos I)

L’épée rouge des héros semble tout à fait commune aux yeux de Davos après avoir été retirée des flammes, et effectivement, selon Sladhor Saan :

« Cette épée n’était pas Illumination, mon bon. »

(ACOK, Davos I)

… et Stannis lui-même a plus tard des doutes quant à la nature de l’épée et à sa valeur.

« Elle scintille joliment, je te l’accorde, cette épée magique, mais elle ne m’a pas mieux servi qu’une épée banale, à la Néra. »

(ASOS, Davos V)

Mestre Aemon aussi conçoit des doutes après avoir demandé à Stannis de la lui montrer et à Samwell de la lui décrire, notant que la lame ne produit aucune chaleur (cf. ASOS, Samwell V) :

« L’épée est fausse, il faut qu’elle sache ça…, de la lumière sans chaleur… un prestige vide… l’épée est fausse, et la lumière fallacieuse ne peut nous mener que plus profondément dans les ténèbres, Sam. »

(AFFC, Samwell IV)

Jon Snow, après avoir comparé l’Illumination de Stannis aux sources légendaires du Compendium de Jade, exprime les mêmes doutes :

« Dommage que celle que manie Stannis soit froide. Je serai curieux de voir comment son Illumination se comporte à la bataille. »

(ADWD, Jon III)

Enfin, les visions que reçoit Daenerys en l’hôtel des Nonmourants (à Qarth) semblent elles-aussi confirmer cette analyse :

« Aussi ardente que le crépuscule apparut, brandie par un roi aux prunelles bleues mais dépourvu d’ombre, une épée rouge […] mère des dragons, mortelle aux mensonges. »

(ACOK, Daenerys IV)

Existe-t-il des indices probants expliquant la nature réelle de l’épée lumineuse portée par Stannis ? Davos associe l’épée de Stannis et celle du prêtre rouge Thoros de Myr, tout en ne manquant pas de préciser que celle de ce dernier n’est en aucun cas magique :

« Il revoyait le prêtre rouge Thoros de Myr brandir son épée de flammes au-dessus de la mêlée. Un spectacle haut en couleur que ces envols de robes pourpres et la lame tout environnée de feux follets verdâtres, mais totalement exempt de magie, personne ne s’y était mépris, d’autant qu’à la fin le feu s’était éteint et que la masse on ne peut plus ordinaire du Bronzé Yohn Royce avait assommé le cabot. »

(ACOK, Davos I)

L’épée de Stannis semblait elle-aussi couverte de feu grégeois dans le bûcher des dieux, la rendant brûlante avant d’en faire une épée brûlée :

« Les dents serrées, le roi pénétra dans les flammes et, bien enveloppé dans sa cape de cuir pour se protéger, se dirigea droit sur la Mère, empoigna l’épée de sa main gantée et, d’une seule traction, l’arracha brutalement du bois avant de battre en retraite, l’acier brandi, rouge cerise parcouru de flammeroles jade. Des gardes se précipitèrent pour éteindre les braises attachées à ses vêtements. »

(ACOK, Davos I)

Les flammes vertes comme du jade sont caractéristiques du feu grégeois. Même si Mélisandre possède par ailleurs une poudre permettant de teinter les flammes en vert, elle semble également connaître ce qu’elle qualifie de « tours de passe-passe des alchimistes et pyromanciens » (cf. ADWD, Mélisandre). Ceci pointe implicitement le fait qu’elle dispose effectivement d’une substance comparable (une substance probablement utilisée aussi pour enduire le cor détenu par Mance Rayder lorsqu’il est brûlé : « Il s’embrasa avec un bruit de souffle tandis que des langues tourbillonnantes de feu vert et jaune dansaient en crépitant sur toute sa longueur. » ADWD, Jon III).

« Des topazes et des grenats émaillaient sa ceinture, et un gros rubis carré brillait sur la garde de son épée. »

(ACOK, Catelyn III)

Notons que les pierres précieuses de cette description (jaune, orangé, rouge) font écho aux couleurs émises par la lame (jaune, orange, rouge). L’épée de Stannis porte au bout à son pommeau un grand rubis taillé en carré, tout comme celui porté par Mance Rayder à son poignet, lorsqu’il est déguisé par une illusion magique en Clinquefrac (intégrale 5, A Dance with Dragons). L’Illumination de Stannis ne semble donc être qu’une épée normale, dotée de caractéristiques magiques de même nature que les charmes modifiant l’apparence d’une personne. D’ailleurs Mélisandre associe notamment cette forme de magie à l’aspect lumineux de R’hllor :

« Appelez cela comme vous le voudrez. Charme, simulacre, illusion. R’hllor est Maître de la Lumière, Jon Snow, et il est accordé à ses serviteurs de la tisser, comme d’autres tissent le fil. »

(ADWD, Mélisandre)

Au regard de l’implication qui transparaît, dans ce chapitre, de l’utilisation de ces rubis carrés – apparemment esclaves du rubis étoilé que Mélisandre porte au cou – pour ces illusions visuelles, il est donc très fortement suggéré que Mélisandre a utilisé l’un des rubis esclaves dont elle disposait pour doter Stannis d’une épée lumineuse (NB : elle semble en posséder au moins deux, celui d’Illumination et celui de Mance, voire très certainement trois, Clinquefrac ayant été « charmé » pour porter les traits de Mance, le rubis se situerait alors sous la corde qu’il porte au cou].

« Mélisandre jure m’avoir vu dans ses flammes, elle jure m’avoir vu affronter les ténèbres en brandissant Illumination haut et clair. Illumination ! »

(ASOS, Davos V)

Puisque le bûcher des dieux et cette lame « charmée » sont les œuvres de Mélisandre, il peut sembler irrationnel qu’elle puisse sincèrement croire que Stannis est le champion de R’hllor parce qu’il porte une épée, dont la magie n’est pas intrinsèque mais une propriété ajoutée, par elle-même de surcroît. Toutefois, les textes originaires d’Asshaï n’indiquent, apparemment, aucunement qu’Azor Ahai doit être amené à forger à nouveau son Illumination, celle-ci ne devant qu’uniquement être tirée des flammes sous la forme d’une épée brûlante. Si on envisage que Mélisandre a pu (avant A Clash of Kings) avoir dans ses feux une vision de Stannis brandissant une épée lumineuse pour repousser des ténèbres (réelles ou symboliques), et qu’elle a assimilé cette épée à Illumination, elle a pu alors concevoir qu’elle serait l’instrument de R’hllor en donnant à celui qu’elle croit du coup être Azor Ahai ressuscité, les attributs nécessaires à la réalisation de cet événement, et ceci en toute bonne foi. D’après ce qu’en rapporte Mélisandre, l’objectif d’Azor Ahai est de réveiller les dragons de pierre, et Illumination consacre son avènement. Cette nécessité de la mise en scène, et ce souci de l’usage des symboles pour asseoir le pouvoir semblent toujours présents chez Mélisandre :

« Jamais il n’était sage, pour un dirigeant, de dédaigner les attributs du pouvoir, car le pouvoir lui-même découle en une mesure non négligeable de tels attributs. »

(ADWD, Mélisandre)

Outre son importance symbolique, la lame n’est par ailleurs pas nécessairement dénuée de toute utilité, même dans un contexte martial, puisqu’elle peut émettre une lumière particulièrement aveuglante qui effraye les chevaux. De fait, il est possible d’imaginer son usage pour contrer une charge de cavalerie, selon une stratégie qui semble déjà avoir été envisagée auparavant devant Accalmie par Stannis contre l’armée de Renly (supérieure en nombre et essentiellement constituée de cavaliers) :

« Choisie par Stannis, signala Randyll Tarly. Trop heureux de nous voir charger face au soleil levant. Nous serons plus ou moins aveugles. »

(ACOK, Catelyn IV)

Stannis n’avait alors probablement pas l’intention de brandir Illumination pour éblouir la charge de cavalerie de l’armée de Renly, mais le caractère aveuglant de la lumière qu’elle émet et le fait qu’elle est associée symboliquement au soleil (« Elle luit comme s’y avait un bout de soleil dedans. ») laissent envisager qu’une telle stratégie pourrait être effectivement employée. Après tout, Mélisandre prétend avoir vu Stannis brandir l’épée pour repousser les ténèbres, et cette vision sera probablement amenée à se réaliser de manière littérale ou détournée. De plus, l’Illumination de Stannis n’est pas sans avoir un certain effet psychologique sur le moral de ses hommes :

