Le prince qui fut promis est une figure incontournable de la saga du Trône de Fer, son identification étant notamment au cœur de la trame de Stannis Baratheon. Prophétisée de longue date, sa venue est attendue par de nombreux personnages, qui voient parfois dans cette figure messianique le salut de l’humanité et de l’univers (rien que ça ^^). Nous n’avons pour l’instant que quelques indices et des interprétations contradictoires concernant ce mystérieux personnage. Qui peut-il bien être ?
↑Caractérisation
- La prophétie millénaire du retour d’Azor Ahai
Avant toute chose, il est important d’évacuer cette question essentielle : le prince qui fut promis est-il Azor Ahai ? Personnages et fans semblent parfois utiliser les deux noms de manière interchangeable, mais s’agit-il vraiment de la même entité ? La réponse rapide est « oui et non ».
Azor Ahai est un personnage des légendes d’Essos. Il vécut en « un temps où les ténèbres s’appesantissaient sur le monde » et il forgea une épée rouge de lumière pour les combattre. Connu aussi sous les noms d’Hyrkoon le Héros, de Yin Tar, de Neferion ou d’Eldric Chasselombre selon les régions, il fait partie de ces personnages de contes et légendes associés aux récits sur la Longue Nuit (comme le Dernier Héros des contes de Vieille Nan ou la « femme à queue de singe » de Yi Ti). Ses exploits sont notamment rapportés dans Le Compendium de Jade du volantain Colloquo Votar, ou dans la mythologie du culte des prêtres rouges de R’hllor, qui l’érigent en élu de leur dieu, destiné à sauver le monde.
Le retour d’Azor Ahai aurait été prophétisé depuis cinq mille ans, d’après Mélisandre d’Asshaï. Dans le dogme des prêtres rouges, cette réincarnation d’Azor Ahai est désignée comme « Azor Ahai ressuscité » ou « Azor Ahai reparu » ; Mélisandre l’associe également plusieurs fois au « prince qui fut promis » . Les prêtres rouges (ou du moins, Mélisandre) ne distinguent donc pas les deux personnages.
Certains Ouestriens (comme Rhaegar Targaryen, mestre Aemon ou archimestre Marwyn) ont connaissance de cette même prophétie et guettent eux aussi le « prince qui fut promis » , qu’ils ne nomment en revanche jamais « Azor Ahai ressuscité » . Mestre Aemon semble toutefois admettre la connexion entre le personnage de légende (Azor Ahai) et le personnage prophétisé (le prince qui fut promis), puisqu’il se sert des contes du Compendium de Jade sur Azor Ahai pour remettre en cause l’interprétation des signes fournis par Mélisandre.
Il y aurait donc bien une connexion entre les deux personnages, toutefois, cette connexion n’implique pas que le prince qui fut promis des prophéties renouvelle à l’identique le conte d’Azor Ahai. Elle n’implique pas non-plus la justesse de l’interprétation religieuse des prêtres rouges autour du statut d’élu de R’hllor de cet Azor Ahai réincarné.
De nombreux personnages évoquent cette prophétie ou ses éléments de manière parcellaires. L’occurrence la plus claire dont on dispose est celle donnée par Mélisandre à Davos, qui synthétise toutes les autres :
Quand saignera l’étoile rouge et que les ténèbres se regrouperont, Azor Ahai renaîtra parmi le sel et la fumée pour réveiller les dragons de pierre.
Les mêmes éléments sont évoqués par nombres d’autres personnages :
- une étoile rouge qui saigne ;
- les ténèbres qui se regroupent ;
- la (re)naissance parmi le sel et la fumée ;
- le réveil des dragons de la pierre.
Un seul de ces points est vraiment clair et ne fait pas débat : « les ténèbres qui se regroupent » est interprété par tous comme « les jours qui raccourcissent, les nuits qui s’allongent », c’est à dire l’arrivée de l’hiver, de la nuit, des Autres. Pour les autres éléments de la prophétie, on verra qu’il est possible d’y voir une multitude d’interprétations. Ces éléments sont ceux qui reviennent toujours quand on parle des signes annonçant l’avènement du prince qui fut promis. Il est aussi fort possible que ce prince (ou son avènement) soit lié d’une manière ou d’une autre à un sacrifice humain et à une nouvelle « Illumination », l’épée de feu des héros, afin de parfaire son lien avec la légende d’Azor Ahai, mais ces éléments ne font pas l’unanimité.
Un autre personnage va toutefois émettre à son tour une prédiction, bien différente, moins symbolique et plus précise, et ajoutant un nouveau critère déterminant.
