Nicolas Allard, auteur aux éditions Armand Colin d’un livre d’analyse L’univers impitoyable de Game of Thrones : des livres à la série, enquête et décryptage, à paraître aujourd’hui 3 octobre 2018, nous a fait le plaisir et l’honneur de nous en envoyer un exemplaire en avant-première. Nymphadora l’a lu pour vous et vous fait part de son avis (*).
↑Décrypter le succès des livres et de la série TV : un sacré programme !
Si nos homologues anglophones ont à leur disposition de nombreux ouvrages d’analyse de la série ou des livres (tels que le compendium d’essais du célèbre site towerofthehand.com Tower of the Hand: A Flight of Sorrows et bien d’autres parutions plus ou moins intéressantes…), en France, assez peu d’ouvrages traitent de la saga du Trône de Fer. Certains livres traitent de philosophie par le prisme de la série (tels que l’ouvrage de Marianne Chaillan Une métaphysique des meurtres) mais peu d’ouvrages font intervenir la saga littéraire du Trône de Fer en elle-même.
Le livre de Nicolas Allard a donc assez peu d’équivalents en France, et l’on appréciera le fait que des éditeurs semblent aujourd’hui faire le pari de soutenir de tels livres d’analyses, qui s’appuient sur notre saga favorite.
L’univers impitoyable de Game of Thrones : des livres à la série, enquête et décryptage cherche donc à analyser ce qui fait la spécificité de la saga et à expliquer les facteurs qui l’ont conduite, elle et la série télévisée qui l’adapte, à devenir un phénomène majeur de la pop-culture. Le livre reprend point par point ce qui a fait de la saga et de la série un succès : tour à tour, il cherche à décrypter le contexte favorable à la fantasy qui a permis aux romans de sortir de leur confidentialité, les personnages forts qui habitent la saga, la symbolique des lieux et légendes qui permettent l’évasion et l’attachement au monde de Westeros, les coups de théâtre et les circonstances qui amènent la réflexion philosophique… Beaucoup de points pertinents, mêlant pop-culture, analyse littéraire et philosophique, qui, à mon sens, sont effectivement une clef de la réussite de la saga. A la lecture, j’ai personnellement beaucoup apprécié les thèmes soulevés, et, même si je ne suis a priori pas le public cible de ce genre d’ouvrages (l’ouvrage s’adressant plutôt à un public cherchant à en savoir plus sur l’œuvre sans en être pour autant des relecteurs acharnés ) les sujets d’analyse m’ont semblé être très bien choisis, couvrant effectivement une grande majorité des thématiques fortes liées au monde de Westeros.
↑Des parallèles intéressants
L’une des forces du livre à mes yeux est de mettre en valeur des parallèles entre le succès de Game of Thrones et du Trône de Fer avec d’autres œuvres de la littérature. Des liens sont tissés avec Le Seigneur des Anneaux ou Harry Potter, phénomènes majeurs de pop culture de ces dernières années au même titre que notre saga, mais l’auteur va au-delà, citant par exemple la filiation de la saga avec les romans d’aventure du 19ème siècle, filiation à laquelle je n’avais jamais vraiment pensé, mais qui me semble effectivement très bien trouvée, ou des parallèles avec des romans tels que La Horde du Contrevent ou Madame Bovary (parlant évidemment de Sansa quand on dresse des parallèles avec cette chère Emma 😉 ). On notera également les parallèles dressés avec Star Wars qui semblent très pertinents (l’auteur étant très connaisseur de l’univers étoilé, ayant déjà écrit le livre d’analyse Star Wars, un récit devenu légende).
On ressort de la lecture un peu plus érudit, et c’est plutôt agréable.
Toutefois, si les œuvres citées sont avant-tout des références francophones, on regrettera que l’auteur ait peu exploré les piliers de la littérature anglo-saxonne dans son analyse, alors que ces piliers ont probablement inspiré G. R.R. Martin dans une grande mesure. Ainsi, évoquant l’écriture très théâtrale de Martin, un parallèle avec Shakespeare aurait par exemple pu être creusé davantage.
↑Une structure très didactique
L’une des autres forces du livre est sa structure très didactique. Certains pourront trouver la construction assez scolaire (introduction avec annonce du plan, parties très délimitées et conclusion-résumé à la fin de chaque chapitre), mais j’ai personnellement trouvé cette structure bienvenue, permettant une lecture fluide et aisée des thèses de l’auteur. La clarté et la structure très bien maîtrisée de l’ouvrage ont rendu sa lecture extrêmement facile à mes yeux, et m’ont permis de suivre les raisonnements de l’auteur de façon très agréable.
