Ah, décembre, son froid, ses plaids, ses chocolats chauds et ses marchés de Noël !… Attendez un instant… Noël ? J’ai bien entendu Noël ? Damned ! Vous n’avez encore rien préparé de vos petits paquets et vous vous demandez encore quoi offrir à votre tante Berthe ? Pas de panique ! Comme l’an dernier, les frangins et les frangines de la Garde de Nuit vont vous aider à trouver le cadeau parfait en vous conseillant les meilleurs livres qu’ils aient lu dans l’année. Qui plus est, ils doublent leur petite présentation d’une ancienne recommandation, histoire d’augmenter vos chances d’avoir des idées. Avec ça, aucun risque que vous puissiez vous planter, car il y en aura pour tous les goûts !
Et n’oubliez pas : achetez des livres et soutenez les auteurs !
↑Dans la forêt, de Jean Hegland
« Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Des rumeurs courent, les gens fuient. Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses.. »
Le pitch pourrait paraître extrêmement banal pour qui fréquente les sentiers de l’apocalypse littéraire depuis quelques temps déjà. Pourtant, le contexte de fin du monde est ici relégué à une toile de fond, sur laquelle personne n’a réellement d’emprise et que personne ne comprend. Les gens se contentent d’y survivre, simplement, comme Nell et Eva.
Difficile de résumer l’intrigue très contemplative de ce roman écrit à la première personne, journal intime de Nell rédigé dans le dernier cahier vierge qu’elle possède encore et où se mêlent à la fois les souvenirs d’avant la chute et les instants de la veille. La plongée progressive des deux sœurs vers les « racines de l’humanité » est à travers cette forme à la fois trépidante, faite d’épisodes qui se dévorent mais où les lignes bougent peu mais évoluent toujours. Bref, c’est difficile à résumer mais il suffit de lire les premières lignes du roman pour être accroché, tendu par le destin des deux filles et vous tenir jusqu’à son dénouement, évident, cohérent, qui vous donne une colle l’envie d’aller battre le sentier plutôt que de rester devant Netflix.
Si votre famille n’est pas roman, mais que cette ambiance pourrait les séduire, pas de problème, le dessinateur Lömig vient tout juste de mettre en image le roman aux édition Sarbacane et c’est plutôt joli !
Tout ça est très bien mais ça vous a l’air un brin contemplatif pour l’oncle ou la cousine qui vous a secrètement avoué avoir aimé regarder Game of Thrones l’an dernier entre deux films de braquage (mais dont vous savez que la saison 8 l’a déçu) ? Pas de problème, vous pouvez encore lui prendre Les Salauds Gentilhommes de Scott Lynch, recommandé par Nymphadora. Au programme : Fantasy mais pas trop, voleurs au grand cœur, plans pour des casses d’enfer, personnages hauts en couleur, action trépidante et surtout : une histoire qui n’a pas encore de fin !
Crys
↑Le Roman noir de l’histoire, de Didier Daeninckx… et d’autres ^^
Que l’exercice est difficile ! Choisir un livre parmi les livres lus cette année ! Non pas que l’année 2019 soit particulièrement faste en lectures réjouissantes mais quand tout de même, une année, douze mois, quarante-deux semaines, ça en fait des livres lus… D’abord, je ne vois pas comment je peux passer sous silence la parution en poche du Yankee à la cour du Roi Arthur de Mark Twain (éditions Libretto). Vous croyez avoir à faire à une satire du roman courtois et vous vous retrouvez, outre la satire – Mark Twain est un très grand satiriste -, avec un roman visionnaire, annonciateur des pires catastrophes de l’industrialisation au XXème siècle. Il faudrait en dire plus naturellement mais j’ai lu ce livre génial il y a plusieurs années, je le mentionne donc simplement pour les petits bourses, les cadeaux d’appoint et parce qu’il ne faut jamais rater une occasion de conseiller un chef d’oeuvre.Pour le livre de l’année, je pourrais parler de Francis Rissin aux éditions Tusitala mais alors je devrais passer sous silence Le Roman noir de l’histoire de Didier Daeninckx chez Verdier. Ce serait vraiment trop bête. Mais d’un autre côté, des premiers romans aussi maîtrisés et ambitieux que Francis Rissin, on n’en croise pas tous les ans, ni même tous les trois ans. Dites vous quand même que le premier chapitre fait penser à Roberto Bolano ! Roberto Bolano, quoi ! En passant, sache ami lecteur, que le premier volet de ses oeuvres complètes paraît chez L’Olivier en janvier, tu sais donc comment débourser les rondelettes sommes acquises à Noël. Et si tu n’as jamais lu Bolano, alors dis-toi que la félicité te tend les bras pour le prix d’un gros poche (2666 ou Les Détectives sauvages en Folio).
