Tous les ans, le prix Imaginales, décerné lors du festival de même nom, récompense les meilleures œuvres de fantasy de l’année. Pour fêter la première participation au festival de la Garde de Nuit, nous vous proposons aujourd’hui dans le cadre de nos recommandations littéraires mensuelles de découvrir les romans primés aux Imaginales qui ont particulièrement marqué nos rédacteurs.
↑L’Héritage des Rois Passeurs, de Manon Fargetton
Prix Imaginale du meilleur roman francophone 2016
Avec L’Héritage des Rois Passeurs, Manon Fargetton signe un charmant livre de fantasy, qui nous amène en Ombre, un univers rempli de magie auquel on peut accéder depuis notre monde grâce aux Passeurs. On rencontre donc au début du livre Enora, passeuse de son état qui découvre ses pouvoirs, et Ravenn, princesse d’Ombre en exil et chasseuse de dragons qui veut retrouver son trône. Si l’histoire est plutôt classique (des passages entre univers, qui m’ont notamment rappelé l’une de mes séries favorite d’enfance), l’univers est très sympathique et certains personnages sont attachants et fouillés. Ça sent très fort le girl power rafraîchissant, à la limite du cliché parfois, mais qui colle le sourire aux lèvres, malgré parfois un peu de maladresse.
On ne va pas se mentir, au début, ça commençait pourtant mal : on rencontre Enora, et de manière générale j’ai eu des difficultés avec ce qui touchait au personnage. Mais dès qu’on arrive en Ombre, l’histoire décolle et on s’attache à la brochette de personnages principaux, et à cet univers complexe, plein de magiciens, de prêtres obsédés par le pouvoir, de dieux incognitos…
Bref une lecture que j’ai appréciée. Sans être un chef d’œuvre, il y a tant d’enthousiasme dans l’écriture que le charme opère. Manon Fargetton a écrit un second livre dans l’univers d’Ombre, et j’y retournerai avec plaisir (d’autant plus que selon les échos que j’ai pu en entendre, l’écriture du second livre est plus aboutie. L’œuvre a d’ailleurs également reçu un prix Imaginales).
Nymphadora
↑Le Déchronologue, de Stéphane Beauverger
Prix Imaginale des Lycéens 2012
Ah, les Caraïbes, le XVIIème siècle, les pirates et les flibustiers, les montres à quartz et les micro-ondes. Heu… Attendez, y a un souci là, non ? Le Déchronologue est le récit du capitaine Henri Villon, écrit sous forme d’un journal, dans l’archipel des Caraïbes aux prises avec certains soucis d’ordre temporel…
J’ai adoré ce bouquin. Disons-le tout de suite, je ne suis pas forcément objectif lorsqu’on parle de voyage dans le temps et autres tripatouillages temporels, donc il faut peut-être prendre du recul sur mon avis. Mais bon sang que la lecture était plaisante ! Plonger dans les eaux chaudes de cet archipel uchronique (forcément avec des objets modernes à disposition, ça devient vite compliqué) et suivre les aventures du capitaine était vraiment génial.
Et surtout, point important (et qui peut dérouter), les problèmes temporels sont aussi intégrés dans la structure même du livre. Comme je l’ai dit, c’est écrit sous forme de journal de bord, avec la date et le lieu où se déroule l’action. Sauf que, étant donné que le Temps fait un peu n’importe quoi, les chapitres sont rangés dans le chaos chronologique le plus complet. Et pourtant, ce récit totalement désordonné garde du sens et est parfaitement compréhensible.
En gros, le livre est une sorte de puzzle qu’on prend plaisir à lire deux fois : une fois tel qu’édité par l’écrivain et une deuxième fois dans l’ordre chronologique du journal de bord.