« Si les lords pouvaient entretenir des doutes, les simples soldats semblaient avoir foi en leur roi. Stannis avait écrasé les sauvageons de Mance Rayder au Mur et purgé Motte-la-Forêt d’Asha et de ses Fer-nés ; il était le frère de Robert, vainqueur d’une fameuse bataille navale au large de Belle Île, l’homme qui avait tenu Accalmie tout au long de la rébellion de Robert. Et il portait une épée de héros, Illumination, la lame enchantée dont les feux éclairaient la nuit. »

(ADWD, La Captive du Roi)

L’épée semble par ailleurs avoir déjà gagné une certaine notoriété dans les Sept Couronnes, devenant une arme psychologique et de propagande, une notion qu’on retrouve associée à Stannis à travers sa lettre dénonçant publiquement l’inceste de Cersei et Jaime Lannister et appuyant ses prétentions au Trône (cette lettre qui est souvent considérée comme ayant un impact négligeable et qui pourtant a réussi son travail de sape de la légitimité de Joffrey et de sa fratrie sur le Trône, aussi bien auprès de la noblesse que du peuple) :

« Une blanchisseuse jure que c’est Stannis qui, armé de son épée magique, a su se faufiler jusqu’au centre du camp de son frère. »

(ACOK, Tyrion VIII)

(notez la version originale : « stole through the heart of his brother’s army« … à travers le cœur de l’armée de son frère…)

« Vous êtes des fous alors. Aux dernières nouvelles, le roi Stannis était sous les murs de la ville. Paraît qu’il a cent milliers d’hommes et une épée magique. »

(ASOS, Jaime II)

« Avec toutes les bourdes qui se dégoisent sur Stannis et son épée magique, munir Joffrey d’une arme aussi extraordinaire m’a paru d’excellente guerre. Un roi se doit d’arborer une épée royale. »

(ASOS, Tyrion IV)

L’épée de Stannis n’est donc pas complètement un symbole vide de tout sens et de tout pouvoir, même après sa défaite à la Néra, et elle pousse lord Tywin à commander à l’un des meilleurs armuriers de Port-Réal de réaliser deux épées rouges à partir de Glace, l’épée en acier valyrien ancestrale de la maison Stark ; et ceci alors que lord Tywin estime pourtant que la cause du roi Stannis est désormais perdue (« Il s’est couché dans la Néra le soleil de Stannis Baratheon« ) ce qui démontre la puissance des symboles ne serait-ce que par la valeur qui leur est accordée.

D’autres épées brûlantes

« La voici, votre épée dans les ténèbres. »

(ADWD, Jon I)

D’autres épées brûlantes, enflammées ou rouges apparaissent tout au long de la saga, et la première à faire son entrée le fait entre les mains de Thoros de Myr, célèbre pour ses épées brûlantes :

« Et, comme les petites se récriaient à la vue de Thoros de Myr, prêtre guerrier des plus remarquables, avec ses robes rouges flottantes et sa tête rasée, elle spécifia qu’il avait jadis escaladé les murs de Pyk, une épée enflammée au poing. »

(AGOT, Sansa II)

« La victoire, en l’occurrence, échut à un fou, le prêtre rouge au crâne rasé Thoros de Myr. Il avait remporté plusieurs fois l’épreuve grâce à son épée de flammes, qui effarouchait les montures de ses concurrents, et à sa totale intrépidité. »

(AGOT, Eddard VII)

Il est toutefois de notoriété publique, du moins chez les personnes perspicaces, que cette épée n’est qu’enduite de feu grégeois :

« Il revoyait le prêtre rouge Thoros de Myr brandir son épée de flammes au-dessus de la mêlée. Un spectacle haut en couleur que ces envols de robes pourpres et la lame tout environnée de feux follets verdâtres, mais totalement exempt de magie, personne ne s’y était mépris, d’autant qu’à la fin le feu s’était éteint et que la masse on ne peut plus ordinaire du Bronzé Yohn Royce avait assommé le cabot. »

(ACOK, Davos I)

« A ces mots, Tyrion se remémora Thoros de Myr et son épée de flammes. Si mince fût-il, l’enduit de feu grégeois pouvait brûler une heure durant. Après chaque mêlée, le prêtre rouge avait besoin d’une nouvelle épée, mais Robert, qui s’était entiché de lui, se faisait un plaisir de la lui offrir. »

(ACOK, Tyrion V)

Ce qui est confirmé par Gendry :

« Mon maître arrêtait pas de le disputer sur ses épées de flammes. Avec du bel et bon acier, c’était pas des façons d’agir, il disait, bien que ce Thoros, il se servait que d’acier vulgaire. Il plongeait juste une épée pas chère dans le feu grégeois pour qu’elle s’embrase. Rien qu’une entourloupette d’alchimiste, mon maître disait, mais ça flanquait la frousse aux chevaux et à ce qu’il y avait de plus bleu comme chevaliers. »

(ASOS, Arya IV)

Si l’épée brûlante de Thoros était enduite de feu grégeois, il n’en va pas de même de l’épée brûlante de lord Béric Dondarrion après avoir connu ses résurrections :

« Sans un sourire, lord Béric posa la pointe de sa rapière sur la paume de sa main gauche et l’y fit lentement glisser. Le sang ruissela, sombre, de l’estafilade qu’il s’était faite, inonda l’acier… et, tout à coup, la lame s’embrasa. […] Quant à lord Béric, il patientait, muet, calme comme l’eau qui dort, son bouclier enfilé au bras gauche et son épée ardente dans la main droite. […] Laissant dans son sillage de longues flammèches semblables aux rubans dont s’était raillé le Limier, l’épée de flammes bondit à la rencontre de l’épée froide. »

(ASOS, Arya VI)

L’épée de lord Béric quoique banale par son apparence semble toutefois s’embraser spontanément lorsqu’il laisse son propre sang couler dessus. Gendry écarte l’hypothèse de l’usage du grégeois et associe cet exploit à la magie. L’exploit semble pouvoir être reproduit puisque lord Béric et Thoros sont décrits plus tard comme se battant avec des épées enflammées (« Thoros et lord Béric se trouvaient partout, environnés de leurs épées ardentes » cf. ASOS, Arya VII) sans qu’il soit possible de déterminer s’il est le seul fait de lord Béric ou si Thoros lui-même en est désormais capable (au regard du temps écoulé depuis son départ de Port-Réal il semble peu raisonnable de proposer qu’il enduit toujours ses lames de feu grégeois). Contrairement à l’Illumination légendaire, ce pouvoir ne semble pas intrinsèque à l’épée elle-même, mais plutôt au sang qui l’oint, un sang noir et fumant qui semble s’embraser spontanément au contact de l’acier, comparable au sang de dragon (du moins, au niveau symbolique dans leurs descriptions respectives).

Comme dit précédemment, la renommée de l’épée rouge de Stannis pousse lord Tywin à commander le forgeage de deux épées aux lames rouges à l’un des meilleurs armuriers de Port-Réal à partir de Glace, l’épée en acier valyrien ancestrale de la maison Stark.

« Ni moi, messire, dit l’armurier. Je l’avoue, ces coloris ne sont pas ceux que j’escomptais, et je ne saurais comment m’y prendre pour les reproduire. Messire votre père ayant réclamé l’écarlate de votre maison, c’est elle que j’avais introduite dans le métal. Mais l’acier valyrien n’en fait qu’à sa tête. Ces vieilles épées se souviennent, dit-on, et ne se ravisent pas aisément. J’ai eu beau recourir à une cinquantaine d’incantations et raviver le rouge une fois et une autre, toujours la nuance s’assombrissait, comme si la lame en éteignait la luminosité. Et certains des plis refusaient absolument de se colorer, ainsi que vous le constatez vous-même. Si le résultat n’était point au gré de messires Lannister, je tâcherais naturellement de le rectifier autant de fois qu’ils l’exigeraient, mais… »

(ASOS, Tyrion IV)

Symboliquement, Glace, de l’eau gelée, est donc brisée en deux par un lion, lord Tywin Lannister, lui-même qualifié d’étoile de l’ouest (« L’étincelante étoile de l’ouest est tombée, et les nuits vont être désormais plus noires. » cf. AFFC, Cersei I), ce qui nous mène symboliquement à la légende du forgeage d’Illumination. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’armurier rencontre des difficultés à obtenir des couleurs vives, la luminosité étant absorbée par l’acier valyrien, ainsi qu’à teinter ce dernier en rouge. Symboliquement Glace refuse de devenir l’épée rouge des héros. Pourtant, armée par ser Jaime Lannister de Féale, Brienne associe la lame en acier valyrien avec les épées de héros :

« C’était là une épée digne d’un héros. Alors qu’elle était encore toute petite, sa nourrice lui avait rebattu les oreilles de contes épiques, et quel régal que les nobles exploits de ser Galladon de Morne, du prince Aemon Chevalier-dragon, de Florian le Fol et de tant d’autres champions… ! Ils portaient tous des épées célèbres, et Féale méritait assurément de figurer en pareille compagnie, même si elle-même n’y pouvait prétendre pour sa part. »