- Le récent addendum de la compagne de Jenny de Vieilles-Pierres
Bien des années avant la saga, une autre prédiction aurait été faite. Lorsque Daenerys Targaryen demande à Barristan Selmy pourquoi ses parents (Aerys et Rhaelle) se sont mariés alors qu’ils ne s’aimaient pas, le lord Commandant de la Garde Royale explique :
« Your grandsire commanded it. A woods witch had told him that the prince was promised would be born of their line. »
— Votre aïeul l’a ordonné. Une sorcière de la forêt lui avait prédit que le prince promis naîtrait de cette lignée.
On notera qu’en VO comme en VF, Barristan n’utilise pas le terme de prince that was promised / « prince qui fut promis » qu’emploient les initiés… Cette prédiction est très étrange, car elle est étonnamment précise et récente, là où la précédente était au contraire incroyablement vague et ancienne. Barristan détaille d’ailleurs le profil de la prophétesse :
« Elle est venue à la cour avec Jenny de Vieilles-Pierres. Une créature contrefaite, grotesque à regarder. Une naine, ont dit la plupart des gens, quoique chère à lady Jenny, qui a toujours prétendu qu’il s’agissait d’un des enfants de la forêt. »
(On ne développera pas ici les indices qui laissent à penser que cette prophétesse serait le Fantôme de Noblecœur. Ce n’est pas l’objet du présent billet.)
Cette seconde prophétie circonscrit énormément le nombre de personnes susceptibles d’être le « prince qui fut promis » ce qui devrait en théorie faciliter notre travail d’identification…
Sauf qu’il y a des éléments qui viennent faire douter de la fiabilité de cette prophétie. Tout d’abord, elle ne nous est révélée que dans l’intégrale 5 par Barristan, qui n’y entend pas grand-chose en matière de prophétie. Le seul autre personnage à évoquer l’événement est mestre Yandel, dans un des encadrés de son encyclopédie (The World of ice and Fire) et il ne parle pas d’une prophétie, juste d’un conseil :
Sur le conseil de la sorcière des bois de Jenny de Vieilles-Pierres, le prince Jaehaerys décida de marier Aerys à Rhaella, nous disent les récits de sa Cour.
Game of Thrones – Le Trône de Fer, les origines de la saga : Les rois Targaryen, Aegon V.
Il faut aussi noter que cette prophétie ne semble pas connue par les initiés (Mélisandre, Benerro, archimestre Marwyn…), qui n’en parlent pas. Pour le reste de la Cour, cette parole n’a visiblement été perçues que comme un conseil et non comme une prophétie, atténuant sa portée en dehors de Port-Réal ? (A moins qu’il s’agisse simplement d’un ajout tardif, s’inscrivant avec difficulté dans le canon de la saga ?)
Seul mestre Aemon évoque l’idée que le « prince qui fut promis » serait d’ascendance Targaryen, mais il ne fait pas mention de cette prédiction et ne semble pas limiter sa liste de candidats potentiels aux descendants d’Aerys et Rhaelle :
Stannis… Stannis a un peu de sang du dragon dans les veines, oui. Ses frères en avaient aussi. Rhaella, la gamine de l’Œuf, c’est par elle qu’il leur en est venu… la mère de leur père… elle m’appelait Oncle Mestre quand elle était toute petite. Je me suis souvenu de ça, alors je me suis permis d’espérer…, peut-être bien que je l’ai voulu…
Qu’Aemon ne soit pas au courant serait tout de même surprenant : il guette l’arrivée du prince depuis des années et entretient encore une certaine correspondance avec les membres de sa famille par la suite. Il avait les moyens d’avoir connaissance de cette prophétie, et s’il ne l’évoque pas directement, la plupart des candidats qu’il envisage au cours de sa vie sont bien issus du mariage d’Aerys et Rhaella. Ce n’est qu’une fois devenu centenaire, voyant l’hiver s’abattre sur le monde et les marcheurs blancs menacer le Mur, qu’Aemon se met à douter et espère un temps que Stannis pourrait être le sauveur providentiel … mais il comprend que les signes ne correspondaient qu’à force de mensonges et de faux-semblants, et il finit par se porter sur une ultime hypothèse, sur la fin de sa vie, qui correspond finalement bien à ce critère.
Il faut toutefois envisager une certaine possibilité : qu’il s’agisse d’une prédiction mensongère.
