La rentrée vous a laissés lessivés et vous avez déjà envie de vacances ? La Garde de Nuit va tenter de vous changer les idées et de combler vos envies d’exotisme ! Ce mois-ci, nous vous amenons en Orient avec nos recommandations littéraires mensuelles. Histoire d’attendre TWOW entourés de parfums d’épices, de soieries colorées… et surtout de bons livres !
↑Sharakhaï, de Bradley P. Beaulieu
L’Orient, c’est un vaste programme… De mon côté, je vous emmène dans un univers de fantasy oriental inspiré du Proche et du Moyen-Orient, qui sent bon la route de la soie et le sable du désert. Plus précisément, je vous emmène à Sharakhaï, une cité prospère dirigée par douze rois immortels depuis des siècles. Nous découvrons la cité au travers de Çeda, combattante d’arènes débrouillarde, qui se lance dans une quête des responsables et des raisons du meurtre de sa mère. Sa quête va progressivement l’amener à faire face aux douze rois, des souverains cruels et accrochés à leur pouvoir, mystérieux et sans pitié, protégés par leur unité d’élite de guerrières et par les asirim, des genres de spectres enchaînés à eux par un sinistre pacte.
La saga, aux belles couvertures illustrées par Simonetti chez Bragelonne, devrait vous faire voyager. Malgré quelques longueurs, on plonge dans un monde épicé où rien n’est noir ou blanc. Les douze rois antagonistes ont ainsi le bon goût de n’être pas un grand méchant monolithique, mais un groupe d’individus rongés par le pouvoir, avec ses luttes intestines, qui rend la découverte des enjeux passionnants. Au milieu de machinations mystérieuses, le tout dans une atmosphère envoûtante, on est assez vite happés. Et surtout, la saga vous porte grâce à une atmosphère extrêmement bien écrite, où la ville de Sharakhaï devient un personnage à part entière et où le désert vous emporte. Je mettrais un bémol sur les personnages auxquels on a parfois du mal à s’attacher. Mais dans l’ensemble, je vous recommande de visiter Sharakhaï !
Nymphadora
↑Le Don de la pluie, de Tan Twan Eng
Le Don de la pluie, c’est du roman historique façon L’Hiver du Monde (Ken Follet) mélangé à… on ne sait trop quoi, une pincée de roman d’initiation, un brin de mysticisme et de différentes philosophies asiatiques. On y suit Philip, adolescent malaisien d’origine anglo-chinoise. En 1939, sa famille loue une petite île voisine a Endo, un diplomate japonais qui vient d’arriver. Philip noue une relation profonde avec celui qui, très vite, devient son professeur d’aïkido. Relation qui peu à peu amène troubles et questions. Les Japonais ont envahi la Chine, mais Endo ne ressemble pas aux horribles Japonais décrits. Les Japonais sont de plus en plus nombreux en Malaisie, mais Endo n’a sûrement rien à voir avec eux. Et quand les Japonais envahissent le pays, Philip se retrouve pris au piège de l’amitié, de sa naïveté, et des petites ou grosses compromissions qu’il a déjà, sans s’en rendre compte, effectuées. Déchiré entre son pays envahi, son senseï japonais qui lui propose de travailler pour lui et sa famille britannique qu’il doit protéger, Philip traverse la Seconde Guerre mondiale comme il peut, en faisant face à son destin et à ses choix.
Un roman à la croisée des mondes et des philosophies asiatiques, où rien n’est simple et rien n’est facile, mais qui assurément emporte son lecteur sur les plages et dans les jungles de Malaisie.
DNDM
↑1Q84, de Haruki Murakami
1984, Japon : Aomame est une trentenaire solitaire dont le travail consiste à… tuer des hommes violents avec leurs femmes. Peu à peu, elle s’aperçoit qu’elle a basculé dans un monde parallèle, extrêmement proche de notre réalité : le monde de 1Q84 (*).
Tango est un professeur de mathématiques qui écrit des romans jamais publiés, mais son éditeur lui propose de réécrire le manuscrit mystérieux et fascinant d’une adolescente, La Chrysalide de l’Air.
Mais ce manuscrit est-il un simple roman ?
Quel est le lien entre Aomane et Tango ?
Que veulent les Little People, ces êtres mystérieux dont parle La Chrysalide de l’Air ?
L’auteur prend son temps pour décrire le quotidien des protagonistes, mais aussi pour installer lentement son univers fantastique et envoûtant, et il finit par évoluer vers un récit policier où les pires monstres ne sont pas toujours des entités surnaturelles mais des êtres humains.
Une plongée dans le Japon des années 80, qui est peu à peu happée par une ambiance irréelle et parfois onirique.
(*) en japonais, 1984 et 1Q84 ont la même prononciation.