(AFFC, Brienne I)

Le fait que ser Jaime Lannister, frère juré de la Garde Royale et donc une « épée blanche », confie cette épée à Brienne, évoque un rêve qu’il a fait auparavant en quittant Harrenhal, peut-être inspiré par une souche de barral :

« Là-dessous, dans les entrailles de la terre, l’attendait sa perte, il le savait avec la certitude que donnent les rêves ; là-dessous se trouvait tapi quelque chose de sombre et d’effroyable, quelque chose qui le voulait. Il tenta bien de s’arrêter, mais les piques le relancèrent en le taquinant. Si seulement j’avais mon épée, il ne pourrait rien m’arriver. […] La voix se répercuta d’écho en écho, se fit cent voix, mille, et puis les voix de tous les Lannister, depuis Lann le Futé qui vivait à l’aube des temps. Mais c’était surtout la voix de son père, et auprès de lui se tenait Cersei, belle et pâle, une torche ardente à la main. Et Joffrey aussi se trouvait là, le fils de leurs œuvres, et, derrière eux, une autre douzaine de silhouettes sombres à chevelure d’or. […] Elle était à ses pieds. Jaime tâtonna sous l’eau jusqu’à ce que sa main se referme sur la poignée. Rien ne peut m’arriver, puisque j’ai une épée. Comme il relevait l’épée, une flamme d’un doigt de long clignota sur la pointe et, remontant le fil, s’immobilisa à moins d’une main de la garde. Elle prit la couleur de l’acier lui-même, et la lueur bleu argent qu’elle émettait fit reculer le noir. […] « Les flammes brûleront aussi longtemps que vous vivrez, lança la voix de Cersei. Qu’elles meurent, et c’en sera fait de vous. »

(ASOS, Jaime VI)

Ensuite, Rhaegar et cinq des épées blanches de la Garde Royale font leur entrée, reprochant à Jaime ses actes durant la rébellion, notamment le fait de n’avoir pas su protéger sa femme Elia, et ses enfants. Ces ténèbres, les voix des ancêtres et les épées ornées de flammes pâles dans un cadre onirique ne sont pas sans rappeler les épées que Daenerys voit dans ses rêves fiévreux qui suivent le rituel magique conduit par Mirri Maz Duur dans la tente et l’éveil de ses dragons :

« Paré du somptueux manteau, mais délavé, des rois, des spectres bordaient l’allée centrale de l’immense salle. Leur poing serrait de pâles épées de feu. Ils avaient tantôt des cheveux d’argent, tantôt d’or, tantôt de platine blanc, des prunelles tantôt d’opale et tantôt d’améthyste, ou de jade, ou de tourmaline. »

(AGOT, Daenerys IX)

Ce rêve fiévreux fait là probablement apparaître des ancêtres (au sens généalogique ou peut-être dans un sens plus symbolique de « prédécesseurs ») de Daenerys, tous armés d’épées enflammées pâles, faisant de Daenerys l’héritière (réelle ou symbolique) d’une lignée de rois capables d’éveiller les dragons (que ce soit de manière symbolique ou réelle, comme toujours). En effet, ces rois poussent Daenerys à aller plus vite alors qu’elle remonte l’allée centrale de la salle, poursuivie par un souffle glacé, avant de ressentir un déchirement dans son dos et de prendre son envol. C’est suite à ce rêve que Daenerys entreprend de réveiller ses dragons de leurs œufs de pierre…

Une véritable épée ardente apparaît par ailleurs dans un autre rêve :

« Jon était caparaçonné de glace noire, mais sa lame flambait rouge à son poing. »

(ADWD, Jon XII)

Outre l’évidente Illumination exhibée à la vue de tous par Stannis, l’épée ardente ou rouge se retrouve dans les trames d’autres personnages. Notamment à travers Thoros de Myr, lord Béric Dondarrion, ser Jaime Lannister, lady Brienne de Torth, des personnages dont les trames narratives s’entrecroisent, en lien avec celles de Catelyn Stark et de ses deux filles, Sansa et Arya.

Illumination : symboles et métaphores

Illumination à travers le prisme de la comète rouge

« Le vulgaire l’a surnommée « le Messager Rouge », reprit Varys. Elle viendrait annoncer, tel un héraut royal, carnage et incendie. »

(ACOK, Tyrion I)

La comète rouge apparaît dans le ciel à la fin d’A Game of Thrones (la première intégrale de la saga). Elle est apparemment tout d’abord observée à Winterfell à travers une lunette astronomique (cf. AGOT, Bran VII), puis lors du bûcher funéraire de Khal Drogo qui voit la renaissance des dragons (cf. AGOT, Daenerys X). Les prêtres rouges, et en particulier Mélisandre à Peyredragon, semblent considérer que cette comète rouge correspond à l’étoile sanglante annoncée par la prophétie sur le retour d’Azor Ahai. Cette interprétation est dans un sens confirmée par le nom que lui attribuent les Dothrakis du maigre khalasar de Daenerys Targaryen : « shierak qiya » (« l’étoile sanglante » cf. ACOK, Daenerys I). La comète rouge est par ailleurs qualifiée d’épée rouge par Gendry, un apprenti forgeron, ce qui la rapproche thématiquement d’Illumination.

« Couchée à la dure, cette nuit-là, sous sa mince couverture, elle observa la grande comète rouge. Elle la trouvait tout à la fois splendide et terrifiante. Taureau la nommait « l’Épée Rouge », eu égard, jurait-il, à sa ressemblance avec une lame encore incandescente. Mais lorsqu’Arya eut suffisamment louché dessus pour y voir aussi une épée, ce n’est pas une épée nouvelle qu’elle vit là, mais Glace, la grande épée de Père, toute d’acier valyrien moiré, Glace rougie de sang, après que ser Ilyn, la Justice du roi, l’avait utilisée pour perpétrer le meurtre. Yoren avait eu beau l’obliger à regarder ailleurs au moment de l’exécution, Arya ne pouvait s’en défendre, Glace avait dû, après, ressembler à cette comète. »

(ACOK, Arya I)

Gendry associe la comète rouge à une épée rouge encore brûlante à la sortie de la forge, et Arya confirme cette association et compare la comète à Glace, l’épée de son père qu’il utilisait pour rendre la justice (Illumination est qualifiée par Mélisandre d’épée rouge de Justice).

« La nuit venue, l’Épée rouge éclairait leur repas et leur campement. »

(ACOK, Arya II)

L’appellation d’épée rouge est désormais adoptée par Arya. Mais on la retrouve aussi en partie à Winterfell où septon Chayle (le septon de Winterfell), interrogé par Bran, la qualifie « d’épée meurtrière de la saison » (ACOK, Bran I), ce qui est confirmé par l’arrivée peu après du corbeau blanc annonçant la fin de l’été et le début de l’automne. De fait, cette notion est cohérente avec le fait qu’Illumination ne devrait refaire son apparition que lorsque les ténèbres se rassembleront. On peut aussi associer avec l’image de l’épée enflammée qu’a la comète, le fait que les frères jurés de la Garde de Nuit (cf. ACOK, Jon I) comparent la comète à une torche, un instrument enflammé destiné à apporter de la lumière et repousser les ténèbres. De fait, lors de la bataille du Poing des Premiers Hommes la réserve de la Garde de Nuit est constituée de cavaliers armés de torches pour repousser les spectres qui assaillent les flancs de la colline (cf. ASOS, Samwell I).
Aeron Greyjoy, prêtre du dieu Noyé, associe lui-aussi la comète à une torche, mais comme instrument de destruction dans le cadre de la restauration de l’Antique Voie, « avec le feu et l’épée » (cf. ACOK, Theon I).

Illumination doit permettre de reconnaître Azor Ahai ressuscité et ce dernier doit être amené à éveiller les dragons de pierre ; la comète est elle aussi associée symboliquement à ceux-ci. Ainsi, Mélisandre la qualifie de « souffle de dragon » (cf. ACOK, Prologue) et, indépendamment les uns des autres, la sauvageonne Osha (cf. ACOK, Bran I), ser Brynden Tully (cf. ACOK, Catelyn I) et Varys (cf. ACOK, Tyrion I) l’associent à la devise de la maison Targaryen : « sang et feu ». Vieille Nan quant à elle la croit annonciatrice du retour des dragons (cf. ACOK, Bran I).