GRRM écrit sur un monde où les prophètes existent et où ils utilisent leurs dons de voyance à des fins politiques : on voit plusieurs fois Mélisandre d’Asshaï se servir de son don de voyance et de son talent pour les prédictions pour influencer les autres personnages. Si la compagne de lady Jenny est bien le Fantôme de Noblecœur, on a vu qu’elle avait bel et bien des rêves prophétiques. Par ailleurs, le fait d’en faire une hypothétique enfant de la forêt permet de confirmer un peu plus ces dons de prescience, souvent associés aux vervoyants et aux anciens dieux… mais aussi de la « marquer » politiquement. Si Mélisandre agit dans l’intérêt de son dieu, les enfants de la forêt que l’on a vu dans la saga semble suivre la « corneille à trois yeux » et les anciens dieux. La compagne de lady Jenny pourrait-elle, elle-aussi, suivre la volonté du « dernier vervoyant » ? Celui-ci a-t-il vu qu’il serait nécessaire de provoquer un mariage entre Aerys et Rhaella pour que l’histoire suive son cours ? Dans ce cas, cette prédiction pourrait être simplement mensongère, un moyen de pression pour conformer les événements à un futur qui doit survenir…
À l’heure actuelle, rien ne permet de savoir s’il s’agissait d’une vraie prophétie, ou d’une prédiction opportuniste et politique. On la prendra donc en considération, mais toujours avec circonspection.
↑Les hypothèses des personnages
Au fil du temps et de la saga, plusieurs personnages ont été identifiés par leurs contemporains comme la réincarnation d’Azor Ahai, en particulier au sein de la famille Targaryen, où la prophétie est connue et où l’arrivée du prince qui fut promis est guettée.
↑Rhaegar et Aegon
Mestre Aemon nous révèle dans l’intégrale 4 qu’il a longtemps cru que le prince serait Rhaegar, et que celui-ci, après y avoir longtemps cru, avait fini par penser que le prince était en fait son fils Aegon :
Rhaegar, je pensais… La fumée était celle de l’incendie qui a ravagé Lestival le jour de sa naissance, le sel celui des larmes versées pour ceux qui avaient péri. Il partageait ma conviction quand il était jeune, mais ensuite il en vint à se persuader que c’était son fils qui accomplirait la prophétie, car on avait vu une comète au-dessus de Port-Réal la nuit où fut conçu Aegon, et Rhaegar était certain que l’étoile sanglante devait être une comète.
On voit déjà bien ce qui sera une constante dans toutes les interprétations : la tendance à interpréter de manière très large certains signes, afin de faire concorder les faits et les paroles de la prophétie. Si Rhaegar est bien né dans la fumée du brasier de Lestival, le « sel des larmes » peut paraître excessif (même si en effet, Lestival semble être un traumatisme pour tous ceux qui l’ont vécu).
La croyance juvénile de Rhaegar nous est confirmée par Barristan :
Jusqu’au jour où le prince Rhaegar découvrit quelque chose dans ses grimoires qui le métamorphosa. De quoi il pouvait bien s’agir, nul ne sait ; toujours est-il qu’un beau matin dès l’aube il apparut brusquement dans la cour où les chevaliers fourbissaient leur acier, marcha tout droit sur le maître d’armes, ser Willem Darry, et lui déclara : « J’aurai besoin d’une armure et d’une épée. Il semble que je dois être un guerrier. »
Sa conviction adulte est confirmée par la vision de Daenerys, lorsqu’elle est dans l’hôtel des Nonmourants.
Viserys, songea-t-elle d’abord à l’étape suivante, mais un second coup d’œil la détrompa. S’il avait bien les cheveux de son frère, l’homme était de plus haute taille, et ses prunelles étaient non pas lilas mais d’un indigo prononcé. « Aegon, disait-il à une femme qui, couchée dans un grand lit de bois, donnait le sein à un nouveau-né. Se peut-il meilleur nom pour un roi ?
— Composeras-tu une chanson pour lui ? demanda la femme.
— Il en a déjà une, répliqua l’homme. Comme il est le prince qui fut promis, sienne est la chanson de la glace et du feu. »
Rhaegar et Aegon sont bien des descendants d’Aerys et de Rhaelle, ce qui validerait la prédiction de la compagne de Jenny. On remarquera néanmoins que ces interprétations souffrent de lacunes : Rhaegar ne semble pas pouvoir être rattaché à une étoile rouge, et Aegon a un lien incertain avec le sel et la fumée… Le plus problématique, concernant ces deux personnages, comme le relève Jorah Mormont, étant surtout qu’ils sont morts sans avoir rien accompli de ce qu’annonçait la prophétie.
Elle hocha la tête. « Lui et une femme alitée qui donnait le sein à un nouveau-né. En lui affirmant que l’enfant était le prince des prédictions, mon frère l’invitait à le nommer Aegon.
— Il eut en effet le prince Aegon, son héritier, de son épouse Elia de Dorne, admit ser Jorah. Mais si c’était là le prince promis, la promesse alla se fracasser contre un mur en même temps que son crâne par la grâce des Lannister. »
L’apparition d’un prétendu Aegon Targaryen dans l’intégrale 5 pourrait bien ressusciter cette interprétation…
Toutefois, les doutes émis quant à son identité réelle lui laissent peu de chance et Tyrion qui l’a rencontré préfère ne pas parler de lui comme une réalisation potentielle de la prophétie.