Mais revenons à nos moutons, il faut choisir et conseiller un livre et un seul ! Donc Francis Rissin, ce roman protéiforme qui, en 11 chapitres, multiplie les ambiances, les genres et les formes narratives, pour questionner de notre rapport, on ne peut plus actuel, à l’homme providentiel. Aucun doute, c’est un roman politique ! Comme le Didier Daenincks, tu me diras : Le Roman noir de l’histoire est en fait un recueil de 77 nouvelles, écrites sur les quarante dernières années, qui retracent un siècle et demi d’histoire contemporaine française. D’ailleurs, le premier chapitre (même si ce sont des nouvelles, il y a un classement par chapitre), n’est-il pas centré sur la Commune ?
Bref, je ne voudrais pas m’éparpiller, parler d’un livre puis d’un autre, ce n’est pas ce qu’on me demande ! Un livre, on a dit ! Donc Le Roman noir de l’histoire ! 800 pages de nouvelles, ça pourrait faire flipper mais franchement ce serait une erreur parce que Daeninckx excelle dans l’exercice. Et puis tout de même quelle idée géniale de les classer dans un ordre chronologique, de 1855 à 2030 ! D’une nouvelle à l’autre, on suit le cours de l’Histoire : Commune, Première guerre mondiale, Entre deux guerres, etc. Ah ça pour sûr, c’est un recueil de nouvelles structuré et cohérent !
En apparence tout le contraire de Francis Rissin où il y a autant d’histoires que de chapitres ! Un coup, on suit une universitaire qui s’arrache les cheveux en ne parvenant pas à mettre la main sur un texte intitulé Approche de Francis Rissin, un coup on suit des colleurs d’affiches chargés de recouvrir les murs des villes d’affiches portant la seule mention de Francis Rissin, un autre chapitre est en fait composé des extraits du journal de Francis Rissin, etc. Rien à voir avec la choucroute sauf qu’il est toujours question de Francis Rissin ! Mais putain, c’est qui Francis Rissin ? C’est l’homme providentiel et un coup d’Etat l’amène au pouvoir. Puisqu’on te dit que, comme chez Daeninckx, y’a de la politique !
Bon, je suis pas trop sûr d’avoir respecté les consignes. On avait dit un livre. Le Martin Mongin ou le Didier Daeninckx ? Franchement, c’est un crime de choisir. Bah… lisez les deux !
Athouni
↑La Voie des Oracles, d’Estelle Faye
On est au Ve siècle après Jésus-Christ. L’Empire romain, devenu chrétien, décline peu à peu. Les dieux du passé s’éteignent également. Thya, fille d’un général au passé glorieux, est oracle et doit cacher ses pouvoirs, qui sont peu au goût de la chrétienté. Elle vit une existence cachée et loin du monde dans une villa gauloise. Un beau jour, son père, un ancien général romain, est victime d’une tentative d’assassinat. Une vision lui indique de partir sur les routes gauloises, vers Brog, dans les montagnes du nord, où son père a autrefois remporté une grande bataille. C’est le seul moyen pour elle de sauver son père.
Soyez prévenus : la cible du cycle de la Voie des Oracles est assez jeune. Avec un roman initiatique, une découverte de soi et du monde, on est dans des thèmes qui sont typiques de la littérature jeunesse. Vous pouvez donc sans soucis mettre le premier tome du cycle, Thya, sous le sapin de vos petits neveux collégiens fanas de lecture.
Ici jeunesse ne veut pas dire basique : avec des personnages qui s’étoffent au fil des pages et une jolie écriture, on est très vite pris dans l’intrigue. Et le cadre du roman, une Gaule romaine peuplée de dieux plus ou moins mineurs et de créatures magiques, est plein de promesses. Personnellement, ça m’a ramenée à mes jeunes amours pour « l’affaire Caius » (Henry Winterfeld) et d’autres romans historiques de la Bibliothèque Verte de mon enfance. L’intrigue est bien menée, s’assombrit et se complexifie, les relations entre personnages et les caractères sont finement ciselés. Et si vous mettez le livre sous le sapin de vos petits neveux, il est probable que le reste de la famille apprécie également cette charmante série !
* Bon c’est bien gentil mais moi j’ai pas de petit neveu, je ne vais quand même pas offrir de la littérature jeunesse à Tata Josette * Hé bien, j’ai la solution pour vous : mettez sous son sapin Royaume de vent et de colère de Jean-Laurent Del Socorro, qui vous a été recommandé par Crys l’an dernier ! Un roman de fantasy historique formidable, qui fera aimer la fantasy à tous ceux qui n’y comprennent rien.