Associée à la nature « révélatrice » d’Illumination dans les prophéties sur le retour d’Azor Ahai, la comète est aussi qualifiée de héraut ou de messager, notamment à Vivesaigues, dans le Conflans (cf. ACOK, Catelyn I) et dans les rues de Port-Réal où la rumeur fait d’elle le héraut d’un roi (cf. ACOK, Tyrion I). Les Nonmourants de Qarth prétendront ensuite à Daenerys lui avoir envoyé la comète afin de la guider jusqu’à eux (cf. ACOK, Daenerys IV). Enfin, la comète est aussi qualifiée d’astre errant (« wanderer » en version originale, cf. ACOK, Jon I) ce qui la rapproche des Sept Marcheurs de la Foi (« the seven wanderers« ) et notamment du Marcheur Rouge (« the red wanderer« ), associé au Ferrant ce qui lie à nouveau thématiquement la comète et Illumination.

De fait, les différentes interprétations qui sont faites de l’arrivée de la comète rouge sont étonnamment cohérentes dans leur ensemble avec les légendes orientales liées à Azor Ahai et Illumination, alors même qu’elles sont généralement faites par des personnages étrangers à ces mêmes légendes. Il n’est alors pas surprenant que la comète rouge soit associée par les prêtres rouges du culte de R’hllor à l’étoile sanglante (ou aux étoiles sanglantes) qui doit précéder le retour d’Azor Ahai.

« Les livres d’Asshaï l’ont dès longtemps annoncé, un jour viendra où, après un long été, saigneront les étoiles et où s’appesantira sur le monde l’haleine glacée des ténèbres. En cette heure effroyable viendra un guerrier qui tirera des flammes une épée de feu. Et cette épée qui, nommée Illumination, sera l’épée rouge des héros, c’est Azor Ahai ressuscité qui la brandira, dissipant devant lui les ténèbres affolées. »

(ACOK, Davos I)

« Les écritures prophétiques sont également formelles. Quand saignera l’étoile rouge et que les ténèbres se regrouperont, Azor Ahai renaîtra parmi le sel et la fumée pour réveiller les dragons de pierre. »

(ASOS, Davos III)

« Aucun d’entre eux n’était l’élu de R’hllor. Aucun d’entre eux n’eut pour héraut de sa venue l’embrasement des cieux par une comète rouge. Aucun d’entre eux ne brandit Illumination, l’épée rouge des héros. Et aucun d’entre eux ne paya le prix. Dame Mélisandre vous le dira, messire, seule la mort peut payer la vie. »

(ASOS, Davos V)

« A Volantis, des milliers d’esclaves et d’affranchis encombrent chaque soir la place du temple pour écouter Benerro bramer des histoires d’étoile de sang et d’une épée de feu qui purgera le monde. Il prêche qu’assurément Volantis brûlera si les triarques prennent les armes contre la reine d’argent. »

(ADWD, Tyrion VI)

« Je l’ai vu dans les flammes, lu dans d’anciennes prophéties. Quand saignera l’étoile rouge et que s’amasseront les ténèbres, Azor Ahai renaîtra dans la fumée et le sel pour réveiller les dragons de pierre. »

(ADWD, Jon X)

NB : on retrouve là-aussi, à travers le premier chapitre de Daenerys d’A Clash Of King (la deuxième intégrale de la saga), des thématiques religieuses à rapprocher de l’observation qu’Illumination peut aussi se traduire par « le porteur de lumière », soit Lucifer. En effet Daenerys suit avec son khalasar une route désignée par la course de la comète et ceci à travers un désert dans lequel elle va passer de nombreux jours avant d’être approchée par trois émissaires venus de Qarth. Ce chapitre évoque les trois rois mages et leur quête de l’élu en suivant une étoile (Qarth envoie trois émissaires), ainsi que les quarante jours durant lesquels Jésus est tenté dans le désert par Satan (Daenerys est tentée de rester à Vaes Tolorro, la cité des os), ou encore les quarante ans que dure l’Exode. Par ailleurs, il faut noter que les comètes ne sont visibles dans le ciel nocturne que juste après le coucher du soleil et juste avant le lever de celui-ci, ce qui les rapproche thématiquement de la planète Vénus, associée à Lucifer, qui est observable aux mêmes moments.

Illumination des dragons

« Oncle Benjen avait jadis déclaré devant lui que, s’il était, à l’est de Châteaunoir, une épée, le Mur, à l’ouest, était un serpent. »

(ASOS, Jon IV)

Ou comment une épée à l’est peut devenir un serpent (ou dragon) à l’ouest.

Le cri d’angoisse et d’extase de Nissa Nissa alors qu’Illumination était trempée dans son cœur passe pour avoir laissé une craquelure sur la face de la lune. Ceci évoque une légende qarthienne qui prétend qu’il y avait auparavant deux lunes dans le ciel et que l’une d’elles s’est trop approchée du soleil avant de se briser comme un œuf pour donner naissance aux dragons qui se sont gorgés des flammes de l’astre solaire. Cette image d’une lune, associée à un œuf, se brisant dans le ciel et donnant naissance aux dragons tombés ensuite sur la planète, n’est curieusement pas sans évoquer une pluie de météorites, ce qui lie à nouveau thématiquement les dragons à la comète rouge et à Illumination. L’association entre les dragons et une épée (enflammée) est faite explicitement par Xaro Xhoan Daxos :

« Petits vos dragons excitaient l’imagination. Grands, ils représentent la mort et la dévastation, une épée ardente suspendue sur le monde. »

(ADWD, Daenerys III)

Le clin d’œil à l’épée de Damoclès souligne une thématique importante de la trame de Daenerys dans A Dance with Dragons (la cinquième intégrale de la saga) : les dragons sont à la fois source de son pouvoir (c’est grâce à eux qu’elle devient reine de Meereen mais aussi par eux qu’elle tient son pouvoir sur son khalasar puis sur ses affranchis), et une menace pour l’exercice de ce même pouvoir (pour protéger ses « enfants », son peuple, elle doit enfermer ses autres « enfants », ses dragons). Cette remarque de Xaro associe à la fois les dragons à une épée enflammée, mais aussi à la comète rouge qui a été qualifiée d’épée rouge et qui était elle aussi « suspendue » dans le ciel nocturne. Cette menace qui semble annonciatrice d’une apocalypse à venir est d’ailleurs présente à la fin du bûcher funéraire de Khal Drogo, reliant celui-ci à la légende quarthienne sur la seconde lune et l’origine des dragons :

« Alors éclata, aussi tonitruante, elle, qu’un cataclysme universel, la troisième déflagration. »

(AGOT, Daenerys X)

Il s’agit de l’éclosion du troisième œuf sur le bûcher funéraire, probablement celui de Drogon avec qui Daenerys semble lié (la première éclosion est celle de l’œuf de Viserion a priori), les trois éclosions successives étant un rappel des trois étapes de la forge légendaire d’Illumination (qui se termine par une lune fêlée par le cri poussé par Nissa Nissa). Par ailleurs, le bûcher des dieux lors duquel Stannis obtient Illumination rappelle le bûcher funéraire de Khal Drogo. Celui-ci était le soleil de Daenerys et elle-même sa lune, et soleil et lune sont des divinités dans le panthéon dothraki, une information qui est donnée juste après que la légende sur la naissance des dragons à partir de la seconde lune est évoquée (« Folle esclave à tête de paille ! la lune pas œuf, la lune dieu, femme épouse de soleil. Tous sait ça. » cf. AGOT, Daenerys III). De fait, Stannis doit rentrer dans le brasier du bûcher des dieux pour retirer Illumination des flammes, tout comme Daenerys rentre dans le brasier du bûcher funéraire de Drogo (associé au soleil et donc à un dieu) pour en retirer ses trois dragons :

« Stannis Baratheon s’avança du pas d’un soldat qui marche au combat. Ses écuyers le suivirent pour l’assister. Davos regarda son fils Devan enfiler un long gant capitonné sur la droite du roi. Le garçon portait un doublet crème empiécé d’un cœur ardent. Vêtu de même, Bryen Farring agrafa ensuite au col de Sa Majesté une cape rigide de cuir. »

(ACOK, Davos I)

Les parallèles entre les deux bûchers ne s’arrêtent pas là, une vision d’Axell Florent (le gouverneur de Peyredragon), improbable prophète, relie même étrangement les deux :

« Selon dame Mélisandre, R’hllor autorise parfois ses fidèles serviteurs à entrevoir l’avenir dans les flammes. En contemplant le brasier ce matin, j’ai eu l’impression qu’une troupe de belles danseuses, des jouvencelles en soieries jaunes, virevoltaient en tourbillonnant devant un grand roi. Je ne doute pas qu’il s’agisse là d’une vision prophétique, ser. Un aperçu de la gloire promise à Sa Majesté lorsque nous aurons pris Port-Réal et qu’Elle occupera le trône qui Lui revient légitimement. »