Le prince Aegon ne trouvera pas d’amis ici. Le prêtre rouge parlait d’une antique prophétie, une prophétie qui annonçait la venue d’un héros pour délivrer le monde des ténèbres. Un héros. Pas deux. Daenerys a des dragons. Pas Aegon. Nul besoin pour le nain d’être lui-même prophète pour prévoir la réaction de Benerro et de ses fidèles face à un deuxième Targaryen.
↑Stannis
Le candidat le plus évident est Stannis, puisque Mélisandre d’Asshaï ne cesse de répéter qu’il est Azor Ahai rené, le prince qui fut promis.
L’étoile saignante est apparue pour disparaître, et Peyredragon est le lieu du sel et de la fumée. Stannis Baratheon est Azor Ahai ressuscité !
Ou encore :
Mais la stupéfaction fut générale lorsqu’on entendit mestre Aemon murmurer : « C’est de la guerre pour l’aurore, madame, que vous parlez. Mais où donc se trouve le prince qui fut promis ?
— Il se tient devant vous, déclara Mélisandre, mais vous n’avez pas les yeux pour le voir. Stannis Baratheon est Azor Ahai reparu, le guerrier de feu. En sa personne sont accomplies les prophéties. La comète rouge a flamboyé au firmament afin de proclamer sa venue, et il porte Illumination, l’épée ardente des héros. »
L’interprétation de Mélisandre semble un peu moins farfelue, peut-être, que les précédentes : Peyredragon est une île volcanique, battue par des vents marins chargés de sel et entourée de panaches de la fumée des volcans. L’endroit peut en effet passer pour le lieu du sel et de la fumée. Au début de l’intégrale 2, une comète rouge a effectivement traversé le ciel et les partisans de Stannis l’ont assimilée à un signe positif pour eux. Même mestre Aemon est tenté de croire à cette explication, comme on l’a vu plus haut. Tout au long de l’intégrale 3, Mélisandre demande à Stannis le sacrifice de son neveu bâtard, Edric Storm, pour accomplir le destin d’Azor Ahai et réveiller « le(s) dragon(s) de pierre » , une (des) créature(s) à l’existence incertaine. Elle ne l’obtient pas, et la prophétie ne se réalise pas.
Mais très vite, les certitudes de Mélisandre vont être remises en question par les autres personnages qui vont nous fournir des contre-arguments à son interprétation. Le premier à discerner la vérité, c’est mestre Aemon :
— Vous désirez voir Illumination ? Un aveugle ?
— Sam sera mes yeux. »
Le roi fronça les sourcils. « Tout le monde l’a vue, pourquoi pas un aveugle ? » Le baudrier et le fourreau pendaient à une patère près du foyer. Il alla les décrocher et mit l’épée au clair. L’acier chuinta sur le bois et le cuir, et la loggia fut comme illuminée de rayons chatoyants, mouvants, or, jaunes et orangés, dont la vivacité de coloris n’était pas sans évoquer le feu.
« Décris-moi ce que tu vois, Samwell. » Mestre Aemon lui toucha le bras.
« Elle rougeoie, répondit Sam d’une voix étouffée. Comme si elle était en feu. Il n’y a pas de flammes, mais l’acier est jaune et rouge et orangé, il lance des éclairs et chatoie, comme le soleil sur l’eau, mais en plus joli. Je suis désolé que vous ne puissiez le voir vous-même, mestre.
— Je le vois, à présent, Sam. Une épée pleine de soleil. Si ravissante pour les yeux. »
[…]
Mestre Aemon demeura abîmé dans ses pensées tout le temps qu’ils tournèrent dans l’étroit colimaçon. Mais, quand ils se mirent à traverser la cour, il dit tout à coup : « Je n’ai pas senti de chaleur. Toi si, Sam ?
— De la chaleur ? Dégagée par l’épée ? » Il réfléchit. « L’air, autour, tremblotait, comme il le fait au-dessus d’un brasero.
— Mais tu n’as pas senti de chaleur, si ? Et le fourreau qui contient cette épée, il est en bois et en cuir, non ? Je l’ai entendu quand Sa Majesté a dégainé. Le cuir était-il roussi, Sam ? Est-ce que le bois t’a paru brûlé ou noirci ?
— Non, convint Sam. Pas que j’aie vu, toujours. »
Illumination, l’épée de Stannis, est fausse (on l’évoquait déjà dans notre article Lumière sur Illumination). On s’en doutait avec les chapitres de Davos, mestre Aemon l’a compris et confirmé. Il demande d’ailleurs à Sam de prévenir Mélisandre, inconscient du fait que c’est elle qui a fourni l’épée à Stannis :
L’épée est fausse, il faut qu’elle [Mélisandre] sache ça…, de la lumière sans chaleur… un prestige vide… l’épée est fausse, et la lumière fallacieuse ne peut nous mener que plus profondément dans les ténèbres, Sam.