On notera également la présence bienvenue de phrases d’accroche résumant les grandes idées des paragraphes, mises en évidence dans la mise en page, ainsi que la présence d’images de la série visant à illustrer le propos. Étant personnellement assez peu réceptive à la série T.V. et ayant trouvé les images assez sombres et donc difficilement visibles, ces illustrations m’ont parue un peu superflues, mais elles plairont, je pense, à un public plus fan de la série qui aimera à se rappeler les images fortes évoquées en parallèle dans le texte.
Soulignons d’ailleurs que le texte s’appuie sur de nombreuses citations des livres, afin d’appuyer le propos lorsqu’il s’agit de parler des romans de la saga.
↑Une frontière parfois floue entre série et livres
En préambule, l’auteur explique bien que sa démarche lie les deux médiums que sont les livres de la saga du Trône de Fer et la série T.V. Game of Thrones. Tout au long de l’ouvrage, il s’astreint à bien distinguer les informations issues des livres et celles issues de la série.
Si l’exercice est effectivement respecté, l’auteur faisant bien attention à signifier ce qui vient de la série et ce qui vient des livres, j’ai trouvé que cela laissait tout de même la place à beaucoup de confusion. La frontière entre les deux médias est très floue, l’auteur illustrant son propos avec des éléments tantôt issus de la saga, tantôt issus des livres, plaçant de facto les informations au même niveau. Un aficionado du canon de la saga risque d’être assez vite gêné dans sa lecture, et un lecteur qui n’aurait pas visionné les dernières saisons de la série pourrait facilement être déstabilisé – en plus du fait d’être spoilé par ce qu’on appelle communément sur le Mur des “spoilers de Schrödinger” (copyright Ysalaine) : des faits qui sont dans la série mais dont on ne sait pas s’ils seront dans les prochains romans.
A ce titre, on regrettera d’ailleurs les chapitres 8 et 9, qui semblent plus faibles dans l’analyse, contenant quelques confusions factuelles (notamment une confusion sur la ville de Qarth, cité marchande visitée par Daenerys où elle ne perdra ses dragons que dans la série, ou bien une imprécision quant au fait que G. R. R. Martin se disperse dans l’écriture de ses romans, illustré par la parution en 2017 du recueil des Chroniques du chevalier errant… pour un recueil de trois nouvelles dont la dernière est sortie en VO en 2010, la mention était un peu malheureuse ^^). Les imprécisions sont toutefois rares dans ce livre de 177 pages, qui reste bien documenté et précis. On notera également que certaines conclusions et analyses pourraient être nuancées, mais il est clair que l’auteur sait de quoi il parle et maîtrise son sujet. Si le parti pris de mélanger faits issus de la série et du livre peut intriguer, le résultat est assez réussi.
↑Conclusion
L’univers impitoyable de Game of Thrones : des livres à la série, enquête et décryptage de Nicolas Allard, qui paraît ce jour, analyse les clefs du succès de la saga et de la série, en s’intéressant à des thématiques pertinentes. Il devrait en apprendre beaucoup à ceux qui veulent en savoir plus sur la série, les ouvrant aux livres, et, s’il peut rebuter certains fans des romans en plaçant au même niveau des informations venues de la série ou des livres, il reste bien documenté et très agréable à lire grâce à une structure très claire.
(*) Le livre a été transmis à la Garde de Nuit pour revue. Cette transmission n’a fait l’objet d’aucune transaction financière. L’avis publié ici est émis en toute indépendance.
Pour aller plus loin : l’interview de Nicolas Allard.
Lapin rouge
Et les peluches, on les trouve où ?
Nymphadora
Fantôme c’est un des produits dérivés HBO… Mais Freuxsanglant je sais pas, c’est un cadeau ^^ Je suis une vraie Lady Commandante : j’ai mon loup et mon corbeau, Jon Snow n’a qu’à bien se tenir ^^
Tomcat
Très interessant, merci Lady Commandante. Je suppose que l’auteur a intégré la série pour plus de visibilité / ventes, le ration fans de la série / fans des livres doit être très en faveur des premiers… :'(
Ce genre d’ouvrage deviendra encore plus attrayant quand la saga sera terminée ! *s’en va brûler un cierge aux Sept, à R’hlor et au Dieu Multiface pour envoyer de l’inspiration à George RR Martin*
R.Graymarch
Début 2020, le livre m’a paru assez daté. Car si rien n’a changé côté saga, la série est désormais terminée. Vu que le livre fait l’équilibriste (de manière assez fastidieuse à mon avis) entre les deux médias, toute la partie « série » n’est pas à jour (forcément).
Le découpage du livre est bien fait et c’est écrit de manière très claire. Je n’ai pas été convaincu par les « respirations » en images ou avec un résumé des propos, en milieu de page, avec une grosse police.
Le livre a le mérite de ne pas parler que de la série télé, mais du coup cela lui donne un aspect assez maladroit (qui trop embrasse….). Je me dis qu’il était surtout fait « en attendant la diffusion de l’ultime saison » car maintenant (et encore plus avec la déception engendrée par la fin), son intérêt paraît mince.