(ACOK, Davos I)

Bien entendu, Davos écarte pragmatiquement la vision d’Axell Florent, arguant à juste titre que Stannis n’est pas homme à goûter à de tels spectacles, et lorsqu’il interroge plus tard Mélisandre à ce propos, elle a beau jeu de lui rétorquer amusée que « n’importe quel chat peut fixer un feu et voir s’y ébattre des souris rouges » (cf. ASOS, Davos VI), elle-même reconnaissant le biais potentiel de l’observateur dans l’interprétation des visions procurées par les flammes (« Plus d’un prêtre ou d’une prêtresse avant elle avaient été égarés par de fausses visions, voyant ce qu’ils souhaitaient voir au lieu de ce que le Maître de la Lumière avait envoyé. » cf. ADWD, Mélisandre). Donc Axell Florent n’aurait vu dans les flammes que ce qu’il souhaitait voir… au détail près que la vision qu’il prétend avoir reçue partage des similitudes troublantes avec une autre scène :

« Sous ses yeux, les flammes se tortillaient comme à ses noces les danseuses, avec des pirouettes, des chansons, des déhanchements, des tournoiements de voiles jonquille, ponceau, tango certes périlleux mais d’un attrait, d’un attrait si puissant quand les animait cette incandescence… ! »

(AGOT, Daenerys X)

Dans les deux bûchers nous retrouvons donc une vision de danseuses habillées de jaune, ce qui les lie à nouveau thématiquement. Dans le cas de Daenerys, ces flammes prenant la forme de danseuses lui évoquent celles qui s’étaient produites à ses noces avec Khal Drogo aux portes de Pentos, où elles avaient donc dansé « devant un grand roi » (Khal Drogo), ce qui rejoint la prétendue vision de ser Axell Florent.

Bien sûr, l’issue du bûcher des dieux est bien moins spectaculaire que celle du bûcher funéraire, et Stannis doit se protéger du feu pour y pénétrer là où Daenerys réussit un miracle de nature magique… et Stannis a bien conscience des limitations de son Illumination par rapport aux dragons :

« Elle scintille joliment, je te l’accorde, cette épée magique, mais elle ne m’a pas mieux servi qu’une épée banale, à la Néra. Durant cette bataille, un dragon aurait retourné la situation, lui. Aegon s’est tenu jadis à la place même que j’occupe, les yeux attachés sur cette même table. Penses-tu que nous l’appellerions aujourd’hui « le Conquérant », s’il n’avait pas disposé de dragons ? »

(ASOS, Davos V)

Stannis fait ici un lien implicite entre Illumination et les dragons : doutant des pouvoirs de son épée, Illumination, il déclare qu’un dragon aurait été plus utile.

« Il était en train de se remémorer la légende contée naguère par Sladhor Saan et selon laquelle Azor Ahai avait trempé l’acier d’Illumination en le plongeant dans le sein de son épouse bien-aimée. Il tua sa femme afin de combattre les ténèbres. Si Stannis est véritablement Azor Ahai ressuscité, cela signifie-t-il qu’Edric Storm doit jouer le rôle de Nissa Nissa ? »

(ASOS, Davos V)

Là encore, le lien entre Illumination et les dragons est fait indirectement : Stannis n’a sacrifié personne pour obtenir son Illumination, mais Mélisandre insiste sur le fait qu’il doit sacrifier un enfant innocent de sang royal pour éveiller les dragons de pierre, et ce sacrifice est relié par Davos à la dernière étape du forgeage d’Illumination, liant celle-ci à l’éveil des dragons de pierre. Cette interprétation est dans un sens confirmée par Mélisandre :

« C’est dans le sang du cœur de son épouse bien-aimée qu’Azor Ahai trempa l’acier d’Illumination, dit Mélisandre. Si le propriétaire d’un millier de vaches en donne une au dieu, cela n’est rien. Mais celui qui donne l’unique vache qu’il possède… »

(ASOS, Davos VI)

Ici aussi le sacrifice originel pour obtenir Illumination devient un sacrifice à faire pour éveiller les dragons de pierre. Ce rapprochement entre Illumination et les dragons est appuyé par une remarque quant à la nature même d’Illumination, l’épée légendaire :

« Une épée qui engendre sa propre chaleur… »

(ADWD, Jon III)

L’expression de Clydas sur une épée produisant sa propre chaleur n’est pas sans rappeler la manière dont la flamme des chandelles de verre ou des dragons est décrite par archimestre Marwyn à Samwell.

« Qu’est-ce qui nourrit le feu d’un dragon ? »

(AFFC, Samwell V)

Enfin Daenerys expérimente et assiste à des interventions de ses dragons qui rappellent étrangement la manière dont Illumination passe pour avoir tué un monstre de la main d’Azor Ahai :

« J’ai regardé l’ouvrage que mestre Aemon m’a laissé. Le Compendium de Jade. Les pages qui parlent d’Azor Ahai. Illumination était son épée. Trempée dans le sang de son épouse s’il faut en croire Votar. De ce jour, Illumination n’a jamais été froide au toucher, mais chaude, aussi chaude que l’avait été Nissa Nissa. A la bataille, la lame brûlait d’une ardeur féroce. Un jour, Azor Ahai a combattu un monstre. Quand il a plongé la lame dans le ventre de la bête, le sang de celle-ci s’est mis à bouillir. De la fumée et de la vapeur se sont déversées de sa gueule, ses yeux ont fondu et dégouliné sur ses joues, et son corps s’est embrasé. »

(ADWD, Jon III)

Lors de son second rêve de dragon (cf. AGOT, Daenerys III) elle est baignée par les flammes d’un dragon qui semble associé à Drogon et elle sent son sang bouillir avant d’être transformé en vapeur selon un processus qu’elle qualifie pourtant d’indolore. Lorsque Daenerys commande à Drogon de brûler les esclavagistes d’Astapor elle voit les yeux de Kraznys fondre et lui couler le long des joues avant qu’il ne prenne subitement feu (cf. ASOS, Daenerys III, rappelé à nouveau dans ADWD, Daenerys II, chapitre qui suit directement ADWD, Jon III – où les effets d’Illumination sont décrits -, puis dans ADWD, Daenerys III).

Il y a une accumulation de similitudes troublantes entre les dragons et Illumination, ce qui pourrait expliquer l’ubiquité des épées rouges des héros à l’est des montagnes des Os (sans formellement expliquer pourquoi toutes ces cultures apparemment différentes auraient associés par la suite les dragons, de toute évidence disparus entre temps, à des épées). Par ailleurs, le fait que Daenerys ait pu réveiller les dragons de pierre et soit en apparence le meilleur candidat pour être Azor Ahai ressuscité (appuyé par l’analyse de mestre Aemon qui semble avoir longtemps étudié la prophétie), force l’association entre l’Illumination que doit brandir Azor Ahai et les dragons, par élimination. Il est donc tentant de voir dans la légende du forgeage d’Illumination une métaphore des étapes nécessaires au réveil des dragons de la pierre et de faire de l’épée rouge Illumination une image désignant en fait un dragon.
Toutefois, le fait que les épées rouges se retrouvent dans plusieurs légendes orientales de l’est des montagnes Os, alors même que ces contrées semblent avoir connu des dragons véritables auparavant (les dragons passent pour être nés à Asshaï, et ceci avant la période de la Longue Nuit apparemment), rend cette interprétation curieuse à défaut d’être complètement impensable : si les légendes orientales évoquent des dragons littéralement pourquoi les désigner alors spécifiquement comme des épées rouges dans les légendes qui entourent la fin de la Longue Nuit ? .

Mais peut-être que la conclusion sur les dragons et Illumination doit revenir à Hizdhar :

« Les seuls dragons dont j’ai connaissance sont les vôtres, et les épées magiques sont encore plus rares. »

(ADWD, Daenerys IV)

Hizdhar ne connaît effectivement que les trois dragons de Daenerys, mais si on envisage les dragons au sens symbolique (ceux vus par Moqorro par exemple, ce qui semble en faire six) peut-être que nous trouverons une épée magique… Toutefois, avant d’explorer ces symbolismes, il peut se révéler intéressant de se pencher sur les cas de deux antagonistes des dragons (ou du moins présentés comme tels potentiellement).