Avant de quitter le Mur, mestre Aemon a donné à Jon Snow les clés pour le comprendre.
J’ai regardé l’ouvrage que mestre Aemon m’a laissé. Le Compendium de Jade. Les pages qui parlent d’Azor Ahai. Illumination était son épée. Trempée dans le sang de son épouse s’il faut en croire Votar. De ce jour, Illumination n’a jamais été froide au toucher, mais chaude, aussi chaude que l’avait été Nissa Nissa. À la bataille, la lame brûlait d’une ardeur féroce. Un jour, Azor Ahai a combattu un monstre. Quand il a plongé la lame dans le ventre de la bête, le sang de celle-ci s’est mis à bouillir. De la fumée et de la vapeur se sont déversées de sa gueule, ses yeux ont fondu et dégouliné sur ses joues, et son corps s’est embrasé. […] Dommage que celle que manie Stannis soit froide. Je serai curieux de voir comment son Illumination se comporte à la bataille.
Et ce ne sont pas les seuls arguments que Jon trouve pour contrer l’interprétation de Mélisandre :
Stannis est l’élu du Maître, destiné à mener le combat contre les ténèbres. Je l’ai vu dans les flammes, lu dans d’anciennes prophéties. Quand saignera l’étoile rouge et que s’amasseront les ténèbres, Azor Ahai renaîtra dans la fumée et le sel pour réveiller des dragons de pierre. Peyredragon est le lieu de fumée et de sel. »
Jon avait déjà entendu tout cela. « Stannis Baratheon était sire de Peyredragon, mais il n’y est pas né. Il est né à Accalmie, comme ses frères. »
Si Peyredragon est bien le lieu du sel et de la fumée, Stannis n’y est effectivement pas né, ni même rené. Mélisandre est d’origine orientale, elle arrive à Westeros quand Stannis a un lien fort avec Peyredragon, mais ce lien n’a pas toujours été. Mélisandre s’est persuadée elle-même qu’Azor Ahai était Stannis, car elle l’a vu dans son feu… Mais Mélisandre peut parfaitement se tromper, car comme elle le dit plusieurs fois, les visions sont vraies, c’est leur lecture qui est erronée. Et les autres personnages (Davos, Aemon et Jon) font régulièrement valoir que Mélisandre est particulièrement butée sur ses interprétations des signes, ce qui l’amène à commettre de nombreuses erreurs. On remarquera d’ailleurs que si elle désigne Stannis comme Azor Ahai reparu, elle est en fait celle qui réalise tout ce qu’Azor Ahai est censé accomplir dans la prophétie et les légendes : c’est elle qui lui donne Illumination, c’est elle qui prétend réveiller le(s) dragon(s) de la pierre. Comme dit mestre Aemon, elle crée une lumière fallacieuse, des mensonges, pour faire croire à son interprétation des signes, ce qui donne l’illusion de la validité, mais ne constitue en aucun cas une preuve réellement convaincante. Enfin, on se rappellera que si Stannis a bien un peu de sang Targaryen dans les veines, il n’est pas un descendant de la lignée d’Aerys et Rhaelle. Qui plus est Stannis se revendique « roi » et non pas « prince ».
Si pendant un temps, les flammes de Mélisandre lui ont montré Stannis chaque fois qu’elle espérait voir Azor Ahai, elle dit elle-même une fois parvenue au Mur qu’elle ne parvient plus à le distinguer dans ses flammes. Encore un signe que sa lecture était sûrement fausse. Stannis n’est pas Azor Ahai… D’autant qu’une interprétation beaucoup plus crédible apparaît peu après aux personnages.
↑Daenerys
Parvenu dans l’intégrale 4 à Braavos, mestre Aemon entend finalement parler de Daenerys et de ses trois dragons. Ceux-ci sont nés d’œufs que l’on croyait pétrifiés par le temps : des dragons issus de la pierre, l’accomplissement ultime de la prophétie d’Azor Ahai rené. À partir de là, sa conviction est faite : elle est le prince qui fut promis la princesse qui fut promise.
