Savez-vous quel est le plus gros cycle romanesque de George R.R. Martin ? Le Trône de Fer avec ses cinq romans de 1000 pages chacun ? Ah ah, vous êtes naïfs ! (ou vous n’avez pas lu le titre de cet article, au choix). Non, il s’agit bien sûr de la saga Wild Cards, avec ses vingt-sept volumes au compteur. Mais dis-moi Jamy, c’est quoi, Wild Cards ?
Illustration de tête : Marc Simonetti
↑La saga Wild Cards
Bon, je triche un peu, Wild Cards n’a pas été écrit seulement par George R. R. Martin. Il s’agit d’une série de « romans mosaïques » écrite en collaboration avec une bonne quarantaine d’auteurs, parmi lesquels GRRM lui-même bien sûr, mais aussi des grands noms comme Daniel Abraham et Ty Franck (les deux auteurs de The Expanse) Melinda Snodgrass (scénariste sur Star Trek : la Nouvelle Génération) ou Roger Zelazny (auteur du cycle des Princes d’Ambre). GRRM est le créateur de cette saga, un des auteurs principaux des deux premiers cycles et y a aussi le rôle d’éditeur, c’est à dire qu’il choisit les auteurs et les coordonne afin qu’ils écrivent tous autour d’une même trame, dans un même univers cohérent. Pour simplifier, on pourrait dire que son rôle se rapproche de celui de certains showrunners pour les séries télévisées. Depuis 2007, il est aidé dans cette tâche par Melinda Snodgrass, parce que l’écriture de sa saga du Trône de Fer ne lui donne plus le temps de faire ce travail tout seul.
Bref, ce n’est pas une œuvre de George R.R. Martin seul, mais il y a quand même un rôle prédominant.
Mais du coup, Wild Cards, ça parle de quoi ? L’intrigue débute en 1946, lorsqu’un virus expérimental extra-terrestre, le Wild Cards, est lâché au-dessus de Manhattan. Ce virus a pour particularité de donner à chaque contaminé des super-pouvoirs aléatoires. Dit comme ça, ça a l’air cool pour les infectés. Sauf qu’en fait non, pas du tout. Parce que les pouvoirs que confère le virus sont vraiment aléatoires. Quand ton pouvoir par exemple est « ton sang se transforme en lave » bah tu crames juste de l’intérieur et tu meurs. On estime que 90% des infectés ne survivent pas plus de quelques jours. Et sur les survivants, 9 sur 10 ont des pouvoirs qui sont handicapants. Ça peut aller de simples défigurations, comme avoir la peau transparente et tous les organes visibles comme Chrysalide, ou bien des cas plus graves comme Quasiman, un homme dont des morceaux de son corps et de son esprit se perdent régulièrement dans une dimension inconnue avant de revenir, ne laissant dans notre monde qu’une partie de lui incomplète et changeante. On appelle ces gens là les Jokers. Leurs difformités et leurs handicaps font qu’ils sont souvent rejetés par leurs familles ou leurs voisins, et ils vivent majoritairement dans un quartier de New York appelé Jokertown.
Et puis il y a les quelques rares qui ont eu des pouvoirs plutôt avantageux, les un pour cent de chanceux dans cette histoire. On les appelle des As, mais, loin de vouloir partir dans des trips de super-héros, la plupart veulent juste vivre une vie normale, et ne sont pas intéressés par sauver le monde / défendre la justice / indiquez ici tout hobby de super-héros classique. Comme le dit George R.R. Martin, Wild Cards est plus une série sur des gens qui ont des pouvoirs qu’une vraie série super-héroïque.
Car oui, Wild Cards se veut être une série réaliste. Adieu les héros increvables qui ressuscitent tous les quatre épisodes, les super-vilains qui s’évadent des centaines de fois de prisons et les équipes de super-héros qui vont sauver le monde tous seuls. Dans ce récit uchronique, les personnages devront faire face au Maccarthisme, à l’épidémie de sida des années 80 et à la peur qu’entraînent leurs pouvoirs aux yeux de la population… George R.R. Martin compare d’ailleurs régulièrement l’ambition réaliste et uchronique de Wild Cards à la saga Watchmen, d’Alan Moore sortie quasiment en même temps.
En plus de son concept qui déconstruit les codes du genre superhéroïque, Wild Cards est également une cas assez unique dans l’histoire de l’écriture collaborative. Des univers partagés, il en existait déjà avant Wild Cards, même en romans, mais c’est la première fois qu’on essaie à tel point de réunir les différents récits pour faire, non pas des anthologies de nouvelles, mais de vrais romans.
George R.R. Martin a toujours été un grand fan de comics. Ses premiers textes publiés, comme Y’a que les gosses qu’ont peur du noir, étaient des récits de super-héros, qui sortaient dans des fanzines indépendants. Par la suite, cette passion ne le quittera pas totalement, il pensera à écrire une nouvelle super-héroïque réaliste qu’il ne fera finalement jamais, et scénarisera même un court épisode des X-Men en 1985. Ce n’est donc pas étonnant qu’il allait avec ses camarades traiter ce sujet… à leur manière.