Ce livre est une sorte d’expérience étrange où l’on peut totalement ressentir le désarroi qui s’est emparé du monde. C’est plaisant, déstabilisant et rafraîchissant. Si vous aimez les jeux temporels et autres uchronies, vous ne serez pas déçus du voyage. Parole de pirate ! 😉
Geoffray
↑Une histoire naturelle des dragons, de Marie Brennan
Prix Imaginale du meilleur roman étranger 2016
Objet un peu particulier, ce premier tome des Mémoires de Lady Trent, sans constituer une révolution littéraire, a bien des charmes. D’abord, car il nous présente un univers victorien sans pour autant… le situer à l’époque victorienne ! En effet, si la Fantasy à la sauce steampunk se mâtine souvent d’uchronie, l’originalité de Marie Brennan ici est de nous entraîner dans une société qui n’est pas sans rappeler Sherlock Holmes et Downton Abbey tout en la plaçant dans un univers propre, et en lui substituant son caractère souvent très urbain pour lui préférer Le monde perdu de Conan Doyle. Ainsi, son héroïne narratrice est une femme que tout destine à faire un beau mariage mondain pour les beaux yeux de ses parents, mais qui préfère disséquer de petits dragons-insectes dans sa chambre pour comprendre comment ils sont faits. Car oui, il y a des tas de dragons dans ce monde, et oui, le personnage principal n’hésite pas à les sacrifier sur l’autel de la connaissance. Ce dernier point apporte une nuance réellement bienvenue à lady Trent, même si elle ne porte pas encore ce nom.
La voilà donc partie pour la Vystranie (qui évoque immédiatement notre Scandinavie) où elle cherchera à comprendre certains phénomènes étranges dans les montagnes aux côtés de lord Hylford. Si sur le plan intrigues, cela s’avère parfois un peu prévisible, les ambiances sont saisissantes et on se surprend à vouloir en savoir plus sur ces dragons et sur cet univers, qui se prolonge au cours de trois tomes avant de s’achever (tomes que je n’ai pas encore lus).
Pour tous les amateurs de reptiles volants (mais qui n’ont pas peur de les voir mourir) et de tasses de thé avec Maggie Smith, voilà une lecture chaudement recommandée !
Crys
↑Les Lames du cardinal, de Pierre Pevel
Prix Imaginale des lycéens 2009
Ah, la France au début du XVIIème siècle, son cardinal Richelieu, ses guerriers qui, après la défaite du siège de La Rochelle défendent la couronne de France contre les dragons… Heu… Attendez, y a un souci là, non ? Les Lames du cardinal est le récit en trois livres (le premier est indépendant des deux autres) d’une unité d’élite travaillant pour Richelieu qui est à nouveau formée, cinq ans après sa dissolution après la débâcle du siège de La Rochelle. Si Nymphadora vous avait déjà parlé du Paris des merveilles, il était temps de faire entrer ce classique dans nos recommandations. Là aussi, l’auteur part d’une situation connue en ajoutant une légère uchronie. Sauf qu’on n’est pas à la Belle Époque mais au temps de Louis XIII et Richelieu avec des dragons parfois anthropomorphes. Avec leur magie, ils veulent faire tomber la dynastie régnante en France et étendre le pouvoir qu’ils ont déjà sur d’autres cours en Europe (notamment l’Espagne). Richelieu donne donc ordre à Étienne-Louis La Fargue de reformer son unité d’élite et de recruter de nouveaux membres. Il faudra pas mal de talent aux huit « lames » pour défendre la couronne au milieu des complots, trahisons, duels, sortilèges, impliquant bon nombre de pays voisins de la France, ainsi que des ennemis de l’intérieur.
La trilogie lorgne beaucoup vers le roman de cape et d’épée (quelle surprise) et se lit avec plaisir, même si certains retournements sont parfois peu surprenants. Si cela vous a plu, vous pouvez continuer l’aventure car la trilogie a été déclinée en jeu de rôle (avec des lames… de tarot).