« Jamais personne ne s’est mis en quête d’une fille, dit-il. C’est un prince qui était promis, pas une princesse. […] L’erreur s’était sournoisement insinuée à partir de la transcription. Les dragons ne sont ni mâles ni femelles, Barth l’avait parfaitement discerné, mais tantôt l’un et tantôt l’autre, aussi changeants que la flamme. Le langage nous a tous induits en erreur pendant un millier d’années. Daenerys est l’élue véritable, elle qui est née parmi le sel et la fumée. Les dragons le prouvent. »
Contrairement à Stannis, Daenerys est bien née à Peyredragon, qu’on peut toujours identifier comme lieu du sel et de la fumée. Elle accomplit le destin d’Azor Ahai en faisant renaître les dragons de la pierre, alors qu’une comète rouge apparaît dans le ciel et qu’un long été s’achève. On remarquera qu’une autre formulation de la prophétie, légèrement différente, a été émise par Mélisandre :
« Les livres d’Asshai l’ont dès longtemps annoncé, un jour viendra où, après un long été, saigneront les étoiles et où s’appesantira sur le monde l’haleine glacée des ténèbres. En cette heure effroyable viendra un guerrier qui tirera des flammes une épée de feu. Et cette épée qui, nommée Illumination, sera l’épée rouge des héros, c’est Azor Ahai ressuscité qui la brandira, dissipant devant lui les ténèbres affolées. »
Une nouvelle fois, tous les éléments sont réunis pour valider l’interprétation que Daenerys est bien le prince qui fut promis : la fin de l’été et le passage d’une comète rouge (étoile sanglante). Daenerys est bien entrée dans le bucher funéraire de Drogo pour en retirer une épée de feu métaphorique : les dragons sont le feu fait chair. Contrairement à la froide épée de Stannis, ils sont brûlants. Ajoutons à ça que Daenerys est bien une descendante de Rhaelle et Aerys, comme le voulait la prédiction de la compagne de lady Jenny. Elle est donc à l’heure actuelle la principale et plus sérieuse candidate au titre de prince qui fut promis.
Nombre d’autres personnages vont également en venir à cette conclusion, notamment le grand prêtre de R’hllor de Volantis, Benerro (qui y voit surtout une opportunité politique) :
Benerro a transmis la nouvelle arrivée de Volantis. Sa venue accomplit une ancienne prophétie. De la fumée et du sel elle est née, pour refaire le monde. Elle est Azor Ahai revenu… et son triomphe sur les ténèbres amènera un été qui jamais n’aura de fin… La mort elle-même ploiera le genou, et tous ceux qui mourront en combattant pour sa cause seront ressuscités…
Samwell partage également la conclusion de mestre Aemon à archimestre Marwyn… mais celui-ci se montre légèrement plus sceptique, en rappelant la nature profondément traîtresse des prophéties :
« Mestre Aemon croyait que Daenerys Targaryen était l’accomplissement d’une prophétie…, elle et non pas Stannis ni le prince Rhaegar ni le petit prince dont on fracassa le crâne contre le mur.
– Née dans le sel et la fumée sous une étoile sanglante. Je connais la prophétie. » Marwyn détourna la tête et cracha sur le sol un glaviot de morve rouge. « Non que j’y ajouterais foi volontiers. Gorghan de l’Ancienne Ghis a écrit jadis qu’une prophétie est comme une femme traîtresse. Elle prend votre membre dans sa bouche, et vous en gémissez de plaisir et vous vous dites, oh, ce que c’est doux, oh, ce que c’est bon, ce que c’est divin… ! et puis ses dents se referment d’un coup sec, et vos gémissements se transforment en glapissements. Telle est la nature de la prophétie, dit Gorghan. La prophétie vous tranchera la bite à chaque coup. » Il reprit quelque peu ses mastications. « Et pourtant… ».
C’est entre autre à cause de la nature traîtresse des prophéties que les lecteurs vont chercher d’autres explications, encore informulées par les personnages.
↑Les hypothèses des lecteurs
« Les personnages ont toujours tort » dit un dicton utilisé par les forumeurs et les lecteurs pour justifier leurs théories. Si la sentence est abusive, il faut admettre que la saga n’est pas finie, et que George R.R. Martin peut toujours nous surprendre avec un retournement de situation. Il est donc tout à fait possible qu’une nouvelle interprétation apparaisse et puisse paraître valide dans les futurs tomes.
↑Qui d’autre ?
De nombreux personnages ont été envisagés au fil des années par les lecteurs comme candidats au titre de prince qui fut promis. Suivant l’exemple de mestre Aemon et de Mélisandre, on peut étirer l’interprétation des signes. Le sel et la fumée sont faciles à trouver dans de nombreux chapitres, l’hiver et la comète rouge dans le ciel sont apparus pour tout le monde et chaque personnage y a vu le signe qui l’arrange.
Partant de là, plusieurs petites hypothèses ont pu être proposées au fil des années, comme Bran. Il a un rôle central dans l’histoire. Il est bel et bien « prince » (de Winterfell, une fois Robb proclamé roi du Nord). Il a bien vécu plusieurs renaissances, puisqu’il a frôlé la mort ou été réputé mort (la chute de la tour, le sac de Winterfell). Il a apparemment un lien avec la lutte contre les Autres et l’hiver. Ses futurs pouvoirs de vervoyant laissent penser qu’il pourrait éventuellement accomplir dans le futur un acte proche du réveil des « dragons de la pierre » (une éruption volcanique ?).