Nymphadora
↑L’Ours et le Rossignol, de Katherine Arden
Pour son premier roman, l’auteure nous emmène dans la Russie du XIVème siècle, à Moscou et surtout dans les terres septentrionales enneigées la majorité de l’année : Vassia naît dans une famille de seigneurs locaux, petite-fille d’une femme qui, disait-on, était une fille-cygne qui avait séduit le Grand-Prince de Moscou. Dans la famille de Vassia, la vieille Dounia raconte aux enfants les vieilles légendes de la Rus’, remplies d’êtres mystérieux aux pouvoirs surnaturels. Vassia grandit, et elle voit ce que personne d’autre ne peut voir : les êtres protecteurs du foyer ou des écuries, les esprits du lac ou des rivières… Et, encore enfant, elle croise l’Etranger, qui est aussi le Roi de l’hiver ou le démon du Gel…
Dans une ambiance marquée par la campagne russe médiévale et par le merveilleux des contes, l’auteure nous raconte l’enfance et l’adolescence d’une fille dont on devine que le destin ne sera pas commun. Certains personnages archétypaux sont réinventés, comme la jeune fille brimée par sa belle-mère qui devient elle-même une belle-mère haïssant sa belle-fille, par bigoterie et par peur des démons. Le personnage symbolisant la mort ne s’avère pas si malfaisant, mais il mène ses propres combats.
Ce n’est pas qu’un conte plongé dans le merveilleux, car d’autres thématiques sont dessinées, comme la lutte de l’Eglise contre les vieilles croyances, par le biais d’un prêtre qui lui aussi sort tout droit d’un conte, avec sa beauté hors norme et son emprise magnétique sur ses fidèles. Par ses pensées et ses actions, il symbolise le combat d’une religion implacable contre la nature et ses manifestations. L’impact de la nature sur les hommes n’est pas oublié, et celle-ci n’est pas systématiquement généreuse : les rivières et les forêts peuvent être dangereux pour les hommes isolés; une mauvaise année et la famine menace. Quant à Vassia et ses sœurs, elle permet à l’auteur d’aborder le destin des femmes dans cet univers patriarcal. Vassia n’acceptera pas qu’on lui impose le sien, mais Katherine Arden évite le piège de l’héroïne trop « badass ».
Ce livre est un très beau dépaysement et propose une vraie fin, mais il est aussi le premier d’une trilogie. Le deuxième tome est déjà paru en français, et le troisième le sera probablement l’année prochaine. Je vais me précipiter dessus !
FeyGirl
↑Tolkien à 20 ans, d’Alexandre Sargos
Plongée intimiste dans le passé d’un jeune J.R.R. Tolkien, Alexandre Sargos s’intéresse ici à la jeunesse du célèbre auteur, et comment celle-ci a participé à forger l’univers riche et les légendes de la Terre du Milieu. Un retour aux origines, non pas chronologique, mais divisé en chapitres chacun dédié à un aspect de sa vie d’enfant, d’adolescent ou de jeune adulte qui ont défini sa vision du monde, sa philosophie, et par conséquent son grand oeuvre.Bien qu’il ne s’agisse pas d’un ouvrage révolutionnaire, son approche est néanmoins des plus louables, se concentrer avant tout sur l’homme plutôt que l’auteur, ou plutôt, dirons-nous plus justement, sur se concentrer sur l’auteur à une époque où il s’ignore encore lui-même, et emmagasine des expériences de vie qui vont déterminer son identité, l’amenant à devenir le J.R.R. Tolkien que nous connaissons tous.
Un livre facilement transportable, idéal pour être lu n’importe où et quand, et complet sur le sujet sans être entièrement exhaustif, mais intéressant pour quiconque porte un intérêt sur Tolkien et l’époque dans laquelle il a grandi, son parcours au sein d’une Angleterre post-révolution industrielle puis en pleine Première Guerre Mondiale – une ère dont les travers vont forger la très forte rancœur de Tolkien pour ce que l’on appellera grossièrement, et peut-être à tort, « la modernité ». Une biographie qui à défaut d’apporter toutes nos réponses sur la philosophie de Tolkien, va nous enjoindre à revoir son univers et ses ouvrages sous un autre œil, et nous plonger peut-être dans des études supplémentaires sur ce singulier et attachant personnage.
Idéal en cette période d’exposition sur Tolkien à la BNF (jusqu’en janvier 2020), et de la réédition de nouvelles traductions du Seigneur des Anneaux.
Jean Neige
↑Conclusion
Avec pareille sélection, vous avez de quoi renforcer les piles à lire de tous les membres de vos familles et amis ! Et si rien de tout cela ne vous parle, n’hésitez pas à consulter l’annuaire de toutes les recommandations publiées sur le blog de la Garde de Nuit.
Freuxpensant
« une année, douze mois, quarante-deux semaines,… »
Sur quelle orbite te trouves-tu, Athouni ? A vue de nez, je dirai entre la Terre et Vénus… 😉
Athouni
Ah ah ! Grosse fatigue : j’ai retiré les 10 semaines de sommeil qui me font défaut. 😉