↑L’influence de Wild Cards sur Le Trône de Fer
Que ce soit d’un point de vue stylistique ou thématique, Wild Cards est une œuvre qui a énormément influencé l’écriture de George R.R. Martin dans sa saga suivante, Le Trône de Fer, et ce principalement de par son concept. Par exemple, avant Wild Cards, George R.R. Martin n’avait encore jamais écrit de grande fresques mosaïques, avec plusieurs dizaines de personnages « point de vue », chacun vivant sa propre histoire plus ou moins connecté aux autres, mais le tout formant un récit cohérent où chacun apporte sa pierre. Ses récits se limitaient pour la plupart à un seul point de vue, voire parfois deux, mais rarement plus. Mais le concept de récit collaboratif pour Wild Cards a naturellement orienté le projet vers des romans choraux, romans choraux dont la forme a été conservée pour Le Trône de Fer.
Autre thème très présent dans Le Trône de Fer et presque absent dans les romans antérieurs à Wild Cards, celui des « infirmes, bâtards et choses brisés ». On trouve de nombreuses personnes avec un handicap à Westeros : Tyrion Lannister, atteint de nanisme, son frère Jaime Lannister, devenu manchot, Bran Stark, qui est paraplégique, ou encore Samwell Tarly, atteint d’obésité, ou Brienne de Torth, de gigantisme… Tant de personnages qui doivent surmonter à la fois leurs limites physiques, mais surtout le regard que la société porte sur leur condition. Là encore, ce thème est apparu chez George R.R. Martin avec Wild Cards. Les Jokers, ceux qui ont reçu des « pouvoirs » très handicapants, doivent surmonter le même problème que des Tyrion, de Brienne ou des Samwell, celui de se faire accepter par une société qui les rejette car ils sont « difformes ».
↑La future série TV à succès ?
Depuis 2016, une adaptation en série TV de la saga est en court de production, avec Melinda Snodgrass, la coéditrice de Wild Cards avec GRRM, en co-productrice. Ce projet est en développement chez Universal Cable Productions, un studio qui a notamment réalisé des séries comme Mr Robot ou Battlestar Galactica. À l’heure actuelle, aucun showrunner et aucune chaîne n’ont encore été annoncés, mais le projet semble pourtant bien avancé, étant donné que Tor Books, l’éditeur américain qui publie la série de romans a récemment fait de la communication sur cette future adaptation télévisuelle. L’avenir nous dira ce qu’il en est, mais croyez bien que la Garde de Nuit vous tiendra au courant de toute avancée.
↑Composition de l’œuvre
↑Livres parus en français
Les sept premiers volumes de la saga Wild Cards sont parus en français, chez J’ai Lu, collection « Nouveaux Millénaires ».
La triade originelle
La première triade s’intéresse principalement à l’histoire de la propagation du virus de 1946 à 1986, et des conséquences qu’il a eu pour l’humanité, mais aussi pour ses créateurs.
- Wild Cards (1987)
- Aces High (1987)
- Jokers Wild (1987)
Le cycle du Marionnettiste
Ce cycle raconte les événements qui mènent aux élections présidentielles américaines de 1988, une élection très tendue étant donné que parmi les deux candidats favoris, il y a un extrémiste religieux souhaitant enfermer tous les As et tous les Jokers dans des ghettos afin de « protéger » le reste de la population, et un homme en apparence très ouvert, considéré comme beaucoup comme le plus grand défenseur des Jokers, mais qui est secrètement un psychopathe qui veut le pouvoir pour calmer les soifs de meurtres d’une entité qui sommeille en lui : le Marionnettiste. Une élection qui devrait pousser les protagonistes dans le pire dilemme cornélien qui soit.
- Aces Abroad (1988)
- Down and Dirty (1988)
- Ace in the Hole (1990)
- Dead Man’s Hand (1990)
La Triade des Permutants (début)
Dans un New York de plus en plus anxiogène, les autorités doivent faire face à une nouvelle menace. Les Permutants, une nouvelle sorte d’As aux pouvoirs dangereusement pervers, font régner la terreur en ville en enchaînant des crimes de plus en plus odieux. Pour échapper à la police, ils peuvent se réfugier sur le Rox, un mystérieux sanctuaire que des Joker ont bâtis pour vivre à l’écart du monde et de ses persécutions. Mais si l’alliance entre les habitants du Rox et les Permutants permettent aux deux groupes de survivre, il constitue également un véritable pacte avec le diable, qui peut dégénérer à tout moment…
- One-Eyed Jacks (1991)
- Jokertown Shuffle (1991)
↑Livres encore inédits en français
Roman solo
- Double Solitaire (1992)
La Triade des Permutants (suite et fin)
- Dealer’s Choice (1992)
Roman solo
- Turn of the Cards (1993)
Card Shark Triad
- Card Sharks (1993)
- Marked Cards (1994)
- Black Trump (1995)
The Revival
- Deuces Down (2002)
- Death Draws Five (2006)
The Committee Triad
- Inside Straight (2008)
- Busted Flush (2008)
- Suicide Kings (2009)
Mean Streets Triad
- Fort Freak (2011)
- Lowball (2014)
- High Stakes (2016)
The American Triad
- Mississippi Roll (2017)
- Low Chicago (2018)
- Texas Hold’em (2018)
Cycle Britannique
- Knaves Over Queens (2018)
- Three Kings (2020)
Renly
Article très intéressant,
Merci DroZo !
Aurore
Il faudra que je lise cette saga un jour. Ça nous change de ne pas voir des super-héros pétés de pouvoirs et contents de l’être.