Si on reste sur l’idée que la traduction de « prince » est erronée et qu’il faut chercher une « princesse », on peut aussi penser à Sansa ou Arya, même si aucun élément concret ne vient l’appuyer (après, on a quelques éléments littéraires sympas à relever, comme leurs changements d’identité qui peuvent être vu comme autant de renaissances successives). D’autres hypothèses évoquent Theon, car il a un lien fort avec le sel, qu’on retrouve souvent chez le peuple insulaire des Fer-nés. Lui aussi est « prince » depuis que son père s’est couronné, et il a revendiqué le titre de prince de Winterfell. Victarion est parfois évoqué, entre son rapport à la mer (le sel), le fait qu’il soit passé proche de la mort dans ADWD, et qu’il a désormais un bras qui fume. Enfin, sans qu’ils soient « prince » ou « princesse », on peut aussi penser à Samwell (descendant d’une lignée noble) et Brienne (qui a un lien de famille ténu avec les Targaryen et reprend par certains aspects le mythe d’Azor Ahai, comme de recevoir une épée magique pour accomplir sa quête, grâce à son âme sœur).
Trouver un Azor Ahai rené devient presque un jeu, tant la saga foisonne de personnages, plus ou moins obscurs, considérés comme des princes : les Martell, le Prince en Guenilles, Jalabhar Xho, même Xaro Xhoan Daxos… Ces hypothèses sont attrayantes ou distrayantes, mais aucune ne remplit parfaitement la liste des critères du prince qui fut promis. Il en est toutefois une qui se démarque.
↑Jon Snow
On en revient toujours à Jon, qui semble être l’accomplissement de toute prophétie, le but de toute la saga… Jon est une hypothèse de lecteur, pour le moment, mais qui pourrait à terme devenir une hypothèse de personnages. Il remplit admirablement les conditions citées dans la prophétie de Mélisandre. La prophétie annonce la renaissance d’Azor Ahai lorsque « les ténèbres qui se regrouperont » (the darkness gathers), ce qui n’est pas sans rappeler le début du serment de la Garde de Nuit, prononcé par Jon : « La nuit se regroupe » (Night gathers). À cela s’ajoute le fait qu’une « étoile rouge » s’est mise à « saigner » dans le dernier chapitre de Jon :
Le mort était ser Patrek du Mont-Réal ; sa tête avait en grande partie disparu, mais ses armoiries étaient aussi distinctives que son visage. […]
Wun Weg Wun Dar Wun rugit encore une fois, tordit et tira l’autre bras de ser Patrek. Celui-ci s’arracha de l’épaule dans une gerbe de sang rouge vif.
Or il a été établi précédemment que ser Patrek portait comme armoiries « un semis d’étoiles à cinq branches. »
On se souviendra aussi qu’en parlant d’Aegon, Rhaegar disait qu’il était le « prince qui fut promis » et que « sienne était la chanson de la glace et du feu ». Or, pour beaucoup de lecteurs, il semblerait que Jon soit en fait le fils de Rhaegar et Lyanna (les détails sont à retrouver ici). Si cette théorie était avérée, Jon remplirait la condition posée par la compagne de lady Jenny, il serait bien lui aussi un descendant de la lignée d’Aerys et Rhaelle. De plus, comme Rhaegar symbolise le feu de par son ascendance Targaryen et Lyanna symbolise la glace de par son ascendance Stark, on aurait un « prince » (bâtard ou pas) véritablement issu de la chanson de la glace et du feu.
La mort de Jon à la fin de l’intégrale 5 fait toutefois qu’il ne pourra pas accomplir le destin d’Azor Ahai…
Sauf que des indices laissent à penser qu’il pourrait bien ressusciter (la présence de Mélisandre, Selyse et Shôren au Mur ; ses dons de change-peaux avec Fantôme), et donc, renaître parmi le sel (encore des larmes ?) et la fumée (d’un bucher sacrificiel ?). Des éléments qui pourraient remettre en cause la première interprétation de Mélisandre… Celle-ci pourrait finir par se détourner de Stannis et par concevoir que Jon est le véritable prince qui fut promis. Le terreau est propice, car elle dit elle-même dans son chapitre :
Je prie pour entrevoir Azor Ahai, et R’hllor ne me montre que Snow.
Jon pourrait bien être l’ultime candidat au titre de prince qui fut promis… à moins qu’il ne s’agisse d’un ultime égarement des personnages et des lecteurs.