Illumination de la Tour

« Mélisandre jure m’avoir vu dans ses flammes, elle jure m’avoir vu affronter les ténèbres en brandissant Illumination haut et clair. Illumination ! »

(ASOS, Davos V)

L’image d’une épée ardente brandie par un homme pour repousser les ténèbres, voire guider l’humanité au sein de celles-ci, n’est pas sans rappeler une torche (déjà associée à la comète rouge), une chandelle (de verre), voire une tour surmontée d’un fanal. De fait, les prêtres rouges allument chaque nuit des feux nocturnes et appellent de leurs prières le retour du soleil et de R’hllor.
Le premier fanal évoqué dans la saga est celui qui surmonte les tours de Pointe-Vive, fief de la maison Bar Emmon du Bec de Massey, renvoyant l’image de la pointe d’une épée surmontée d’un feu. Toutefois, l’image la plus frappante est celle de la Grand-Tour de Villevieille, construite sur Bataille-Isle, fief de la maison Hightower dont la devise est « Nous éclairons la voie », et qui patronne la Citadelle des mestres depuis des millénaires. La Grand-Tour est d’ailleurs associée à une épée :

« Du point qu’elle occupait, tout en haut des falaises de Bataille-Isle, son ombre tranchait la ville à la façon d’une gigantesque épée. »

(AFFC, Prologue)

Nous savons que sous la protection de cette gigantesque épée ou chandelle symbolique se trouvent d’autres chandelles associées aux dragons. Si les premières chandelles de verres sont évoquées à Qarth, c’est à Villevieille que le lecteur voit pour la première fois l’une d’elles brûler, et ce « feu » est directement associé au « feu » des dragons comme nous l’avons vu précédemment.

« Le verre est taillé en forme de chandelle afin de nous rappeler qu’un mestre a pour devoir de projeter de la lumière en quelque lieu qu’il serve, et acéré dans le but de nous remémorer que la connaissance menace toujours de se révéler dangereuse. »

(AFFC, Prologue)

Ici nous avons la connaissance comme lumière apportée dans les ténèbres de l’obscurantisme, lumière symbolisé lors de la veillée des mestres par la chandelle de verre en obsidienne, ou verredragon, celui-ci étant par ailleurs une arme contre les Autres. A noter l’ambivalence du savoir qui éclaire mais peut se révéler dangereux. Bien que les mestres récusent la magie et que la veillée autour de la chandelle de verre soit réputée démontrer l’inexistence de celle-ci, on retrouve avec les mains ensanglantées des aspirants qui tentent d’allumer la chandelle. Il faut également se rappeler les mots attribués au Seigneur aux Cornes, un roi d’au-delà du Mur, qui qualifiait la magie d’épée sans garde ni poignée, qu’il est impossible de brandir sans se blesser. Ceci évoque aussi une réflexion de mestre Luwin, qui déclare à Bran que les enfants de la forêt, en se reposant sur la magie, se battaient avec une épée de verre, avant de lui en faire la démonstration en lui montrant des pointes de flèches de verredragon (cf. AGOT, Bran VII, le tout premier chapitre où apparaît la comète rouge dans les romans). Par ailleurs, la chandelle de verre elle-même est comparée à une épée :

« La chandelle proprement dite avait trois pieds de haut, elle était mince comme une épée, ridée, torsadée, d’un noir étincelant. »

(AFFC, Samwell IV)

Cette vision d’Illumination en tant que métaphore de la connaissance (et de la magie) évoque une réflexion de mestre Aemon, alors qu’il vient de confier à Jon Snow l’ouvrage Le Compendium de Jade qui mentionne Illumination et Azor Ahai :

« La connaissance est une arme, Jon. Arme-toi soigneusement avant de foncer dans la mêlée. »

(AFFC, Samwell I ; ADWD, Jon II)

Illumination dans le septuaire

« Les livres d’Asshaï l’ont dès longtemps annoncé, un jour viendra où, après un long été, saigneront les étoiles et où s’appesantira sur le monde l’haleine glacée des ténèbres. En cette heure effroyable viendra un guerrier qui tirera des flammes une épée de feu. Et cette épée qui, nommée Illumination, sera l’épée rouge des héros, c’est Azor Ahai ressuscité qui la brandira, dissipant devant lui les ténèbres affolées. »

(ACOK, Davos I)

Avant d’achever le tour des interprétations symboliques liées à Illumination par le Mur et une fraternité dont chaque membre fait le serment d’être littéralement une épée contre les ténèbres, voyons brièvement ce qui associe Illumination au culte des Sept.

Nous avons vu précédemment que Juste Pucelle, l’épée légendaire de Galladon de Morn, partage quelques similarités thématiques avec Illumination. C’est par la destruction des statues des Sept de Peyredragon que Stannis obtient son épée Illumination. Enfin, la comète rouge est associée au Marcheur Rouge, lui-même associé au Ferrant, aspect du divin thématiquement lié à une profession réalisant notamment des épées.

A noter que l’image de l’épée est notablement absente des légendes qui semblent entourer Hugor de la Colline, personnage apparemment fondateur dans le culte des Sept et remontant à l’époque où les Andals vivaient encore de l’autre côté du détroit : le Père fait descendre sept étoiles du ciel pour lui en faire une couronne, la Jouvencelle lui accorde une épouse, la Mère rend cette dernière fertile et l’Aïeule leur prédit quarante-quatre fils à qui le Guerrier va accorder la force et le Ferrant des armures de fer (cf. ADWD, Tyrion II). Toutefois, le nom de Hugor de la Colline est rapproché de celui d’Azor Ahai par un troisième personnage légendaire : Huzhor Amai, fondateur légendaire de la lignée des Hommes Grands, ou Sarnores, qui occupaient auparavant la partie occidentale de l’actuelle mer Dothrak (cf. TWOIAF). Ce sont aussi sept étoiles qui forment la couronne d’Hugor de la Colline, le consacrant comme roi, une image qu’on peut peut-être rapprocher des sept membres de la Garde Royale (les sept blanches épées) des rois des Sept Couronnes après la Conquête. Par ailleurs, les sept étoiles de la couronne d’Hugor de la Colline sont peut-être elles-mêmes à rapprocher de la constellation de la Couronne du Roi, connue chez les sauvageons comme le Berceau.

Mais ce sont surtout les deux anciens ordres de la Foi Militante qui font écho aux légendes entourant Illumination : les très anciens ordres de l’Épée et de l’Étoile, respectivement les Fils du Guerrier et les Pauvres Compagnons. Ces derniers arboraient une étoile à sept branches rouge sur champ blanc, alors que les Fils du Guerrier arboraient eux une épée aux couleurs de l’arc-en-ciel sur champ noir (là-aussi, une épée dans les ténèbres) et passaient pour être des pourfendeurs de démons et de dragons (cf. AFFC, Cersei VI). L’événement qui semble cristalliser le mouvement des moineaux qui va amener à l’élection du Grand Moineau et à la résurrection de la Foi Militante, fait aussi étrangement écho aux prophéties qui entourent le retour d’Azor Ahai : le sac de Salins, le sel et la fumée. La renaissance de ces ordres dans la saga après les souffrances connues par les fidèles de la Foi dans le Conflans durant la guerre des Cinq Rois, l’image de l’étoile sanglante associée à l’épée dans les ténèbres, ne sont pas sans évoquer de manière distante les légendes qui entourent Illumination. De fait, le Grand Septon semble alors faire de la restauration de ces deux ordres un acte capable de désigner un roi comme légitime (ceci à rapprocher du fait que Varys déclarait que le petit peuple voyait en la comète rouge le héraut d’un roi, cf. ACOK, Tyrion I) :

« La Foi Militante ressuscitée… Voilà la réponse qui exaucerait trois cents années de prières, Votre Grâce. Le Guerrier brandirait à nouveau sa lame étincelante et purifierait ce royaume abandonné au péché de tous ses mauvais penchants. Si Sa Majesté devait me permettre de restaurer les anciens ordres bénis de l’Étoile et de l’Épée, chacune des âmes pieuses des Sept Couronnes reconnaîtrait en Elle son authentique et légitime seigneur et maître. »

(AFFC, Cersei VI)

Blasons des deux ordres de la Foi Militante : les Pauvres Compagnons (gauche) et les Fils du Guerrier (crédits : Evrach, La Garde de Nuit)

Illumination au Mur

« Jamais personne ne s’est mis en quête d’une fille. C’est un prince qui était promis, pas une princesse. »

(AFFC, Samwell IV)

« Garçon, fille…, […] tu es une épée, voilà tout. »

(AGOT, Arya II)