R.Graymarch
↑La Quête d’Ewilan, de Pierre Bottero
Prix Imaginale de meilleure oeuvre pour la jeunesse 2004
Pierre Bottero est, sans aucun doute, l’auteur francophone (si ce n’est l’auteur tout court) qui m’aura le plus marqué. Accompagnant ma croissance avec ses livres reliés à Gwendalavir, de 2003 à sa mort (tragiquement prématurée) en 2009, il s’intégrait à une période charnière, le passage de l’enfant à l’adulte ; sa force, le distinguant à mes yeux de la plupart des autres écrivains « jeunesse » que j’appréciais à l’époque (Philip Pullman, Erik L’Homme, Serge Brussolo, etc), fut de parvenir à faire évoluer ses personnages et son style en même temps que son lectorat. Au fil de ses trilogies, l’univers s’assombrit, les sujets se corsent, les personnages principaux mûrissent, et si on trouve un vrai côté « jeunesse » à La Quête d’Ewilan, Le Pacte des Marchombres ne dénote pas aux rayons de « fantasy adulte ». Ajoutons à ça le fait que toutes ces trilogies soient liées entre elles, ce qui ravit l’amateur d’univers étendus que je suis (coucou Brandon Sanderson), et la disparition soudaine de l’écrivain alors qu’il était au faîte de son talent et nous préparait vraisemblablement un nouveau chef d’oeuvre (dont le premier tome, Les Âmes Croisées, est sorti de façon posthume et a reçu le Prix Imaginale des collégiens 2011, laissant tous ses fans dans le désespoir), et vous tenez probablement les explications à mon amour pour lui.
« Mais, Jon, si on revenait au livre, parce que pour l’instant, à part nous dire que c’est génial, tu n’as pas été fort descriptif ! »
Fort juste. La Quête d’Ewilan, donc, première trilogie dans l’univers de Gwendalavir, nous fait suivre une jeune fille, Camille Duciel, adolescente un peu rêveuse, dont la vie bascule lorsque son pavillon est attaqué par des créatures étranges, et qu’elle se retrouve soudainement projetée dans un autre monde, Gwendalavir. Dans cet univers qui reprend les codes de la fantasy en les adaptant à une toute nouvelle sauce, elle découvrira son Don, le Dessin, qui lui permet d’altérer la réalité grâce à son imagination. Elle découvrira également que l’Empire est en danger, les Sentinelles chargées de le protéger ayant été trahies par l’une des leurs, laissant le champ libre aux Ts’liches, des créatures maléfiques et très puissantes qui préparent une invasion. Sa quête sera alors, accompagnée d’un très attachant et pas si classique groupe d’ « aventuriers », d’aller délivrer les Sentinelles – dont font partie ses véritables parents, car elle est en fait Ewilan Gil’Sayan…
Si le schéma général de cette première trilogie est somme toute très classique (un héros qui s’ignore, descendant sans le savoir d’un lignage prestigieux, aux pouvoirs incomparablement puissants, doit, avec ses compagnons, sauver le monde de méchants et puissants monstres, en découvrant son monde au passage ; on pourrait faire rentrer bien des livres dans cette description !), elle s’en détache et le dépasse grâce à des monceaux d’originalité (dont l’un, hélas, est que notre héros est une héroïne, chose encore suffisamment rare pour être signalée – et il ne s’agit pas du seul personnage principal féminin), un univers bien construit qui nous happe, et l’écriture extrêmement fluide et addictive de Pierre Bottero, dont on enchaîne les pages sans voir passer le temps.
Jon
↑Conclusion
Nous espérons vous avoir fait découvrir de chouettes lectures ! N’hésitez pas à réagir, ou ajouter vos propres idées dans les commentaires. Et si vous n’avez pas trouvé votre bonheur ici, vous pouvez toujours retrouver les conseils des mois précédents dans l’annuaire de toutes les recommandations publiées sur le blog de la Garde de Nuit. Vous y retrouverez notamment d’autres prix Imaginales que nous vous avions déjà recommandés 😉