↑Et si…
Les prophéties et les mots sont trompeurs, comme meste Aemon nous le fait comprendre lorsqu’il finit par penser que ce n’est pas un « prince qui fut promis » , mais une « princesse » . On se trompe peut-être tout autant en attendant une figure salvatrice unique, alors qu’il se pourrait qu’elle soit en fait multiple. Tyrion préfère ne pas parler du prince Aegon aux prêtres rouges, craignant leur réaction face à un second Targaryen, leur prophétie n’admettant a priori qu’un seul héros … Or, dans la vision de Daenerys chez les Nonmourants, Rhaegar dit que son fils (Aegon) est le prince qui fut promis, mais il ajoute : « Il doit y en avoir cependant une autre. Le dragon a trois têtes. ». Les Nonmourants reprennent cette étrange maxime, et mestre Aemon regrette également d’être trop vieux pour être une des trois têtes du dragon. Ce nombre trois est très important dans la mythologie des Targaryen (les trois conquérants Visenya-Aegon-Rhaenys, les trois têtes du dragon des blasons Targaryen, les trois dragons de Daenerys), et plus généralement, dans la saga (les triarques, les trois morts offertes par Jaaen H’ghar à Arya, les trois tentatives d’Azor Ahai pour forger Illumination). Le personnage de Daenerys est d’ailleurs particulièrement marqué par ce nombre dans les prédictions des Nonmourants, qui marchent toutes par trois. Avec les trois dragons, on s’attend naturellement à ce qu’il y ait trois dragonniers (au moins) dans la saga. De la même manière, il se pourrait qu’il y ait en définitive plusieurs personnages qu’on puisse interpréter comme étant le prince qui fut promis, chacun reprenant une part du destin annoncé : Daenerys en réveillant les dragons de la pierre, un autre en combattant les Autres et l’hiver … On peut aussi imaginer que Martin, qui aime subvertir les trames scénaristiques habituelles, finisse par nous servir un prince qui fut promis qui échouerait ou n’accomplirait que très partiellement sa mission, ce qui n’est d’ailleurs pas incompatible avec l’idée d’interprétations multiples.
Mélisandre nous dit « si la lecture est erronée, la faute en revient au lecteur, pas au livre. » Chaque lecteur décide pour lui de croire ou non à la réalisation de cette prophétie, avec le(s) personnage(s) de son choix. Tout est affaire de croyance et d’interprétation, et il n’y aura peut-être aucune réponse universelle à cette question.
Et vous ? Qui voyez-vous dans le rôle du « prince qui fut promis » ? Venez nous le dire sur le forum.
Freuxpensant
Aaaah, c’est donc cela la lubie de Stannis: un hypothétique prince qui se considère comme le (seul vrai) roi ! 😉
Céleste
Super article ! On peut noter également que Daenerys fait un rêve qui ressemble à un présage de combat contre les Autres : « Mais c’est un dragon qu’elle montait, pas un cheval. Quand il lui apparut, sur la berge opposée, l’ost rebelle de l’Usurpateur était exclusivement revêtu d’armures de glace, et elle n’eut qu’à l’envelopper de feudragon pour qu’il se dissipe comme rosée, non sans transformer la rivière en torrent. ».
J’aime bien la possibilité Victarion, avec le cor Dompte-Dragon qui a aussi les caractéristiques d’Illumination je trouve.
Nagini
J’avais vu une théorie assez sympa sur une chaine Youtube, je ne sais plus exactement laquelle (La Citadelle ?)
Rhaegar serait le 1er essai rompu par l’eau (le Trident), Aegon le 2nd essai rompu métaphoriquement par le lion (Lannister) et le dernier et bon essai serait l’hypothétique trempe en Daenerys par Jon Snow dans les prochains livres…
Si on suit cette idée, les prétendants au titre de prince qui fut promis sont plutôt vus comme Illumination mais ça mérite d’être soulevé.
La patate tartinée
Très bon article. Cependant par rapport à Jon Snow vous semblez oublier qu’il ait été tué. Compliqué en de telles circonstances de sauver le monde des ténèbres.
Eridan
Oublié ? A quel moment ? C’est au contraire au cœur de la réflexion sur Jon.
« La mort de Jon à la fin de l’intégrale 5 fait toutefois qu’il ne pourra pas accomplir le destin d’Azor Ahai…
Sauf que des indices laissent à penser qu’il pourrait bien ressusciter (la présence de Mélisandre, Selyse et Shôren au Mur ; ses dons de change-peaux avec Fantôme), et donc, renaître parmi le sel (encore des larmes ?) et la fumée (d’un bucher sacrificiel ?). »
Pilou76
Et si le prince qui fut promis ne serait-il pas composé de plusieurs personnes ? (Aegon, Jon et Daenerys ?) Ça rejoindrait une nouvelle fois le chiffre 3 ?