Il est intéressant que lorsque la lame incandescente est plantée dans son cœur Nissa Nissa passe pour avoir poussé un cri d’angoisse et d’extase. Cette notion ne se retrouve qu’en de très rares occurrences à travers la saga, le terme extase (du grec « ek stasis« , qui sort de la stase, de son état statique) n’apparaissant que quatre fois de A Game of Thrones (première intégrale) à A Dance with Dragons (cinquième intégrale). Ce terme apparaît pour la première fois associé à l’angoisse dans le cas du cri poussé par Nissa Nissa dans la légende entourant le forgeage d’Illumination (ACOK, Davos I), puis lors d’un cri à nouveau associé à l’agonie lorsque Mélisandre enfante une ombre tueuse à partir des feux vitaux du roi Stannis aux pieds d’Accalmie (ACOK, Davos II), puis associé à la douleur lorsque Cersei fait brûler par le grégeois la tour de la Main du Donjon Rouge (AFFC, Jaime II), et enfin associé à l’agonie lorsque Mélisandre cherche à lire l’avenir dans ses feux (ADWD, Mélisandre I). Lors des trois dernières apparition du terme il est à chaque fois associé à une symbolique sexuelle : Mélisandre accouche d’une ombre, Cersei est magnifique par sa poitrine, ses lèvres et ses yeux alors que Jaime la voit pleurer de douleur ou d’extase (la scène étant reliée par ailleurs explicitement à Aerys II Targaryen qui était réputé à la fin de son règne ne coucher avec son épouse qu’après avoir fait brûler vives des personnes), et Mélisandre voit la chaleur tracer des motifs sur ses cuisses ruisselantes de sang de manière insistante, comme les mains d’un amoureux. Au regard de cette analyse du vocabulaire employé par George R.R. Martin il apparaît que la dernière étape de la trempe d’Illumination, l’épée passée dans le cœur de son épouse qui pousse un cri d’angoisse et d’agonie, peut s’interpréter comme une métaphore d’un acte sexuel.

« […] mais je me souviens encore à quoi ressemblait le sang de mon pucelage sur sa queue, la nuit où il m’a prise. […] Assurément, une épée ensanglantée est magnifique à voir. J’ai eu mal, mais la douleur était douce. »

(ADWD, Le Tourne-casaque)

On retrouve plusieurs fois le membre viril masculin associé à une épée, mais cette tirade de lady Barbrey Dustin est très parlante, surtout qu’elle associe sa première expérience sexuelle à la douleur et à la douceur en même temps, ce qui rappelle les quatre différentes apparitions du terme « extase », toujours associé à l’angoisse et la douleur. L’idée que la légende est en fait une métaphore d’un acte sexuel est appuyée par le fait qu’Illumination passe pour avoir hérité (par le sang) des propriétés de Nissa Nissa : sa bravoure, son énergie et sa chaleur, des notions que l’on retrouve dans les croyances qui semblent très largement partagées sur l’hérédité à travers la saga. Enfin, lors du bûcher des dieux à Peyredragon, parmi les sept statues disponibles, Illumination est spécifiquement plantée dans le cœur de la statue représentant la Mère (et non pas la Jouvencelle pourtant plus associée à la notion de pureté qui apporterait symboliquement une plus-value au sacrifice divin).
L’idée qu’une personne, spécifiquement et à dessein, pourrait être l’instrument pour repousser les ténèbres est étrangement amenée par Mélisandre elle-même :

« Je suis semblable à cette torche, ser Davos. Nous sommes, elle et moi, des instruments de R’hllor. Nous n’avons été tous deux créés que dans un seul et unique but – tenir les ténèbres en échec. Croyez-vous cela ? »

(ASOS, Davos III)

Et cette idée se retrouve, bien entendu, dans les vœux prononcés par les frères jurés de la Garde de Nuit par lesquels chaque homme prétend être, entre autres, une épée :

« Je suis l’épée dans les ténèbres, dit Samwell Tarly. Je suis le veilleur au rempart. Je suis le feu qui flambe contre le froid, la lumière qui rallume l’aube, le cor qui secoue les dormeurs. Je suis le bouclier protecteur des royaumes humains. »

(ASOS, Bran IV)

Par ailleurs, le lien entre les vœux de la Garde de Nuit et Illumination est fait implicitement lors d’une discussion entre Jon et Stannis :

« Qui donc imaginez-vous être ?
– Le veilleur sur les remparts. L’épée dans les ténèbres.
– Ne me jetez pas vos mots à la face. » Stannis dégaina le glaive qu’il appelait Illumination. « La voici, votre épée dans les ténèbres. »

(ADWD, Jon I)

Jon prétend ici être l’épée dans les ténèbres (évoquant bien entendu les vœux de la Garde de Nuit), et Stannis lui donne implicitement son nom : Illumination. Ce rapprochement thématique a déjà été fait auparavant lors d’une autre discussion entre Jon et Stannis :

« Le regard de Stannis se reposa vers le septentrion. Le manteau d’or lui flottait aux épaules. « Il se peut que je me sois mépris sur ton compte, Jon Snow. Nous savons tous deux ce qu’on dit des bâtards. Tu n’as peut-être pas le sens de l’honneur que possédait ton père, tu n’as peut-être pas le sens des armes que possédait ton frère. Mais tu es l’instrument que m’a donné le Maître. J’ai fait ta découverte ici de la même façon que tu avais toi-même fait la découverte du verredragon sur le versant du Poing, et j’entends me servir de toi. »

(ASOS, Jon XI)

Ici Stannis associe implicitement Jon et le verredragon, une arme contre les Autres, et déclare qu’il est possible de faire usage de Jon comme il est possible de faire usage du verredragon (implicitement contre les Autres). Ce concept apparaît même bien plus tôt dans la bouche de Stannis, concernant un autre personnage habillé notablement et constamment de rouge et qui revendique une fonction de chevalier (« Je suis moi-même une espèce de chevalier, cher ser. Un champion de la lumière et de la vie. » cf. ACOK, Davos II), et donc d’épée (un chevalier est une « épée lige ») :

« J’ai des bateaux…, et je l’ai, elle. La femme rouge. La moitié de mes chevaliers tremblent même à l’idée de prononcer son nom, sais-tu ? Ne-fût-elle capable que de cela, une sorcière qui inspire tant de terreur à des hommes faits ne saurait être dédaignée. Un homme effrayé est un homme battu. Et peut-être peut-elle faire davantage. J’entends en tenter l’épreuve. »

(ACOK, Davos I)

La comète rouge était associée thématiquement avec Illumination. Elle était aussi qualifiée dans un chapitre de Jon (ACOK, Jon I) d’astre errant, ce qui la rapproche du Marcheur Rouge, associé au Ferrant dans la religion des Sept, mais aussi au Voleur chez les sauvageons, une « étoile » (plus probablement une planète) favorable à l’enlèvement d’une femme lorsqu’elle se trouve au sein de la Vierge de Lune (la lune est elle-même liée à la notion d’œuf de dragon, d’éclosion et donc d’enfantement). Cette approche de la nature d’Illumination en tant que personne pousse à étudier à nouveau la scène du bûcher des dieux, en tant que métaphore des circonstances de la naissance de Jon Snow (partant du principe qu’il est le fils du prince Rhaegar Targaryen et de Lyanna Stark, ce qui lui conférerait une ascendance targaryenne qui ferait de lui « un dragon ») :

« Les bras ouverts comme pour l’embrasser, la Jouvencelle gisait en travers du Guerrier. La Mère sembla frémir lorsque les flammes vinrent lui lécher la face. On lui avait fiché dans le cœur une rapière dont la poignée de cuir vivait de menue flammèches. Premier tombé, le Père vacillait sur son postérieur. Davos regarda la main de l’Étranger se tordre et se crisper tandis que ses doigts noircis tombaient un à un, dérisoires braises charbonneuses. »

(ACOK, Davos I)

Nous avons donc la Jouvencelle, une jeune fille vierge (Lyanna), qui étreint le Guerrier (« il semblerait que je dois être un guerrier » avait dit Rhaegar), puis la Mère (une jouvencelle tombée enceinte) qui frémit alors que le feu l’étreint (relation sexuelle, mais qui évoque aussi la fièvre de Lyanna avant sa mort) et que l’épée rouge Illumination est plantée dans son cœur (comme dans la légende, rapprochant thématiquement Nissa Nissa du statut de mère), le Père étant « tombé » avant la Mère en « vacillant sur son postérieur » (Rhaegar qui s’écroule au Trident, une lune ou deux avant la mort de Lyanna).

« Dans le bûcher, les dieux n’étaient plus guère identifiables. La tête du Ferrant se détacha parmi une volée de cendres et d’escarbilles. »

(ACOK, Davos I)

La tête du Ferrant, celui qui a thématiquement forgé Illumination, tombe, rappelant la décapitation de lord Eddard Stark, l’homme qui a élevé (forgé ?) Jon Snow.