FeyGirl
↑Incendies, de Wajdi Mouawad
Je vous emmène pour ma part au Proche-Orient, et plus précisément au Liban. Incendies est le second volet d’une trilogie écrite par Wajdi Mouawad, auteur d’origine libanaise, qui comprend deux autres pièces Littoral et Forêts : trois textes centrés autour de la recherche d’identité et la quête des origines. Au début de la pièce Incendies, Nawal, mère de deux enfants jumeaux, vient de mourir, et dans son testament elle demande à ses deux enfants, Simon et Jeanne, d’aller à la recherche de leurs origines, de quitter le Canada dont ils croient être originaires pour retourner au Liban, où se trouvent encore un frère et un père qu’ils m’ont jamais connus. La pièce va donc s’organiser autour du voyage entrepris par les jumeaux, mais aussi autour de flash-back permettant aux spectateurs de connaître la vie de leur mère Nawal au cours du temps.
Témoignage terrifiant de l’horreur des guerres civiles libanaises et quête initiatique de l’origine, Incendies est l’une des plus grandes pièces du théâtre contemporain. Faisant sans cesse allusion au mythe d’Œdipe, la pièce prend aux tripes, les larmes coulent et des phrases comme « L’enfance est un couteau planté dans la gorge » vous noient de tristesse. La pièce a fait par ailleurs l’objet d’une adaptation cinématographique en 2010 par Denis Villeneuve (Premier Contact, Blade Runner 2049).
O’Cahan
↑Vagabond, de Takeshi Inoue / Musashi, de Eiji Yoshikawa
Au Japon, la figure de Musashi Miyamoto n’est plus à présenter. Considéré comme l’un, si ce n’est le, plus grand samouraï de tous les temps, auteur de traités fondamentaux pour la philosophie de son époque et sabreur hors pair, il a laissé une marque permanente dans la culture de son pays, engendré et inspiré d’innombrables œuvres et personnages de fiction.
La plus célèbre d’entre elles reste le roman Musashi, de Eiji Yoshikawa – divisé en deux tomes, La Pierre et le Sabre et La Parfaite Lumière. Une œuvre initiatique qui traite de la plus grande quête entreprise par Miyamoto Musashi (le nom se dit en premier en japonais), à la fois physique, spirituelle et philosophique : celle d’un rōnin (un samouraï sans maître, autrement dit) se décidant à suivre la Voie du Sabre. Nous suivrons Musashi dans son périple et ses diverses aventures, apprendront avec lui à porter un nouveau regard sur son monde, et le nôtre, à travers une épopée mêlant poésie, romance et duels, ainsi qu’une ribambelle de personnages attachants et fascinants gravitant autour du protagoniste.
L’œuvre de Yoshikawa est désormais culte, et n’a pas tardé à engendrer des adaptations sur d’autres supports. Le mangaka Takeshi Inoue a ainsi lui-même entrepris une grande quête depuis 1998 : adapter le roman Musashi en un manga – du nom de Vagabond. Tout en vouant une fidélité et un amour immense au support original, Inoue parvient à re-ancrer cette œuvre intemporelle qu’est l’aventure romantique narrée par Yoshikawa dans un réel graphique et visuellement riche, à travers son dessin et son trait précis. Ajoutons à cela des choix narratifs inédits révolutionnant entièrement l’héritage laissé par Yoshikawa, notamment une nouvelle interprétation du personnage de Kojiro, éternel rival de Musashi et duelliste hors pair lui aussi.
Action, initiation, découverte de soi, romance, philosophie; rien n’est laissé de côté.
Si le roman de Yoshikawa lui-même est un incontournable, Vagabond se doit d’être considéré comme son égal et selon vos préférences de support ou vos envies actuelles, ce grand récit pourra être abordé par une œuvre ou l’autre, chacune ayant son apport spécifique au mythe historique de Miyamoto Musashi.
Jean Neige
↑Conclusion
Nous espérons vous avoir fait découvrir de chouettes lectures ! N’hésitez pas à réagir, ou à ajouter vos propres idées dans les commentaires. Et si vous n’avez pas trouvé votre bonheur ici, vous pouvez toujours retrouver les conseils des mois précédents dans l’annuaire de toutes les recommandations publiées sur le blog de la Garde de Nuit.
Amarei
Je suis bien tentée par les deux derniers.
no_one
Dois toujours redonner sa chance à 1Q84. Ai vu l’adaptation d’Incendies, marquante – bien que le casting de Simon et la possibilité du tt chronologiquement m’aient laissé perplexe… Et (à défaut de Vagabond) je plussoie la reco du Musashi d’Eiji Yoshikawa ; des cinéphiles pourront se tourner vers la trilogie de Hiroshi Inagaki avec l’incontournable Toshirō Mifune
(Pas fan du thème du mois, cela dit. « L’orient » ça fait un peu fourre-tout euro-centré tout de même.)