« Lorsque s’acheva le chant, les dieux n’étaient plus que de vagues charbons, et la patience du roi s’était épuisée. Prenant la reine par le coude, il la reconduisit dans la forteresse, abandonnant Illumination sans autre forme de procès. La femme rouge, elle, s’attarda jusqu’à ce que Devan et Bryen eussent, à genoux, achevé de rouler l’épée calcinée, noircie dans la cape de cuir du roi. A sale mine, songea Davos, son épée rouge des héros. »

(ACOK, Davos I)

L’épée rouge est ensuite enroulée dans un manteau de cuir, rappelant l’image d’un bébé placé dans ses langes, une notion qui n’est pas non plus étrangère à Jon Snow (« Bonté divine ! Il est encore dans les langes, le lord Commandant qu’on s’a ! » cf. ASOS, Jon XII). C’est d’ailleurs dans les appartements de Donal Noye, forgeron de la Garde de Nuit à Châteaunoir (qui l’avait salutairement recadré, pour ne pas dire forgé, peu après son arrivée au Mur et lui confiera la défense de celui-ci plus tard), situés au-dessus de la forge et de l’armurerie, que Jon Snow décide de s’installer après avoir été élu lord Commandant. Ce dualisme (symbolique) dans la nature de Jon Snow (homme et épée à la fois) est renforcé par le dualisme induit par sa nature de change-peau qui fait qu’il est à la fois un homme et un loup, une association qui revient de nombreuses fois dans la saga. Or il se trouve que Fantôme est associé à une épée, dans des circonstances qui font apparaître les thématiques évoquées précédemment (l’union après un enlèvement, le Marcheur Rouge, la Vierge de Lune) et une femme aux cheveux rouges et « baisée par le feu » (Ygrid) :

« Aussi s’était-il mis après cela à utiliser Fantôme comme repoussoir. Si Vieille Nan contait maintes histoires où des chevaliers et leurs dames dormaient dans le même lit, chastement séparés par une épée d’honneur, ce devait être la première fois qu’on recourait, se disait-il, à un loup-garou d’honneur. »

(ASOS, Jon II)

Si Rhaegar s’était en partie trompé et que la chanson de la glace et du feu n’était pas destinée à être celle d’Aegon mais plutôt de Jon, son troisième enfant, alors il n’est peut-être pas incongru que celui-ci soit en fait la véritable Illumination, le véritable porteur de lumière, le véritable Lucifer… et effectivement :

« Tu portes sur toi la marque de la bête, bâtard. »

(ADWD, Jon II)

A noter l’importance du personnage de Mance Rayder (au niveau de l’intrigue et de la symbolique) pour celui de Jon Snow, alors que Mance est lui-même un personnage « luciférien » : le meilleur des patrouilleurs de Tour-Ombreuse commandée par l’aigle Mallister dont il s’enfuit par orgueil pour devenir roi d’au-delà du Mur, plutôt le premier en enfer que le second au paradis.

Conclusion

La question de la nature d’Illumination, aussi bien l’épée légendaire, que celle dont le retour a été prophétisé, semble donc pouvoir être abordée et envisagée selon des angles multiples. Épée littérale ou métaphore, George R.R. Martin semble brouiller les pistes sans qu’il soit possible de conclure définitivement, et ceci à chaque fois que la prophétie est évoquée, puisqu’elle l’est sous des formes variables qui ne se recoupent qu’imparfaitement (l’épée rouge et les dragons ne sont jamais évoqués de concert par le texte et celui-ci évoque tour à tour une étoile sanglante, des étoiles sanglantes etc.). Ceci se retrouve aussi dans le personnage d’Azor Ahai ressuscité auquel plusieurs personnages semblent correspondre selon la manière dont on veut bien lire les signes, et de manière plus générale dans la majorité des prophéties (au sens large) de la saga. De fait, il est difficile de prétendre à une interprétation définitive, la multiplicité des symbolismes attachés à Illumination relève peut-être de multiples degrés de lecture intentionnels de la part de George R.R. Martin qui offrirait au lecteur différentes conclusions quant à sa nature. Deux axes majeurs d’interprétation peuvent être proposés :

Le héros aux multiples visages : le héros prophétisé, et surtout son épée (objet du présent essai, qu’elle soit littérale ou non), se révèlent être des figures composites formées par différents héros, et donc différentes « épées », qui correspondent tous de manière plus ou moins directe et oblique aux signes annoncés. Cette interprétation est supportée par les différentes figures héroïques légendaires de l’Orient associées à la Longue Nuit et toutes porteuses d’une « épée rouge », mais aussi par des éléments présents dans le canon de la saga comme les sept figures divines de la Foi qui ne sont en fait qu’une seule et même divinité, les faces des barrals, les faces du dieu Multiface etc., sous-entendant qu’un même « phénomène » peut avoir des manifestations « différentes ». Des Illuminations de natures différentes (épées, dragons, organisations, personnages) révéleraient donc différents « Azor Ahai revenus » (Stannis, Daenerys ou peu importe quel personnage le lecteur souhaite faire correspondre aux signes – Davos, Samwell, Jaime, Jorah, Victarion, Arya, Sansa, Sandor, etc. – cet axe d’interprétation ayant l’avantage d’être relativement consensuel et permissif ^^).

La révélation en trois temps : le héros prophétisé, et son épée (toujours l’objet de l’essai), forment une figure qui est dévoilée progressivement par différentes « strates » successives de révélations pour conduire à la conclusion finale. Cette interprétation est supportée par la manière dont George R.R. Martin écrit la saga, et révèle ses « mystères », qui prend très souvent la forme d’une révélation en trois temps :

« That said, now that I’ve realized his three-fold revelation strategy, I see it in play almost every time. The first, subtle hint for the really astute readers, followed later by the more blatant hint for the less attentive, followed by just spelling it out for everyone else. It’s a brilliant strategy, and highly effective. »

(Anne Groell – éditrice de GRRM)

Dans cette optique, notons que de nombreux liens symboliques relient Illumination à Jon qui est par ailleurs lié aux trames des différentes personnes identifiées successivement dans la saga comme Azor Ahai : Stannis et Daenerys (au moins par sa vision d’une « rose bleue dans un mur de glace » chez les Nonmourants qu’il est raisonnable d’associer à Jon).

Pour développer un peu plus en avant cette interprétation, Illumination apparaît tout d’abord comme une épée à travers l’Illumination portée par Stannis. Jon est lui-même associé à une épée (que ce soit par les vœux de la Garde de Nuit ou Aiguille qui apparaît avant qu’il ne rejoigne le Mur et refait une apparition au moment de sa mort : « frappe-les d’estoc ») et durant ses interactions avec Stannis, étant donné que ce dernier souhaite faire usage de lui comme d’une arme et d’un symbole de ralliement pour le Nord en le plaçant à la tête de Winterfell (donc en plaçant l’épée qu’est Jon dans le cœur du Nord qu’est Winterfell, un symbolisme qui rappelle Illumination).
Le fait que l’épée de Stannis soit « fausse » amène mestre Aemon à associer dans A Feast for Crows (quatrième intégrale) la figure héroïque prophétisée à Daenerys (interprétation confirmée tout au long d’A Dance with Dragons) et donc à associer ses dragons à Illumination. Si vous souscrivez à l’idée que Jon est le fils de Lyanna et de Rhaegar, alors Jon est lui-même un dragon, qui doit encore être révélé comme tel mais dont le secret de la nature profonde semble enfoui dans les cryptes de Winterfell (ce qui fait de Jon le véritable dragon « enfoui » sous Winterfell).
Du coup, la structure narrative de la saga semble amener à un troisième niveau de lecture (ACOK / ASOS : premier niveau où Illumination est présentée comme une épée et révélée comme telle ; AFFC / ADWD : second niveau où Illumination est présentée comme un dragon indirectement ; TWOW / ADOS : troisième niveau) où Illumination sera révélée comme un homme. De fait, Jon est bien entendu thématiquement relié à la lutte contre les Autres, mais on peut par ailleurs noter qu’il est mentionné dans une scène où un Autre est littéralement tué, et ceci d’une manière qui fait étrangement écho à la fin d’A Dance with Dragons :

« A toi, maintenant. Cesse de chialer, espèce de mioche, et bats-toi. Bats-toi, lâche. C’était Père qu’il entendait là, c’était Alliser Thorne, c’était Dickon, son frère, et ce petit salaud de Rast. Lâche, lâche, lâche. A imaginer, tout à coup, sa propre métamorphose en créature, un rire hystérique le secoua. Oh, la blanche créature qu’il ferait, obèse dans son lard, à s’empêtrer toujours dans ses pieds de mort… ! A toi, Sam, fais-le. Était-ce Jon, maintenant ? Jon était mort. Tu peux le faire, tu peux, fais-le seulement. »

(ASOS, Samwell I)

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